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Les morts utiles

Réenchanter la mort

Les funérailles à domicile en Amérique du Nord
Alexa Hagerty
p. 120-137

Résumés

Dans le mouvement populaire nord-américain des « funérailles à domicile », le mort est veillé à la maison par ses amis et sa famille, au lieu d’être pris en charge par une entreprise de pompes funèbres. Cette pratique met en évidence les tensions fécondes – entre biologie et construction sociale, matière et sens, objet et sujet – dont le corps mort est le lieu. Investi d’un reste de volonté et de subjectivité, d’une étincelle de vie qui s’éteint, le défunt vient contredire l’idée médicale et scientifique selon laquelle le cadavre serait un objet inanimé. Les funérailles à domicile provoquent la réflexion en bousculant les certitudes : les vivants et les morts peuvent tisser des liens affectifs, et les morts prendre soin des vivants autant que les vivants des morts.

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Thème :

mort

Lieu d'étude :

Amérique du Nord
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Texte intégral

Traduit de l’anglais par Sylvie Muller

1Jacob repose sur le lit dans la chambre qu’il a partagée avec celle qui fut son épouse pendant cinquante ans. Ses fils ont baigné et habillé son corps. Sa veuve et ses enfants ont placé quelques objets autour de lui pour honorer sa mémoire : de vieilles photos, une citation qu’il aimait, un autocollant pro-Obama, une icône russe. Les gens vont et viennent toute la journée. Ils lui parlent et font leurs adieux. Certains déposent un petit mot. D’autres jouent son morceau préféré. Pendant la journée, l’ambiance est presque festive : on ne s’était pas retrouvé entre proches depuis des années et on se remémore le passé. Les petits-enfants de Jacob jouent dans la cour. On raconte des histoires à son sujet, qui émeuvent ou font rire. La nuit venue, l’atmosphère change et, plus sombre, se charge de religiosité. La famille entoure de bougies votives le corps de son défunt, puis s’installe pour prier et méditer en silence ; on chante parfois des hymnes ou l’on psalmodie des soutras bouddhiques. Chaque nuit, une personne reste à côté du corps pour le veiller. Deux fois par jour, la fille de Jacob change la neige carbonique qui recouvre sa poitrine. Trois jours durant, il repose ainsi dans cette chambre. Le quatrième jour, ses fils l’enveloppent dans un quilt cousu par leur sœur. C’est dans ce linceul fait maison que Jacob est enterré.

2Les funérailles que je viens de décrire brièvement se sont déroulées en Californie, à San Francisco, en 2009. La famille de Jacob fait partie d’un nouveau groupe, qui est en train de changer la façon dont les Américains prennent soin de leurs morts. Ce groupe, qui se fait appeler le « mouvement des funérailles à domicile » (home funeral movement), prend de l’ampleur en Amérique du Nord. Il préconise la prise en charge du corps du défunt par la famille au lieu des pompes funèbres. Mais qui choisit les funérailles à domicile ? Spécialisée dans leur organisation à Los Angeles, Olivia Bareham émet l’opinion suivante :

Quand j’ai commencé […], j’étais convaincue que mes clients seraient des hippies pour la plupart, du genre qui pratique l’accouchement à domicile, boit du jus de germe de blé et pense qu’il faut tout faire naturellement ; j’ai aussi pensé que des gens opteraient pour cette alternative parce qu’ils n’avaient pas les moyens d’organiser des obsèques coûteuses. Mais en six ans, je peux le dire en toute honnêteté, jamais aucune famille n’a choisi les funérailles à domicile par souci d’économie, et ces personnes n’avaient rien en commun avec des hippies. Elles ne font que refléter la diversité si délicieusement imprévisible de Los Angeles. (Bareham 2011.)

  • 1 Article paru en ligne, en 2010, sur kstp.com (KSTP-TV « 5 Eyewitness news », chaîne d’information l (...)

3Mon impression, au contraire, est que le mouvement des funérailles à domicile se compose en grande partie du « genre hippie », notamment pour ce qui concerne le noyau dirigeant et les « sages-femmes de la mort » (death midwives). La plupart des personnes que j’ai rencontrées étaient en effet des blancs aux idées progressistes, qui appartenaient à la classe moyenne et embrassaient un mélange éclectique de protestantisme classique, mais ouvert, et de pratiques spirituelles d’inspiration orientale comme la méditation bouddhiste et le yoga. Toutefois, l’expérience d’Olivia Bareham en témoigne, le mouvement n’est pas homogène. Les sages-femmes de la mort qui exercent en zone urbaine signalent un nombre croissant d’immigrants récents dans leur clientèle. Le mouvement s’étend grâce à l’intérêt grandissant que les médias lui portent. Dans un contexte de récession économique, ces obsèques domestiques à faible coût font un bon sujet pour un bulletin d’information. En voici un exemple typique diffusé dans le Minnesota : « Si vous pouviez organiser les funérailles de votre cher disparu à la maison, le feriez-vous ?1 » Cet écho médiatique aura sans aucun doute une grande influence sur l’avenir du mouvement.

4Or, ces funérailles à domicile organisées par les amis et la famille, sans intervention de l’industrie funéraire ni embaumement, généralement simples et peu coûteuses, viennent perturber la façon dont on meurt en Amérique – l’American way of death –, jusque-là plutôt stable et homogène. Lors des obsèques traditionnelles, en effet, le cadavre doit rapidement quitter le lieu du décès (l’hôpital généralement) pour le funérarium (funeral home), où il est embaumé et remis entre les mains de professionnels. La famille a très peu de contacts physiques avec lui, mis à part peut-être un bref aperçu dans le cercueil ouvert (Mayer 2006 ; Walter 2005 ; Laderman 2003 ; Lynch 1997 ; Habenstein & Lamers 1955 ; Metcalf & Huntington 1991). En revanche, lors de funérailles domestiques (home funeral), les proches du défunt ont avec le corps dont ils prennent soin un contact intime. Ils le lavent, après avoir vidé la vessie et les intestins en faisant pression sur l’abdomen. La mâchoire est maintenue fermée par un lien et les yeux par des sachets de riz. Le torse est soigneusement recouvert de neige carbonique. Le mort peut ainsi rester à la maison pendant trois ou quatre jours.

