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Rires

Rire en situation de violence

L’Algérie des années 1990
Abderrahmane Moussaoui
p. 122-133

Résumés

Rire dans les moments les plus graves peut être le signe manifeste du mépris ou de l’indifférence à l’égard d’une situation. Il peut signifier également une tentative de juguler ses probables débordements dont on craint les effets dévastateurs. De telles raisons peuvent suffire, en temps de paix, à justifier la présence ou le surgissement du rire dans ces moments de fatalité ou d’impuissance. En ces circonstances, le rire est sérieusement ritualisé et son espace-temps rigoureusement défini, de manière à garantir aux membres du groupe ébranlé un bénéfice ardemment espéré. Le rire paraît toutefois plus surprenant quand, avec insolence et désinvolture, de manière quasi impromptue, il vient s’introduire au cœur du tragique dans les moments extrêmes de folie humaine. En revenant sur la décennie de violence meurtrière qu’a vécue l’Algérie dans les années 1990, je tenterai de faire ressortir quelques-uns des différents sens que peut prendre le rire en situation de violence.

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Thème :

émotions, violence

Lieu d'étude :

Algérie

Mot-clé :

rire, violence, pouvoir, Algérie
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Texte intégral

« On peut rire de tout, mais pas avec n’importe qui. »
Pierre Desproges.

1Il n’y a pas si longtemps, on pouvait s’étonner du contraste existant entre « l’abondance et la vitalité à l’échelle de toutes les sociétés » de ce type de phénomènes et « la rareté des travaux » concernant de tels objets (Bromberger 1986 : 74). Désormais, le rire, l’humour et la dérision ont acquis droit de cité et envahi l’espace public. À une présence médiatique soulignée répond un intérêt aujourd’hui partagé par un grand nombre de disciplines des sciences humaines et sociales. Ce sont les psychologues et les psychanalystes qui, sur les pas du maître, semblent continuer à interroger un phénomène qui n’avait pas échappé à l’attention de Sigmund Freud. Ce dernier considérait l’humour comme une « épargne de peine » : l’homme se protégerait derrière l’humour, s’élevant ainsi au-dessus des affects auxquels l’exposent les réalités extérieures. Au lieu d’en être atteint et d’en souffrir, l’homme préfère subvertir ces traumatismes en tentant d’en faire une occasion de plaisir. Selon le mot du maître, « l’humour ne se résigne pas, il défie » (Freud 1992).

  • 1 Voir l’article de Pierre Clastres (1967), « De quoi rient les Indiens ? », repris dans le présent n (...)

2Destinés à faire rire, l’humour, la plaisanterie ou le trait fin peuvent renseigner plus que les discours sur l’état d’une société. Par un de ses aphorismes, l’écrivain autrichien Arthur Schnitzler nous assure de la valeur heuristique de la plaisanterie pour la connaissance des sociétés : « C’est dans la nature de leurs plaisanteries que se manifeste le caractère des nations » (Schnitzler 1988 : 66). Songeant à la question que posait en son temps Pierre Clastres à propos des Indiens Chulupi1, je me suis autorisé à poser la question « De quoi rient les Algériens ? », en espérant que les réponses à cette interrogation apportent leur éclairage à la connaissance de la société algérienne des années 1990 telle qu’elle était secouée par une violence sanglante. Malgré la triste réalité d’alors, je voyais une société meurtrie et dévastée continuer à beaucoup rire.

  • 2 « La parenté à plaisanterie pourrait se définir comme la gestion sociale par le rire de différentes (...)

3Ne voyons aucun paradoxe à cela, ne nous étonnons pas non plus de voir humour et violence faire bon ménage. Le rire a souvent été associé à la gravité, au solennel et à la mort. Rappelons à cet égard l’usage de la parenté à plaisanterie2. Cette pratique sociale, repérée dans plusieurs pays africains, autorise, voire oblige, des membres d’une même famille ou des membres de certaines ethnies à user de moqueries réciproques, allant parfois jusqu’à l’insulte. Le but de ces échanges verbaux est de parvenir à détendre l’atmosphère et à dénouer une situation sociale. Les funérailles en offrent des occasions d’expression, comme en bien d’autres cultures où le rire a sa place dans les rituels funéraires. En Méditerranée, des pleureuses vont de funérailles en funérailles, à la demande des familles du défunt, pleurer ses mérites et déplorer sa perte. Entre deux séquences de lamentations, ces spécialistes de l’affliction peuvent également, dans une sorte de distanciation, se muer en championnes de l’hilarité et faire rire les endeuillés, évitant ainsi à l’assistance de sombrer dans une mélancolie pathogène.

4Rire dans les moments les plus graves peut être une manière de manifester son mépris ou son indifférence à l’égard d’une situation, cela peut aussi être une tentative de juguler des débordements potentiels dont on craint les effets dévastateurs. De telles raisons peuvent suffire, en temps de paix, à justifier la présence du rire dans les moments de fatalité et d’impuissance liés au deuil. En ces circonstances, le rire est sérieusement ritualisé, et son espace-temps rigoureusement défini, de manière à garantir aux membres du groupe ébranlé un bénéfice ardemment espéré. Le rire est plus surprenant quand, avec insolence et désinvolture, de manière quasi impromptue, il vient s’introduire au cœur du tragique dans les moments extrêmes de la folie humaine.

