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Du divan à la boîte à orgone

La science orgasmique de Wilhelm Reich
Andreas Mayer
p. 92-109

Résumés

Le psychanalyste et médecin Wilhelm Reich, reconnu comme pionnier pour ses premiers travaux thérapeutiques et sexologiques sur l’orgasme, mais finalement condamné pour sa prétendue découverte d’une nouvelle énergie vitale, « l’orgone », est l’une des figures à la fois marquantes et dérangeantes de l’histoire des recherches sur la sexualité. Selon sa fameuse doctrine, l’orgasme constitue la source vitale des individus et des sociétés entraînant la promesse d’une transformation profonde de celles-ci : c’est par la libération de la puissance orgasmique qu’adviendra la révolution sexuelle. Cet article propose une approche par l’histoire « concrète » qui permet de comprendre les dispositifs d’expérimentation et de traitement de la science reichienne.

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Texte intégral

« Wilhelm Reich was, so far as I know, the first investigator to apply the scientific method to sexual phenomena and actually to measure the electrical charge of an orgasm and to correlate these measurements with the subjective experience of pleasure and unpleasure. There is the pleasurable orgasm, like a sales graph, and there is the unpleasurable orgasm, slumping ominously like the Dow-Jones in 1929. »
William Burroughs, « My Life in Orgone Boxes » (Burroughs 1977: 59).

  • 1 Dans les années 1930, Reich est accusé de mener un culte pseudo-scientifique. Dans les années 1940 (...)

1Si l’on se demande comment l’orgasme est devenu au xxe siècle un objet d’étude scientifique, il est difficile de ne pas évoquer ce qu’on a appelé, souvent de façon polémique, le « cas » de Wilhelm Reich. Reconnu comme pionnier pour ses premiers travaux thérapeutiques et sexologiques sur la « fonction orgastique » au sein du mouvement psychanalytique, ce médecin viennois fut néanmoins controversé par la suite et finalement condamné pour sa prétendue découverte d’une nouvelle énergie vitale, « l’orgone », censée s’accumuler dans un dispositif nouveau. Il ne s’en est pas moins imposé comme l’une des figures à la fois marquantes et dérangeantes de l’histoire des recherches sur la sexualité. On l’a soit considéré, de façon réductrice, comme un cas paradigmatique de « pseudo-science », soit comme un « psychiatre fou », soit comme le leader d’une secte ou d’un culte sexuel1.

  • 2 Par « dispositif », il faut entendre ici set-up ou setting en tant que « somme de tous les détails (...)
  • 3 Comme Reich le précise en 1952, le terme d’« économie sexuelle » s’oppose à celui de « psychanalys (...)

2Dans ce qui suit, il s’agira d’inscrire le projet reichien dans une histoire « concrète » des sciences et thérapies qui abordent les maladies psychiques en partant des problèmes sexuels. Après l’avènement des recherches scientifiques sur la « sexualité » – mot qui n’apparaît qu’au xixe siècle – et de la psychanalyse, l’orgasme occupe une place centrale dans les traitements médiaux : situé désormais au cœur d’une nouvelle normativité des rapports sexuels, il apparaît comme susceptible de donner lieu aux « troubles » ou « dysfonctionnements » divers. Les efforts de Reich s’inscrivent, de façon multiple, dans cette problématique, en témoignant d’une approche clinique, de stratégies expérimentales inédites et d’une utopie politique. Selon sa fameuse doctrine, l’orgasme constitue la source vitale des individus et des sociétés, contenant la promesse d’une transformation profonde de celles-ci : c’est par la libération de la « puissance orgasmique » qu’adviendra la « révolution sexuelle ». On ne cherchera pas à expliquer le projet reichien en ayant recours à la biographie ou à la psychologie de ce chercheur. Suivre une approche d’histoire « concrète » signifie qu’on s’interrogera plutôt sur les dispositifs d’expérimentation et de traitement, sur la place qu’ils accordent aux acteurs, sur les usages que ces derniers en font et sur leurs transformations2. Nous partirons d’une discussion sur la mise en place du dispositif freudien et sur ses enjeux, pour nous intéresser à l’ambition de Reich d’aller au-delà : vers le nouveau dispositif destiné à ménager ce qu’il désigne, au sens le plus littéral, comme l’« économie sexuelle » de ses patients3.

