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L'imaginaire écologique

Utopies universalistes

La nature en concurrence
Sophie Houdart
p. 92-107

Résumés

Comment donne-t-on corps à une utopie ? La préparation de l’Exposition universelle qui s’est tenue au Japon, dans la banlieue de Nagoya, en 2005, est l’occasion de suivre le lent travail, à la fois conceptuel et matériel, au moyen duquel émerge une forme inédite de relations entre l’homme et la nature. Donnant la « redécouverte de la sagesse de la nature » comme nouveau métronome universel, les concepteurs de l’Expo 2005 et les architectes appelés à œuvrer au projet devaient entre autres sortir leur proposition de l’étau local dans lequel elle avait vu le jour, pour la porter à une autre échelle en la transformant en véritable alternative de développement pour les sociétés technicisées. C’est cet épineux parcours qui est suivi dans cet article, qui se concentre plus particulièrement sur les propositions architecturales destinées à faire de cette Expo 2005 la première Exposition universelle non moderne.

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Texte intégral

  • 1 L’inventeur en est l’écologiste Tsunahide Shidei, professeur émérite à l’université de Kyoto, trava (...)
  • 2 Pompoko est l’histoire de la défense d’un satoyama au moment de la construction de la première vill (...)

1Ce n’est d’abord qu’une portion de forêt au large de la ville de Nagoya. Prolongeant la cité en îlots résidentiels clairsemés, elle s’étend en pentes douces, boisées, vers les collines. Entre les îlots s’ouvrent des rizières, des sentiers de promenades dominicales. Des espèces animales y ont trouvé logis, des oiseaux – certains rares – viennent y pondre, des milliers d’insectes y pullulent. La forêt Kaisho n’a rien de particulier. Pour ceux qui ne la pratiquent pas assidûment, aucun marqueur ne vient la distinguer franchement d’autres forêts en d’autres lieux, au large d’autres villes japonaises. Ce paysage, qui a toutes les qualités d’un paysage générique, est désigné en japonais par le terme « satoyama ». Créé dans les années 19601, ce néologisme, formé du caractère sato, qui renvoie au village et à l’espace habité, et du caractère yama, qui renvoie presque indistinctement à la montagne et à la forêt, était destiné à saisir une réalité alors en train de disparaître. La réalité qu’il recouvrait était, elle, beaucoup plus ancienne. Espace naturel liminal, entre les lieux de vie des hommes et la nature profonde et sauvage (okuyama, la montagne-forêt du fond), le satoyama servait traditionnellement de réservoir aux activités humaines : riziculture, essartage, cueillette, charbonnage (Berque 1986 ; Knight 1996)… Concomitantes de la naissance des villes nouvelles, la création et l’acceptation de ce concept fondaient le caractère traditionnel de ce type paysager au moment même où ce qu’il désignait subissait une transformation profonde : nature secondaire mais qualifiée de « paysage maternel » (Takeuchi 2000), ayant besoin des usages communautaires pour survivre en l’état, satoyama en vint à nommer également l’espace résiduel à peine épargné par l’urbanisation galopante, un espace vert constamment mis en péril par l’urbanisation, l’industrialisation, voire l’occidentalisation (Washitani 2001). L’histoire de ces relations transformées à la nature au Japon a été rendue familière par les films d’animation des Studios Ghibli. Les œuvres de Hayao Miyazaki et de ses collègues prennent souvent la nature pour arrière-plan, si ce n’est pour thème principal. Que l’on songe à Mon voisin Totoro (1988), ou bien au moins connu Pompoko (1994), réalisé par Hisao Takahata2 : on aura du satoyama une image assez fidèle. Tel qu’il y apparaît, le satoyama fait référence tout à la fois à un type de paysage, à un mode de consommation et surtout à une relation à la nature.

