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Rires

« Moi je viens de Mars, et toi ? »

Le rire dans les espaces publics de la Goutte d’Or
Stefan Le Courant
p. 54-67

Résumés

La Goutte d’Or, à Paris, s’est constituée comme centralité immigrée et commerçante, faisant de ce quartier un lieu de rencontre et de coprésence d’une grande hétérogénéité urbaine. Par la sociabilité inclusive qu’il produit, le rire, omniprésent, participe de l’entrée en relation permettant à chacun de prendre part aux échanges qui s’instaurent. Se discutent alors la place et la légitimité de chacun à occuper les espaces publics pluralistes. L’humour, en permettant un usage apaisé et labile de stéréotypes multiples, participe à la recherche de la bonne distance dans la relation à autrui, et permet de renégocier en situation les catégories identitaires assignées à chacun.

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Texte intégral

1Cette conversation se déroule dans un des nombreux cafés que compte la Goutte d’Or, un des plus anciens quartiers populaires et cosmopolites du nord de Paris. Ce quartier s’est constitué avant même d’être intégré à la capitale – en 1860, avec la destruction du mur des Fermiers généraux – par les vagues successives de migrations qu’il a accueillies. Les migrants du nord de la France cédant leur place à des migrations européennes puis africaines. Quand les migrants subsahariens commencent à investir le quartier à partir des années 1960, ce dernier est déjà depuis plusieurs décennies le lieu d’une forte concentration maghrébine et plus particulièrement algérienne. Le quartier est polarisé par les deux stations de métro qui le desservent : plutôt maghrébin au sud, près de la station Barbès, plutôt noir africain au nord, au voisinage de la station Château-Rouge. Lieu d’habitation et quartier à très forte vocation commerçante, la Goutte d’Or est loin de constituer une enclave au cœur de Paris mais fonctionne plutôt comme une « centralité immigrée » (Toubon & Messamah 1990). La clientèle vient parfois de très loin pour acheter ou consommer des produits « exotiques » ou « ethniques » difficiles à trouver ailleurs, attirée également par la promesse de « bonnes affaires ». Les références nationales (Haïti, Tunisie, Cameroun, etc.) sont nombreuses aux devantures des magasins : elles témoignent de la diversité des produits et des clients qui se croisent dans l’espace du quartier. À partir des années 1980, la Ville de Paris lance un projet de rénovation-réhabilitation urbaine censé promouvoir la mixité sociale en favorisant l’installation d’une population plus aisée. Les effets de cette politique ont timidement commencé à se faire sentir autour des années 1990 (Bacqué & Fijalkow 2006 : 67).

  • 2 Le « buveur-pisseur » accusé de gênes autant sonores qu’olfactives est devenu une des cibles princi (...)
  • 3 Virginie Milliot et Stéphane Tonnelat, analysant une intervention policière et les contestations qu (...)

2Aujourd’hui, arpenter les rues de la Goutte d’Or, c’est inévitablement se frotter à la foule hétérogène et dense qui fréquente le quartier, c’est entendre la diversité des langues parlées, mais c’est aussi être confronté à la précarité économique sous toutes ses formes. Les rues de la Goutte d’Or sont investies par de multiples activités commerciales – débordement des étals, commerces informels, activités illégales tels le trafic de drogue et la prostitution. La rue est aussi un espace de rencontre où des informations, des nouvelles du pays sont échangées au sein de groupes informels d’« hommes debouts » contribuant à définir le paysage particulier du quartier (Battegay 2003). Le soir, lorsqu’elles sont alcoolisées et bruyantes, il arrive que ces réunions publiques entraînent les plaintes de riverains immédiats2. Depuis septembre 2012, en partie pour répondre à l’exaspération des habitants, le quartier a été placé en zone de priorité sécuritaire (zps). Ce classement induit un déploiement policier plus conséquent chargé de normer – ou de tenter de le faire3 – l’usage des espace publics. Enfin, fréquenter ces lieux, c’est également assister aux multiples modalités quotidiennes d’ajustement des relations en public.

  • 4 Cet article fait suite à la recherche collective « Barbès : laboratoire du pluralisme », dirigée pa (...)

3Partant de l’hypothèse que ces espaces de rencontre jouent un rôle central dans la vie quotidienne des citadins, c’est par eux – plutôt qu’à travers un groupe préalablement ciblé et constitué – que nous4 avons choisi d’aborder la quotidienneté de ce quartier. L’« attitude blasée » et la « réserve », l’« indifférence aux différences » qui caractérisent la métropole selon Georg Simmel (1984) cèdent ici le pas à une « accessibilité relationnelle » et à une prise de parole fréquente entre inconnus. Dans cette ambiance singulière, le passant est soumis à une attention visuelle constante, aux jeux des reconnaissances, sommé régulièrement d’expliquer et de justifier sa présence, de décliner son identité (Milliot, 2013). Ces relations se nouent sur un mode spécifique où l’humour est très souvent mobilisé, provoquant l’irruption du rire entre inconnus.