Le dispositif psychanalytique et le concept de libido

3L’aménagement du dispositif psychanalytique, dans sa forme dite classique et bien connue, place l’analyste dans un fauteuil, derrière le patient lui-même allongé sur un lit de repos ou un divan. Une telle configuration repose sur une asymétrie : d’un côté, le patient s’offre à la fois à l’oreille et au regard de l’analyste qui, de l’autre, n’est présent pour lui que par ses paroles. La règle d’association libre incite le patient à « tout dire » afin de permettre à l’analyste de reconstruire, à travers l’interprétation de ses rêves ou de ses fantasmes, l’articulation de son histoire, dans laquelle la sexualité infantile est censée jouer un rôle capital.

4La cure psychanalytique se présente donc comme une sorte de conversation, mais bien particulière, car celle-ci s’établit, selon une célèbre formule freudienne, non pas entre deux personnes, mais plutôt entre deux inconscients. De là une vision assez désincarnée et impersonnelle du rapport entre le médecin-analyste et le patient : le médecin « doit tourner son inconscient, tel un organe récepteur, vers ce que lui transmet l’inconscient du patient. Il doit s’adapter à l’analyste comme un combiné » à un cornet amplificateur. « Tout comme le combiné reconvertit en ondes sonores les oscillations électriques émises initialement par ces mêmes ondes sur une ligne téléphonique, de même l’inconscient du médecin est capable, d’après les dérivés d’inconscient qui lui sont communiqués, de reconstruire l’inconscient qui a déterminé les associations libres du patient » (Freud 1939-1952 [1912] : 381-382). Dans la description de sa technique, Freud semble se désintéresser de la présence des corps réels, qui sont plus ou moins immobilisés par les règles de conduite distribuant les places au sein du dispositif : pourvu que « ça » parle.

5L’interdiction de toucher le patient ou d’avoir des rapports sexuels avec lui (la règle d’abstinence) trouve selon Freud sa justification dans le fait que celui-ci ne peut que s’attacher à son analyste : c’est « l’amour de transfert », qui s’adresse à un autre objet de l’histoire infantile (le père ou la mère). Cet amour devient l’un des instruments cruciaux et distinctifs de la psychanalyse dont le maniement reste délicat. Comme cet attachement transférentiel est toujours marqué par une ambivalence, un mélange d’amour et de haine, l’analyste ne doit pas céder aux tentatives de séduction ou de provocation qu’entreprend le patient.

  • 4 La clinique des maladies nerveuses de Charcot se présentait comme un laboratoire où les patients e (...)

6Par ces règles qui répartissent les rôles et les places de l’analyste et du patient en interdisant des rapprochements physiques, Freud distingue la pratique psychanalytique d’autres dispositifs de traitement dont elle est historiquement issue : par exemple, les laboratoires cliniques d’hypnose, où des manipulations directes du corps du patient sont nécessaires, de même que l’application de mesures physiologiques, pour mener à bien l’induction d’un état hypnotique (Mayer 2013)4. Au sein de cette généalogie, le dispositif psychanalytique apparaît donc comme un agencement qui garde plusieurs éléments de l’hypnose et d’autres formes de traitements psychiques, mais se débarrasse des actions ou techniques censées agir sur le corps du patient.

7Sur le plan théorique, à partir des Trois essais sur la théorie sexuelle, parus en 1905, la sexualité qui est au centre de la thérapie psychanalytique est envisagée d’un point de vue strictement physiologique, ce qui la rapproche de la sexologie naissante. Or ce registre ne prend effet que dans un usage qui redéfinit la conception de l’acte sexuel tel qu’il est à la base du projet sexologique : ni la « sexualité infantile » ni le « complexe d’Œdipe » ne sont des phénomènes directement observables ; ce sont des outils théoriques pour articuler les symptômes tels qu’ils se présentent au psychanalyste au cours des séances dans l’histoire du patient. De fait, selon la théorie freudienne des psychonévroses, ce sont les symptômes qui constituent l’activité sexuelle des malades, sous une forme déformée par le refoulement (Freud 2011 : 131).

  • 5 Toutes les citations en français d’éditions originales en langue étrangère sont des traductions de (...)