2À l’aube du xxie siècle, la forêt Kaisho s’apprête à des transformations inédites : elle est choisie pour être le site de l’Exposition universelle de 2005. Les organisateurs de l’Exposition conçoivent, à son endroit, un projet qu’ils confient, pour le développer, à des concepteurs, des architectes. Ils y voient un devenir, qu’ensemble ils entendent actualiser. Ce devenir-là a la particularité de ne pas concerner seulement le Japon et les Japonais, mais le monde en son entier. Installée dans cette région forestière à l’est de Nagoya, dans le département d’Aichi, l’Exposition japonaise souhaite en effet tirer parti du cadre géographique et naturel dans lequel elle s’inscrit, afin de proposer rien moins qu’une reconfiguration des relations de l’homme à son environnement pour le siècle à venir. Intitulée « Au-delà du développement : à la redécouverte de la sagesse de la nature », l’Expo 2005 affichait l’ambition d’agir pour le monde de demain en ranimant des conceptions porteuses de valeurs d’un autre âge ou d’une autre terre, et en les transférant sur la scène internationale sans rien perdre au passage de leur qualité. À l’origine, rien ne préparait le lot de terre boisée choisi pour accueillir l’Expo 2005 au devenir universel promis par les organisateurs… Mais au fil des années qui voient mûrir l’Exposition, les transformations sont exemplaires et les élaborations – conceptuelles, architecturales, scénographiques – édifiantes. Quand bien même une partie de ces propositions ne fut jamais actualisée, quand bien même les organisateurs en préférèrent d’autres – il faut le dire, plus convenues et plus attendues –, elles constituent une trace de ce que l’Expo 2005 aurait pu être. Mon propos est ici de faire place aux alternatives qu’elles esquissaient et d’y lire les termes possibles de relations renouvelées à l’environnement et aux êtres qui le composent.

D’une scène universelle à l’autre

  • 3 Avec soixante-quatre millions de visiteurs (dont 97 % de Japonais), L’Expo ’70 d’Osaka détenait, ju (...)

3Mêlant les mondes imaginaires des parcs à thèmes, les scènes universelles des grandes expositions internationales et certaines conceptions urbaines modernes tentées par la démesure, l’exposition Dreamlands, qui eut lieu au Centre Pompidou au printemps 2010, retraçait, de Paris à New York en passant par Las Vegas et Dubaï, l’histoire de ces architectures folles qui projetèrent, pour un temps plus ou moins long, des devenirs audacieux. Dreamlands situait le point de départ de ce dédale fantasmagorique à l’Exposition universelle de Paris, en 1889. Depuis la fin du xixe siècle, les expositions universelles, conçues pour célébrer le progrès, technologique, économique, moderniste et civilisateur, constituent à la fois des moments réfléchissant les problématiques de leurs époques et des événements progressistes, visionnaires, déployant de manière ostentatoire des mondes à venir et à transformer. Partagées entre délires urbains et rêveries enfantines, les tensions qui les animent sont lisibles dans les intitulés successifs choisis par leurs organisateurs. Tandis que depuis leur institutionnalisation dans la seconde moitié du xixsiècle, les expositions étaient conçues comme des « spectacles comparatifs » mettant en scène les progrès des civilisations, celles d’après la Deuxième Guerre mondiale placent l’homme au premier plan (L’Homme et le progrès, Bruxelles, 1958 ; Terre des hommes, Montréal, 1967) et font de la paix entre les peuples le nouveau métronome des inventaires techniques (Progrès et harmonie pour l’humanité, Osaka, 1970). Puis, à partir de la fin du xxe siècle, la nature fait son entrée. Au diktat « Toujours plus vite, plus grand, plus loin » qui caractérisait les expositions des xixe et xxsiècles, celle de Hanovre en 2000 choisissait de substituer un nouveau paradigme : « Plus durable, plus intelligent, plus humain » (Breuel 2000 : 13) en mettant en scène le triptyque homme-nature-technologie. L’Expo 2005 au Japon fondait quant à elle sa proposition sur un « au-delà du développement ». Flattant le « contrat naturel » promu par Michel Serres (1990), la nature semble être devenue alors le point de mire obligé des grandes utopies. Dans ce sillon, l’Expo 2005 tablait elle aussi sur « la redécouverte de la sagesse de la nature » pour prévenir et résorber les débordements modernes. Pour le Japon, la morale est belle. Après avoir déployé, autour des expositions du xxe siècle, une « véritable politique du savoir » moderne (Faure 2002 : 88), après avoir organisé en 1970 la première exposition universelle sur le sol asiatique3, convaincant ainsi l’Occident qu’il allait dorénavant devoir compter avec lui, le Japon entreprenait en 2005 de faire un pas de plus. Il entendait non plus seulement accéder à l’universalité de l’autre, mais proposer à cet autre et au monde sa propre universalité, fondée sur ce que les Japonais revendiquent depuis longtemps comme spécifiquement japonais : une relation harmonieuse à l’environnement naturel.