  • 5 Si tous les auteurs s’accordent sur ce point, certains vont plus loin, faisant de la maîtrise de l’ (...)
  • 6 Histoires courtes dont la puissance comique tient à leur dénouement inattendu (Raskin 1985 : 99).

4Jouant sur les implicites, maniant les sous-entendus et les doubles sens, le rire est étroitement déterminé par une culture partagée (Apte 1985) et varie selon des logiques de genre et de classe (Kuipers 2006). Être capable de rire d’une plaisanterie serait la marque d’un bagage culturel commun5. À la Goutte d’Or pourtant, il n’est pas rare de rire avec des inconnus. Paraphrasant et renversant l’adage commun, la question devient dès lors : de quoi rit-on lorsqu’on rit avec n’importe qui ? La scène présentée plus haut illustre le type d’échange dans ces espaces où la plaisanterie vient s’incruster dans le cours de la conversation. Ce n’est pas par le recueil d’un corpus de blagues6 – comme c’est souvent le cas pour les recherches sur ces questions (Kuipers 2008 : 391) – mais par l’étude des usages ordinaires, en situation, de l’humour sous toutes ses formes que je souhaite questionner la singularité ces échanges « pour rire » à la Goutte d’Or et l’obsession identitaire qui s’y exprime. En m’interrogeant sur les modalités du rire partagé entre inconnus je souhaite ne pas réduire ce rire à ses fonctions – qu’il s’agisse d’éviter les conflits ou de maintenir un ordre social établi (Radcliffe- Brown 1952 : 91). Si rire avec un inconnu et rire de l’identité de chacun permet de créer et d’entretenir un lien social, ce rire dépasse la simple nécessité et vient interroger les usages ordinaires des registres identitaires.

Observer les sociabilités informelles

5Choisir d’observer les espaces publics, c’est se confronter à la « multitude d’inconnus » qui d’habitude n’attire pas l’attention de l’ethnographe (Pétonnet 1982 : 38). C’est accepter de limiter ses observations aux scènes qui se donnent à voir. La cohérence ne peut être cherchée à travers une population définie mais dans la reproduction d’interactions. À partir de ces scènes, il s’agit de comprendre les codes et les repères qui règlent les micro-échanges au sein de ces espaces publics pluralistes. Par sa récurrence et son omniprésence dans les espaces publics que je parcourais, le rire s’est imposé de lui-même comme sujet d’étude. Parti d’une « observation flottante » (ibid.), c’est du quartier que ces interrogations ont émergé. Par la suite, j’ai choisi de fixer mon attention sur deux lieux particuliers : un bar et l’espace de jeu de dames du square Léon, que j’ai fréquentés régulièrement tout en essayant de ne pas me transformer en « anthropologue qui fait une étude sur… », reconnu et présenté comme tel dans ces lieux. Cette méthode m’a permis d’expérimenter chaque fois les modalités d’une rencontre la plus détachée possible d’assignations antérieures.

Un mercredi en début d’après-midi, autour des tables de jeu du square Léon, un joueur lance à son adversaire : « Y’a un boulevard pour faire passer les pions ! », puis quelques instants plus tard : « Maintenant, c’est le boulevard Barbès, tellement y’a de place ! » Un jeune spectateur prend la défense du joueur resté muet jusque-là : « Laisse, n’écoute pas, il y connaît rien aux dames, c’est un Ivoirien ! » (10 octobre 2007).

6Construit en 1990 et rénové à plusieurs reprises pour tenter d’en améliorer les usages, le square Léon est un espace aux usages diversifiés dévolu aux divers groupes de personnes qui le fréquentent : terrain de foot et de basket pour les jeunes, jeux pour enfants accompagnés de leurs mères, et tables de jeu de dames fréquentées exclusivement par des hommes à partir d’une trentaine d’années jusqu’à des âges dits respectables. C’est donc également à travers ce marquage masculin fort – caractéristique des espaces publics en général et des espaces publics populaires en particulier – qu’il faut lire les échanges à rire qui ont lieu autour des tables. Le square est aussi un lieu de passage qui relie la rue Polonceau à la rue Léon, au centre du quartier. Autour de ce passage central très fréquenté, sont positionnées les tables de jeu. Le week-end lorsqu’il fait beau, elles sont investies par des joueurs venus chercher des adversaires à leur taille. À quelques mètres de là, deux bancs accueillent régulièrement des hommes qui occupent leur temps à vider des canettes de bière ou des bouteilles de vin. Plus loin encore, des vendeurs de drogue profitent de la présence de buissons pour effectuer leur commerce.

Un samedi ensoleillé, un client qui vient de passer une bonne partie de l’après-midi à boire en terrasse entre dans le bar et lance : « Tu me fais un café bien serré », et ajoute après avoir jeté un regard circulaire : « Tu le fais à l’africaine. » Ménageant son effet, il conclut : « Y’a pas beaucoup d’eau » (8 mars 2008).