8L’articulation du dispositif et de la théorie semble donc habitée par une contradiction dont la manifestation la plus flagrante est le concept-clé de « libido », rajouté par Freud en 1915 à sa théorie sexuelle : « Nous appelons ainsi l’énergie, considérée comme une grandeur quantitative – quoiqu’elle ne soit pas mesurable à l’heure actuelle –, de ces pulsions qui ont à faire avec tout ce que l’on peut comprendre sous le nom d’amour » (Freud 1940 [1921] : 98)5. La libido est ainsi définie comme une forme d’énergie spécifiquement sexuelle dont la mesurabilité est laissée en suspens ; elle sert à rendre raison des actions et paroles du patient au sein d’un dispositif qui fait l’économie de toute mesure physiologique. C’est bien à l’aide d’un « concept auxiliaire » que Freud maintient l’hypothèse d’une différence qualitative entre l’énergie psychique générale (« libido moïque ») et l’énergie qui s’attache à des objets sexuels (« libido objectale »). Un tel dualisme aurait sa source dans un « chimisme particulier » (Freud 2011 : 219). La théorie freudienne des pulsions s’avère provisoire – c’est selon lui une « mythologie » – et se voit réagencée, à partir d’Au-delà du principe de plaisir (Freud 2014 [1920]), autour d’un autre dualisme qui postule de façon spéculative une « pulsion de mort » s’opposant à « l’Eros » ou aux « pulsions vitales ».

Épurer l’orgasme, défaire la cuirasse

  • 6 Il suffit de rappeler qu’initialement, l’auto-analyse des rêves se fait uniquement par écrit, souv (...)

9Sauver la conception originale de la théorie freudienne de la libido en inventant la science expérimentale qui lui manquait, telle est l’ambition de Wilhelm Reich, qui rejoint les institutions psychanalytiques au moment même où l’on y introduit la « pulsion de mort » (Reich 1972a [1re éd. 1967]). Par son travail clinique, qu’il poursuit d’abord à Vienne, il cherche à étayer la première formulation de la théorie sexuelle en faisant de la « puissance orgastique » le pivot de sa propre théorie des névroses. Dans La Fonction de l’orgasme, Reich définit de façon schématique les « phases typiques de l’acte sexuel avec puissance orgastique dans les deux sexes » en les distinguant des troubles de la sexualité génitale (Reich 1927 : 22). Le plaisir sexuel se présente sous la forme de représentations graphiques qu’agrémentent des descriptions détaillées sur les différentes façons de jouir. Celles-ci s’avèrent être, selon la théorie reichienne, soit des expériences pleinement satisfaisantes soit des déviations pathologiques. Contrairement au dispositif freudien où l’écriture des rêves ou des fantasmes est rapidement délaissée au profit de la parole6, le patient est invité ici, non seulement à décrire ses pratiques et expériences sexuelles, mais aussi à dessiner le « déroulement de l’excitation sexuelle » sous la forme de courbes et d’en estimer la durée (Reich 1927 : 19).

10La courbe de l’orgasme normal se divise en cinq phases, comprenant le « contrôle volontaire de l’accroissement de l’excitation », les « contractions musculaires involontaires » et l’« accroissement automatique de l’excitation » (Reich 1927 : 22). Si ce schéma se présente comme un processus purement physiologique, la description détaillée qui l’accompagne est entièrement fondée sur les « auto-observations d’individus sains » et sur celles de patients. Les critères de la « bonne » façon de jouir sont énumérés par Reich dans une sorte de catalogue qui expose avec précision les phases de la courbe de l’orgasme normal : celui-ci se caractérise par un processus qui se déroule, de manière quasi automatique, au rythme des contractions arrivant par vagues chez les deux partenaires, et qui portent leurs corps en un battement commun, sans interruption, jusqu’à l’acmé. La satisfaction ne survient qu’après, par un « reflux de l’organe génital vers le corps tout entier » et une relaxation complète (Reich 1927 : 25). En revanche, les orgasmes des individus « orgastiquement impuissants » résultent selon Reich de pratiques incomplètes (masturbation, coït interrompu ou « coït onaniste ») et s’accompagnent de sentiments de dégoût ou même de haine envers le partenaire.

11La « bonne » manière de jouir se présente exclusivement sous la forme d’un rapport hétérosexuel où les désirs de l’homme et de la femme sont complémentaires et ne concernent que la pénétration vaginale : c’est là un précepte essentiel pour le « mariage parfait » tel que décrit par le médecin Theodoor Hendrik Van de Velde – dont la description, appuyée par des courbes du « coït idéal » dans son bestseller Die vollkommene Ehe (Van de Velde 1926), a sans doute servi d’inspiration à Reich. Cette physiologie du coït idéal prescrit au couple marié un ensemble de techniques et détaille les positions à adopter pour arriver à l’instant précieux qui doit être partagé : « l’orgasme devrait impérativement avoir lieu chez les deux partenaires à peu près au même moment, c’est-à-dire que, normalement, l’homme commence à éjaculer et la jouissance chez la femme est immédiatement déclenchée ; elle l’est plus précisément après le laps de temps nécessaire pour transmettre au système nerveux central l’impression des sentiments inspirés par l’éjaculation et pour la reconvertir en décharge ; c’est donc en moins d’une seconde (étant donné la rapidité de l’échange nerveux) » (Van de Velde 1926 : 169). La bonne façon de jouir résulte donc d’un acte psychophysiologique complexe qui nécessite un travail ardu pour le couple hétérosexuel. Les partenaires doivent utiliser ces techniques pour gagner la « lutte entre la répulsion instinctive et l’attraction sexuelle qui existe entre les deux sexes » (Van de Velde 1926 : 18). Il faut donc à la fois éviter toutes les pratiques qui prolongent les plaisirs préliminaires au profit de l’orgasme final, et ménager la durée entière de l’acte sexuel par rapport à la bonne distribution de la libido : selon Reich, si la durée est trop courte ou trop longue, l’excitation sexuelle ne se concentre pas assez dans les organes génitaux ; elle se « disperse » et risque de provoquer des sentiments de déplaisir (Reich 1927 : 34).