5En Amérique, la présence d’un cadavre dans la salle de séjour relève du film d’horreur, du roman gothique ou de la presse à scandale. De Sigmund Freud (1985) à Mary Douglas (1971) en passant par Julia Kristeva (1983), le cadavre est l’incarnation par excellence de l’étrange, de la souillure et de l’abjection. Or, voici que ce corps en décomposition, non embaumé et bel et bien mort, est à présent livré au public, exposé dans la salle de séjour ou la chambre à coucher, là où chacun peut le voir, le toucher, et le sentir. Comme le note très justement Margaret Lock (2002b : 37), la mort soulève toujours des questions essentielles : « Qu’est-ce qu’une personne ? Quelle est la relation entre la personne et le corps ? La personne cesse-t-elle d’exister à la mort du corps physique ? » Et sans doute la question la plus fondamentale, la plus lancinante d’entre toutes : « Qu’est-ce exactement que la mort – au sens physique, personnel et social ? » Les morts eux-mêmes posent ces questions. Et par leur présence nous obligent à y répondre. Le médecin aux urgences, le légiste à la morgue, l’entrepreneur de pompes funèbres à la table d’embaumement, mais aussi cette femme qui à la maison recouvre le corps de son père de neige carbonique, tous, de façon implicite ou explicite, avec leurs mots et leurs silences, proposent leur propre théorie de la mort.

6Les funérailles à domicile abordent la question de la mort de façon surprenante, en contradiction avec l’approche médicale habituelle, dont elles brouillent les repères. Elles font du corps en état de décomposition le lieu d’une contestation. Le cadavre non embaumé travaille, par sa désintégration même, à sortir ou désintégrer la mort de l’épistémologie dominante. Ce type d’obsèques véhicule en effet une conception de la mort qui se démarque du discours scientifique par deux aspects fondamentaux. Tout d’abord, elles inscrivent la temporalité de la mort dans une autre dimension. La mort n’est plus un événement ponctuel fixé par l’« heure du décès », mais un processus qui se joue sur plusieurs jours. Ensuite, le défunt se trouve investi d’un reste de volonté (agency) et de subjectivité, qui fait de lui ce que j’appellerai ici un « mort enchanté ». Porteur de cette fugitive étincelle, il vient contredire l’idée selon laquelle le cadavre serait un objet inerte. Or, ces contre-représentations permettent de décliner autrement la façon dont les vivants prennent soin des morts et communiquent avec eux.

American ways of death : mourir à l’américaine

7Les obsèques à domicile établissent une rupture nette avec le modèle traditionnel américain, remarquablement stable depuis la fin du xixe siècle, date à laquelle se généralise le recours à l’embaumement et aux pompes funèbres (Mayer 2006 ; Walter 2005 ; Laderman 2003 ; Lynch 1997 ; Habenstein & Lamers 1955 ; Metcalf & Huntington 1991). On procède alors de la façon suivante : « Enlèvement rapide du cadavre par une entreprise funéraire, embaumement, “présentation” sur place » (Metcalf & Huntington 1991 : 194). La seule différence évidente avec la pratique à domicile, c’est l’embaumement, dont la version moderne est appelée thanatopraxie en Europe et que seul un professionnel peut réaliser dans le cadre d’une entreprise funéraire.

  • 2 Publié en français en 1965 sous le titre La Mort à l’américaine (Paris, Plon).

8Critique acérée de l’industrie funéraire américaine, le best-seller de Jessica Mitford, The American Way of death, publié en 19632, contient cette description mémorable de la façon dont le corps est « expédié dans un salon funéraire et là, sur-le-champ, vaporisé, coupé en tranches, percé, macéré, apprêté, troussé, enduit de crème, de cire, fardé, maquillé et proprement vêtu de neuf – de cadavre commun qu’il était, transformé en Image Magnifiant le Souvenir » (Mitford 1965 : 35). Ce passage montre bien (outre la causticité de son humour britannique) que l’auteure trouve scandaleuses ces pratiques d’embaumement, trop commerciales et sophistiquées à ses yeux. Le livre, qui s’inscrit dans la tradition journalistique de dénonciation des scandales, aurait contribué à rendre la crémation populaire aux États-Unis (Prothero 2001 : 174). Presque rien n’a pourtant changé depuis sa publication : les funérailles à l’américaine sont toujours aussi coûteuses et élaborées, et l’embaumement en fait habituellement partie.

9Même si la thanatopraxie constitue la norme en Amérique du Nord, la plupart des gens ne savent pas en quoi cela consiste. Cette pratique invasive prend beaucoup de temps et requiert les soins intensifs d’un embaumeur. Il s’agit d’un acte quasi médical pratiqué dans une salle d’opération équipée à cet effet. Le thanatopracteur nettoie parfaitement le corps avec une solution désinfectante. Il draine le sang et les fluides corporels par une incision à l’artère carotide et à la veine jugulaire. Il utilise un aspirateur muni d’une canule pointue et coupante appelée trocart, qu’il introduit dans l’abdomen par une autre incision pour, en parcourant à l’aveuglette les intestins, le cœur, les poumons et tous les autres organes, en extirper les fluides. Le drainage consiste également à remplacer le sang et les liquides par un mélange de produits chimiques à base de formaldéhyde, qui préserve les tissus et supprime la rigidité cadavérique. Les biocides sont colorés en rouge pour imiter le sang, et rendre au cadavre blafard les couleurs de la vie : les tissus reprennent du volume et le corps retrouve rondeur et souplesse. Après avoir drainé les fluides corporels, l’embaumeur obture les orifices naturels avec un bouchon en plastique ou une mèche ; il ferme la mâchoire à l’aide d’un fil et suture ou colle la bouche dans la bonne position ; il injecte sous le derme des produits de comblement et colle les paupières sur des bouchons en plastique qu’il a préalablement fixés sur les yeux. Enfin, le praticien imprime aux traits du mort une expression paisible, maquille son visage et son corps, le coiffe et l’habille (Green 2008 : 75-76 ; Harris 2007 : 20-26 ; Mayer 2006 ; Laderman 2003 ; Lynch 1997 ; Habenstein & Lamers 1955).

10L’embaumement a pour but de produire un mort qui ait l’air vivant et simplement endormi (Mayer 2006 ; Laderman 2003 ; Lynch 1997 ; Habenstein & Lamers 1955). Interviewé par la télévision publique américaine, un jeune et sympathique directeur de pompes funèbres décrit le processus en ces termes :

Quand quelqu’un est embaumé, ce que j’essaie de voir en premier c’est quels points positifs on a apporté. Très souvent, sa coloration a changé et la pigmentation ou le ton sont plus normaux. Très souvent, il y a un comblement des tissus et d’autres choses de cette nature. (Navasky et al. 2007.)

11Autrement dit, selon les critères esthétiques de l’embaumement, « normal » signifie « qui semble vivant ». L’apparence d’un cadavre est normale lorsque la pigmentation de sa peau et l’aspect de ses chairs sont ceux d’une personne vivante. Les funérailles à l’américaine n’acceptent que les cadavres qui ont l’air en vie. D’après un autre directeur funéraire, la présentation du corps aux proches « peut soit les réconforter soit les remplir d’horreur », selon qu’il paraît vivant ou mort (Laderman 2003 : 23). En effaçant les traces de la mort, le thanatopracteur veille à ce que le corps ne soit pas une « horreur ». Qu’une personne décède d’un cancer buccal, et il fait une reconstruction en cire de la mâchoire rongée par la maladie. Qu’elle meure dans un accident de la route, et il efface sur son corps toute trace de violence. Une fois ces traces éliminées, le corps ainsi produit n’est plus tout à fait mort.