Ce que rire veut dire

5La dérision est à la fois un signe d’impuissance et un indice de résistance. Impuissance à inverser le cours des choses, mais force de résistance aux multiples effets traumatiques. Le phénomène de la mort généralisée en Algérie a acculé les populations à un principe de réalité se traduisant entre autres par un regard désabusé sur la réalité vécue au quotidien. Au-delà de ces réalités sociologiques en mutation, la dérision, en tant que discours social, signale combien la violence et la mort ont été banalisées. Elle indique surtout que la violence n’est pas systématiquement condamnée. El le est même quelquefois valorisée en tant que réponse à certaines attentes enfouies.

6Rire peut en outre traduire une crainte secrète. On rit de ce qu’on craint le plus fortement. Ce faisant, l’atroce et l’abject sont amadoués et domestiqués. Parfois, seule l’arme du persiflage permet encore d’espérer rendre inoffensive la puissance arbitraire. Comment ? En dépréciant, en vulgarisant ce qui jouit par ailleurs d’estime et de respect. Persifler sert à prévenir et à inverser le mépris que peuvent exercer les prétendants à certains honneurs à l’égard de ceux qui en sont privés. C’est également une dénonciation de l’impunité dont peuvent bénéficier les conduites et les actes les plus iniques. La dérision apparaît comme une sorte d’hygiène destinée à entretenir l’illusion du triomphe du moi sur les humiliations qui tentent de l’anéantir, et dont il est la cible et la victime impuissante. Tout en usant de registres coutumiers et du procédé conventionnel de la disjonction référentielle ou sémantique – direction inattendue, confusion d’un mot (Morin 1966 : 102-119) –, c’est le dénouement du récit qui surprend toujours dans une blague.

Tyrannie et désarroi

7En affirmant : « Le contraire du rire n’est pas le sérieux, c’est la réalité », le philosophe Friedrich Hegel part de l’idée que le choix d’en rire est une attitude au regard de la réalité qu’on voudrait fuir. Rire d’une réalité est à la fois le signe de l’incapacité à la verbaliser, à la raisonner, mais aussi une des manières de la domestiquer, de l’apprivoiser. C’est une réponse réflexe à ce qui semble difficile à entendre mais facile à dire. Il relèverait d’une sorte d’instinct de préservation.

8Plus spontané que le discours, le rire recrée le lien disloqué. Il vient rassurer et aider à domestiquer l’effroyable et l’inconnu. Le rire humanise car « seul parmi les êtres vivants, l’homme sait rire », affirme Aristote (2005 : III, chap. 10). En faisant le choix d’en rire, les Algériens tentent de maîtriser les angoisses et les peurs suscitées par la perte des repères imposée par cette décennie meurtrière. Ils vont continuer à exprimer leur douleur quand bien même la réalité les enjoint de la subir et de la taire, de la forclore. Les blagues qui suivent nous le disent à leur façon.

Dans dix minutes, il sera vingt-trois heures à Alger, l’heure où commence le couvre-feu, quand un citoyen pressant le pas pour rentrer chez lui, passe près d’un barrage de police. Un des deux policiers en faction le vise et tire sur lui sans sommation, le tuant sur-le-champ. Médusé, son collègue lui fait remarquer qu’il n’est pas encore vingt-trois heures, heure où la loi les autorise à abattre les personnes en circulation qui n’obtempèrent pas à leurs ordres. Il répond : « Je le connais, c’est mon voisin. Il habite loin d’ici. Il n’arrivera jamais chez lui avant minuit. »

9Cette blague contribue d’abord à « faire mémoire ». Imposé à la fin de l’année 1992, le dispositif de couvre-feu ne concernait que la capitale Alger et six autres wilayas : Blida, Boumerdès, Tipasa, Bouira, Médéa, et Aîn Defla. La circulation y était interdite à partir de 21 h 30 jusqu’à cinq heures du matin. Cette règle fut légèrement assouplie en 1994 (de 22 h 30 à 5 h 00) puis en 1995 (de minuit à 5 h 00) avant d’être supprimée en 1996. Dans un second temps, par le biais de la figure du policier impatient, la blague décrit, de la manière la plus cinglante qui soit, la nature de l’état d’exception dans un régime qui continuait à se réclamer de l’État de droit. Le couvre-feu, l’illustration la plus tangible de cet état d’exception, donne le droit de ne pas respecter le droit. Qui pourrait le contrôler, cet agent à la gâchette rapide, et l’empêcher de faire respecter sa propre loi ? Chacun des deux agents de cette histoire représente, en fait, une des deux figures du pouvoir. La première, aveuglée par sa surpuissance, n’a qu’une seule obsession : prouver son existence par l’exercice d’un pouvoir discrétionnaire. La deuxième jouit d’un relatif discernement mais réagit trop tard. S’ajoute la troisième figure, celle du voisin et victime, non moins intéressante. Le statut de voisin du premier agent aurait dû sauver notre infortuné citoyen. C’est au contraire ce qui causera sa perte en un contexte où les valeurs traditionnelles ne sont plus de mise – illustrant tragiquement la théorie du « narcissisme des petites différences » qu’évoquait Freud dans Malaise dans la civilisation.