12Si la physiologie de l’orgasme apparaît comme la solution à la « guerre » inévitable entre les sexes, il est évident que ses objectivations restent approximatives et ne découlent pas de recherches expérimentales : les travaux de Reich s’appuient pour l’essentiel sur des données empiriques. De fait, Reich se démarque d’autres psychanalystes par son approche d’« analyse caractérielle », fondée d’un côté sur la conception quantitative du traitement psychanalytique en termes de « libido » et, de l’autre, sur l’opposition entre deux types idéaux : le « caractère génital » et le « caractère névrotique ». À ces deux types correspondent deux économies libidinales distinctes et diverses capacités de bien ou mal jouir. Tandis que le caractère névrotique est affecté d’une « stase libidinale sans cesse accrue », car « ses moyens de satisfaction ne sont pas en adéquation avec les besoins de l’appareil pulsionnel », le caractère génital est quant à lui « régi par une économie libidinale normale » (Reich 1933 : 187-188).

13Sur le plan de la technique thérapeutique, Reich vise à reconfigurer l’approche interprétative des symptômes de la psychanalyse freudienne en plaçant le corps du patient au centre de l’action thérapeutique même (Reich 1933). Ce corps est toujours un corps parlant, mais il s’exprime en usant de son propre langage, plus par des gestes que par des paroles. Au lieu de se borner à interpréter ce que le patient dit au cours de la séance, Reich s’installe en face de lui pour observer et décrire sa posture de façon minutieuse : c’est ainsi qu’il peut corriger par des interventions directes les crispations musculaires qui sont selon lui l’expression directe d’une angoisse névrotique et d’une « stase libidinale ». Le travail thérapeutique se consacre donc entièrement à la « cuirasse caractérielle » censée entraver la « satisfaction orgastique génitale » (Reich 1933 : 187). Comme le but de la cure n’est plus tant de rendre le patient conscient du sens de ses symptômes ou d’interpréter ses fantasmes que de défaire cette cuirasse de façon effective et durable, deux règles fondamentales du traitement psychanalytique se trouvent remises en cause : d’une part, la position de l’analyste derrière le divan change au profit d’un rapport face à face ; d’autre part, est levée l’interdiction de toucher le corps du patient pendant la séance.

Mesurer l’énergie sexuelle

14On a vu que, malgré l’usage de graphes et de formules dans les premiers travaux de Reich, les descriptions qui sont données de l’orgasme restent finalement phénoménologiques (Reich 1927 : 21) – autrement dit, elles ne peuvent que se servir des métaphores employées par les patients. L’essentiel de l’expérience sexuelle satisfaisante et harmonieuse semble se traduire de cette façon : « ce quelque chose que les profanes nomment le “fluide sexuel” ou “l’attraction sexuelle”, ou encore l’action “magnétique génitale” » (Reich 1934 : 33). Ainsi que nous l’avons vu, « l’orgasme normal » a acquis le statut d’un bien précieux, mais très instable, son accomplissement étant constamment menacé, selon Reich, par des facteurs liés à la psychopathologie des individus et aux répressions sociales. C’est à la fois pour se défaire de ces métaphores et pour stabiliser l’orgasme en tant qu’objet psychophysiologique, que Reich conçoit en 1934 son premier projet proprement expérimental : son but est de prouver que la réalité physique de l’orgasme constitue non seulement un processus mécanique, mais aussi une véritable « décharge électrophysiologique » (Reich 1934 : 31).