12Dans les funérailles à domicile, au contraire, on ne cherche pas à donner au corps l’apparence de la vie. Le cadavre a l’air mort. Les membres de ce mouvement recommandent de garder le corps chez soi de trois à quatre jours. Certes, la neige carbonique sert à retarder la décomposition, mais on ne cherche pas à en masquer les signes, dont l’apparition est inéluctable et presque immédiate. Dès le second jour, la peau devient blafarde et des hématomes se forment. Le troisième jour, les traits du visage s’affaissent, la bouche et les yeux s’entrouvrent. Les fleurs et les huiles parfumées ne parviennent plus à camoufler l’odeur si caractéristique qui flotte dans l’air, une odeur de mort.

  • 3 L’article, paru en 2011 sur le site internet Centre for Natural Burial, n’est plus en ligne. Ses ar (...)
  • 4 Communication personnelle.

13Si, embaumé, le corps idéal donne une impression de vie, à domicile il a l’air mort et personne n’ira croire qu’il dort. Si la putréfaction est le propre de l’horreur pour les partisans de la thanatopraxie, c’est cette dernière qui souvent suscite ce sentiment chez les adeptes des funérailles à la maison : l’embaumement revient à « bourrer le corps de produits chimiques nocifs3 » et le mort ressemble de façon choquante à une « poupée Barbie en plastique4 ». Cette pratique est un objet de moquerie dont ils parlent presque toujours avec dégoût et même révulsion.

14Dans les obsèques domestiques, la présence du corps a des vertus bienfaisantes, même lorsqu’il montre des signes de décomposition. On y encourage la confrontation directe avec un cadavre auquel personne n’a tenté de donner l’apparence de la vie. Loin de susciter l’horreur, les changements subis par le corps sont généralement présentés comme une source d’apaisement. L’intimité avec les morts fait du bien aux vivants.

15Ces deux approches correspondent à des systèmes esthétiques et éthiques opposés. Elles renvoient également à deux instances agissantes (loci of agency). Dans les funérailles traditionnelles, l’embaumeur est l’agent : lieu d’horreur, le corps devient lieu de réconfort grâce à son intervention, qui, en plaçant le défunt sous contrôle, adoucit la peine des proches. Dans les funérailles à domicile, ce rôle revient aux proches qui prennent soin du mort dans l’intimité. De plus, une certaine capacité d’action (agency) est également reconnue aux morts eux-mêmes. Source de réconfort, leur corps en décomposition envoie même parfois, nous allons le voir, des signes ou des messages.

Le mort enchanté

16Je dois l’ossature de cette recherche à la formation que j’ai suivie pendant un an pour devenir « sage-femme de la mort » et accompagner les proches dans le processus de soins post mortem. J’envisageais mon premier atelier avec appréhension. À l’instar de la plupart des Américains, mon expérience de la mort se limitait à un bref coup d’œil dans un cercueil ouvert à des funérailles. Je me préparais à affronter physiquement la présence de la mort. J’avais préparé mon sac en suivant la liste établie par les responsables de l’atelier : bandages, gaze, Cotons-Tiges, gants en caoutchouc. Un peu comme si je me rendais dans un camp de vacances, mais d’un genre plutôt macabre. J’étais prête à me confronter à mon terrain. Et si j’ai bien rencontré la mort sous son aspect matériel et physique, j’ai aussi compris, dès le premier jour, que la neige carbonique et les bandages ne me seraient d’aucune utilité pour traiter ce qui se trouve au cœur des obsèques à domicile : l’immatériel et le métaphysique.

17Le premier jour, notre formateur répéta à plusieurs reprises que nous devions parler doucement en présence des morts, nous montrer attentifs et rassurants, et toujours agir comme s’ils pouvaient nous entendre. Deux infirmières en soins palliatifs de notre groupe approuvèrent, disant que l’ouïe est souvent le sens qui disparaît en dernier pendant l’agonie. Or cette explication gomme la limite entre le mourant et le mort, qui reste ainsi en relation avec les vivants. Le cadavre n’est pas tout à fait mort, il abrite une étincelle de vie.

18Selon Max Weber, le déclin de la religion et de la magie se solde par un « désenchantement du monde » (Weber 1964 : 117). Joshua Landy et Michael Saler (2009 : 2) estiment quant à eux que les choses sont plus compliquées, le monde moderne offrant également un riche éventail de « stratégies laïques et délibérées de ré-enchantement ». Tout en repoussant les théories habituelles qui réduisent l’enchantement à un fond atavique, superstitieux et primitif, ils se démarquent de l’idée d’un enchantement secret et dangereux de la modernité, illustrée par le fétiche marchand de Karl Marx ou par la dialectique de la raison de Max Horkheimer et Theodor W. Adorno (2009 : 3), qui suppose un lien inextricable et délétère entre la pensée des Lumières et le mythe. Selon l’hypothèse de Landy et Saler (2009), en effet, « la modernité rassemble des contraires apparents, comme la rationalité et le merveilleux, la laïcité et la foi ». Enchantement et désenchantement existent ensemble dans une tension féconde, porteuse de modernité.

19Le terme « enchanté » me sert à qualifier un élément coextensif à une vision du monde rationnelle, qu’il désorganise sans pour autant lui être opposé. Dans les funérailles à domicile, le cadavre est en effet le lieu d’une tension féconde. Tout en se conformant aux attentes de la science et de la biologie, par exemple en se décomposant au ralenti grâce à la neige carbonique, il est le siège de manifestations et de prodiges – d’un enchantement – qui dépassent l’entendement.

20Si, dans ce type d’obsèques, les morts entendent, il arrive aussi qu’ils respirent. Emmy en a été témoin avec le corps de sa sœur : « Il ne fait aucun doute que sa poitrine se soulevait et s’abaissait. » Infirmière originaire du Midwest, Emmy est une personne pleine de bon sens, qui porte ses cheveux poivre et sel coupés ras et s’exprime de façon cordiale mais ferme et précise, visiblement habituée à donner des ordres. Elle montre ce qu’elle a vu en faisant un geste de la main de haut en bas. Elle doute : « Mes yeux ont-ils pu me tromper ? », mais rejette cette idée en secouant la tête : « Non. Je l’ai vu. » Quand je lui demande comment elle explique la respiration de sa sœur, elle marque une pause. « Je suppose que c’est le corps qui doit apprendre à être mort. Son esprit devait encore s’y trouver. » L’idée que le corps et l’esprit doivent assimiler leur propre mort est couramment exprimée au sein de ce mouvement. Les récits de cadavres qui respirent sont si fréquents qu’ils mériteraient une mention spéciale dans un manuel destiné aux familles souhaitant veiller elles-mêmes sur leurs morts :

La mère d’une femme appartenant à notre communauté est décédée et des gens ont remarqué qu’elle « respirait ». Or ce n’était pas une respiration, mais une « expiration » liée au retour à la matière du corps physique. Cela dure plusieurs jours. L’esprit de notre cher disparu se déplace au-delà des limites de la géographie, selon un processus qui suit sa propre cadence et son propre rythme. (Knox 2010 : 25.)