  • 7 Historiquement, les bars ont toujours eu une place très importante dans ce quartier. En 1985, on co (...)

7Le café où j’ai mené mon enquête est à l’intersection de deux rues centrales du quartier. On y entre pour serrer la main d’une connaissance avant de poursuivre son chemin, boire un café le temps d’une pause, etc. Lieu de concert, d’exposition, lieu militant – comme en témoignent les nombreux autocollants en faveur des sans-papiers, contre la torture, en soutien au militant afro-américain Mumia Abu-Jamal, contre les réformes patronales –, le bar est le lieu de côtoiement d’habitués, hommes et femmes d’origines diverses habitant le quartier, de personnes de passage et de spectateurs attirés par la programmation artistique. Lieu de rencontre et de discussion par excellence, ce café est au croisement de plusieurs mondes sociaux urbains. Un soir, le patron lui-même résume en quelques phrases la diversité de sa clientèle : « Ça fait quatorze ans que j’ai ouvert ce bar. À Château-Rouge, ça change tous les jours. Tous les soirs c’est différent, tous les soirs de nouvelles personnes t’apportent leurs petites histoires personnelles. Hier, c’était des Australiens… En quatorze ans, j’ai fait le tour du monde sans prendre l’avion. » En tant qu’espace de rencontre et de brassage d’une clientèle très variée, ce bar se distingue d’autres établissements, également nombreux à la Goutte d’Or7, fonctionnant sur une logique de rassemblement par groupe d’appartenance et de nationalité.

8Ces deux espaces – public et semipublic – sont des lieux de rassemblement d’un public qui s’arrête pour prendre le temps de la discussion. Autour des tables s’agglutinent des passants intrigués par le spectacle des deux joueurs entourés parfois d’une dizaine de spectateurs commentant la partie et prenant à tour de rôle la place du vaincu. Comme lieu de passage et lieu de rencontre – pas uniquement régulé par l’évitement et le moindre frottement –, ces deux scènes publiques deviennent les lieux privilégiés d’une analyse de la place du rire dans la rencontre et les échanges au sein d’espaces pluralistes. Dans ce contexte hétérogène de coprésence et de visibilité mutuelle (Joseph 1998 : 5-6), en l’absence de partage d’implicites communs, le rire naît de ce qui est le plus directement accessible, le plus visible : la perception de la différence de chacun. Les signes extérieurs du citadin – son âge, son sexe, sa couleur de peau, ses habits, etc. – sont autant d’éléments qui vont cadrer les relations et être repris pour l’interaction. Le jeu de catégorisation des individus rencontrés à partir de ces indices extérieurs possède des entrées multiples – racialisante, nationale, ethnique, appartenance ou non au quartier –, et se trouve au cœur des processus de reconnaissance mutuelle. Cette obsession identitaire pousse très régulièrement les acteurs à prendre les devants au moyen de déclarations qui prennent la forme d’une revendication d’identité nationale : « Moi je suis sénégalais », « Moi je suis ivoirien », « Moi je suis marocain », etc. Pour les descriptions de ces scènes, j’ai choisi de reprendre les termes employés par les acteurs eux-mêmes, et de m’en tenir aux catégories ainsi émises localement sans y ajouter mes propres catégories de perception. À ces présentations de soi élémentaires, j’ai également tenté de donner, lorsque c’était nécessaire, une description des acteurs rencontrés permettant de comprendre les signes extérieurs de la personne impliquée dans l’échange.

Hamid, d’origine tunisienne – tel qu’il s’est présenté quelques minutes plus tôt, – est accoudé au comptoir. Il discute avec quatre autres personnes présentes dans le bar ce jour-là. Je n’entends pas les échanges, je ne cherche d’ailleurs pas à les écouter. Il interrompt la conversation et, en haussant sensiblement le ton de sa voix, commande au tenancier « un croque-monsieur, mais halal le croque-monsieur ». Son voisin répond immédiatement : « T’inquiète pas, c’est l’imam de Stéphanie qui l’a égorgé », prenant à partie la seule cliente non maghrébine qui participait à la discussion. Après avoir jeté un coup d’œil rapide autour de lui, Hamid conclut dans un sourire : « Ça va être de la vache folle, alors ! » (26 mars 2008).

9C’est dans ces situations de coprésence que le rire prend ses racines. La charge comique potentielle repose sur la constatation de la singularité de chacun et du côtoiement de tous, tout autant que sur les propos tenus. Dans ces espaces publics, où sont mises « en tension des identités entre distance et proximité, entre le face à face avec autrui et la coprésence avec le tout un chacun » (Joseph 1998 : 15), ces échanges ont une chance d’être drôles – le corollaire étant que, loin de ces situations, la lecture de ces échanges ne provoquera pas à coup sûr l’hilarité du lecteur.

Le spectacle des échanges « pour rire »

  • 8 Pour éviter au lecteur aussi ignorant que je l’étais à l’époque une telle déconvenue, voici la répo (...)