15Il convient de noter que ce passage à l’expérimentation s’inscrit dans une configuration très instable dans le parcours professionnel de Reich. De fait, il coïncide avec des ruptures importantes dans sa vie, tant sur le plan institutionnel que politique : en 1933, Reich est exclu des institutions psychanalytiques et du parti communiste allemand ; il publie dès lors ses travaux dans une maison d’édition qu’il a lui-même fondée alors qu’il était en exil au Danemark et en Norvège, « SexPol-Verlag ». Avant ces ruptures, son programme de révolution sexuelle avait essentiellement été érigé à partir d’expériences cliniques, de recherches sexologiques et d’observations personnelles. Dans sa formulation d’une génitalité pleinement satisfaisante susceptible de restructurer les sociétés occidentales, l’anthropologie malinowskienne a joué un rôle capital : c’est bien la « vie sexuelle des sauvages » et notamment des adolescents décrite dans sa fameuse étude sur les Trobriandais (Malinowski 1929) qui fournit aux yeux de Reich la « preuve ethnologique de quelques lois de l’économie sexuelle », et notamment de sa propre conception de l’orgasme génital (Reich 1972b : 33). L’image utopique d’une hétérosexualité entièrement positive et libre telle qu’elle se développe dans un cadre culturel sans contrainte ou sans répression s’oppose au modèle des sociétés occidentales régies par la structure patriarcale et une morale hypocrite.

16Chez Reich, le passage à la science expérimentale intervient donc dans un contexte d’isolement par rapport aux mouvements politiques et intellectuels, mais aussi d’exil (à Copenhague, à Oslo, et finalement aux États-Unis). Entre 1934 et 1939, le médecin met en place l’articulation entre deux dispositifs : d’une part, celui du laboratoire physiologique, où les lois de l’économie sexuelle sont étudiées en situation avec des appareils de mesure et, d’autre part, celui de la cure. Celle-ci se présente comme une extension de sa pratique clinique antérieure et prend la forme d’une thérapie qui abandonne de plus en plus le traitement des névroses au profit d’un travail sur le corps. Dans son cabinet de travail qu’il transforme en laboratoire, Reich installe un oscillographe et se lance dans des recherches sur la charge bioélectrique de la peau et des muqueuses, ceci afin de prouver que l’excitation des zones érogènes est d’ordre électrique. Il s’agit pour lui d’établir que le « potentiel électrique » des zones érogènes n’augmente que lorsque s’y produit une sensation de plaisir. Pour éviter tout effet suggestif, il place ses sujets dans une autre pièce que l’oscillographe ; certaines zones de leur corps sont stimulées à l’aide d’électrodes : pendant que le sujet décrit ses propres sensations subjectives de plaisir, la lecture des oscillations – qui représente, selon Reich, leur expression objective – est confiée à une autre personne. Au cours de ces expériences inédites, les sujets sont invités à se masturber ou à se laisser stimuler par des baisers, des attouchements ou des compressions de leurs organes sexuels – le coït dans sa forme idéale et pleinement satisfaisante s’avérant trop complexe pour être mesuré. Les résultats sont présentés sous la forme de schémas et de représentations graphiques qui fournissent selon Reich des « photographies » fidèles des expériences sexuelles de ses sujets. Il y voit la preuve que la congestion mécanique ou la tumescence des organes sexuels (comme l’érection de l’homme) ne suffit pas à produire la sensation de plaisir : son « intensité psychique » correspond directement à la « quantité physiologique de potentiel bioélectrique » (Reich 1971 : 285).

17Dans ces expériences, le couple hétérosexuel occupe toujours une place centrale : son union sexuelle constitue « avec son agencement de membranes, interfaces et liquides, un système électrolytique complet » (Reich 1934 : 39). Selon Reich, le fluide vaginal fonctionne de la même façon que les électrolytes sanguins : les sels minéraux circulant dans le sang sous la forme d’ions font du plasma un électrolyte. Le fluide vaginal est ainsi à considérer comme « une solution colloïdale acide » (Reich 1934 : 38). La bonne façon de jouir de l’homme dépend donc inévitablement de la femme, car la qualité de son fluide vaginal est déterminante pour permettre au système orgastique de s’installer de façon pleinement satisfaisante. Si le fluide est trop liquide, son caractère de colloïde – et son aptitude à produire une sensation de plaisir intense – s’en trouve diminué. D’après cette théorie, le rapport sexuel active deux systèmes dont les fonctionnements sont alors imbriqués – l’un mécanique et l’autre bioélectrique : « 1. Les organes se remplissent de fluide : érection avec tension mécanique ; 2. Cela mène à une excitation intense que je suppose être de nature électrique : charge électrique ; 3. Dans l’orgasme, la charge électrique ou l’excitation sexuelle se décharge en contractions musculaires : décharge musculaire ; 4. Suit une relaxation des organes génitaux sous l’effet du reflux des fluides corporels : relaxation mécanique. Ce rythme à quatre temps : tension mécanique à charge bioélectrique à décharge bioélectrique à relaxation mécanique est ce que j’ai appelé la formule de l’orgasme » (Reich 1970 : 216).