10Ce droit de disposer de la vie d’autrui sans aucune autre forme de procès s’acquiert et se renforce en privant l’autre de toute forme de liberté. La restriction de la circulation se double sinon d’une privation, du moins d’une mise en doute de la parole. La parole du citoyen devient inaudible et vaine. C’est un enjeu de cette sorte qu’illustre une autre blague produite dans le même contexte de violence et de restriction des libertés de circulation :

  • 3 Le Front de libération nationale (fln) fut créé en 1954 dans le contexte de la lutte pour libérer l (...)
  • 4 Le Groupe islamique armé (gia) est initialement constitué par l’association de plusieurs groupes sa (...)
  • 5 Créé en février et agréé en septembre 1989, Le Front islamique du salut (fis), principal parti isla (...)

Un citoyen se rendant à son domicile la nuit est arrêté par des hommes armés qui lui demandent : « Que pensez-vous des militants du fln3 ? » Croyant avoir affaire aux forces de l’ordre, il répond : « Ce sont de vrais hommes, grâce à eux on a pu recouvrer notre Indépendance et nous libérer du joug colonial. » Contrariés par sa réponse, les membres du gia4 déguisés en agents de l’ordre lui rappellent qu’ils se sont insurgés pour lui rendre sa dignité et sa totale liberté, tandis que lui-même préfère continuer à louanger ses asservisseurs. Pour le punir d’un tel manque de conscience politique, ils lui balafrent la joue gauche avant de le relâcher. Souffrant mais content de s’en être tiré à peu de frais, l’homme s’en va, la main sur sa joue sanguinolente. Plus loin, il rencontre un deuxième barrage où d’autres hommes armés lui posent la question symétrique de la précédente : « Que pensez-vous des militants du fis5 ? » Prudent, il révise sa position afin d’éviter une nouvelle réaction fâcheuse : « Ce sont de vrais hommes, grâce à eux on a pu recouvrer un peu de dignité et rendre quelques coups à ce pouvoir inique. » Déçus par sa réponse, les authentiques agents de l’ordre auxquels il a cette fois affaire lui rappellent qu’ils ne sont là, exposés à tous les dangers, que pour le protéger, et déplorent qu’au lieu de les remercier il préfère glorifier leurs adversaires. Pour le punir de cette ingratitude, nos ombrageux agents lui balafrent la joue droite avant de le relâcher. L’homme fait quelques pas, titube et tombe évanoui. Il se réveille à l’hôpital. Sur la table d’opération, il perçoit la voix du médecin dire à son assistante : « Moi je veux bien le recoudre mais je n’ai pas assez de fil pour faire les deux joues. Soit je fais l’une, soit je fais l’autre. » L’homme lève le doigt et demande aimablement au médecin : « Docteur, commencez plutôt par la bouche, s’il vous plaît, car si je suis là c’est à cause de ma bouche ! »

11Cette blague qui met en scène les deux principaux adversaires du conflit pour le pouvoir et leurs hégémonies concurrentielles montre avant tout combien les discours de légitimation des uns et des autres s’équivalent. Le citoyen, perdu entre des logiques par trop identiques, ne sait plus à quel parti se vouer. Soucieux de préserver sa vie, il ressert à chacun le même discours pétri de culture virile et de bravoure : on doit reconnaissance à celui qui a su se battre en risquant sa vie à notre place. Telle est la culture politique partagée par les citoyens et véhiculée par les discours politiques. Avant d’être une organisation de services, l’État lui-même se présente par conséquent comme une potentialité de violence.

12Si le rire exprime le désarroi et la résignation, il peut également exprimer la révolte, voire le défi à la mort :

Un automobiliste ivre, qui transporte des boissons alcoolisées, est arrêté par un faux barrage. Il n’a aucune chance d’en sortir vivant. Au moment où il est contrôlé arrive un mini car transportant plusieurs jeunes femmes qui se rendent à un mariage. Les faux agents préfèrent s’occuper d’abord de ce cortège. Son sort étant scellé d’avance, l’automobiliste se dit : « Tant qu’à faire, buvons un coup ! » Après quelques rasades, complètement saoul, il apostrophe, l’émir du commando : « Décidez-vous, monsieur ! Égorgez-moi et laissez-moi partir. »

13Confusion des signes et des sens, terreur et troubles de l’élocution se retrouvent de la sorte dans de multiples petites histoires drôles. Toutes disent la difficulté de parler de liberté d’expression dans un pays où une telle valeur demeure terriblement absente. Elle est encore une notion plus abstraite pour les larges couches de la population dont les aspirations premières s’épuisent dans les soucis de la survie au quotidien.