4La comparaison entre les deux expositions universelles japonaises de 1970 et de 2005 rend particulièrement saillante la nature utopique de la seconde. À Osaka, en 1970, il s’agissait d’afficher la capacité du Japon à occuper une place de leader dans le monde économique et technique. Dans le film commémorant cet événement symbolique majeur, « au travers duquel toute la nation glorifiait l’essor économique de la fin des années 1950 » (Yoshimi 2000) – qui suivait à quelques années de distance les Jeux olympiques organisés à Tokyo en 1964 –, les préparatifs sont figurés comme un chantier de grande envergure assimilé à un projet urbain. Sur fond de musiques africaines, le film débute par des images des continents, de leurs habitants, de leurs us et coutumes. Puis une explosion sur un chantier nous ramène dans un présent dont l’histoire est en train de se fonder. On voit l’empereur Shôwa (connu de son vivant sous le nom Hirohito) survoler un site en hélicoptère dans un ciel peuplé de grues mécaniques. Les travaux sont bien avancés. Tandis que le générique affleure à nouveau sur le moniteur, on assiste en arrière-plan au travail des ouvriers. C’est le moment des finitions, on astique, on ficelle. Plus tard, comme dans ces productions hollywoodiennes qui démarrent par le survol vertigineux d’une grande ville, le spectateur est invité à prendre la mesure du site par une vue en plongée. C’est moderne. On dirait une zone industrielle. Pas un arbre. Pas d’autre souffle que celui des machines. Ce n’est pas un hasard si les organisateurs, en 1970, choisirent Osaka pour accueillir le monde : la ville était alors regardée comme le haut lieu de l’industrialisation japonaise, au point qu’elle était surnommée depuis les années 1950 « capitale de la fumée », ou encore « Manchester de l’Orient » (Hamon 2004 ; Sorensen 2004). Fiers de cette histoire, les organisateurs de l’Expo ’70 mirent tout en œuvre pour transformer le terrain mis à leur disposition, l’exploitant à la manière d’un projet d’urbanisme – les travaux étant d’ailleurs contemporains de l’émergence des premières villes nouvelles.

  • 4 Reconstitution que l’on pourrait entendre au sens qu’exprime l’artiste contemporain Pierre Huygue à (...)
  • 5 La « reconstitution » qui traduit le « reenactment » anglais procède en ce sens d’une logique plus (...)

5Tandis qu’Osaka ’70 se vantait de faire table rase du terrain qui lui préexistait, l’Expo 2005 se déployait au contraire à Aichi dans un environnement imposant ses contraintes : le site, avec son histoire, sa topographie et ses qualités propres, était un espace à investir selon de nouvelles modalités. À l’orée de son histoire, l’exposition mobilisait des stratégies philosophiques et architecturales pour faire en sorte que la nature soit son propre porte-parole. Elle était élaborée et conduite comme un projet paysager, non comme un projet urbain. Sur l’une des premières brochures portant le projet à la connaissance du public, le site était défini comme étant « intégré dans la topographie d’un espace boisé semi-aménagé où la nature et les hommes coexistent en harmonie, appelé “satoyama” en japonais ». Le dessein revendiqué était de « transmettre aux générations de demain les enseignements que nos ancêtres et nous-mêmes avons retenus de cette conception “satoyama” ». Soucieux, dans le même temps, de désengager le satoyama de ses propriétés trop locales pour donner toutes ses chances à ce candidat à l’universel (Habermas 1987 : 36), les organisateurs annonçaient leur volonté de construire un environnement « satoyamalike » : créer quelque chose qui soit « comme un satoyama » dans lequel – à la manière des scènes de reconstitution – le satoyama tiendrait son propre rôle4. La scénographie jouait dès lors son rôle essentiel : permettre de re-découvrir la sagesse de la nature en offrant les conditions propices pour agir sur les paramètres de la redécouverte5. Qu’est susceptible d’offrir au satoyama cette seconde chance ? Comment devient-il, par son entremise, un lieu possible d’où assurer aux sociétés modernes et technicisées un devenir serein ?

En lieux rêvés

6Comment faire en sorte que la nature, mieux que le thème, soit le sujet de l’exposition ? Comment faire en sorte qu’en elle puisse se rejouer (reenact) un schème constitutif dans lequel la nature occuperait son propre rôle ? Pour soutenir la portée utopique de leur proposition, les organisateurs doivent d’abord se frotter à une question fondamentale et très prosaïque : comment concevoir un événement de grande ampleur qui ne soit pas urbain ? Comment tenir le pari de faire venir le monde à soi ?

7Pour supporter une telle utopie, il fallait avoir recours à des représentations qui l’inscrivaient dans le monde tel qu’il est, l’agençaient à celui-ci. Cette dimension conférait au projet Expo 2005 une dimension réaliste, seule à même d’en assurer la réalisation. Si tous les projets d’architecture développent des visions de ce qui pourrait être (selon la notion même de projet) et circonscrivent ainsi des lieux potentiels, porteurs de sens nouveaux, nous tiendrons que certains composants confèrent à quelques projets seulement une réelle portée utopique. Afin de cerner ces composants, nous prendrons au sérieux les images conçues par les architectes et les infographistes pour leur donner forme. D’une manière générale, préfigurant des mondes en formation, des cosmologies toujours nouvelles, les dessins conçus par les architectes offrent une matière riche pour l’anthropologue qui, observant leur fabrication, voit sous ses yeux des mondes en train de se faire, des univers se déployer, être corrigés, rognés ou colorés, être articulés ou désarticulés, par de simples pressions sur un clavier informatique. Quelle est la qualité, la nature des espaces dessinés par les architectes ? Quel type de cosmologie traduisent-ils ? Quelles nouvelles hiérarchies entre les êtres ces cosmologies induisent-elles ?