21Aucune distinction claire n’est établie dans ce passage entre le mouvement du corps et celui de l’âme, entre la respiration (un terme évoquant à la fois le souffle et l’esprit) et la décomposition. Les deux types d’explications, scientifique et spirituelle, coexistent. Le cadavre apparaît comme le lieu où fusionnent l’enchantement et le désenchantement.

Le seuil

22Comme le suggèrent les récits de défunts qui entendent ou respirent, un grand nombre d’adeptes du mouvement des funérailles domestiques pensent qu’une étincelle de vie subsiste quelque temps après la mort. L’« esprit », l’« âme » ou la « force de vie » est censé s’attarder plusieurs jours dans le corps, le temps que la personne « s’habitue à être morte ». Le passage de vie à trépas est un processus. La mort n’est pas un événement ponctuel, dont un médecin en soins intensifs, aux urgences ou sur le lieu de l’accident peut fixer l’heure à la minute près en l’inscrivant dans un registre. Elle se déroule sur plusieurs jours, au domicile du mort, entouré de ses proches. Les adeptes appellent souvent cette période le « seuil ». Le mot désigne aussi bien les quelques jours après le décès que le moment juste avant.

  • 5 Communication personnelle.

23L’état de seuil est conçu en termes à la fois biologiques et métaphysiques. Généralement identifié à l’esprit du défunt qui s’attarde, ce reste de vie accepte également une interprétation plus matérialiste. Une sage-femme funéraire, qui est aussi une dirigeante célèbre du mouvement, définit ainsi le statut du cadavre après la mort : « Le corps ne meurt pas d’un seul coup. Il se passe encore beaucoup de choses. Le cœur et le souffle se sont arrêtés, mais les cellules ne meurent pas instantanément5. » Cette explication évoque un passage de Naissance de la clinique où Michel Foucault (2005 : 144-145) décrit la mort comme étant « multiple et dispersée dans le temps » : « Longtemps encore après la mort de l’individu, des morts minuscules et partielles viendront à leur tour dissocier les îlots de vie qui s’obstinent. » Cette définition du philosophe inspire à Donna V. Jones (2010 : 3) la réflexion suivante : « De même que l’unité du jour et de la nuit pour laquelle nous n’avons pas de mot, l’unité de la vie et de la mort n’est pas facile à exprimer. » Tel est précisément l’objectif des funérailles domestiques : penser ensemble les deux termes de cette unité, en donnant à voir que la vie est présente dans la mort, comme la mort l’est dans la vie.

24L’idée que le mort conserve une étincelle de vie détermine la façon dont les vivants prennent soin de lui. Elle est au fondement de la rupture avec les funérailles traditionnelles. L’inversion des termes, qui transforme le funeral home (« maison » ou établissement funéraire) en home funeral (funérailles à la maison), concerne également le traitement du défunt. Aux pompes funèbres, le corps semble vivant, mais, percé et vidé, il est traité comme un objet. À domicile, il paraît bel et bien mort, mais reste un sujet auquel il faut parler avec douceur et tendresse. La mort physique et sociale ne correspond pas à un moment précis, proprement circonscrit ; ses limites sont floues, elle déborde. Pour reprendre l’expression de Victor Turner (1967 : 97), le « seuil » entre la vie et la mort relève de l’entre-deux, betwixt and between, un espace qui, de même que la période liminaire des rites de passage, devient le « lieu de tous les possibles ». L’un de ces possibles, c’est l’enchantement.

25Bien entendu, l’expérience de l’enchantement n’est pas vécue par toutes les familles qui organisent des obsèques domestiques. Elle ne figure pas parmi les principales raisons invoquées pour choisir ce type de funérailles, qui sont le refus de l’embaumement, le désir de garder le corps chez soi et l’envie de prendre le temps de dire adieu. Certaines familles ne souhaitent pas vivre une telle expérience ni ne l’apprécieraient si elle survenait. Ce serait étrange et effrayant, voire ridicule ou excessivement new age – « trop toc toc » selon l’expression d’une femme interrogée. Ces familles préfèrent prendre soin du corps en se concentrant simplement sur les tâches matérielles. Les expériences d’enchantement qui s’inscrivent en dehors de ce que la science reconnaît comme possible sont toutefois courantes. Le plus souvent, le mort s’adresse à un proche qui l’entend parler dans la pièce ou dans son esprit, il lui apparaît en rêve ou dans une vision, il émet l’odeur de sa fleur ou de son parfum préféré, à moins qu’il n’ouvre les yeux à un moment décisif.

26Le vécu enchanté le plus répandu consiste à percevoir la présence d’une énergie qui émane du corps ou l’enveloppe. Une mère décrit la « lumière invisible et dorée » qui « se déversa » du corps de sa fille pendant deux jours après sa mort. Une femme raconte qu’à la suite du décès soudain de son amie à l’hôpital, « Vous pouviez encore la voir [la vie]. Même à la maison, quand on a ramené le corps de la morgue, l’énergie se déversait encore de sa tête et de son cœur ». Dans un article consacré aux funérailles à domicile de son mari, l’écrivaine et militante écologique Joanna Macy (2011 : 32) livre cette belle description : « Je peux encore presque la sentir, la douceur de l’air, sa caresse, cette légèreté indicible en nous et autour de nous. » Tous ceux qui l’ont vécue le disent, cette perception par le toucher, à fleur de peau, de la présence du mort est d’un immense réconfort.

Limites et immanence

27Dans les obsèques domestiques, l’enchantement commence avec la présence même du cadavre. Ni caché ni transformé en simple dormeur, le mort a l’air mort et, tout en restant accessible à nos sens, il réclame des soins attentifs, intimes, de notre part. Le corps en décomposition participe de l’enchantement, de sa possibilité même.

28Il émane de cette présence une puissance qu’il est difficile de mettre en mots. Martin Heidegger (2008 : 296) pointe cette difficulté en assimilant la mort à une non-relation, une impossibilité absolue, quelque chose d’« insurpassable ». Pour Kristeva (1983 : 11), confrontés au cadavre, nous atteignons, désorientés, « aux limites de [notre] condition de vivant », et le cadavre lui-même « tombe tout entier au-delà de la limite », de même que ci-dessus le contact avec le mort s’établit aux funérailles à domicile alors qu’il part « au-delà des limites de la géographie ». L’énergie qui émane des morts, dans les exemples rapportés plus haut, n’est peut-être qu’une autre façon d’exprimer l’immanence. Peu avant son suicide, Gilles Deleuze (1995 : 5) décrit la rencontre avec un moribond comme le « moment où la vie individuelle affronte l’universelle mort », et où l’immanence se manifeste. L’immanence est un « mouvement de l’infini », qui se laisse apercevoir entre la vie et la mort (Agamben 1997 : 228), une étincelle de vie qui s’actualise dans un individu, le traverse – « pure puissance et même béatitude » (Deleuze 1995 : 6). Le choc de la rencontre avec le cadavre, son immanence, la limite qu’il marque, tout cela rend l’imagination réceptive à l’enchantement.