Le féminin en question

14Comme souvent en matière de dérision, la sexualité est, avec la niaiserie, un des registres thématiques privilégiés. Les multiples histoires drôles que se racontent jeunes et moins jeunes à longueur de journée illustrent bien ce phénomène. Le contexte violent leur a donné de la vigueur et un nouvel élan.

Un jeune couple est arrêté par un barrage dressé par des hommes armés. N’étant pas mariés, la fille et le garçon commencent déjà à trembler, car ni le moralisme hypocrite de l’État ni le rigorisme fanatique des islamistes ne pardonnent de tels écarts. On commence par faire descendre de voiture la fille, à qui on demande son prénom. « Je m’appelle Aïcha », dit-elle en tremblant. Soudain, elle voit le visage du gaillard qui l’interrogeait s’attendrir et ses yeux s’embuer. « Ton nom me rappelle celui de ma mère que je n’ai pas vue depuis plusieurs mois. Elle s’appelle Aïcha également », dit le farouche terroriste devenu subitement un aimable et doux garçon. Puis, se ressaisissant, le terroriste dit à la jeune femme : « Parce que tu m’as rappelé ma mère, tu es quitte cette fois-ci. Mais ton compagnon, lui, n’échappera pas au châtiment. Il sera exécuté. » Le compagnon qui tendait l’oreille avait tout écouté. Quand le terroriste lui pose la même , « Comment t’appelles-tu ? », il répond : « Mohammed », et s’empresse d’ajouter : « Mais je dois vous dire que dans le quartier, on m’appelle Aïcha. »

15Constatons tout d’abord que les protagonistes de cette blague sont tous des jeunes : ceux qui interdisent comme ceux qui souffrent des interdits. Tous ces jeunes, élevés dans une culture machiste, sont souvent les premiers à étouffer la spontanéité de leurs propres élans et à forclore leurs désirs. D’autre part, contrairement au discours social, les blagues et les plaisanteries qui circulent n’évoquent l’homme algérien qu’en termes peu élogieux, au regard des valeurs vantées par la culture ambiante. Il est faible et impuissant, et n’hésite pas à recourir aux plus vils procédés. Se faire passer pour une femme afin d’échapper à la mort était, dans un passé récent, une attitude dégradante. Le virilisme ne semble plus occuper la place centrale dans les choix et les représentations. Comme si désormais, aux yeux de l’opinion, la force dépendait moins du sexe que de l’accessoire phallique qui le symbolise. C’est l’arme qui permet à notre jeune terroriste de disposer de la liberté et de la vie de ses victimes. L’arme virilise, comme le signifie l’histoire de ce citoyen braqué par un terroriste qui pour mieux l’humilier lui demande : « Qui de nous deux est l’homme ? Toi ou moi ? » Sans se démonter, le citoyen, tout en désignant le revolver, répond : « Ni toi ni moi ! C’est celui-là l’homme. »

16Même lorsqu’elles n’investissent pas la figure féminine d’un rôle positif, les histoires drôles dénient à l’homme toute bravoure, ou au moins lui en contestent le monopole. Faut-il préciser qu’au cours de ce conflit plusieurs femmes s’étaient impliquées – tantôt par conviction politique, tantôt par fidélité à la mémoire d’un être cher victime des affrontements –, prenant souvent les positions les plus audacieuses et les plus courageuses. Est-ce à dire que le machisme est tombé en désuétude ? Ce n’est pas si sûr !

Un homme arrive chez lui en état de choc, la respiration entrecoupée. Ses mots sont à peine compréhensibles. Surprise, sa femme lui demande :
— Qu’est-ce qui t’arrive ?
— Des terroristes ont arrêté le bus qui nous transportait. Ils ont sodomisé et violé la moitié des voyageurs, et tué l’autre moitié.
— Et toi ? Qu’est-ce qu’ils t’ont fait ?
— Euh… Moi ? Ils m’ont tué !

17Avant de se traduire en termes sexuels, la dévirilisation est d’abord un écart au code social, un manquement à ses normes. Ici, les représentations partagées font du courage une vertu mâle. Ne pas en manifester en temps opportun, quitte à en mourir, continue d’être considéré comme une lâcheté pour l’homme, alors qu’il est un fait de nature pour la femme. La figure féminine telle qu’elle apparaît dans les diverses histoires drôles en circulation, n’est pas toujours celle du courage, en effet. Elle sert quelquefois à conforter un discours machiste quand celui-ci évoque de façon cynique des réalités à la limite du tragique. En voici une illustration :

L’histoire se passe dans un autobus transportant des jeunes femmes, arrêté par des hommes armés. Les hommes intiment l’ordre à toutes les femmes de descendre du véhicule. Parmi elles, une jeune particulièrement courageuse a compris ce qui leur arrive : elles font l’objet d’un rapt pour le repos des guerriers des gia. Elle se lève alors et interpelle l’émir en personne : « Je comprends que vous ayez besoin de nous les jeunes, mais cette vieille dame pourquoi la faire descendre ? » Avant que l’émir ne puisse réagir, la vieille dame rétorque à la jeune téméraire : « L’émir a dit toutes les femmes ! C’est toutes les femmes ! »