8Accoutumés à « figurer un objet qui n’existe pas encore et dont il faut néanmoins définir les caractéristiques » (Pousin 1991 : 128), les architectes sont appelés à la rescousse d’un projet qui peine, à ses débuts, à convaincre des interlocuteurs multiples. « Donner des images au Bureau international des expositions » : telle est la requête que formulent les organisateurs à l’architecte Kengo Kuma en 1998. Le Japon, alors en compétition avec le Canada, n’a pas encore remporté le projet, controversé nationalement et internationalement. L’architecte est chargé de monter une scénographie apte à dissoudre les controverses et à satisfaire les parties en présence : apaiser les locaux, qui voient dans les travaux nécessaires à mener un paradoxe insoutenable (détruire la forêt pour la mettre en scène), et contenter le Bureau international des expositions (bie), qui reçoit à son siège parisien les protestations japonaises et se met à douter de la viabilité du projet – de son universalité. Les « images » que Kuma est appelé à fournir sont autant de pièces destinées à contrebalancer le lourd dossier constitué par les protestataires.

  • 6 Sur ce point, voir Houdart (2006). Pour une histoire plus complète du projet de l’Expo 2005 d’Aichi (...)

9Le travail de l’architecte aidé d’une équipe de concepteurs (historien de l’art, anthropologue, photographe…) consistait à définir un espace de pensée capable d’accueillir la « première exposition universelle non moderne6 » (Nakazawa & Latour 2000). Ensemble, ils proposaient un renversement des valeurs qui dominent ce monde-ci, en soulignant la perversion, ou plutôt la perdition progressive, la cécité qui a accablé progressivement l’homme moderne des sociétés technicisées : l’impossibilité d’accéder à la sagesse de la nature. Au regard de sa philosophie architecturale, on comprend que Kuma ait été d’emblée désigné comme l’homme de la situation. Après s’être compromis, comme nombre de ses contemporains, dans l’architecture postmoderne, Kuma est alors connu pour soutenir une pensée constructive fondée sur l’usage traditionnel des matériaux naturels (la pierre, le bambou, le papier, etc.). Se détournant de la modernité comme de la post-modernité (Kuma 1989), il propose une « architecture naturelle » (Kuma 2008) qui entend remettre à l’honneur la localité, l’artisanat, le lien intime à l’environnement, en lieu et place du béton, de l’internationalisation et de la globalisation, qui signent ensemble le xxe siècle. Tout cela lui vaut d’être qualifié d’« architecte environnemental » et de recevoir le Spirit of Nature Wood Architecture Award (Finlande, 2002).

10Pour le projet d’Expo 2005, Kuma fit d’abord la proposition d’une « architecture invisible » qui tenait – nous allons le voir au fil du texte – en deux dispositifs majeurs. Dans le premier dispositif, il s’agissait d’user de la topographie du paysage afin de faire disparaître littéralement les pavillons en les enterrant : au moyen de ce qu’il nommait « topos plan », Kuma entendait refuser le monumental et nier « l’expression architecturale autrement connue sous le terme “pavillon” » en prenant le parti d’une « symbiose » entre objet architectural et nature.

11Substituant le paradigme du sensible au paradigme du voir, le topos plan allait dans le sens d’un effacement des structures expositionnaires : finis les pavillons audacieux, inscrits durablement dans les villes ou les paysages… Le montage visuel qui correspondait à ce dispositif fut conçu à partir de photographies réalisées par Kuma lors de sa visite du site. Numérisées, les photographies donnaient à voir, en surimpression, l’occupation virtuelle du lieu une fois investi par l’exposition. Kuma explique :

J’ai fait un arpentage du site, vu ses contours et ses espaces. Mais mon idée n’est pas de couper la terre comme c’est communément le cas en architecture. D’habitude les architectes commencent par faire un plan du site. Au contraire, je veux garder le paysage originel et construire une architecture dans le paysage. (Suzuki & Kuma 2000 : 4.)

