1Le 17 septembre 1973, le comité central de l’Union de la jeunesse communiste de Roumanie confie au poète Adrian Paunescu la direction d’un cénacle itinérant, nommé Flacara (« la Flamme »), dans le but explicitement exprimé de faire de la jeune génération « l’homme nouveau » (Stoica 1975 : 17). Il s’agit d’une manifestation qui, par l’intermédiaire de la musique folk et de la poésie, « se propose de faire de chaque spectateur un admirateur de l’art de substance, de l’art engagé, par lequel lui et tout ce qui l’entoure monte avec tout ce qu’il y a de meilleur les marches ascendantes du socialisme » (id. ibid. : 19) et de promouvoir un art « vrai, conçu pour les gens, un art d’un profond militantisme civique et patriotique » (id. ibid. : 16).
- 1 Une bonne partie des données sur le cénacle Flacara a été puisée dans la revue Flacara qui tenait u (...)
2Ce cénacle a connu un très grand succès : il a organisé 1 615 séances qui rassemblaient des milliers de jeunes gens, remplissant les stades ou les maisons de la culture dans le pays entier jusqu’à son interdiction en 1985 1.
3Prenant comme point de départ l’énorme impact que cette manifestation a eu sur la jeune génération dans les années 1970-1980, je propose ici l’analyse du contenu, des procédures et des fonctions du cénacle Flacara par le biais d’une enquête basée sur l’observation de plusieurs sources, en mettant l’accent notamment sur les points de vue des gens y ayant participé en tant que spectateurs. Les entretiens que j’ai réalisés avec ces personnes ont eu pour but de comprendre la réception de cette manifestation à l’époque, le rôle de la poésie dans la vie des jeunes gens sous un régime autoritaire. La poésie promue dans le cadre du cénacle Flacara était, conformément au désir exprimé par ses organisateurs, au service de la propagande communiste. Elle a pu aussi être vécue comme une « soupape de liberté » dans un contexte idéologique étouffant, selon les affirmations de la plupart des participants à cet événement.
4La direction du cénacle a donc été confiée au poète Adrian Paunescu, figure représentative du rapport poésie-politique sous un régime autoritaire. A travers sa trajectoire littéraire et politique, on peut observer non seulement le « double jeu » des écrivains envers le pouvoir communiste, mais aussi les stratégies du pouvoir pour promouvoir sa politique par l’intermédiaire des artistes. Il n’est pas aisé de décrire une telle trajectoire dont les nombreuses fluctuations sont inscrites dans un contexte littéraire et politique qui ne se laisse pas facilement décrypter. Il faut ainsi reconstituer le contexte sociopolitique et culturel des années 1970-1980.
5Paunescu a fait son entrée en littérature dans les années 1960 avec une nouvelle génération qui rejette de plus en plus le réalisme socialiste et réclame la primauté de l’esthétique dans l’évaluation des œuvres littéraires. Ces années sont celles d’un relatif dégel général en Roumanie. Le Parti communiste passe peu à peu d’une politique philo-soviétique à une politique nationaliste qui promeut les leaders locaux et les grandes figures de l’histoire nationale. La spécificité nationale, la possibilité de trouver une voie propre de développement de la littérature dans chaque pays sont des thèmes de plus en plus développés. Les écrivains profitent de cette réorientation et, pendant la Conférence nationale des écrivains de février 1965, ils s’engagent devant le parti à perfectionner le langage artistique pour que leurs œuvres littéraires « affirment d’une manière de plus en plus convaincante et avec une force émotionnelle de plus en plus grande le message de notre culture dans le monde entier, son originalité et ses traits particuliers, notre spécificité nationale ».
6En 1965, Paunescu publie son premier volume de poésies, Ultrasentimente (Ultrasentiments). Par la pratique de la métaphore et du lyrisme, il s’inscrit dans la ligne générale de ses pairs. Les critiques littéraires roumains caractérisent aujourd’hui ses débuts de la manière suivante : « “Le plus jeune poète de cette République”, aspirant à devenir “le plus grand poète des Roumains”, esquissait dès ce moment-là un autoportrait qui allait se préciser dans ses livres ultérieurs : chanteur de la cité par excellence, dans une poésie discursive, pathétique, expression d’un vitalisme frénétique et d’une grande capacité de la métaphore » (Zaciu 2000 : 626). A l’époque, il bénéficie très vite de la reconnaissance du public en publiant des volumes de vers que la critique littéraire reçoit favorablement (Micu & Manolescu 1965 : 146), et qui sont récompensés par l’obtention à deux reprises du prix de l’Union des écrivains.
7Manifestant des dispositions à se faire le porte-parole de la communauté, du peuple de la cité, Paunescu précise peu à peu ses options littéraires :« Je veux me dresser contre la forte tendance d’avant-gardisme et contre la tendance d’hermétisme qui occupe une bonne partie du champ visuel du lecteur de poésie […] la poésie roumaine doit se débarrasser de ce complexe stérilisant de la modernité. » Il se prononce fermement contre une littérature d’évasion et pour une littérature sociale (Paunescu 1969 : 7).