18L’humour joue ici sur la disjonction entre deux logiques : celle d’une brave jeune femme admettant la fatalité et préférant faire de son rapt un sacrifice ; et celle d’une vieille dame qui considère ce rapt comme un bienfait inespéré dont on tente de la priver. Le drame de la violence sexuelle est exposé de manière tragicomique : d’un côté la banalisation du viol et l’acceptation de l’humiliation dévastatrice, de l’autre une misère sexuelle insolente. Au-delà de l’image caricaturale universellement répandue de la femme vicieuse et simplette, les blagues algériennes de cette période de violence mettent en scène une féminité spécifique en résonance avec la conjoncture. Usant du classique registre thématique de la sexualité, ces blagues ne se contentent pas de dire le désarroi des femmes tel que se le représente l’opinion publique, elles dépeignent aussi l’hypocrisie des hommes en la matière.

Un chauffeur de taxi quitte la ville et se dirige vers une forêt avec sa cliente en hidjab, les yeux soulignés au khôl. Il s’arrête dans un endroit discret, ouvre le coffre de son taxi, sort une couverture et s’apprête à étendre un lit d’amour quand il aperçoit le canon d’une arme sous la robe de la jeune femme. Il comprend alors qu’il s’agit d’un terroriste déguisé, et réalise aussitôt le danger qui l’attend. Il s’adresse alors à sa « cliente » : « Excusez-moi, si cela ne vous dérange pas, j’aimerais accomplir ma prière de l’après-midi avant de continuer la route. »

19Cette hypocrisie décriée est celle de toute la société, femmes et hommes, islamistes engagés et citoyens ordinaires. Cependant, les blagues raillant la moralité des islamistes semblent concomitantes au reflux de leur influence et de la sympathie dont ils ont pu bénéficier auprès d’une grande majorité de la population :

Lors de l’interrogatoire d’un groupe de terroristes, les flics promettent la liberté en échange de la vérité sur le programme quotidien au maquis. Tous les terroristes racontent le même programme : « On se lève à sept heures, on fait un petit footing puis on prend notre petit déjeuner. On descend en ville, on fait un petit tour pour exécuter un flic ou un militaire et on remonte. On déjeune, on fait une petite sieste puis on redescend en ville pour une grosse opération. Après, on remonte, on prend le repas du soir, on fait un tour chez Fatma, puis on se couche. » Cet étrange programme est raconté à l’identique dans ses moindres détails par chacun des terroristes interrogés, à l’exception du dernier qui omet la séquence finale, le « tour chez Fatma ». Un flic le lui fait remarquer :
— Tu n’as pas oublié un détail ?
— Non, aucun !
— Et le tour chez Fatma ?
— Mais Fatma, c’est moi !

20La récurrence des blagues et histoires drôles où le rôle principal, pas nécessairement négatif, est tenu par une femme, signale l’importance de la présence désormais acquise de la femme dans l’espace public.

La politique par le rire

21L’humour politique en Algérie n’est pas né avec la violence. Depuis longtemps, le citoyen use de ce mode d’expression pour parler des hommes et des événements politiques du pays. C’est sans doute avec le président Chadli Bendjedid que la blague politique est devenue un mode de communication et d’échange massivement pratiqué. Probablement parce qu’il a été plus longtemps président que ses prédécesseurs, Chadli Bendjedid fut le président algérien le plus brocardé. Les blagues et moqueries qui le prennent pour cible se comptent par centaines. Son ère se voulant légèrement plus « libérale » que celle de son prédécesseur Houari Boumediene, Chadli aurait toléré cette fronde tant qu’elle ne dépassait pas certaines limites. Une blague raconte comment, excédé, il demande un jour aux services de sécurité de localiser celui qui est à l’origine de toutes ces plaisanteries. Les enquêteurs lui indiquent que c’est l’un des patrons de la sécurité militaire qui en est à l’origine. Le président convoque l’homme et lui dit : « Tu n’as pas honte de m’humilier de la sorte en faisant circuler ces insanités sur moi ? » Le chef sermonné baisse la tête, tandis que Chadli continue : « Moi, président de la République et chef des armées… » Soudain, l’agent réprimandé se redresse et s’écrie : « Là, je vous interromps tout de suite : cette blague n’est pas de moi ! »

  • 6 Le Komitet gossoudarstvennoï bezopasnosti (kgb) était le service de renseignement intérieur et exté (...)