  • 6 Le DSM ou Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders est un ouvrage de référence – fort (...)

29Voyons à présent comment la peine se manifeste de façon étrange quand l’enchantement opère. L’assimilation du chagrin à un état psychologique dangereux, proche de la folie, est très répandue. Pour Freud (1989), le deuil peut tourner à la mélancolie. Dans le manuel de la société américaine de psychiatrie6, la ligne séparant le chagrin du trouble dépressif grave est devenue de plus en plus mince (Prigerson et al. 2009). Dans L’Année de la pensée magique, où elle raconte la perte de son mari, Joan Didion témoigne de la dangerosité du chagrin :

Le chagrin du deuil, en fin de compte, est un état qu’aucun de nous ne connaît avant de l’avoir atteint. […] Nous nous attendons peut-être, si la mort est soudaine, à ressentir un choc. Nous ne nous attendons pas à ce que ce choc oblitère tout, disloque le corps comme l’esprit. Nous nous attendons peut-être à être prostrés, inconsolables, fous de chagrin. Nous ne nous attendons pas à être littéralement fous, à devenir cette personne qui croit sans sourciller que son mari va bientôt revenir [des morts] et avoir besoin de ses chaussures. (Didion 2007 : 231).

30Dans un grand malheur, on peut ainsi faire l’expérience d’une altérité radicale. Une étude sur le deuil menée à Manchester et à Leister en Angleterre a recueilli un grand nombre de témoignages de veuves qui ont vécu un contact avec leur mari défunt, par la vue, l’ouïe, l’odorat, ou la « sensation » évidente de sa présence (Bennett & Bennett 2000). Il n’est pas rare que la personne concernée passe pour « littéralement folle » – selon l’expression de Didion – auprès de la famille endeuillée et de son entourage. Les professionnels de santé, notamment, considèrent souvent ces expériences comme le « symptôme d’un dysfonctionnement physique, émotionnel et mental » (ibid. : 146). Après consultation de la littérature européenne et américaine de la fin du xxe siècle consacrée à ce phénomène, Gillian Bennett et Mary-Kate Bennett arrivent toutefois à la conclusion que « les spécialistes du deuil s’accordent à présent pour dire que ce genre d’expériences est monnaie courante » (ibid. : 140). Même si le sentiment ou la « sensation de la présence des morts » ne représente qu’une partie limitée de l’expérience du deuil, elle illustre bien à quel point la peine peut transformer le vécu quotidien, l’imprégner d’une altérité radicale, qui peut confiner à l’hallucination. Comme le suggère le titre du livre de Didion, le chagrin éprouvé par les proches se teinte souvent de magie plus ou moins noire. Dans les funérailles domestiques, en s’associant comme la graine au terreau fertile, l’état de deuil et le choc de la rencontre avec le cadavre produisent des expériences d’enchantement.

Petites attentions réciproques

31Ainsi enchantées, les obsèques à domicile ouvrent des possibilités inédites. Le seuil temporel entre la vie et la mort fait passer le décès du statut d’événement à celui de processus. Pendant son séjour à la maison, le corps n’est pas traité en objet, mais en sujet qui s’éteint. Cette conception permet un échange de soins intersubjectif, où les morts veillent autant sur les vivants que les vivants sur les morts. Prenons l’exemple de Lars, qui est mort en agonisant pendant des heures et en respirant difficilement. En moins d’une année, un cancer fulgurant a rendu presque méconnaissable ce musicien d’une cinquantaine d’années, un homme vigoureux, marié et père de famille, réduit à l’ombre de lui-même. Seul son regard bleu et perçant n’a pas changé. Aussitôt après son décès, son épouse, Petra, et Heidi, la sage-femme funéraire qui assiste la famille, commencent à laver le corps. En général, dans les funérailles à domicile, la préparation du cadavre ne vient pas en priorité. Pour les adeptes du mouvement, « la mort n’est pas une urgence ». D’ordinaire, après une nuit aussi épuisante, la sage-femme aurait probablement conseillé à Petra de surtout dormir un peu (autre expression favorite : « Tout d’abord, ne rien faire »). Cependant, certains corps sont fragiles, notamment ceux atteints d’un cancer avancé, et peuvent commencer à se décomposer très rapidement. La sage-femme a prévenu Petra : mieux vaut couvrir le corps de Lars de neige carbonique dès que possible.

32Tout le monde est très fatigué. La nuit a été exténuante, pleine d’émotion. Les deux femmes lavent soigneusement le corps de Lars avec de l’eau savonneuse parfumée à la lavande. Elles en bénissent chaque partie en l’oignant d’huiles essentielles. « Bénies soient tes mains qui jouaient si bien de la musique », ou encore : « Bénis soient tes yeux qui voyaient toujours le bon côté des gens. » Elles changent le drap du dessous en faisant astucieusement basculer le corps, comme cela se fait à l’hôpital. Elles le coiffent d’une casquette pour cacher son crâne rose, rendu chauve par son traitement. Elles l’habillent d’un pantalon noir et d’une chemise brodée qu’il portait en concert. Ses habits sont trop grands pour lui, mais il est ainsi plus facile de le vêtir. Le tissu en trop est rabattu dans son dos et ses mains jointes sont placées sur sa poitrine.

33Propre et bien habillé, Lars repose sur un drap tout frais, mais sa bouche reste ouverte. Petra et Heidi ont essayé de la maintenir fermée à plusieurs reprises, en usant d’un procédé que les sages-femmes jugent infaillible, consistant à passer sous le menton une écharpe que l’on noue ensuite au sommet du crâne. C’est généralement très efficace : une fois la rigidité cadavérique installée, la mâchoire se bloque dans la bonne position et l’on peut retirer l’écharpe. Mais celle-ci ne cesse de glisser et la bouche de Lars refuse obstinément de se fermer. Tout en renouant l’écharpe encore et encore, Petra supplie son mari de bien vouloir fermer la bouche. Le voir ainsi lui rappelle combien il peinait à respirer pendant sa longue nuit d’agonie, et elle le supporte mal. Après plusieurs vaines tentatives, les personnes présentes ont dû quitter la pièce pour vaquer à d’autres occupations. À leur retour, Lars a non seulement fermé la bouche, mais un léger sourire flotte sur ses lèvres. Un sentiment d’émerveillement et de soulagement envahit la pièce. Pour Petra et Heidi, Lars leur a donné un signe, l’assurance qu’il ne souffre plus, qu’il est en paix.