Les spectateurs sont nombreux à observer la partie qui voit s’affronter sur le damier les bouchons bleus de bouteilles d’eau contre les bouchons rouges de soda, qui remplacent astucieusement les traditionnels pions blancs et noirs. Les déplacements sur le damier sont commentés, les commentaires sont commentés, et le tout est régulièrement réprimandé par le joueur qui se sent lésé par cette aide extérieure. Le silence s’installe alors quelques instants avant qu’un doigt posé sur une case ne vienne indiquer le prochain coup à jouer, déclenchant à nouveau commentaires et réprimandes. Le petit-fils d’un des joueurs s’approche l’air affairé. Il commence à parler tout bas en créole à son grand-père. Ce dernier lui répond, les yeux rivés sur le damier : « Je connais son nom, mais là… je sais plus. Le général… », et laisse sa phrase en suspens. Le petit-fils tourne alors son regard vers moi, le seul Blanc de l’assemblée, et, haussant ostensiblement la voix : « Peut-être que monsieur va savoir… » Il laisse passer un silence, puis reprend après avoir fait du regard le tour de l’auditoire, sourire aux lèvres, et s’être ainsi assuré de l’attention de chacun : « Je suis en train de draguer une Haïtienne. Elle ne connaît rien à l’histoire de son pays ! Monsieur, connaissez-vous le nom du général qui a mis les Français hors d’Haïti ? C’est quand même important, la première république noire ! » Tous les regards sont tournés vers moi, des sourires amusés attendent ma réponse. Sourires qui se transforment en rire quand je finis par avouer mon ignorance8 (7 septembre 2007).

10Qu’il s’agisse de commander un « café à l’africaine » ou de chercher le nom du premier général noir de l’armée française, le discours est accompagné d’indices variés – une pause prolongée, un sourire, un clin d’œil, une élévation du volume de la voix, un changement de ton, etc  – venant indiquer que ce qui va être dit « c’est pour rire », ou pour le moins qu’il faut en rire. Ces indices, de l’ordre de la métacommunication, donnent aux interlocuteurs les indications du « ceci est un jeu » (Bateson 2008 : 249) marquant un changement de cadre et donnant les codes d’interprétation de la situation (Goffman 1991). Ces signes conventionnels viennent signaler l’irruption du rire au sein de la discussion sérieuse (Berger 1997 : 67), en l’occurrence le prochain déplacement du pion. Ces marqueurs sont très nets lorsqu’il s’agit de raconter une blague : « Tu la connais celle-là ? » et « C’est vrai qu’elle est pas terrible » sont deux phrases qui encadrent formellement le contenu. Dans le contexte des échanges observés, ces marqueurs se font plus discrets, plus subtils car les locuteurs se plaisent à jouer avec le doute et tirent une grande part du potentiel comique du maintien de l’ambiguïté, de l’incertitude que ces échanges instaurent (Vienne 2012 : 169).

  • 9 Voire tabous (Douglas 1975).
  • 10 Revenu dans le bar où j’ai mené une partie de mon terrain pour prendre des photos, j’explique aux d (...)

11Par son sourire, par son rire, le spectateur assure à son tour et garantit que ce qui vient d’être dit, c’était bel et bien « pour rire ». Les rires requalifient l’échange qui vient juste d’avoir lieu. Cette intrusion du rire vient interrompre le cours commun des événements et de la discussion, et sur ce nouveau mode il permet d’aborder des thèmes souvent délicats9. Le rire offre ainsi à ses pratiquants une plus grande liberté de propos, en neutralisant à l’avance les offenses possibles10 (Goffman 1974 : 19). Au cours de ces échanges, les regards sont des signes essentiels, mobilisés d’abord pour instaurer un cadre « pour rire » et vérifier qu’on dispose de l’attention du public présent, mais surtout pour autoriser toute personne présente à écouter ce qui va être dit, et encourager la participation à ce qui va avoir lieu. Ces regards échangés sont l’exact inverse de ceux par quoi se pratique l’« inattention polie » (Goffman 1973). Plus soutenue, accompagnée de sourires ou de clins d’œil, cette orientation visuelle instaure le passage d’un moment partagé régi par la discrétion de chacun vers une « interaction focalisée » au bénéfice de tous (Quéré & Brezger 1993 : 94). Ce basculement crée un public légitime. Elle insiste et autorise le spectateur à prendre part, à donner son avis et à jouer un rôle, à condition de respecter le pacte, tacitement conclu, de l’humour.