8L’entrée dans la vie littéraire va de pair avec les débuts dans la vie politique. Le 1968 roumain, lorsque Ceausescu refuse que le pays participe à l’invasion de la Tchécoslovaquie aux côtés de l’Union soviétique, est un moment d’enthousiasme pour beaucoup d’intellectuels roumains parmi lesquels Paunescu, qui s’inscrit alors au Parti communiste où il va militer jusqu’à la chute du régime, « conformément à sa volonté d’œuvrer pour le bien-être du pays », comme il le formule aujourd’hui (Paunescu 2002).
9A cette époque, il écrit des poésies antisoviétiques, des vers dédiés à la Bessarabie et à la Bucovine (territoires roumains inclus alors dans l’URSS).
10Mais la liberté que les écrivains espéraient obtenir dans la création littéraire et dans la vie sociale en général s’est vite révélée une illusion. Après l’apparente libéralisation des années 1960, le parti recommence sa politique de contraintes. Les « Thèses » de 1971 (Ceausescu 1971) annoncent une nouvelle offensive contre l’autonomie de l’espace littéraire. Le discours de Ceausescu du 10 février 1971 devant les gens de culture en donne pleinement la mesure : « Les gens ont édifié tout ce que l’on admire aujourd’hui, tout ce qui nous a portés et nous porte en avant sur le chemin du progrès et de la civilisation. Ce sont ces gens nouveaux qui doivent être les héros des œuvres des écrivains et des artistes. Pour ces gens on doit écrire, composer, peindre, sculpter […]. L’âme de l’homme nouveau, sa conscience ouvrent à l’artiste un horizon illimité d’investigation. La recherche et l’expression de cet univers humain palpitant – voilà ce que nous demandons aux créateurs d’art. »
11C’est la preuve évidente de la volonté de l’immixtion du politique dans l’espace littéraire et du fait que le parti avait encore une fois besoin des créateurs pour imposer sa nouvelle ligne qui tendait vers un mélange très particulier de communisme et de nationalisme. Ceausescu demande aux écrivains de promouvoir tout ce qui a de la valeur créative mais « sans tolérer rien de ce qui contredit nos conceptions ». Le devoir des écrivains sera de « contribuer activement à l’édification de l’homme nouveau », à la formation « de la conscience socialiste », au « développement de l’humanisme socialiste ». Tous les discours de Ceausescu sont de plus en plus imprégnés par l’idée de la nation. Ceausescu critique en parallèle ceux qui louent seulement les réalisations étrangères, surtout occidentales. Désormais, l’espace public roumain connaît l’exacerbation d’un nationalisme dont les directions étaient déjà annoncées dès 1965.
12Comme Katherine Verdery l’a observé, la réinsertion du discours national dans la politique communiste a été facilitée par le fait que ce discours avait déjà une valeur symbolique pour la communauté intellectuelle roumaine. Dans l’entre-deux-guerres notamment, « ce discours avait déjà obtenu une force symbolique majeure par son institutionnalisation et son autonomisation partielle dans la politique et la science ». Verdery considère que le Parti communiste a été « forcé » d’entrer sur le terrain des valeurs nationales sous la pression des intellectuels qu’il ne pouvait pas engager autrement et pour lesquels la nation a toujours représenté un symbole clef, une continuité (Verdery 1994).
- 2 Parlant d’une continuité de débat entre la période de l’entre-deux-guerres et le nationalisme de Ce (...)
- 3 Le « protochronisme » est un terme créé par Edgar Papu en 1974 et désigne une prétendue anticipatio (...)
13Au nom de la nation, à partir des années 1970, le monde intellectuel est divisé entre tendance occidentaliste et orientation « autochtoniste », dans la suite du débat de l’entre-deux-guerres entre les autochtonistes et les synchronistes 2. Les « synchronistes » et les « protochronistes » 3 invoquaient les uns et les autres la culture nationale. « Tandis que les premiers entendaient la servir en professionnels et défendaient l’autonomie de l’esthétique, les valeurs traditionnelles de la culture nationale et la synchronie avec l’Occident, les seconds insistaient surtout sur les valeurs autochtones qu’il fallait préserver des influences étrangères » (Capelle-Pogacean 1998 : 5-33), ainsi que « sur l’idée d’une destinée roumaine qui se déroule depuis des millénaires sur le territoire de l’ancienne Dacie » (Durandin 1988).
14C’est à cette époque que Paunescu obtient la direction de la revue Flacara, qui va devenir alors l’un des porte-parole les plus convaincants de l’idéologie officielle par sa position clairement subordonnée à la propagande nationaliste. Dans le discours poétique et politique de Paunescu abondent tous les thèmes et les mythes promus par les directives officielles et son orientation est de plus en plus proche de la position de poète de cour.