34Dans les funérailles domestiques, les proches veillent sur leur mort – qui en retour veille sur eux. Dans ce récit, Petra prend soin du corps de Lars après son décès, et reçoit de lui en contrepartie l’assurance qu’il va bien. Ils se réconfortent l’un l’autre. La relation que ce couple entretenait dans la vie se poursuit au-delà. Les vivants s’adressent aux morts et les morts leur répondent par des signes, qui s’inscrivent dans leur corps, dans un rêve ou une apparition, dans un sourire.

Dissection et désenchantement

  • 7 « Ouvrez quelques cadavres : vous verrez aussitôt disparaître l’obscurité que la seule observation (...)

35En parlant doucement aux morts, on reconnaît qu’il leur reste, sinon des sensations physiques, au moins quelque chose de vivant et de sensible. Dans le discours éclairé de l’Occident industrialisé, cette vision « enchantée », dirions-nous, n’est pas scientifique et relève de la superstition. En fait, elle n’est pas simplement considérée comme contraire à la science, mais doit être proprement éradiquée. Cela fait partie intégrante des Lumières et de leur projet de désenchantement du monde. Historiquement, ce processus n’était pas inévitable, les premiers heurts dans son déroulement remontant aux débuts de la dissection anatomique. Pour que la médecine devienne une science, il fallait disséquer quelques cadavres7. D’après l’historienne Ruth Richardson (2000 : 50), « le choix s’est porté sur l’anatomie, en particulier la dissection, pour fonder le savoir scientifique sur le corps humain ; aussi, aujourd’hui encore, le cadavre est-il le premier objet d’étude de nombreux étudiants ». L’histoire de la dissection est le contraire d’une histoire de fantômes. Les fantômes furent chassés à mesure que le cadavre était dépouillé de ses enchantements et devenait l’objet construit d’un savoir biomédical.

36En Europe, notons-le, les premières autopsies ne sont pas réalisées pour des raisons scientifiques, mais religieuses. On recherche alors des signes miraculeux dans le corps des saints. Le martyre et l’autopsie de saint Ignace sont décrits vers 1260 dans ce passage de La Légende dorée, cité par l’historienne Katharine Park (1994 : 22) :

  • 8 Traduction extraite de l’édition française de La Légende dorée, traduite du latin par J.-B. M. Roze (...)

Comme ses bourreaux lui demandaient pourquoi il répétait si souvent ce nom [Jésus-Christ], il dit : « Ce nom, je le porte écrit dans mon cœur ; c’est la raison pour laquelle je ne puis cesser de l’invoquer. » Or, après sa mort, ceux qui l’avaient entendu parler ainsi voulurent s’assurer du fait ; ils ôtent donc son cœur de son corps, le coupent en deux et trouvent ces mots gravés en lettres d’or au milieu : « J.-C. »8.

37On scruta d’abord les organes à la recherche de signes de la divinité et non de la maladie. Au fondement de la dissection médicale, cependant, on trouve les cadavres de pécheurs et non de saints. Jusqu’au milieu du xixe siècle, les anatomistes ne pouvaient autopsier, selon la loi, que les corps de condamnés à mort. La dissection pratiquée après l’exécution faisait explicitement partie de la condamnation (Richardson 2000 : 53 ; Lock 2002b : 302-306). L’ouverture de vos entrailles par un anatomiste était comprise dans la peine capitale. Dans les premiers temps toutefois, même les médecins n’étaient pas totalement libérés des idées religieuses. Sur certaines gravures anatomiques de la Renaissance, les corps évoquent curieusement à la fois le pécheur et le saint. Les cadavres écorchés de criminels y figurent dans la position du suppliant. D’autres gravures représentent même un Christ en croix dont le corps est disséqué (Park 1994).

38Jusqu’au début du xixe siècle au moins, le cadavre est investi d’un caractère sacré. Pour Richardson (2000 : 6), il existe dans la conception populaire « une période de temps entre la mort et l’enterrement pendant laquelle le corps n’est “ni vivant ni tout à fait mort” ». Cet état liminal faisait de la dissection une forme de châtiment particulièrement redoutée. Mais il chargeait également le cadavre de vertus curatives. Les anatomistes peinaient souvent à récupérer le corps d’un pendu dans la foule qui se pressait autour de lui : toucher le cadavre encore chaud passait en effet pour guérir les écrouelles, le goitre et une foule d’autres maux (ibid. : 53).

  • 9 Également pédiatre et médecin généraliste, William Carlos Williams (1883-1963) s’inscrit dans le co (...)

39Le corps comme lieu du sacré inspira des sentiments profonds et tenaces. La dissection était une profanation et ce n’est pas sans difficultés qu’elle devint une pratique « non seulement licite, mais également louable », au service du progrès scientifique (Lock 2002a : 39-40). Disons-le en pastichant le poète moderniste William Carlos Williams : « Tant de choses dépendent d’un cadavre gris ouvert par le scalpel à côté d’hommes en blanc9. » La dissection et l’autopsie jouèrent un rôle fondateur dans la constitution de la médecine comme discipline scientifique (Lock 2002a ; Laqueur 1989 ; Richardson 2000).

  • 10 Appelée aussi « coma dépassé ». (Note de la traductrice.)
  • 11 Voir à ce sujet l’article de Vivien García et Milena Maglio dans ce numéro. (Note de la rédaction.)

40On peut franchir un pas de plus et affirmer que le désenchantement du cadavre a permis de repenser la mort elle-même. En 1968, un comité réuni à Harvard et composé de médecins, de chirurgiens, d’éthiciens et de juristes modifia la définition de la mort aux États-Unis (Lock 2002a : 104). Comme Margaret Lock l’a bien montré avec d’autres, dans l’abondante littérature anthropologique consacrée à la transplantation d’organes, le concept de mort cérébrale10 change radicalement la façon dont la mort est déterminée11. Auparavant, la fin de la vie était fixée par l’arrêt de la circulation et de la respiration. N’importe qui pouvait la diagnostiquer : immobile et froid au toucher, le corps n’a plus de pouls ni de respiration. Voilà à quoi ressemble encore un mort pour la plupart d’entre nous. Le bon sens veut qu’une personne soit vivante quand son cœur bat et qu’elle respire. Le concept de mort cérébrale a tout changé. Les progrès scientifiques qui ont rendu possibles les greffes d’organes ont également permis de placer un corps sous assistance cardiopulmonaire, si celui-ci ne peut plus assurer lui-même ces fonctions vitales. Dorénavant, seul un expert maîtrisant ces techniques complexes de prolongement de la vie peut diagnostiquer le décès. Avec la mort cérébrale, le discours médical a opéré le dernier grand désenchantement, en transformant un corps rose et chaud dont le cœur palpite en cadavre potentiel.