12Il lui importe avant tout « de sentir l’atmosphère, de sentir quelque chose du site lui-même » – « d’écouter le lieu » (ibid. : 4). En se rendant sur le site, Kuma se défendait d’opérer avec l’œil du géographe qui, du territoire, « extrait la carte, modèle du territoire » (Le Moigne 1991 : 230), en faisant des relevés puis en les modélisant à l’aide de l’informatique. L’architecte ne fondait donc pas son programme visuel sur le plan, cadre architectural séparant l’objet du sujet. Il voulait agir à la manière du poète en quête d’inspiration : concevoir « un modèle délibérément imaginaire » (ibid. : 4) à partir du site, et par-dessus tout laisser le site dicter son mode futur d’existence. Quelque chose dans la topographie du site informait l’architecte, et cette information devait être maintenue jusqu’à la réalisation du projet. Pour Kuma, sentir le site était une activité s’apparentant à une prospection « symbolique », visant à lire dans le lieu lui-même les qualités de son devenir. Au moment de cette prospection, il n’était pas question de répertorier des ressources dont on pourrait faire quelque chose, que l’on pourrait transformer en autre chose, mais d’identifier les liens intimes, discrets ou invisibles, sur lesquels compter pour réactiver quelque chose du lieu. Jamais autodéterminé, le lieu contient la promesse de son propre affranchissement par les relations qu’il fait naître et stimule.

13De quel type de liens s’agissait-il ? En quoi ces liens sont-ils constitutifs de la portée utopique de la proposition faite au public ? Où sommes-nous, que sommes-nous dans cette nouvelle configuration ? Au nombre des composants qui marquent l’entrée en utopie, la reconfiguration des relations entre les êtres qui peuplent notre monde joue un rôle crucial. Accompagnant le topos plan, des compositions nous renseignent sur la place des hommes dans ce nouveau paysage. Dans l’une de ces compositions, des êtres aux contours fantomatiques déambulent dans la forêt le long de larges corridors de bois montés sur pilotis. Sans jamais toucher le sol, ils parcourent l’espace boisé au niveau des fougères ou bien plus haut, plus proches de la cime des arbres, au regard desquels les silhouettes humaines semblent lilliputiennes.

14Le montage montre des êtres ouverts dont les propriétés sont encore projetables. Des êtres neutres, ou génériques, ayant acquis la capacité nouvelle de se fondre, littéralement, dans le décor. À travers eux s’inscrivent les reflets des arbres – ils semblent les capter, les diffracter. Leur corps n’est pas une enveloppe imperméable qui les isolerait et les protégerait de ce qui les entoure. Ces « presque-nous » sont poreux, ils ont gagné la faculté d’être traversés, équipés au besoin, de telle sorte que la relation qui nous lie à l’entour s’exprime en continu. C’est à l’aide d’une telle « spectrographie » (Chupin 2006) que Kuma proposait de donner chair au projet d’exposition. Identifiables à des humains par leur profil, mais néanmoins vaporeux, s’effaçant presque pour laisser transparaître la forêt en arrière-plan, les silhouettes qu’il choisit d’utiliser dans les rendus architecturaux assuraient tout pourfendeur du projet que l’homme ne laisserait pas son empreinte sur le lieu. De nature transitoire, de volume éphémère, il investit le site en demi-teinte. Il ne fait que passer. Dans ces lieux rêvés, les hommes ne sont plus les seuls maîtres d’oeuvre, de l’espace habité.

Plaidoyer pour mondes multiples

  • 7 Sharon Kinsella explique qu’à l’origine, le terme « otaku » était celui par lequel les fans de chan (...)

15Le second dispositif déployé par Kengo Kuma, plus radical du point de vue architectural, consistait à pourvoir le visiteur lui-même d’un dispositif technique, le sthmd (See-Through Head-Mounted Display), susceptible de constituer l’espace boisé, espace d’exposition, en « source même de l’expérience » (Pavarini 1999 : 48). Avec l’aide de son ami d’enfance Michitaka Hirose, qu’il qualifie d’ « otaku7 informatique », Kuma conçut un dispositif qui collait au plus près du corps : des lunettes virtuelles permettant de « surimposer à la réalité » une autre réalité devenue inaccessible. Kuma entendait constituer un « espace hybride » (ibid. : 7) qui ferait usage de toutes les propriétés du monde naturel en y ajoutant d’autres référents. Associé au topos plan, le sthmd aurait eu pour effet, plutôt que de détruire le paysage en y construisant un objet, de l’enrichir d’une couche de réalité supplémentaire.