22Cette histoire désigne un des principaux agents de l’appareil de l’État comme étant l’auteur des blagues politiques en circulation. Attribuer la paternité de certaines blagues politiques aux services de sécurité se constate dans plusieurs pays vivant sous des régimes autoritaires où les services secrets sont considérés comme les véritables détenteurs du pouvoir et les gardiens du temple. Les blagues feraient partie de leur arsenal stratégique pour pérenniser le régime. Avec la manipulation du rire, ils accomplissent une double mission : ils offrent au peuple un exutoire nécessaire tout en rappelant au responsable brocardé ses faiblesses et ses travers potentiellement nuisibles. L’art et la prouesse de ces services consistent en un bon dosage de cette médication, de façon à obliger le responsable visé à composer avec ceux chargés de l’administrer, au risque de voir le traitement engendrer des effets indésirables. Dans les sociétés bloquées et muselées par les régimes autoritaires, l’expression politique prend souvent les habits de la moquerie. Les histoires drôles jouent à la fois comme soupape de sécurité et comme vecteur de la contestation. Le kgb6, par exemple, a été souvent soupçonné d’être à l’origine des blagues qui circulaient en urss sur les dignitaires soviétiques (Regamey 2001 : 43-52).

23L’ère de la présidence Chadli peut être considérée comme celle qui a permis, par le biais de l’humour, un certain éveil à la politique au sein de la jeunesse et des masses populaires. Toutefois, Chadli n’est pas le seul homme politique du monde arabe à subir les moqueries de ses concitoyens à cette époque. Le phénomène était dans l’air du temps. Une décennie après les Indépendances, les opinions publiques des pays arabes commençaient à forcer la chape de plomb que les autoritarismes leur avaient imposée.

  • 7 Courtisé par le roi Hassan II à l’époque de la Marche verte, Djoumani était reçu au palais royal av (...)

24Le président égyptien assassiné, Mouhammad Anouar el-Sadate, avait fait les frais de la truculente nukta égyptienne. Celui qui avait vécu à l’ombre de Nasser et se trouvait propulsé au devant de la scène ne pouvait être, aux yeux de l’opinion publique, qu’un idiot en comparaison de son prédécesseur. Au Maroc, les moqueries à propos de Mohamed Khatri Ould Saïd al- Djoumani permirent de critiquer la politique du palais tout en ménageant la figure sacrée du roi. Ce fils d’un des plus grands notables d’une tribu saharienne, lancé au milieu des années 1970 sur la scène politique, a égayé par ses gaffes et mésaventures le commun des Marocains. Une génération de Marocains a pu ainsi exprimer ses opinions en prenant prétexte de la naïveté et du caractère fruste de Djoumani7.

25Comme le notait déjà en son temps le père de la psychanalyse, « l’essentiel de la plaisanterie, c’est d’avoir permis ce que la critique défend » (Freud 1992 : 158). Avec une autre formulation, Georges Balandier dit à peu près la même chose. Pour l’anthropologue, « l’ordre des sociétés différencie, classe, hiérarchise, trace des limites défendues par des interdits », avec l’humour cet ordre « peut être “brouillé”, moqué, symboliquement inversé, à défaut d’être renversé » (Balandier 1980 : 52). En l’absence d’une liberté d’expression consacrée, les blagues ont souvent permis au petit peuple algérien d’exprimer par des moyens détournés ce qui ne pouvait l’être de manière franche. À ce titre, elles constituent non seulement une soupape, mais un matériau d’étude de premier plan. Ce matériau devient particulièrement riche et foisonnant à partir des années 1980.

La blague, une caricature orale

26Contrairement à la société occidentale actuelle où la moquerie possède ses agents, ses lieux et ses moments, la moquerie reste, dans la culture maghrébine, un art populaire où saltimbanques et amuseurs publics laissent place à une truculence spontanée et fréquente. Railler, plaisanter, rire et faire rire font partie du mode d’échange que la tradition arabe nomme langage du hazl (la légèreté). Il constitue, avec le langage du djadd (le sérieux), l’autre versant de l’échange exemplaire. L’homme éloquent doit savoir échanger sur le mode du sérieux (al-djadd) et, en temps opportun, savoir passer à celui de la légèreté (al-hazl). Il convient souvent, d’ailleurs, que les propos sérieux (kalâm al jadd) débutent par quelques propos légers (kalâm al hazl), car plaisanter, rire et persifler font partie des manières d’être ensemble.

27La dérision par les blagues semble davantage être adaptée aux ressources d’une société orale, et convenir aux desseins qu’elle se donne en fabriquant sa propre caricature par le verbe. Les blagues, mots d’esprit et autres histoires drôles qui circulent en Algérie et dans le Maghreb font rire parce que leurs thèmes et leurs évocations sont justes sans être tout à fait vraies. Ces plaisanteries populaires visent fréquemment à exprimer un point de vue différent, à l’opposé de l’opinion commune. C’est une sorte de performance dont la finalité est la remise en cause du reçu et de l’admis, et qui peut éventuellement aboutir à la transformation du jugement. Toutefois, en l’absence d’un cadrage semblable à celui que se sont donné les sociétés occidentales pour gérer et contrôler la marge de tolérance admise, le rire moqueur envahit ici tout le corps social, signalant l’épaisseur du désordre ambiant. En ce sens, nous pouvons dire avec Yves Pourcher (1988 : 206) que « la moquerie est signe de chaos ».