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18Parallèlement à ces recherches insolites, le dispositif de la cure se transforme : Reich met en place un travail destiné à déclencher chez le patient ce qu’il appelle désormais le « réflexe orgastique ». Il s’agit d’amener le sujet à la libération de la puissance orgastique dans sa vie intime (Reich 1937a). Dispositif thérapeutique et recherche expérimentale s’intègrent dès lors dans un seul et même programme théorique qui définit la sexualité et l’angoisse comme les deux termes des « oppositions originelles de la vie végétative » (Reich 1937b)7. D’où la dénomination « végétothérapie » : dans cette pratique, le patient est allongé, nu, tout au long de la séance, devant le thérapeute qui est censé non pas déclencher des orgasmes in situ, mais plutôt mener à bien un travail préparatoire, à l’aide de messages et de techniques de respiration8. Sur un marché thérapeutique où sont proposées plusieurs variantes de la cure psychanalytique, cette nouvelle version de la thérapie reichienne se distingue d’autres techniques insolites comme la thérapie masturbatoire, avec laquelle la psychanalyse – du moins, une certaine version – fait son entrée en Norvège, provoquant scandales et procès9.

La jouissance mise en boîte

19Étape suivante et finale de son parcours, qui se déroule en Norvège pour s’achever aux États-Unis, Reich crée le dispositif qui le rendra mondialement célèbre mais qui scellera sa chute : l’accumulateur d’orgone. Il devient le fondateur d’une toute nouvelle science qui titre son nom de l’énergie de la vie qu’il dit avoir découverte. Reich quitte alors le domaine de la recherche sexologique pour se consacrer à l’expérimentation et à la théorisation du vivant comme du non-vivant, sous le regard sceptique ou hostile des membres de la communauté scientifique. Si « l’orgonomie » demeure plutôt une affaire de famille et de quelques adeptes zélés, une fringe science pratiquée sur le campus d’Orgonon dans le Maine – où Reich a érigé sa propre station d’observation –, l’accumulateur d’orgone est un instrument conçu en vue de la diffusion la plus large. C’est « un instrument assemblé et agencé matériellement de telle sorte que l’énergie vitale présente dans l’atmosphère de notre planète puisse être recueillie, accumulée et rendue utilisable à des fins scientifiques, éducatives et médicales » (Reich 1951). Sa fabrication est décrite de façon minutieuse dans des manuels pratiques mis en circulation par Reich et ses adeptes (Reich 1951 ; DeMeo 2001).

20À l’origine, l’accumulateur d’orgone est une boîte en bois recouverte de matière organique, dont l’intérieur est tapissé d’une couche métallique. Il sert donc à concentrer l’énergie vitale se trouvant supposément dans l’atmosphère pour étudier son rayonnement et l’appliquer de façon curative à diverses maladies, notamment au cancer. Selon Reich, le corps humain et l’accumulateur d’orgone constituent deux systèmes orgonotiques. Leur rapprochement est censé occasionner un phénomène d’attraction et d’interpénétration de deux champs énergétiques, si bien que la personne assise dans la boîte s’en trouve en quelque sorte « rechargée ». L’accumulateur est un dispositif sur mesure : sa taille doit être ajustée à celle de la personne qui l’utilise. Sa fabrication est réalisée sur la base de plans qui détaillent les matériaux et leur emplacement précis, ainsi que la distance à respecter entre le sujet et les parois métalliques. Le sujet qui prend place dans la boîte peut être nu et ne doit pas porter de vêtement trop épais. Le temps d’exposition au champ orgonotique est variable et des personnes biologiquement fortes ont besoin de plus courtes irradiations que des personnes affaiblies (Reich 1951). Selon le raisonnement de Reich, chez les systèmes énergétiquement forts, les champs d’énergie entrent en contact rapidement, tandis que les organismes affaiblis ont besoin d’un temps plus long pour réagir. Le dosage de l’irradiation orgonale dépend de chaque type de cas et de maladie. 