Choisir son personnage au sein d’une sociabilité inclusive

En tout début d’après-midi, je suis en train de boire un café au comptoir quand arrive un client que le tenancier accueille par un : « Tiens, voilà la mouette ! » Le client répond : « Je viens payer mes dettes. » Une fois les trente euros acquittés, la conversation embraye sur le mariage :
— T’as déjà été marié ? demande le barman.
— Ça m’est arrivé quelques fois… Pourquoi ? T’as une cousine à marier ?
— Pas avec toi en tout cas, elle n’aurait jamais à manger.
— Non, mais elle aurait à boire ! Allez tiens, tant qu’on y est : remets-moi un petit rhum.
Quelques minutes plus tard, « la mouette » se tourne vers moi : « T’es du quartier, j’ai l’impression de t’avoir déjà vu. » Je lui explique que je n’habite pas ici, mais que je fais une étude sur le quartier. Puis, sans plus savoir comment, on en vient à parler de famille en Bretagne : « Ils sont d’où tes parents ? », « Oui je vois bien, j’ai un cousin qui a habité là-bas », etc. Le barman, qui écoute notre conversation tout en essuyant des verres, me désigne alors du doigt : « Tu vois, lui c’est un bon Breton. Il va rentrer dans son pays. De toutes façons, on va faire un bateau pour renvoyer tous les Bretons chez eux. Y’en a trop, surtout dans ce bar. » Et il se lance dans l’énumération de la longue liste de ses clients bretons (8 mars 2008).

12Dans ce quartier, « Breton » peut devenir un mode de présentation de soi, une manière de se placer et de se situer au sein de cette diversité identitaire. Ici, le renversement entre sans-papiers et Bretons à expulser est propre à déclencher le rire, surtout dans un bar qui affiche dès son entrée « Liberté de circulation pour tous ». Dans l’équivalence de conditions qu’il souligne sont inversées les normes qui partout ailleurs prévalent (Douglas 1975 : 104) entre expulseurs et expulsés. Encore une fois, le simple fait d’être là justifie de se voir attribuer un rôle et de l’endosser pour entrer dans une discussion plus générale. Comme accroche relationnelle, l’humour peut ouvrir à des formes de « sociabilité élargie » (Milliot, 2013) et à des discussions générales. À la suite de la scène décrite plus haut, l’échange du petit-fils avec son grand-père s’est prolongé en débat public où il a d’abord été question de chercher ensemble le nom d’un général – et de rire de l’ignorance de certain – avant de continuer sur l’importance de connaître l’histoire – certains affirmant que tout cela n’a pas d’intérêt puisque « même les Français ne connaissent pas toute leur histoire », tandis que d’autres déploraient l’ignorance des « enfants d’immigrés qui ne connaissent même pas la région d’origine de leurs parents ». C’est ainsi que l’échange de plaisanteries laisse place à une discussion – toujours sur un ton léger – à propos de l’héritage du colonialisme, de l’esclavage, de l’éducation des enfants d’immigrés, etc. Dans cette parole libre partagée par une communauté éphémère ne durant que l’instant de la rencontre, il n’est bientôt plus question d’assignation identitaire mais de débat entre égaux (Agier 2004 : 145) – alors que quelques instants plus tôt, lorsqu’il n’était question que du mouvement des pions sur le damier, seuls les experts s’autorisaient des commentaires, sous l’attention respectueuse et silencieuse des novices.

13Les stéréotypes mobilisés lors de ces échanges assignent à chacun le personnage qu’il devra jouer dans la scène qui s’ouvre. Cette identification à grands traits permet de placer l’inconnu dans une catégorie prédéfinie. Elle crée un lien tout en se prémunissant d’une trop grande familiarité (Certeau 1994 : 34-35). Ces stéréotypes des uns et des autres, directement accessibles, très simples à manipuler (Lallement 2010 : 187), garantissent également la participation du plus grand nombre aux échanges. Car tout le monde maîtrise les règles du jeu, tout le monde dispose d’une réserve plus ou moins détaillée de clichés de l’Autre. La relation s’instaure à travers un jeu de masques trop grossier pour qu’on puisse s’en offusquer – les Africains y sont cannibales, les Bretons alcooliques –, offrant à celui qui décide de s’en affubler la possibilité de jouer de la caricature de son propre personnage, et accordant toute latitude de composer sans être obligé de piocher dans le registre de son intimité. Ce faisant, c’est aussi de ces assignations identitaires souvent écrasantes qu’il est possible de rire et de se défaire, au moins pour un court instant. Rire de l’identité de l’autre et accepter de mettre sa propre identité dans la balance, c’est accepter l’épreuve de la réciprocité. Le rire unit ici, non en euphémisant les différences mais au contraire en les accentuant, en les ridiculisant pour leur faire perdre leur potentiel clivant. Le rire vient affirmer une proximité et une ressemblance suffisante à la création d’un commun (Cohen 1999 : 29) que le partage d’un rire vient célébrer. La force de ce rire tient au fait qu’il arrive à faire de la perception des différences la base même de la prescription d’égalité répondant à une « certaine exigence de la vie en commun » (Bergson 2007 : 6).

  • 11 Dans leur analyse globale de la politesse, Penelope Brown et Stephen Levinson (1978) font de la pla (...)