16Suivant le principe technique de la réalité augmentée, le projet consistait à augmenter les qualités sensibles du lieu. Dans un entretien, Hirose expliquait le principe général dont est issu le sthmd. Nommé cabin (Computer Augmented Booth for Image Navigation), il s’agissait d’un dispositif d’expérience virtuelle :

Nous en sommes venus récemment à réaliser qu’il devait exister plusieurs réalités. Il est certainement plus juste, par exemple, de parler de la réalité dont on fait l’expérience dans la cabin comme d’un sens de la présence induit visuellement […]. La cabin exprime un champ sur cinq plans (gauche, droite, haut, bas et devant). Contrairement à la télévision, on n’est plus au-dehors du médium, à regarder dedans. On est immergé dans le médium. (Hirose 1998 : 20.)

17Un tel procédé avait l’insigne avantage de permettre d’« importer des informations du monde réel dans le monde virtuel » ou d’« étendre la réalité virtuelle au monde réel » (Hirose 2004) – autrement dit, de confondre en les prolongeant des mondes se déployant parallèlement. De cette façon, le sthmd devenait un outil majeur de la politique de dissolution de l’objet menée par Kuma :

L’environnement urbain est traditionnellement constitué d’architecture, d’objets construits. Mais quand les ordinateurs et les technologies de l’information entrent dans le tableau, l’espace urbain lui-même cesse d’être développé comme une chose et commence à se développer comme une condition. (ibid. : 28.)

  • 8 « Affordance » est un terme employé en psychologie cognitive, en psychologie de la perception, et p (...)

18Les images à la fois constitutives et issues de ce dispositif donnent à voir cette nature augmentée – celle-là même que les visiteurs munis des lunettes pourront voir pendant l’exposition. Transformant la forêt en scène théâtrale numérisée, le sthmd rendait visibles les qualités de ses acteurs (celles des arbres par exemple, dont on apprenait en les regardant le nom, l’âge, le poids, etc.) et rendait également perceptibles des êtres improbables : personnages de contes de fées ou d’œuvres d’art, nymphes, muses. En équipant les visiteurs de l’Expo 2005 de cette prothèse sensible, il s’agissait, aux dires de l’informaticien, d’« émanciper les gens de leurs présupposés sur la réalité », de « régler à nouveau les paramètres de la réalité et de l’existence » (Hirose 1998). L’idée de nature augmentée contenait un postulat important qui concernait la nature inattendue, inexplorée, étendue, des choses qui nous entourent. Suivant ce postulat, les éléments naturels sont par nature « omniprésents et invasifs ». Ils sont des « ressources ouvertes » pour les designers, qui voient dans chaque objet naturel « une “attraction” unique, une “affordance8” unique pour accompagner les actions humaines » (Tanaka 2003).

Topographie minimaliste pour utopie planétaire

19L’imagination dont firent preuve Kengo Kuma et son équipe pour Expo 2005 ne trouva finalement pas terrain où prendre forme. S’il relevait un défi conceptuel, leur projet laissait sur leur faim sponsors et entrepreneurs privés : point de pavillon et la forêt faite sujet, cela signifiait aussi point de vitrine nationale ou technologique, point d’investissement ni de retour sur investissement… Quelques années après avoir donné au bie les images que l’on sait et procuré des arguments aux organisateurs pour répondre aux contradicteurs, les premiers concepteurs furent remerciés et remplacés par une équipe chevronnée de producteurs qui continuèrent d’élaborer autrement la « sagesse de la nature » et d’en assurer la « redécouverte ». À une année de l’inauguration de l’Expo, l’heure n’était manifestement plus, selon Kuma, à l’imagination : « Izumi Shin’ya, Kikutake Kiyonori et Shosaburo Kimua sont trois vieux messieurs qui ont déjà l’expérience des expositions à Okinawa ou à Osaka. […] C’est difficile de travailler avec eux parce que leur idée de l’Exposition est celle de 1970. »

  • 9 Le travail de conception était alors réparti entre quatre équipes : « architecture », « paysage », (...)

20L’agence Land, qui hérita du dossier et eut en charge l’organisation et le suivi du chantier9, devait travailler à partir d’« un concept de base qui soit compréhensible » pour le public et pour les constructeurs. Lorsque Kuma travaillait sur le projet, explique le directeur de l’agence Hirofumi Wakamatsu, les propositions conceptuelles étaient « très utopiques ». La perspective soutenue par Land est à l’opposé de celle de Kuma : elle consiste à planifier des bâtiments et à dresser quotidiennement des listes de fournitures. Affairé à ces tâches toutes prosaïques, Wakamatsu laisse volontiers à Kuma les « concepts » :

Les concepts c’est bien beau, mais d’abord la nature c’est assez particulier pour les Japonais, ça a des spécificités. Et puis c’est un langage difficile à faire comprendre. Ceux qui viennent d’Afrique, par exemple, ne peuvent comprendre ces concepts qui leur sont étrangers.