21En 1940, Reich fabrique le premier accumulateur pour usage domestique : au cours des années suivantes, les boîtes d’orgones connaissent un grand succès. Toutefois, dans la plupart des cas, leur utilisation ne suit pas les directives données par l’inventeur. Souvent associé à sa source – la théorie reichienne de la puissance orgastique –, l’accumulateur d’orgone est surtout considéré comme une machine à jouir. Selon son disciple Elsworth Baker, « orgonomy first became popular in Greenwich Village among the Bohemians and beatniks, where it was hailed as a free sex philosophy and the accumulator as a device that would build up potency. It was perceived to a great extent as a place in which to masturbate. » (Baker 1986, cité dans Turner 2011 : 245). Plusieurs écrivains et artistes comme Henry Miller, Isaac Rosenfeld, Norman Mailer, Saul Bellow ou encore William Burroughs parlent publiquement de leur « vie » dans les boîtes d’orgone et de leurs effets sur leur sexualité. Ces usages éclectiques de la science reichienne ont été dénoncés par la suite et ont donné lieu à différentes affaires autour de Reich, qui fut accusé de charlatanisme puis condamné à la prison, tandis qu’on interdit l’utilisation des accumulateurs d’orgone.

Conclusion

22À tort ou à raison, c’est la boîte d’orgone qui est devenue l’objet emblématique de la science reichienne, dont nous avons essayé ici de retracer les transformations. Cela n’est pas surprenant si l’on considère que l’idée d’une résolution physique et immédiate du ménagement délicat et fragile du rapport sexuel a toujours eu ses adeptes. Le dispositif inventé par Reich renouvelle, avec les moyens de son époque, le rêve ancien d’un accomplissement du pur plaisir débarrassé de tout ce qui s’y oppose dans les rapports entre les humains. Face à Freud, qui avait constaté que toute relation humaine est caractérisée par une certaine ambivalence (et donc un mélange d’amour et de haine), la science reichienne pourrait apparaître comme un retour nostalgique aux « énergies » et « fluides » du mesmérisme et du magnétisme animal (Turner 2011). Or il convient d’insister sur le fait que chez Reich, le caractère « prémoderne » ou « antimoderne » de la pulsion sexuelle se manifeste toujours dans le registre de la science et de la technologie moderne : ainsi la puissance orgastique prend à la fois la forme d’un primitivisme préverbal animal et celle d’un programme scientifique fort de machines et de dispositifs susceptible de déboucher sur la formule de l’orgasme idéal.

23Nous avons suivi l’agencement des dispositifs thérapeutiques et expérimentaux qui ont été élaborés pour stabiliser l’orgasme en tant qu’objet idéal ; ce faisant, ces dispositifs ont fait l’économie des histoires et des fantasmes des sujets dont s’occupe la psychanalyse. À partir des années 1960, émerge une nouvelle psychophysiologie et thérapie de la sexualité, dans le sillage du couple William Masters et Virginia Johnson (1966) : si elle poursuit la quête de l’orgasme idéal, cette approche renverse la conception reichienne qui repose sur la pénétration hétérosexuelle. Avec l’avènement de l’orgasme clitoridien, qui détrône l’orgasme vaginal, la nouvelle voie thérapeutique passe désormais par l’autosexualité, elle aussi revendiquée comme une nouvelle forme d’autonomie sexuelle (Laqueur 2005). C’est pourquoi, dans le laboratoire orgasmologique de Masters et Johnson, l’apprentissage de la bonne façon de jouir passe nécessairement par l’exercice solitaire de la masturbation pour les deux partenaires. Si l’orgasme est considéré comme une sorte de droit égalitaire et comme « une affaire totalement égocentrique » (Masters & Johnson 1975 : 35), le bon fonctionnement de l’amour en couple dans l’ère de la démocratie sexuelle risque de prendre la forme contradictoire d’un égoïsme altruiste ou d’une spontanéité programmée par les experts sexologues (Bejin 1982).

24Considérant l’orgasme comme un acte psychophysiologique complexe – mais parfaitement mesurable grâce à des procédés comme le questionnaire, l’observation directe ou même les mesures physiologiques faites au laboratoire (Levin 2004 ; Mah & Binik 2001) –, cette sexologie behavioriste se situe aux antipodes de la façon de traiter la sexualité en termes psychanalytiques. La psychanalyse ne s’en approche que par des démarches interprétatives qui ne jouissent pas du même prestige scientifique ou qui représentent l’orgasme sous des figures énigmatiques, ésotériques ou « mystiques » – c’est par exemple le cas de la jouissance féminine chez Lacan. À n’en pas douter, il s’agit là de deux stratégies distinctes pour produire du savoir ou des discours sur ce qui s’y prête assez difficilement. Au regard des multiples façons de jouir et des tentatives tout aussi variées pour en rendre compte aujourd’hui, une critique qui se contente de déplorer l’emprise scientifique et thérapeutique sur la vie sexuelle semble donc tourner trop court. Interroger le pouvoir des dispositifs et des concepts élaborés pour donner un sens à l’expérience sexuelle devrait plutôt prendre pour point de départ le constat que celle-ci compte parmi les objets les plus récalcitrants de la science moderne.