14Ce que les participants de ces scènes partagent, ce ne sont pas des implicites culturels mais des règles d’usages, une capacité, suffisante pour rire ensemble, de s’accommoder de la diversité. Cette civilité partagée – cette sorte de pragmatisme de la coprésence – assure la coexistence sociale pacifique de ces groupes éphémères et le bien-vivre ensemble. Le rire offre toujours une porte de sortie : une saillie toujours permettra de retourner la situation. Dans ce jeu élastique, chacun est libre de pratiquer tantôt le rapprochement tantôt la distanciation, et d’enfiler un masque pour mieux se dévoiler. Le rire, art de l’instant, est aussi un art d’ajustement à ces épreuves de réciprocité. Ces échanges « pour rire » peuvent être considérés comme une variation locale des codes de la politesse (Burke 1999) en cela qu’ils permettent à chacun des protagonistes de garder la face (Goffman 1974), de parer aux offenses potentielles et de gérer les craintes suscitées par la rencontre d’inconnus énigmatiques. Cette politesse11 comme code de conduite facilite les rapports interpersonnels au sein de discussions élastiques sans cesse ouvertes aux rebondissements. Engageant sans être trop imposant, ce mode de communication laisse une grande souplesse dans la définition de soi comme dans le rapport à l’autre.

Négocier la distribution des rôles : repenser les catégories

15Pris comme art d’ajustement à la diversité, le rire est alors à nouveau réduit par l’analyse à ses fonctions : pacifier les relations, mettre de l’huile dans les rouages des interactions, déjouer l’agressivité qui pourrait naître de cette coprésence hétérogène et garantir le maintien d’un certain ordre social préalable à l’interaction. Mais ces échanges pour rire sont aussi les moments où se répartissent les rôles. Le rire est créateur d’une réalité sociale singulière qui n’est pas fixée à l’avance. Il donne accès à un jeu de redéfinition des catégories. Il permet de redistribuer les positions de chacun, il ouvre la porte à la négociation identitaire.

Sous les commentaires amusés des spectateurs qui vont et viennent entre les tables, les joueurs déplacent avec une grande rapidité les pions sur le damier. Un peu plus loin sur des bancs, à portée de voix, deux hommes sont occupés à boire des canettes de bière. Un homme arrive sur un vélo. Il n’a pas le temps d’en descendre qu’un spectateur lance à haute voix : « Tiens, voilà le Malien ! » L’homme pose son vélo contre un banc et, voyant que je prête attention à la discussion, répond en me regardant : « Je ne suis pas malien ! Je suis ivoirien. » Un autre homme renchérit : « T’es malien, t’es malien. Y’a pas de honte. » Celui qui avait apostrophé le nouvel arrivant se tourne à son tour vers moi et m’explique : « Monsieur, chez nous avec le nom, on sait directement d’où il vient. Lui, c’est un Fofana. Alors c’est où ? » La question m’est adressée directement, je suis sommé de choisir mon camp. Je tente alors : « Côte d’Ivoire ? » Visiblement déçu de ma réponse, il se retourne vers le prétendu Malien : « T’es Dioula ou quoi ? » « Oui, moi je suis un Dioula », puis me regardant à nouveau : « Nous, les Dioula, on est des commerçants. » Un joueur, qui vient de céder sa place suite à sa défaite, se lève et entre dans la discussion en déclinant son identité : « Moi je suis gabonais, et je suis né à Meaux. » Son intervention déclenche immédiatement une série de remarques : « T’es gabonais, toi ? Et tu ne connais pas ton pays, t’y es jamais allé. Si tu arrives à Libreville, tu connais rien ! » L’Ivoiro-Malien profite de ce détournement d’attention pour contrer les attaques antérieures. Pointant du doigt celui qui a commencé toute cette discussion : « Les Maliens, ils sont jaloux parce qu’il n’y a rien chez eux. Le sable, le désert c’est tout. Tu vois, ils n’ont pas d’immeuble plus haut qu’un étage. » Il désigne alors le premier niveau d’un petit immeuble bordant le square. Loin d’être décidé à laisser retomber la discussion, le premier interlocuteur enchaîne : « Mais chez vous c’est les Blancs qui ont tout construit, c’est les Français qui ont tout construit ! » La réplique ne tarde pas : « Ils sont pas venus chez vous, c’est normal parce qu’il n’y a rien. Y’a même pas la mer. » Puis, changeant d’interlocuteur, le spectateur à l’origine de cet échange se retourne vers celui qui s’était présenté quelque temps plus tôt comme étant un Gabonais : « Lui il est gabonais, 600 000 habitants, 500 000 soldats ! Mais ils n’ont jamais envahi aucun pays. Au Mali, au moins, on a enlevé le président du Burkina ! » « Peut-être, mais vous avez deux chars, c’est tout », lui répond le Gabonais. Un homme qui s’était préalablement présenté comme étant marocain se mêle alors à la discussion : « Au Mali, y’a rien. C’est que le désert et les serpents, et ils sont dangereux les serpents là-bas ! » Puis s’adressant à l’homme à vélo et prenant tous les participants à témoin, il demande : « Pourquoi vous dites qu’il est malien ? Y’a pas de honte à être malien ! » D’un ton mi-énervé mi-fataliste, ce dernier tente encore une fois : « Je suis pas malien, je suis ivoirien ! » (10 octobre 2007).