21Reprenant à son compte certaines critiques formulées par le bie à l’encontre du projet dans sa phase initiale, Wakamatsu s’attache à mettre l’accent sur l’exposition comme lieu de rencontre : « Il faut que les gens y trouvent de l’amusement, et c’est la première chose à considérer, comment faire venir les gens. Par rapport à Hanovre, par exemple, d’un point de vue architectural tout ça était très réussi, mais c’était trop calme, il n’y avait personne. » Les organisateurs sont inquiets, et le mot d’ordre est le même pour tous : faire venir des gens.

22Le temps de l’Expo approchant, cependant, les organisateurs situent le problème un peu moins dans l’ordre des idées, dans lequel peuvent naître à peu près toutes les extravagances, et davantage dans la boue du chantier physique. La problématique de la sagesse de la nature se rejoue au moment où il s’agit d’inscrire durablement les vertus du satoyama dans un paysage que fouleront des millions de visiteurs. Alors que les gros travaux ont commencé et ont transformé le site en « chantier public », je suis retournée sur le site avec quelques membres de l’équipe « architecture ». Nous parcourons en voiture le bout de terre boueux. Mon interlocuteur insiste à plusieurs reprises sur le fait que le site est vallonné. Ça monte et ça descend, et c’est la première exposition universelle à respecter de la sorte la topographie au lieu de l’aplanir. Tandis que nous passons dans la partie du site destinée à accueillir les pavillons européens (l’Europe étant rebaptisée « Global Common 4 »), nous entrons dans une zone, bitumée, sillonnée de chemins de traverse laissés en l’état – ceux-là mêmes dans lesquels je m’étais promenée quelques années plus tôt avant que le chantier ne commence. « Ce sera très vert, cette Expo, puisque c’est le thème principal, et dans cette partie du site, des guides volontaires promèneront les gens en leur expliquant le nom des arbres, des insectes, etc. » Alors que nous continuons notre parcours, entre l’Asie (« Global Common 1 ») et l’Amérique (« Global Common 2 »)10, les hommes commentent l’avancée des travaux. L’un d’eux me fait remarquer le petit escalier de bois qui part « de l’Asie » et monte dans la forêt pour redescendre « vers l’Amérique » :

De là où nous sommes, on ne voit pas l’Amérique, me dit-il drôlement, les gens pourront gagner une zone en marchant dans des sentiers de randonnée de montagne. Cela ne donne pas le sentiment d’un site unique d’exposition. C’est vraiment plusieurs pôles discrets.

23Derrière cet énoncé court une configuration du monde inédite dans l’histoire des expositions universelles. Tel est le rendu de la « sagesse de la nature » : un respect scrupuleux, explicité à l’envi, de ses pentes douces. S’opposant nettement au modèle des expositions universelles, la tabula rasa, l’aplanissement systématique du site d’exposition, les organisateurs d’Expo 2005 font valoir l’originalité de leur projet en vantant ses dénivelés. Ils expliquent que les expositions précédentes étaient motivées par une ambition synoptique, par l’idée de présenter l’univers d’un seul coup d’œil (modèle circulaire et plan qui sont aussi caractéristiques des chambres des merveilles et cabinets de curiosités). Ces configurations classiques produisent d’extraordinaires effets de domination. Les dénivelés, au contraire, substituent au panorama et à la représentation synoptique la complexité du monde et l’idée que la nature ne se laisse pas dominer. Le respect de la topographie vient souligner le fait que l’on n’est pas dans l’ordre de la représentation, de l’image en deux dimensions, appauvrie, privée de ses reliefs et de ses nuances. On est en trois dimensions, autrement dit dans la réalité. On est dans la mise en parole temporaire d’un out there, d’un ailleurs avec toutes ses propriétés signifiantes, servant à reconfigurer une autre topographie, celle du monde, cette fois, et de ses continents (« D’ici on ne voit pas l’Amérique »). Ceci n’est pas une mise à plat du monde. Ceci n’en est pas un panorama (l’un de ceux auxquels nous a habitués, précisément, l’histoire des expositions universelles). Les pentes douces deviennent à elles seules un dispositif efficace assurant la constitution d’un lien intime entre humains et nature. Une topographie du monde se dessine progressivement, dans laquelle l’universel, exprimé sous forme de dénivelés, ne souscrit plus à l’énoncé simple : « Faire le tour du monde en un jour. » Il va falloir monter, il va falloir descendre. Et rien, du monde, ne se donnera à l’évidence du premier coup d’œil. Le regard, enfin, rencontrera des obstacles.