15La revue Flacara a été, en effet, le lieu principal de la création du culte de Ceausescu. Celui-ci y est présenté, le plus souvent par des articles et des poésies signés Adrian Paunescu, comme « notre Conducator », « notre exemple », « le premier homme du pays », « le dirigeant du destin roumain », « l’honnête Conducator du sage pays », etc.
- 4 Roi dace qui aurait réalisé le premier Etat dace centralisé.
- 5 Voïvodes des pays roumains. Voir, sur ce point, les poésies Les Daces libres (Dacii liberi) ou Temp (...)
- 6 Qui signifie la sortie de la Roumanie de la Seconde Guerre mondiale.
16Par ailleurs, les mythes de la propagande nationale-communiste submergent les pages de la revue. On y retrouve des portraits des héros nationaux, les récits de « leur lutte héroïque contre les ennemis du pays » et même une généalogie fabuleuse qui fait de Ceausescu le continuateur légitime de Burebista 4, Mircea le Grand ou Michel le Brave 5. Les « dates mémorables de notre histoire nationale » sont célébrées dans la revue, à commencer par le 23 août 1944 6, « la fête suprême de notre nation », événement présenté comme « conçu et préparé principalement sur l’initiative des communistes, œuvre des gens, de la nation entière ». On y célèbre aussi l’indépendance nationale et la Grande Union de 1918, la glorification des origines mythiques des Roumains comme continuateurs des Daces (ainsi peut-on trouver dans les pages de la revue un Cantique daco-roumain !). La poésie patriotique et les discussions sur ce sujet occupent une place importante dans la revue qui invite la littérature à s’inspirer notamment de l’histoire nationale.
- 7 Le Chant de la Roumanie a été un festival national pour la promotion de la culture de masse, mobili (...)
17La même thématique et les mêmes symboles ont été mis en circulation pendant les spectacles du cénacle Flacara mais, à la différence de la revue portant le même nom, tout y était présenté d’une manière plus subtile, plus insidieuse, dans une forme plus conforme au goût du jeune public auquel ils s’adressent. Les organisateurs étaient peut-être conscients qu’un style direct, trop rigoureux, n’aurait pas réussi à attirer des foules de jeunes gens. D’ailleurs, c’est ce que les participants interviewés, des lycéens à l’époque, ont souligné : « Si cela avait été comme pour le 23 août, on n’y serait pas allé » (N.). Cette manifestation a eu la qualité de se détacher, par la poésie, la musique et la subtilité du message, de tout ce qui existait à l’époque : « Cela était différent, ce n’était pas Le Chant de la Roumanie 7 » (T.).
18L’enquête que j’ai entreprise a mis en évidence une rupture entre les buts officiels affichés à la création du cénacle et la perception des spectateurs sur cette manifestation. Les participants disent tous qu’ils n’avaient pas pris conscience du message idéologique transmis pendant les spectacles. Selon les commentaires d’un critique littéraire, il y aurait eu une manipulation subtile des masses, par le biais des symboles, des exercices d’exaltation et de suggestion collective, qui aurait produit une impression de liberté comme dans un vrai rituel (Negrici 1999 : 355). Les anciens participants déclarent qu’ils « s’intéressaient beaucoup moins à la dynamique et à la politique qui étaient à l’origine de cette manifestation et plus à la poésie et à la musique qu’on pouvait y écouter » (C.). Alors que Eugen Negrici affirme que Paunescu a mieux que quiconque servi le régime et la propagande de Ceausescu, encourageant le national-communisme, cristallisant et incarnant la doctrine du régime, beaucoup de participants considèrent que les poésies à caractère politique n’étaient qu’une sorte de cadre, nécessaire à l’époque, « un masque » (M.). A ce moment-là, ils ne s’en rendaient même pas compte, disent-ils : « Maintenant on se rend compte que c’était de la propagande, du patriotisme, mais là on était conscient qu’on participait à un spectacle patriotique ! On s’en fichait pas mal. On s’en fichait de leur communisme, moi je ne me sentais ni communiste, ni patriote, moi j’y allais pour m’amuser, et c’était ça, la distraction, on était avec des amis, on écoutait des poésies et on chantait. Quel communisme ? Qui venait là pour ça ? » (N.). D’autres ne se rappellent même pas les chansons imprégnées d’idéologie : « Ça n’avait rien avoir avec Ceausescu, moi j’allais là par plaisir, s’il y avait eu quelque chose avec Ceausescu, qui serait allé à la fête ? Il n’y avait rien de forcé là » (D.) ou : « Je me rappelle rien de politique, ou bien il n’y en avait pas, ou bien moi je me souviens de rien de ça » (S.). Même plus, « on n’avait pas le sentiment d’endoctrinement comme à l’école ou comme à la télé » (M.).