16À la différence des blagues ethniques reposant sur des « ébauches de constats ethnographiques » (Bromberger 1986 : 90), où il s’agit d’émettre des plaisanteries sur des traits discriminants d’un groupe et de jouer des positions respectives de ces groupes – telle la relation centre-périphérie unissant les groupes émetteurs et cibles de ces blagues ethniques (Davies 1990) –, les identités ne sont pas ici des préalables. Elles doivent se négocier dans l’interaction. C’est dans l’échange que s’organisent et se distribuent les positions. Une affirmation ne suffit pas quand elle ne reçoit pas l’approbation générale. Il est par exemple très difficile de s’affirmer gabonais si on est né à Meaux face à d’autres personnes nées en Afrique – affirmation identitaire qui ne soulèverait sans doute aucune opposition dans un contexte différent. Hétérogènes, les espaces publics pluralistes mettent en relation des inconnus qui ne se laissent pas définir simplement, de multiples registres – ethniques et nationaux dans la scène décrite – sont constamment imbriqués. Par le rire s’établit et se structure un ordre éphémère qui ne dure que le temps de l’interaction. Les stéréotypes, forcément réducteurs, ne témoignent pas d’une autorité supérieure sous-jacente (Herzfeld 1992 : 68) puisque cette autorité n’est valide qu’en situation. Mais cette apparente harmonie de l’interaction ne dissimule- t-elle pas pour autant une véritable « guerre froide » (Goffman 1998 : 102) où il s’agirait d’imposer, sur un mode ludique, ses propres représentations ? Dans ces espaces dont les publics se renouvellent sans cesse, faisant varier les forces en présence, les identités sont mouvantes, susceptibles de changer d’un moment à l’autre. Quelques dizaines de minutes après la scène décrite en début d’article, entre dans le bar un homme d’une quarantaine d’années qui se présente comme un Italien ayant grandi dans le 7e arrondissement de Paris. Alors qu’il retrace son parcours résidentiel parisien, il me demande si je suis du quartier. À ma réponse négative, nos voisins de comptoir s’empressent de me pointer du doigt : « C’est un intrus, un étranger », alors que quelques minutes plus tôt j’étais le Blanc pris à témoin. L’usage des stéréotypes est labile, les identifiants sont multiples, réduisant d’autant les possibilités d’attribution d’identités réifiées. Ces espaces publics sont aussi formateurs par la confrontation et la découverte de l’Autre, permettant d’affiner la gamme des stéréotypes – de l’Africain au Dioula commerçant – dans laquelle il pourra être utile de piocher au hasard des besoins. Les interlocuteurs de ces échanges passent d’un « autrui généralisé » – simple silhouette d’une altérité sans visage – à un « chacun » (Joseph 1995 : 24-25) propre à instaurer une relation.

17Cette injonction à se positionner au cours des échanges amène également à se penser à travers de nouvelles catégories de soi jusque-là impensées ou oubliées telles que le « Blanc », le « Petit Blanc » (Palumbo 2009 : 143), le « bourgeois ». Plus généralement, la Goutte d’Or est un quartier où le couple majoritaire et minoritaire est fréquemment inversé – c’est ainsi qu’en paroles les Bretons peuvent en être expulsés –, participant de cette expérience du repositionnement identitaire (Milliot 2013). Jouant et interrogeant les modes de catégorisation et les appartenances, ces échanges civils interrogent les formes et les modalités élémentaires des conduites collectives (Joseph 2002 : 90). Dans ces négociations et redéfinitions communes des catégories, le côtoiement ordinaire est porteur d’une expérience quotidienne du politique puisqu’il y est également question de négocier la place de chacun à l’aune d’un horizon commun (Cefaï 2011 : 580).

18Quelques minutes après la longue discussion ayant mobilisé bon nombre d’interlocuteurs sur la comparaison Mali-Côte d’Ivoire-Gabon, le « Gabonais de Meaux » se retrouve à partager le damier avec un homme plus âgé, qui s’est présenté un peu plus tôt comme un Marocain. Le premier lance : « Je ne sais pas pourquoi je suis si fort comme ça aux dames. » Un spectateur lui touche le crâne : « C’est parce que tu as une grosse tête. » Puis, s’adressant à son adversaire, soucieux d’affirmer une origine ne souffrant aucune contestation, le « Gabonais de Meaux » lance : « Moi je viens de Mars, et toi ? » « D’avril », répond son adversaire, déclenchant l’hilarité générale.

19Quand la seule règle est d’en rire, les variations sont multiples, le sens de la discussion change selon les rapprochements spontanés les plus incongrus, laissant la liberté aux interlocuteurs de négocier leur identité en situation ou, toujours sur le même registre du rire, de refuser de s’y adonner et de proposer d’autres échappatoires à ce jeu des identifications.