41Le changement de statut du corps mort, sujet devenu objet, constitue une évolution conceptuelle majeure dans l’histoire de la médecine (Richardson 2000 ; Laqueur 1983 ; Lock 2002a). Si le cadavre n’avait pas d’abord été désenchanté, et repensé comme un « objet biologique neutre » (Lock 2002a : 39), il n’aurait pu devenir le support d’une étude rationnelle et scientifique, et ainsi donner naissance à la médecine.

L’effort d’enchantement

  • 12 Comme son nom l’indique, la forensic archaeology applique à la médecine légale les principes et les (...)

42Malgré ce long travail de désenchantement, le potentiel magique du cadavre peut se réveiller et faire éruption. Dans un article consacré aux exhumations pratiquées en archéologie légale12, Zoe Crossland soutient que « la science a conservé et transformé les croyances au pouvoir magique du cadavre, alors même qu’elle paraissait les bannir en les réfutant » (2009 : 76-77). Selon elle, le traitement des corps exhumés donne lieu à un va-et-vient subtil entre les vivants et les morts, qui occupent tour à tour la position d’agent. Dans le cadre d’une enquête criminelle, les morts communiquent en révélant la « vérité » des faits aux enquêteurs. Le cadavre apparaît là aussi comme un champ des possibles, où les conceptions scientifiques coexistent avec le potentiel magique de la mort tout en rivalisant avec lui.

43Même au cœur de la biomédecine, le mort peut conserver (ou recouvrer) son statut de sujet, son potentiel d’enchantement. Annemarie Mol (2002 : 149) note comment un tout petit geste du légiste en charge de l’autopsie – consistant à couvrir le visage du mort – peut « réinscrire le cadavre dans son statut de personne », ne serait-ce que brièvement. L’objet cadavre est sans cesse menacé par une irruption du sujet.

  • 13 « Nature morte avec cadavre » : le terme still life, la « vie immobile », désigne une nature morte (...)

44Dans le cadre biomédical, le potentiel enchanteur du cadavre est réduit à néant. Katharine Young (1993 : 130) soutient dans « Still life with corpse13 », un essai sur la pratique de l’autopsie, que l’humour noir qui règne dans le labo de pathologie est révélateur d’un « malaise métaphysique concernant le statut ontologique du cadavre », ni tout à fait sujet ni tout à fait objet. Les plaisanteries reposent sur « le sentiment horrifique que quelqu’un est encore là, qui est susceptible d’être injurié, profané, maltraité, moqué. Seule une personne peut recevoir des insultes, pas un objet » (ibid. : 117). Pour Young, la technique de l’autopsie veille à maintenir le cadavre en position d’objet, afin de dissiper l’impression troublante « que quelqu’un est encore là ».

45C’est cette ambiguïté que nous trouvons gênante. Aussi la pathologie tente-t-elle de réinscrire la mort dans le corps comme si elle y occupait un espace limité, et de redéfinir sa survenue, l’heure du décès, comme instantanée. Elle cherche par ce biais à clarifier le statut ontologique du cadavre, ce sujet-devenu-objet, en créant de toutes pièces des frontières spatiotemporelles claires, nettes et précises (ibid. : 129). D’un coup de scalpel, le pathologiste élimine toute ambiguïté, toute trace de sujet, ce « quelqu’un encore là » – bref, toute possibilité d’enchantement.

46Or c’est justement cette part d’ambiguïté que les funérailles à domicile veulent conserver. Elles se démarquent de l’approche biomédicale par leur refus d’ériger des frontières ontologiques « claires, nettes et précises ». Dans ce type de funérailles, bien au contraire, les limites entre sujet et objet sont floues et mouvantes, voire troubles et fuyantes. Le corps du mort n’est pas un « sujet devenu objet » sous les coups précis du scalpel, mais un être hybride, sujet et objet, s’exhalant dans un même souffle qui est tout à la fois respiration, esprit, décomposition. Le cadavre est le lieu où fusionnent la médecine et la magie, la science et l’enchantement.

47Le travail toujours recommencé du pathologiste rappelle que la construction du cadavre comme objet n’est ni un événement historique achevé ni un fait acquis, mais un processus en cours, un effort sans cesse renouvelé. Les cadavres deviennent des objets biomédicaux l’un après l’autre, incision après incision, chaque sujet étant transformé en objet par le scalpel. Ce travail de désenchantement rappelle également que « nous n’avons jamais été modernes » (Latour 1991). Selon Bruno Latour, certaines pratiques créent, par « purification », deux « zones ontologiquement distinctes », établissant une séparation conceptuelle entre la science d’une part, le social et le spirituel de l’autre (ibid. : 10). Aussi l’autopsie permet-elle de trancher le nœud gordien. Hybride de sujet et d’objet, le cadavre occupe une position ontologique ambiguë, qu’il faut sans cesse purifier et repréciser.

48De même que le désenchantement n’a pas lieu une fois pour toutes, l’enchantement se travaille lui aussi. Le cadavre n’est à la fois sujet et objet que si un « et » relie ces deux statuts, comme une suture qu’il faudrait sans cesse resserrer. Ce travail d’enchantement relève du « double registre épistémologique » conceptualisé par T. M. Luhrmann (2012 : 100) : « Réel, mais pas réel ; pas réel, mais plus que réel. » Dans cet espace, qui correspond au « seuil » des funérailles à domicile, le cadavre est un objet et un sujet.

49Au sein de cet espace, un mort peut sourire. En souriant, Lars a, pense-t-on, volontairement adressé un signe de réconfort à sa famille. Mais on sait également qu’il manifeste les signes biologiques de la mort. La rigidité cadavérique fige souvent les muscles du visage dans un sourire (ou rictus) post mortem. Heidi, la sage-femme qui s’occupe de Lars, en a informé Petra, son épouse. Mais pour elles, le sourire de Lars est une manifestation de la désintégration physique de son corps et un signe de soutien envoyé par son esprit.

50Ce double registre épistémologique, dans lequel le sourire d’un mort est à la fois une contraction musculaire et un message surnaturel, fait appel à une conception de la croyance plus complexe et plus ludique, qui englobe « un espace conceptuel autre, ni matériellement réel à la manière d’une table ou d’une chaise, ni fictif à la manière de Blanche Neige et les sept nains » (ibid. : 320). Parvenir à penser le mort comme sujet et objet, comme enchanté et désenchanté requiert une certaine discipline, dans la croyance et dans la pratique. C’est l’effort d’enchantement.