19Néanmoins, certains se rappellent les chansons patriotiques, mais ils ne les percevaient pas comme faisant partie d’une manipulation idéologique, comme quelque chose de politique : « Ah, bon, il y avait des poésies patriotiques, des poésies de Paunescu, qu’il récitait lui-même, par exemple, je me rappelle sa poésie La Terre, pour le moment, ou la chanson avec C’est ainsi le Roumain. Mais ça, c’étaient des chansons patriotiques, qui parlaient de l’amour pour la patrie, rien de politique… » (S.). Tant qu’on ne parlait pas de communisme et de communistes, les jeunes étaient contents de participer à ce cénacle : « Des poésies avec une nuance patriotique, oui, il y en avait, mais pas avec le parti, pas avec Ceausescu » (T.). Certains se souviennent pourtant que de temps en temps Paunescu les faisait acclamer le nom du président du pays ou que les poésies étaient même modifiées, « contenant tout d’un coup un vers qui parlait de Ceausescu » (T.). Parfois on ovationnait même le nom de Paunescu lorsque celui-ci faisait semblant de mettre fin au spectacle. Cependant, les témoignages laissent l’impression que cet aspect était secondaire, que c’était un comportement de « fans » criant pour faire plaisir à l’idole, afin qu’à son tour elle leur fasse plaisir en prolongeant le spectacle.
20Les jeunes spectateurs disent aujourd’hui qu’ils ne se laissaient pas prendre dans le jeu politique : « Ils voulaient peut-être qu’on aille là pour qu’on acclame Ceausescu, mais ce n’était pas comme ça » (N.).
21Comment s’explique le succès de ce cénacle ? Tout d’abord par l’atmosphère qu’engendraient la musique, la danse et la poésie, une atmosphère particulière qui se distinguait de tout ce qui existait à l’époque. Alors que le politique s’exprimait brutalement en direction de la population de plus en plus réticente, le cénacle savait traduire d’une manière plus efficace les thèmes privilégiés du discours officiel et s’adresser aux jeunes gens dans leur style propre. Par rapport à d’autres manifestations de masse, comme Le Chant de la Roumanie, où prédominaient la musique et la poésie patriotiques et traditionnelles, le cénacle a ouvert le chemin au rock et à la musique folk. Quelques-uns se rappellent avec nostalgie les groupes rock qui faisaient leurs débuts sur la scène du cénacle Flacara, groupes qui « ont enchanté notre jeunesse » (T.). En même temps, ils se souviennent de la musique étrangère – en réalité des adaptations, des reprises des airs à la mode, des chansons des Beatles ou de Bob Marley – sur laquelle Paunescu incrustait ses propres textes. Pour ce qui est de la musique folk, le point de vue officiel recommandait aux compositeurs de « se pencher vers la mélodie de notre terre, vers le folklore » (Stanca 1975 : 13), de « créer une musique inspirée, facile à retenir, harmonieuse et avec des lignes mélodiques simples, sans variations multiples et ostensibles » (Spirescu 1975 : 13). La musique folk était conçue comme un moyen propice à la transmission de créations patriotiques et révolutionnaires, favorable à « l’expression des sentiments les plus aigus, transfigurant l’attitude de la jeune génération envers son époque, envers tel ou tel aspect, politique, social ou culturel de notre réalité immédiate » (id. ibid. : 13). Pourtant, les jeunes spectateurs, privés de la musique moderne, ressentaient ce genre musical comme un équivalent des courants musicaux protestataires de l’Occident : « A un spectacle de Paunescu, je pouvais écouter de la vraie musique, la musique folk roumaine, authentique, sinon qu’est-ce qu’on pouvait avoir ? J’écoutais à Radio Free Europe de la bonne musique, Joan Baez, Janis Joplin ou d’autres, et chez Paunescu, de la musique libre, du folk authentique, parfois il y avait de la musique étrangère aussi. Je te le dis, c’était l’équivalent du Flower Power et du Festival de Woodstock » (T.). La plupart des participants affirment aujourd’hui que les chansons les touchaient, que les poésies s’adressaient à leur âge, à leurs émotions et espoirs. Tout dans la conception du cénacle concourait à cette surexcitation collective : les poésies récitées par Paunescu et par des acteurs professionnels, les vers scandés par le public, les chansons que tout le monde connaissait et chantait dans un balancement collectif, les briquets allumés. « On aimait, tous on connaissait les chansons par cœur, on les chantait tous ensemble » (D.), comme si « on était à des spectacles des Beatles ou d’un grand groupe musical » (L.). Cela engendrait un état d’euphorie, un délire au milieu duquel on ne se rendait plus compte du passage subtil de la poésie et chanson d’amour à des textes patriotiques. Cela contribuait aussi au sentiment d’appartenir à une communauté, à une sorte de solidarité sociale : « On aimait tous la même chose, on se liait d’amitié avec des gens, on allait là pour rencontrer nos amis » (D.). Il est vrai qu’aujourd’hui certains perçoivent cela comme un « esprit moutonnier : on y allait parce que tous les amis y allaient » (G.).