28Plus que la caricature, la plasticité de la blague permet, selon les contextes et les circonstances, différentes interprétations de façon à épouser l’horizon d’attente. Elle peut changer aussi bien dans la forme que dans le fond. Dans ce jeu d’adaptation et d’arrangement, certaines blagues deviennent des archétypes, la matrice d’autres blagues susceptibles d’être déclinées ailleurs selon d’autres arrangements. Appliquées à des situations multiples, ces plaisanteries sont à chaque fois resituées, constamment « localisées ». Chaque blague s’inscrit dans un ensemble de plaisanteries formant système, décrivant une époque et restituant ses contradictions.

  • 8 Caricature vient de l’italien « caricare » : « charger, exagérer ».

29Le foisonnement des blagues et l’institutionalisation de la moquerie politique en Algérie mettent en cause le lien habituellement établi entre les différentes formes d’expression humoristiques et la démocratisation de l’espace public. La caricature, tout comme la satire, ne sont pas nécessairement le produit d’une démocratisation de l’espace public, ni même tributaires de son existence. Quel qu’il soit, le rire demeure pour la politique « un coup bas contre lequel la parade est malaisée » (ibid :206) – on peut imaginer comme une forme de parade de la part des pouvoirs publics l’institutionalisation d’un espace public ouvert au débat et aux controverses, capable de canaliser et de cadrer une effervescence sociale potentiellement ravageuse. Comme la caricature, la dérision charge la cible et exagère les travers8. Elle est une subversion de l’ordre politique, social, moral et esthétique. La blague transperce le discours social pour tenter de démonter les mécanismes du solennel. Le rire est une tentative d’échapper précisément à ce dont on rit.

30À l’instar de la caricature, la blague s’attaque à des figures connues. Elle met également en scène un sujet collectif parfois incarné par un personnage plus ou moins célèbre. Des individus ou des groupes sociaux sont plus visés que d’autres en fonction de leur statut et de leur rôle social. En tant que forme de subversion contre le politique mais aussi contre les différentes manifestations du social, la blague peut prendre pour cible une ethnie ou une région particulière afin de stigmatiser des stéréotypes faisant office de discriminants dans une société en pleine dynamique de différenciation sociale mais continuant à souffrir du poids du holisme.

Dérision, régionalisme et factionalisme urbain

31Saillies et railleries mettent en évidence le poids des régions bien présentes politiquement mais farouchement niées dans le discours idéologique. En temps de violence, sans abandonner ses anciens terrains d’expression, la dérision les subsume dans une logique plus globale. Les plaisanteries traditionnellement dévolues à la bêtise du voisin ou du proche ne sont pas abandonnées, elles continuent tout en s’ajustant au contexte. Ainsi, à Oran, métropole de l’ouest algérien, la truculence populaire a choisi comme souffre-douleur les personnes originaires de Mascara, une ville de son arrière-pays distante d’une centaine de kilomètres.

32Nombre d’Oranais sont originaires de… Mascara. Pour autant, les blagues oranaises ne désarment pas, faisant du Mascarien un « parangon de l’altérité », pour reprendre le terme employé par Christian Bromberger pour évoquer le statut des habitants de la province iranienne du Gilân aux yeux des Arâqî (Bromberger 1986 : 74-99). Lorsqu’un groupe estimé marginal commence à présenter les signes d’une meilleure réussite, la concurrence s’exacerbe, nourrissant le ressentiment chez ceux qui se voient déclassés de leur supposé statut de couche supérieure. Les blagues prolifèrent pour rappeler une origine en contradiction avec la nouvelle appartenance affichée. Comment et pourquoi le Mascarien est-il devenu pour l’Oranais ce que le Belge est au Français ? La proximité est sans doute un facteur encourageant le processus de différenciation par la stigmatisation. Une partie du tout s’en distingue et crée ainsi l’autre dans le même.

33De telles conduites autorisent deux interprétations. Une première conception investit la moquerie du pouvoir de délimitation des frontières entre le « nous » et le « eux », comme le suggère Nelly Feuerhahn (2001) quand elle écrit : « Entre “eux/les autres” et “nous”, la moquerie délimite un espace imaginaire de sécurité renforçant un sentiment d’appartenance entre les rieurs. » La seconde façon de voir attribue aux blagues un rôle plutôt intégrateur. C’est l’avis de Bromberger lorsqu’il affirme que les blagues « remplissent, nonobstant la diversité des contextes, les mêmes fonctions générales : dissoudre par le rire une intolérable altérité » (Bromberger 1986 : 74-99). À mon sens, la dérision remplit l’une et l’autre fonction, même si, dans le cas de Mascara, le « narcissisme des petites différences » évoqué plus haut joue un rôle moteur essentiel. Ces blagues présentent le Mascarien comme un homme fruste et un paysan ignare, l’inverse de l’image que tout citadin voudrait donner de lui-même. Comme le suggère Nelly Feuerhahn, « le fonctionnement social qui sous-tend la dérision trouve un cadre interprétatif assez satisfaisant avec le modèle des relations entre établis et marginaux de Norbert Elias » (Feuerhahn 2001 : 194). Le schéma eliassien appréhende cette concurrence des minorités en termes d’opposition du « nous » des établis face au « ils » des marginaux. Les groupes établis construisent leur identité collective en référence au modèle des meilleurs d’entre eux, et assignent les marginaux dans les limites du modèle identitaire de la couche la plus méprisée de leur groupe.