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Notes

1 Dans les années 1930, Reich est accusé de mener un culte pseudo-scientifique. Dans les années 1940, une polémique éclate autour de son « cult of sex and anarchy », dont il est supposé être le leader (Brady 1947). Pour la lecture psychanalytique qui présente Reich comme un cas de psychose, cf. Grunberger & Chasseguet-Smirgel 1976 ; pour une critique sociologique majeure de la « religion » séculaire de Reich, cf. Rieff 1966.

2 Par « dispositif », il faut entendre ici set-up ou setting en tant que « somme de tous les détails de l’aménagement » d’une cure, selon la définition donnée par le psychanalyste Donald Winnicott (Winnicott 1975 [1956] : 297). On s’intéressera donc non seulement à la distribution des rôles des acteurs – dans le cas présent, le thérapeute et son patient – mais aussi à l’ensemble matériel permettant une telle distribution : c’est là un aspect essentiel qui a été longtemps négligé, que ce soit par la théorisation psychanalytique, ou par les essais de contextualisation historique, sociologique ou anthropologique de la psychanalyse (Mayer 2017).

3 Comme Reich le précise en 1952, le terme d’« économie sexuelle » s’oppose à celui de « psychanalyse freudienne » et désigne « la science de l’économie de l’énergie biologique de l’organisme, c’est-à-dire de la capacité de l’organisme à régler ou à équilibrer son énergie sexuelle (biologique) » (Reich 1972a [1967] : 70).

4 La clinique des maladies nerveuses de Charcot se présentait comme un laboratoire où les patients et patientes ayant reçu le diagnostic d’« hystérie », et susceptibles d’entrer dans un état hypnotique jouaient le rôle de sujets d’expérimentation. Ceux-ci subissaient des manipulations corporelles, comme la pression des zones « hystérogènes », censée déclencher la « grande attaque hystérique » avec ses positions associées (notamment « l’arc de cercle »), ou encore des « transferts » étonnants de symptômes corporels. Les patients étaient également exposés à des courants électriques, à des éclairs de lumière ou à de fortes excitations acoustiques.

5 Toutes les citations en français d’éditions originales en langue étrangère sont des traductions de l’auteur.

6 Il suffit de rappeler qu’initialement, l’auto-analyse des rêves se fait uniquement par écrit, souvent sous la forme d’échanges épistolaires (Marinelli & Mayer 2009 ; Mayer 2001).

7 C’est pourquoi deux historiens des sciences ont récemment inscrit les travaux de Reich dans une histoire alternative de la biologie et ont fait de ce dernier une sorte de néo-vitaliste. Alors que la science reichienne est d’abord apparue comme « prémoderne » et totalement éloignée du paradigme de la science moderne (Normandin 2013), la lecture qui en a été faite par la suite a cherché à prouver le contraire, arguant que Reich se conformait bien à toutes les règles de la science moderne, mais était devenu la victime d’un establishment scientifique hostile à ses découvertes (Strick 2015). Cette approche partielle et partiale a surtout pour but de donner une légitimité après-coup à la science reichienne (Mayer 2016).

8 Dans le répertoire des exercices fondamentaux, on retrouve la position de l’« arc de cercle » de la « grande attaque hystérique », très chère à Charcot, et que Reich utilise à d’autres fins. Le médecin puise ainsi dans le passé de la psychanalyse freudienne pour mobiliser les ressources du patient qui sont susceptibles de le disposer à la « bonne » façon de jouir.

9 C’est le cas des pratiques de Johannes Irgens Strømme, l’un des premiers praticiens de la psychanalyse en Norvège (Alnæs 1980).

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Pour citer cet article

Référence papier

Andreas Mayer, « Du divan à la boîte à orgone »Terrain, 67 | 2017, 92-109.

Référence électronique

Andreas Mayer, « Du divan à la boîte à orgone »Terrain [En ligne], 67 | 2017, mis en ligne le 25 août 2017, consulté le 05 décembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/terrain/16183 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/terrain.16183

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Auteur

Andreas Mayer

Centre Alexandre Koyré, Histoire des sciences et des techniques / CNRS / EHESS

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