22Ce spectacle « interactif » (S.) donnait la sensation de pouvoir s’exprimer librement dans une époque de censure et d’autocensure. Rien de l’endoctrinement n’a été retenu par les anciens participants. Au contraire, ils se rappellent les billets audacieux envoyés à Paunescu pour lui réclamer telle ou telle poésie ou chanson, pour lui transmettre des impressions sur le spectacle ou pour lui poser toutes sortes de questions, billets qu’il lisait sur la scène. On ne saura jamais s’il y avait un tri de ces messages. En même temps, la manifestation donnait la possibilité aux spectateurs d’exprimer leurs qualités artistiques : « Si moi j’étais doué, il me laissait là, sur la scène, me manifester, chanter… » (M.).
23Le mot liberté est vraiment le mot clef de tous les témoignages des interviewés. Ils ont perçu le cénacle avant tout comme une possibilité de s’amuser ensemble librement. A une époque où les distractions étaient contrôlées, où les discothèques fermaient à 22 heures, « là on pouvait rester jusqu’au matin et après cela on rentrait tous à pied à la maison, pratiquement on continuait la distraction dans la rue, on chantait ensemble jusqu’à la maison, c’était extraordinaire, les rues pleines de gens qui chantaient… » (D.). « Il n’y avait pas d’autre événement où on pouvait s’amuser comme ça, nous on n’a pas eu autre chose » (G.). De sorte que le cénacle était attendu dans la ville : « Chaque fois que Paunescu venait dans notre ville, j’adorais y aller, j’ai pas raté un seul de ses spectacles » (E.).
24Les spectateurs se rappellent aujourd’hui que les gens se bousculaient à l’entrée, ils se foulaient aux pieds, l’un a perdu ses chaussures, un autre se souvient qu’une amie s’est évanouie, une autre se remémore simplement : « Qu’est-ce qu’on était beaucoup ! » Les spectacles contribuaient à la création d’une illusion de liberté, à la mise en place d’un cadre apparemment dénué de toute contrainte : « On entourait le stade en courant avec les artistes, quand on avait envie de chanter, on chantait, on faisait ce qu’on voulait, personne ne t’imposait rien » (D.). « Pour moi, en tant que jeune homme à cette époque-là, ça a été une oasis de liberté », affirme T.
25Ces spectacles faisaient office de soupape de sécurité pour toute une génération. Cela permettait aussi de rassembler les jeunes sur les stades et de leur offrir une distraction collective contrôlée. En fait, le cénacle Flacara, sous une forme plus souple, remplissait la même fonction de renforcement du régime. Il tenait son rôle avec efficacité : beaucoup d’anciens participants disent qu’ils préféraient le cénacle à la discothèque ; d’autre part, les parents des adolescents de 15-17 ans permettaient plus facilement à leurs enfants d’aller « chez Paunescu » plutôt qu’en boîte. Chez Paunescu il y avait « quelque chose de sérieux, de la poésie, de la musique, pas comme dans les boîtes, si j’avais dit à mon père que je voulais aller dans une boîte, il n’aurait jamais accepté » (D.).
- 8 Les spectacles du cénacle Flacara pouvaient être écoutés à la radio dans une émission hebdomadaire (...)
26Comprise par tout le monde, la poésie récitée transposée sur la musique ou sur les scènes du cénacle parlait des « plus pauvres », des paysans, des ouvriers, de l’égalité, de la paix, du passé héroïque de la Roumanie ou de l’amour. Les gens admiraient Paunescu et aimaient sa poésie à l’époque communiste, notamment parce que « cette poésie était facile à mémoriser, on ne faisait pas d’effort pour la comprendre, il y a des vers qui me sont restés dans la tête et je suis sûre que c’est une poésie qui va résister, moi j’aimais sa poésie » (M.). « Paunescu était aimé aussi par l’homme ordinaire, l’homme de la rue » (N.). Ainsi, même si parfois on n’aimait pas aller aux spectacles du cénacle, sa poésie était appréciée : « Je ne suis jamais allée au cénacle Flacara. Les miens ne me le permettaient pas. Mais on écoutait Paunescu à la radio ou à la télé 8. Je l’écoutais avec mes parents. Ils l’aimaient bien, eux aussi. Mon père aimait surtout ses chansons avec l’unité, la réunification de la nation, ça s’appelle Les Cloches sonnent je crois, et il y en avait d’autres » (C.).
27M. dit que « les poésies qu’on écoutait là te rendaient plus beau, aujourd’hui il n’y a rien de pareil, moi je me rappelle avec de la nostalgie tout cela, et on récitait des grands poètes classiques, des poètes contemporains, à moi ça me disait énormément, ça parlait de nous, de nos parents, de nos sentiments, j’ai beaucoup aimé ces poésies ». La manière subtile de transmettre le message patriotique se traduit dans le fait que les poésies imprégnées d’idéologie alternaient avec des poèmes d’amour et d’autres « qui s’adressaient à tout le monde », comme les appelle une des interviewées. Aujourd’hui ce sont plutôt ceux qui parlaient d’amour qu’on se rappelle – « Les chansons d’amour, on les aimait bien, ça parlait de notre âge, il y avait une chanson A l’âge de 20 ans, ou Adieu, toi et beaucoup d’autres » (E.). Etaient moins appréciées les poésies politico-patriotiques ou celles qui célébraient le président du pays, pourtant déversées dans les stades pendant le spectacle.