51Cet effort d’enchantement permet d’entretenir une relation suivie avec un mort. La fille de Patricia, Ana, est décédée à l’âge de sept ans dans un accident de la route survenu il y a douze ans. Pour ses funérailles, Patricia a veillé le corps d’Ana à domicile pendant quatre jours et, depuis lors, la mère et la fille se parlent presque quotidiennement. Au fil de leurs conversations, l’enfant de sept ans a grandi. « Elle est différente maintenant. Elle a presque vingt ans. » Comment la mère est-elle parvenue à communiquer avec sa fille ? « Nous avons appris ensemble » : l’une vivante et l’autre morte, mais désirant toutes deux poursuivre leur relation, elles ont fourni les efforts nécessaires. Patricia utilise certaines techniques : « Le meilleur moment pour y parvenir c’est juste avant de s’endormir et juste après s’être réveillé. » Le « voile est mince » à ces moments-là, explique-t-elle, et l’on se connecte mieux au monde de l’invisible. « Le soir on peut leur envoyer de l’énergie. La nuit c’est nous qui donnons et le matin ils nous donnent en retour. Le fait d’envoyer crée le lien qui permet de recevoir. » Patricia marque une pause. « Ils en ont besoin. C’est ainsi que nous pouvons leur rendre service. C’est leur nourriture spirituelle. » Selon elle, chacun d’entre nous doit le découvrir par soi-même. On peut apprendre à le faire et les morts peuvent nous y aider, c’est seulement une question de temps et de pratique.

52L’enchantement représente un effort. La maîtrise d’un double registre épistémologique demande de la pratique (Luhrmann 2012). On ne peut, sans effort, demeurer sur ce seuil, où le cadavre est en même temps un objet et un sujet, un corps biologique et un être sacré, un hybride à la fois désenchanté et enchanté, chose inanimée et dispensateur de soins spirituels.

La fin

  • 14 Selon ce courant philosophique, la vie se compose de matière animée par un principe vital, force ou (...)

53La domination et l’autorité de la médecine moderne s’enracinent dans une conception particulière du corps mort. La reconstitution de Lock (2002a : 39) s’inscrit dans une histoire linéaire, qui va des origines de l’autopsie jusqu’aux définitions contemporaines du décès, en passant par la production du cadavre en tant qu’« objet biologique neutre ». Les progrès de la dissection anatomique ont permis de soustraire le cadavre à l’emprise religieuse, au surnaturel et à la superstition. Après ce grand nettoyage, le corps mort et désenchanté, devenu « cadavre », a trouvé sa place dans le discours médical. Or, les funérailles à domicile œuvrent à contresens de l’histoire. En situant la mort non pas à heure médicale fixe, mais dans un seuil dont la traversée prend du temps, elles ravivent les braises du vitalisme14, redynamisent le surnaturel, ébranlent les certitudes : les morts sont-ils bien morts ? Cette vision enchantée a bousculé nos attentes : en Amérique du Nord, généralement, la mort est un événement biologique et non un processus social, le cadavre est un objet matériel, et la conscience prend fin avec la mort.

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Bibliographie

Des gens ordinaires ont ainsi produit une représentation de la mort et du corps mort, qui se démarque de la conception biomédicale dominante. Dans cette représentation, les amis et la famille – et pas seulement le médecin et le thanatopracteur – ont autorité sur les soins à donner au corps et sur le processus ou la durée de la mort, et peuvent assumer les questions éthiques de la fin de vie. Pour Jane Bennett (2001 : 3), « l’enchantement peut s’avérer précieux pour la vie éthique », parce qu’il exprime l’attachement à un monde fait d’affects et d’amour. Le mort enchanté est un mort bien-aimé. Grâce à cet échange de bons soins et de petites attentions avec leurs morts, les vivants créent une alternative épistémologique, un espace non médicalisé, situé « au-delà des limites de la géographie ». Sur ce « seuil », le cadavre apparaît comme une personne : investi d’une capacité d’action et d’affection, d’une aura sacrée et enchantée, il peut encore nous entendre.

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Notes

1 Article paru en ligne, en 2010, sur kstp.com (KSTP-TV « 5 Eyewitness news », chaîne d’information locale diffusant ses programmes à Minneapolis et dans l’ouest du Wisconsin, est une filiale du groupe ABC, membre du réseau HBS).

2 Publié en français en 1965 sous le titre La Mort à l’américaine (Paris, Plon).

3 L’article, paru en 2011 sur le site internet Centre for Natural Burial, n’est plus en ligne. Ses arguments écologiques, dont celui-ci, sont cependant cités dans l’article « Traditional funerals are bad for the planet », sur le site Naturally Earth friendly : http://naturallyearthfriendly.com/traditional-funerals-are-bad-for-the-planet/ [valide en octobre 2013]. (Note de la rédaction.)

4 Communication personnelle.

5 Communication personnelle.

6 Le DSM ou Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders est un ouvrage de référence – fort controversé en Europe et particulièrement en France – consacré aux troubles mentaux. (Note de la traductrice.)

7 « Ouvrez quelques cadavres : vous verrez aussitôt disparaître l’obscurité que la seule observation n’avait pu dissiper » (Xavier Bichat, Anatomie comparée, 1801, p. XCIX, cité dans Foucault 2005 : 149). (Note de la traductrice.)

8 Traduction extraite de l’édition française de La Légende dorée, traduite du latin par J.-B. M. Roze, Paris, Garnier-Flammarion, 1967 : I, 187. (Note de la traductrice.)

9 Également pédiatre et médecin généraliste, William Carlos Williams (1883-1963) s’inscrit dans le courant imagiste américain. Son poème intitulé La Brouette rouge est particulièrement célèbre : « Tant de choses dépendent / d’une brouette rouge / lustrée par l’eau de pluie / à côté des poulets blancs » (Williams 2000 : 76-77).

10 Appelée aussi « coma dépassé ». (Note de la traductrice.)

11 Voir à ce sujet l’article de Vivien García et Milena Maglio dans ce numéro. (Note de la rédaction.)

12 Comme son nom l’indique, la forensic archaeology applique à la médecine légale les principes et les techniques de l’archéologie. (Note de la traductrice.)

13 « Nature morte avec cadavre » : le terme still life, la « vie immobile », désigne une nature morte comme sujet ou comme œuvre d’art. (Note de la traductrice.)

14 Selon ce courant philosophique, la vie se compose de matière animée par un principe vital, force ou âme, qui peut s’attarder dans le corps ou près de lui après la mort. (Note de la traductrice.)

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Pour citer cet article

Référence papier

Alexa Hagerty, « Réenchanter la mort »Terrain, 62 | 2014, 120-137.

Référence électronique

Alexa Hagerty, « Réenchanter la mort »Terrain [En ligne], 62 | 2014, mis en ligne le 04 mars 2014, consulté le 05 décembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/terrain/15382 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/terrain.15382

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Auteur

Alexa Hagerty

Department of Anthropology, Stanford University

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Droits d’auteur

CC-BY-NC-ND-4.0

Le texte seul est utilisable sous licence CC BY-NC-ND 4.0. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.

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