Conclusion

20Dans le contexte des espaces pluralistes de la Goutte d’Or, rire ensemble des identités de chacun offre des occasions de respirer face à des assignations identitaires par ailleurs écrasantes. Tour à tour le Français, le Breton ou l’intrus, quelle que soit l’assignation, fréquenter les espaces publics de la Goutte d’Or c’est prendre conscience qu’en matière d’identité il y a peu d’absolu mais beaucoup de relatif et de relationnel. Ce « rire ensemble » qui se joue des appartenances finit par révéler l’artificialité de ces catégories d’usages ordinaires, et leur fait ainsi perdre – au moins en partie, au moins brièvement – leur portée essentialiste. Participer à ces échanges nécessite de pouvoir prendre de la distance avec sa propre identité, de maîtriser au moins en partie les compétences cosmopolites de la relativisation (Beck 2006). Les espaces publics de la Goutte d’Or sont un creuset où s’élaborent de telles compétences citadines. Mais tout le monde ne se plie pas au jeu, habitants et usagers peuvent choisir de contourner ces espaces de rencontre parfois épuisants, considérer la rue avant tout comme un lieu de passage le plus fluide possible, et se réserver pour les espaces sécurisants de l’entre-soi. Pour ceux qui s’y adonnent, cette expérience intime de remise en cause qu’impose le pluralisme aboutit à de nouvelles définitions des autres autant que de soi-même. Des redéfinitions parfois aussi profondes qu’un changement de prénom.

Un couple d’une cinquantaine d’années s’apprête à quitter le bar après avoir assisté au vernissage de l’exposition d’un artiste peintre du quartier : « On reviendra la journée pour voir les toiles avec la lumière du jour. » L’artiste semble touché de l’attention portée à son travail : « Si la salle est fermée et que je ne suis pas là, vous allez voir le barman et vous dites que vous êtes des amis de Bascal, avec un B parce qu’il n’y a pas de P en arabe. » En sortant du bar, une affiche placardée à la devanture annonce l’exposition du peintre : « Bascal » (22 mars 2008).

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Notes

2 Le « buveur-pisseur » accusé de gênes autant sonores qu’olfactives est devenu une des cibles principales des plaintes d’habitants auprès de la mairie du 18e arrondissement.

3 Virginie Milliot et Stéphane Tonnelat, analysant une intervention policière et les contestations qu’elle produit, montre bien comment, dans ces espaces, s’affrontent l’« ordre public de la rue » et l’« ordre public institutionnel » (Milliot & Tonnelat, à paraître).

4 Cet article fait suite à la recherche collective « Barbès : laboratoire du pluralisme », dirigée par Virginie Milliot (université Paris-Ouest – Nanterre-La Défense), financée par la Ville de Paris. Il doit beaucoup au travail en commun et aux discussions avec l’équipe de ce projet (Virginie Milliot, Maria Anita Palumbo et Guillaume Pfaus).

5 Si tous les auteurs s’accordent sur ce point, certains vont plus loin, faisant de la maîtrise de l’humour le stade ultime de la compréhension d’une culture (Hall 1984 : 71).

6 Histoires courtes dont la puissance comique tient à leur dénouement inattendu (Raskin 1985 : 99).

7 Historiquement, les bars ont toujours eu une place très importante dans ce quartier. En 1985, on comptait cinquante-huit établissements rien que pour le sud du quartier (Toubon & Messamah 1990 : 326).

8 Pour éviter au lecteur aussi ignorant que je l’étais à l’époque une telle déconvenue, voici la réponse attendue : il s’agit de Toussaint Louverture, devenu le premier général noir de l’armée française après avoir joué un rôle majeur dans l’insurrection haïtienne à la fin du XVIIIe siècle.

9 Voire tabous (Douglas 1975).

10 Revenu dans le bar où j’ai mené une partie de mon terrain pour prendre des photos, j’explique aux deux clientes présentes le sujet de la recherche. Quand toutes les deux sont sorties pour fumer une cigarette, le tenancier du bar s’approche et me dit : « Ce que vous avez dit tout à l’heure, c’est vrai ! Ici on rigole avec tout le monde, y’en a même qui me traitent de “sale Noir” ! Mais ça ne me dérange pas. »

11 Dans leur analyse globale de la politesse, Penelope Brown et Stephen Levinson (1978) font de la plaisanterie une « politesse positive » car elle participe de la création d’un lien de solidarité (au contraire de la « politesse négative » qui se caractérise par la retenue).

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Pour citer cet article

Référence papier

Stefan Le Courant, « « Moi je viens de Mars, et toi ? » »Terrain, 61 | 2013, 54-67.

Référence électronique

Stefan Le Courant, « « Moi je viens de Mars, et toi ? » »Terrain [En ligne], 61 | 2013, mis en ligne le 01 janvier 2014, consulté le 09 septembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/terrain/15169 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/terrain.15169

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Auteur

Stefan Le Courant

Université Paris-Ouest – Nanterre-La Défense, Laboratoire d’ethnologie et de sociologie comparative

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