28Paunescu invitait d’autres poètes à venir réciter leurs vers devant le public. De cette manière, la scène du cénacle permettait à la jeune génération de découvrir la poésie contemporaine et les poètes avaient la possibilité de s’adresser directement à leur public. Ainsi, le poète Ioan Alexandru, invité au spectacle, déclare : « Je me rends compte que si peu de poètes ont accès à de telles rencontres ! […] Etre poète ici, chez nous, servir notre patrie dans la lumière de grands idéaux de la société socialiste roumaine est une joie aussi pour moi comme poète » (Stoica 1980 : 138).
- 9 Les chansons citées ci-dessus parlaient de la Bessarabie à une époque où ce territoire, peuplé de b (...)
29Ainsi que le critique littéraire Eugen Negrici l’affirme (Negrici 1999 : 355), Paunescu a profité de la nouvelle orientation du régime pour lui devenir indispensable et pour accéder à une position élevée dans la hiérarchie de la propagande. Il était « libre d’agir au-delà des limites connues, comme tout agent avec des missions spéciales », d’où l’impression du jeune public d’assister à des spectacles subversifs. Certains interviewés se rappellent que Paunescu critiquait parfois le régime communiste, qu’« il récitait des poésies contre les communistes, je me souviens d’une poésie qui disait : “Il est long le chemin vers le communisme…” Là, il se dressait contre eux. Il écrivait des odes pour Ceausescu, peut-être, mais il a écrit aussi la poésie Les Analphabètes, où il s’attaque aux communistes, non ? » (G.). Paunescu, lui-même, affirme aujourd’hui « avoir dépassé l’interdiction et remis en circulation les chansons N’oublie pas que tu es Roumain !, Belle Bessarabie, C’est ainsi le Roumain 9 » (Paunescu 2002). D’autres se souviennent qu’il tolérait et encourageait chez les jeunes un comportement « à l’occidentale » : « J’étais très heureuse, je me sentais vraiment libre quand il nous appelait génération en blue-jeans et Adidas, moi je pouvais à peine trouver une paire de vrais jeans à l’époque ! » (L.). Certains croient même aujourd’hui que Paunescu « se servait du parti pour faire connaître aux gens la poésie, sa poésie » (N.).
30En 1985 Paunescu a été éloigné par le pouvoir communiste : rançon de sa position ambiguë ? Il est difficile de savoir avec certitude ce qui s’est passé exactement, mais en 1985 le cénacle Flacara et, avec lui, la revue et l’émission de radio portant le même nom sont interdits par le pouvoir communiste.
31Selon la version officielle, l’interdiction du cénacle est due à un accident survenu dans le stade pendant un spectacle. A en croire Paunescu, l’interdiction est la conséquence de son attitude contestataire vis-à-vis du régime communiste de l’époque. Ainsi soutient-il que son exclusion de Flacara tient à ce que cette revue était devenue « une tribune pour tous ceux qui étaient mécontents, souvent en contradiction avec les institutions de l’Etat socialiste, qu’elle critiquait d’une manière véhémente, en pleine période de censure du régime totalitaire de Bucarest », et que le cénacle Flacara « était considéré comme un vrai parti parallèle, qui sapait l’autorité du parti unique, communiste » (Paunescu 2002). Il affirme aussi que son œuvre littéraire n’était plus conforme au goût des dirigeants : « Le deuxième volume du Manifeste pour le IIIe millénaire n’est pas paru en 1985 comme prévu, parce que je n’avais pas voulu y mettre ce que l’on m’avait demandé expressément (des odes et des hymnes). La situation s’était tellement dégradée, les libertés s’étaient transformées en leur contraire que je ne pouvais plus croire dans la valeur d’une ode ou d’un hymne… » (Paunescu 1990).
- 10 Ironiser sur la chimie équivalait à l’époque à se moquer d’Elena Ceausescu, qui, bien qu’elle n’ait (...)