34Pour conclure, comme dans les situations où le drame a été frôlé et évité de justesse, le rire vient souvent souligner la détente et la résorption. L’humour est signe de résistance et d’espérance. Le rire rassure, en ce sens qu’il redonne une assurance perdue dans un contexte devenu étranger et incompréhensible après avoir été familier. Certaines moqueries vont au-delà de cette recherche de complicité salutaire entre les rieurs : elles peuvent être de mortelles injures aux membres du camp adverse.

35En franchissant subtilement les frontières interdites, le rire transgresse les codes de bienséance en les brouillant. Irrespectueux, il dévoile au grand jour la réalité devant être tue ou tenue cachée. Affront et calomnie, la moquerie peut être considérée comme une exquise injure proférée par le sage pour se démarquer de la folie ambiante. C’est à une telle conclusion que parvint Hippocrate mandé pour ausculter Démocrite prétendu fou par les Abdéritains tant son rire, sans retenue, le faisait se gausser de tout, de leurs niaiseries mais aussi de leurs douleurs et de leurs peines. « Ce n’est pas folie, c’est excessive vigueur de l’âme qui se manifeste en cet homme », tranche le médecin philosophe.

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Notes

1 Voir l’article de Pierre Clastres (1967), « De quoi rient les Indiens ? », repris dans le présent numéro. [Note de la rédaction.]

2 « La parenté à plaisanterie pourrait se définir comme la gestion sociale par le rire de différentes sources de tensions possibles. Il s’agit d’évoquer le lien pour le dédramatiser, de jouer sur un savoir-faire pour faire savoir ce qui fut ou ce qui est, de situer l’autre à bonne distance, assez proche pour être le même, mais suffisamment distant pour rester l’autre » (Sissao 2002).

3 Le Front de libération nationale (fln) fut créé en 1954 dans le contexte de la lutte pour libérer l’Algérie de la dépendance française. En 1962, il devint le parti unique au pouvoir, avant de s’ouvrir au pluralisme dans les années 1980.

4 Le Groupe islamique armé (gia) est initialement constitué par l’association de plusieurs groupes salafistes parmi les plus radicaux de la mouvance islamiste. Avant même l’annulation des élections législatives remportées par le fis (voir note suivante), le gia avait décidé de passer à l’action directe. L’arrêt du processus électoral légitimera son action et la radicalisera davantage. Ses membres se livreront dès lors à une intense activité d’attentats, de violences et de lutte armée à l’encontre du gouvernement et de la population algériens, ainsi qu’à l’encontre de ressortissants étrangers en Algérie.

5 Créé en février et agréé en septembre 1989, Le Front islamique du salut (fis), principal parti islamiste, remporte une large victoire aux élections municipales et régionales du 12 juin 1990, premier scrutin libre depuis l’Indépendance. Le 26 décembre 1991, le fis s’impose de nouveau dès le premier tour des élections législatives, en remportant 48 % des sièges. Le second tour qui devait se dérouler le 16 janvier 1992 n’aura jamais lieu. Le fln, parti au pouvoir, décida d’arrêter le processus électoral, précipitant ainsi les événements qui déboucheront sur plus d’une décennie de violence.

6 Le Komitet gossoudarstvennoï bezopasnosti (kgb) était le service de renseignement intérieur et extérieur de l’Union soviétique post-stalinienne.

7 Courtisé par le roi Hassan II à l’époque de la Marche verte, Djoumani était reçu au palais royal avec les honneurs dus à un chef. À l’une de ces occasions, le roi l’aurait symboliquement introduit dans le cercle du pouvoir en le couvrant d’un burnous. Ignorant du protocole et de sa symbolique, prenant le geste au premier degré, Djoumani aurait chuchoté à l’oreille du monarque : « N’y aurait-il pas un petit pantalon pour la maman ? »

8 Caricature vient de l’italien « caricare » : « charger, exagérer ».

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Pour citer cet article

Référence papier

Abderrahmane Moussaoui, « Rire en situation de violence »Terrain, 61 | 2013, 122-133.

Référence électronique

Abderrahmane Moussaoui, « Rire en situation de violence »Terrain [En ligne], 61 | 2013, mis en ligne le 01 janvier 2014, consulté le 04 décembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/terrain/15210 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/terrain.15210

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Auteur

Abderrahmane Moussaoui

Professeur en anthropologie à l’université Lumière Lyon 2 / chercheur à l’Institut d’ethnologie méditerranéenne, européenne et comparative (Aix-en-Provence) et au Centre de recherches et d’études anthropologiques (Lyon 2)

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