32Ce qui est incontestable c’est que, plus que n’importe quel autre écrivain, Paunescu a écrit et récité en public à la fois des poésies contre le régime en place, faciles à décrypter, et des odes interminables dédiées à Ceausescu. Comme on l’a affirmé, sa trajectoire littéraire va de l’ode à la contestation et de la contestation à l’ode (Lovinescu 1994). Ses vers contre une époque dominée par la « schizophrénie » et par la « chimie » – allusions à la femme de Ceausescu 10 – étaient connus de tout le monde à l’époque. Mais on se rappelle aussi ceux où Paunescu appelait le président Ceausescu « l’auteur de notre renaissance spirituelle, l’auteur de notre confiance en nous-mêmes » (Paunescu 1981) et des envolées comme : « Nous sommes avec celui qui nous a libérés / Nous sommes avec vous, Nicolae… »
33Il est possible que le cénacle, créé dans le but de former une génération attachée aux valeurs communistes, n’ait pas offert les résultats escomptés. Il augmentait la popularité du poète au détriment du culte de Ceausescu. D’ailleurs, la plupart des participants se rappellent avoir scandé dans les stades le nom de Paunescu et pas celui de Ceausescu. En même temps, sur la scène et dans le public, il y avait parfois des manifestations qui dépassaient les limites imposées par le régime. Paunescu encourageait à la fois un comportement patriotique et dans l’esprit communiste, mais aussi une manière d’être non conformiste : il faisait l’apologie d’une certaine liberté – comme de porter des blue-jeans et les cheveux longs –, comportement mal vu par le régime en place. L’impression de liberté offerte par cette manifestation était si grande que les rumeurs qui circulaient à l’époque sont significatives : on parlait d’une certaine liberté sexuelle pendant les spectacles, d’une consommation exagérée d’alcool, de « débauche » : « Mon père ne me permettait pas d’y aller. Il disait que là les jeunes se déshabillaient, qu’ils buvaient et fumaient » (C.).
34Les dirigeants communistes ont-ils pensé que cette soupape offerte aux jeunes risquait de devenir dangereuse à un moment donné ? L’absence de réponse précise à toutes ces questions montre la difficulté d’analyser une telle époque dont les mécanismes sont d’autant plus compliqués qu’ils étaient le plus souvent dissimulés. Mais le poète Adrian Paunescu est bien représentatif du double jeu du pouvoir autocratique qui se servait des artistes tant qu’il en avait besoin et les éloignait lorsqu’ils dépassaient les limites imposées.
35En décembre 1989 on a pu voir dans les rues de Bucarest le poète Paunescu, menacé par la foule, obligé de s’abriter derrière les murs de l’ambassade des Etats-Unis pour échapper au lynchage public. En dépit de sa popularité, à la chute du régime communiste, le poète est associé aux complices du dictateur. Il a depuis procédé à un travail intense de reconstruction de son image et de réhabilitation de son personnage dans l’espace public. L’observation rapide de son trajet politique et littéraire après 1989 nous permet aussi de voir l’accueil réservé à son comportement politique et à sa poésie par le public roumain dans le nouveau contexte politique et culturel.
- 11 La Grande Roumanie, parti d’extrême droite dirigé par Corneliu Vadim Tudor et Eugen Barbu, à l’époq (...)
36Il n’est pas étonnant de retrouver le nom d’Adrian Paunescu, immédiatement après 1989, parmi les membres d’un parti qui, sous une autre appellation, exprimait la volonté de continuer l’existence du Parti communiste. Ainsi, entre 1992 et 1998, le poète est un membre important du PSM (Parti socialiste du travail), sénateur, premier vice-président et candidat de ce parti à l’élection présidentielle de 1996. Désirant justifier son option politique, il affirme, dans l’un des journaux qu’il dirige après 1990, que « le peuple roumain n’a jamais voulu l’anticommunisme, mais un socialisme plus humain » (Paunescu 1995). Après les élections de 1992, le PSM a constitué au Sénat un bloc national (sous le nom de Parti national) avec le parti Romania mare 11. En 1996, Paunescu se présente à l’élection présidentielle et n’obtient que 0,69 % des voix. Le PSM, n’ayant pas dépassé le seuil de 3 %, n’est plus représenté au Parlement. C’est peut-être la raison pour laquelle Paunescu présente sa démission de ce parti (en 1998), en adhérant au PSD (Parti social-démocrate), le parti du gouvernement actuel. Ion Iliescu, président de la Roumanie depuis les élections de 2001, ancien membre du PSD, est caractérisé par Paunescu comme « un remarquable homme politique », « l’un des hommes politiques les plus intelligents et éclairés que j’aie jamais connus » (Paunescu 1995). Cette trajectoire, ces déclarations ne semblent-elles pas se situer dans la droite ligne des dispositions anciennes à occuper une position de poète de cour ?
37Les anciens participants au cénacle Flacara caractérisent le trajet politique de Paunescu après 1989 comme celui d’un « voyageur politique » (A.), qui « fait tous les jeux politiques qui l’arrangent afin de retrouver le pouvoir qu’il a eu avant 1989 » (M.). La plupart des interviewés ne s’intéressent plus à sa carrière politique, exprimant un dégoût pour la duplicité caractérisant son comportement en ce domaine : « Ça ne m’intéresse plus ce qu’il fait, c’est un hypocrite » (E.), « il ne veut que profiter » (G.). D’autres considèrent qu’il « n’a rien à faire avec la politique » (N.), qu’il « a fait seulement une carrière d’orateur, avec des exaltations, des tirades, il ne peut même pas être appelé patriote ou nationaliste, c’est un mégalomane » (A.).
38La critique littéraire d’aujourd’hui nous montre que l’œuvre de Paunescu ne jouit plus des mêmes appréciations élogieuses que sous le communisme, bien que, comme on l’a remarqué, « sa popularité soit incontestablement grande ». Mais la poésie ? se demande un critique littéraire roumain (Grigurcu 1996). Il explique la popularité des créations de Paunescu par un goût du public pour le « produit kitsch », « pour un certain sous-folklore » qui s’est développé sous le régime communiste et « exploitait les motifs du vertueux nationalisme provincial, de l’isolationnisme et de la xénophobie stimulée, de la fierté protochroniste ». Le même critique considère que la poésie de Paunescu est « dans un état de dégradation accentuée ». Elle refléterait avec fidélité « la courbe descendante de la mentalité totalitaire qui l’inspire ». Considérant cependant Paunescu vraiment doué pour la poésie, le critique observe que celle-ci a évolué « du langage lyrique proprement dit vers le lyrisme à thèse et, de celui-ci, au style journalistique le plus mauvais ». Et de conclure : « Talent prometteur au début de son catastrophique périple, Adrian Paunescu n’est aujourd’hui qu’un exemple imposant de la non-poésie. »
39Auprès du grand public, sa poésie ne jouit plus aujourd’hui de la même réception favorable qu’à l’époque communiste. Certains disent qu’après la chute du communisme ils n’ont plus suivi la poésie de Paunescu, mais qu’ils continuent de l’admirer pour le poète qu’il a été, en appréciant sa poésie comme « belle » (S.). Ils écoutent rarement les chansons qui furent lancées pendant les spectacles du cénacle (T.), la plupart préférant écouter autre chose, notamment de la musique étrangère. Pour ce qui est de la poésie, les interviewés déclarent simplement : « Qui lit encore de la poésie aujourd’hui ? » D’autres affirment « que Paunescu écrit des bibliothèques entières, ce qui décourage le lecteur » (A.) ou bien que « sa poésie n’a plus la force d’autrefois » (M.).
40Le cénacle qu’il a ressuscité après 1989 porte aujourd’hui le nom d’une de ses poésies les plus connues, Totusi, iubirea (Pourtant l’amour). Mais, en dépit de la volonté de Paunescu de séduire encore le public par la même musique et la poésie promues avant 1989, ce nouveau cénacle ne connaît plus l’ampleur de son ancêtre Flacara. Aucun de ceux que j’ai interviewés, participants assidus au cénacle Flacara, ne va plus aujourd’hui aux spectacles du cénacle ressuscité. Ils croient que cela « n’est plus la même chose, aujourd’hui ces poésies et ces chansons sont obsolètes » (N.). « Aujourd’hui il y a autre chose, il y a tant de distractions possibles, plus attirantes, il y a le cinéma, des concerts, la télé, les discothèques » (M.). Les artistes qui ont connu le succès sur la scène du cénacle Flacara déclarent eux aussi qu’aujourd’hui le cénacle que Paunescu veut refaire vivre n’est qu’une faible imitation de ce qu’il a été autrefois et qu’il « ne pourra plus survivre » (Doru Stanculescu, ancien participant au cénacle Flacara dans les années 1970 – Ignat 2001).
41Cela n’empêche pas un certain succès auprès d’une partie du public roumain et surtout auprès des Roumains de Bessarabie où le cénacle donne souvent des spectacles. Une des participantes, qui dit avoir été à ce cénacle par curiosité, croit que l’attraction de cette manifestation réside justement dans l’usage « du sujet sensible sur nos frères de Bessarabie » (A.). Elle affirme que Paunescu réussit encore « à créer une atmosphère pendant le spectacle qui me rendait capable de faire bouger les montagnes, qui me donnait tant d’énergie, je sais pas comment, mais je voulais faire quelque chose de grandiose » (A.). Par le biais de cette nouvelle manifestation, de même que dans le cadre des émissions de télévision qu’il dirige, Paunescu continue aujourd’hui à pratiquer une poésie militante, au service du peuple et de la nation.
42Mais mis à part un public restreint de nostalgiques encore sensibles à une thématique sociale et nationaliste, la poésie et la chanson promues par ce poète ne trouvent plus d’adeptes aujourd’hui en Roumanie. Les conditions qui rendaient possible l’existence d’une manifestation de masse d’une telle ampleur, comme l’a été le cénacle Flacara, ont maintenant disparu. Après la chute du communisme, d’autres phénomènes culturels et d’autres loisirs l’ont remplacé. Les récitals de poésie perdent de plus en plus de terrain dans les préférences des Roumains. La musique folk cède, elle aussi, le pas à d’autres genres musicaux dans une tentative de récupération de tout ce qui n’était pas autorisé sous le régime communiste.