24Le film Mon voisin Totoro raconte l’histoire d’une famille quittant la ville pour s’installer « à la campagne » – dirions-nous en France –, au cœur d’un satoyama encore intact à la fin des années 1950 (Tokorozawa, département de Saitama), à présent englouti dans la périurbanisation de Tokyo. C’est l’été, Mei et Satsuki, deux jeunes sœurs, découvrent leur nouveau milieu, un satoyama typique qu’elles ne tardent pas à parer, de surcroît, des attributs du monde onirique de l’enfance et à peupler des êtres issus de leur imaginaire. Au bout du jardin qui abrite la maison de bois blanc usé, un arbre, qui est une forêt à lui tout seul, est habité par des trolls bedonnants, des totoros. Aux alentours, des rizières traversées de chemins secs crissent du son des grillons à vous étourdir. Le succès du film réalisé en 1988 par Hayao Miyazaki en témoigne : la fiction et l’animation rendent justement les caractères d’un « paysage à vivre ».

  • 10 Extrait du site internet officiel Expo 2005 Aichi, Japon : http://www.expo2005.or.jp/fr / [consulté (...)

25En 2005, misant sur ce succès cinématographique, les organisateurs font de la reconstitution de la maison de Mei et Satsuki, dans un coin du site, l’un des clous de l’Expo. Deux années après la clôture de l’événement, la maison est même un des rares lieux conservés – protection du satoyama oblige, les pavillons nationaux ont été démantelés comme promis, et le site rendu à son usage local. Sur le lieu de l’Expo 2005, la maison vaut pour ce qui l’entoure, offrant « un aperçu de la vie des années 1950 et du milieu des années 1960, qui peut être considérée comme la slow life des bons vieux jours, lorsque les gens vivaient plus près de la nature qu’ils ne le font aujourd’hui »10. Dans le parc commémoratif qui ouvrit ses portes en 2007, la maison aux murs proprets (incongrûment entourée d’un jardin zen) sert de repère nostalgique, marquant à la fois le jadis de l’individu (le temps de l’enfance) et le jadis du Japon (sa campagne perdue).

26« L’échafaudage est plus instructif que la construction », écrivait Gérard Lenclud (1995 : 165) à propos des concepts anthropologiques. Pareillement, semble-t-il, la mise en exposition enseigne davantage que l’exposition elle-même… Au mois de mars 2005, l’exposition d’Aichi ouvrit ses portes, suscitant entre de rares moments de liesse populaire des flots de critiques acerbes et de déceptions spontanées. Plutôt qu’à la première exposition universelle non moderne qu’il aurait pu être, l’événement ressemblait à l’une de ces nombreuses foires internationales aux contours maintenant bien éprouvés. On était loin, décidément, du scénario utopique mis en place par les premiers concepteurs, qui consistait à venir à bout de « l’intégration, laborieuse et subversive, de paramètres qui s’appellent, en particulier, le corps, la nature, la technique : corps à réapproprier et à réintégrer dans l’espace de ses parcours ; nature à réinvestir et à réapprendre, par le corps précisément ; technique à démystifier, à affranchir des idéologies qui l’encensent ou la condamnent sans nuance ni alternative » (Choay 1996 : 347). Les images proposées par les architectes en 2005 étaient propres à réaliser cet acte de foi : en laissant la nature être son propre sujet et en proposant de concrétiser l’expérience du sujet humain, elles esquissaient une alternative : un devenir humain allégé de ce qui ponctionne les sociétés technicisées contemporaines.

27La logique japonaise qui présidait à l’Expo ’70 consistait à rallier la communauté universelle – l’assemblée préexistante de ceux qui décident de l’ordre du monde. Pour les concepteurs de l’Expo 2005, l’universel ne signifiait plus rallier les peuples, mais subvertir l’ordre tel que le précédent universel l’avait établi. La proposition initiale se présentait comme une reconfiguration,

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Notes

1 L’inventeur en est l’écologiste Tsunahide Shidei, professeur émérite à l’université de Kyoto, travaillant sur les systèmes agroforestiers au Japon (Shidei 1984-2000).

2 Pompoko est l’histoire de la défense d’un satoyama au moment de la construction de la première ville nouvelle autour de Tokyo, New Town, en 1967 : face à la déforestation, à la disparition des rizières, à la mise en péril des espèces animales, une cohorte bien armée de blaireaux (tanuki) lutte pour conserver son territoire. Les blaireaux perdront finalement la bataille…

3 Avec soixante-quatre millions de visiteurs (dont 97 % de Japonais), L’Expo ’70 d’Osaka détenait, jusqu’à l’Expo 2010 de Shanghaï, le record de fréquentation et fait encore figure d’événement majeur dans l’histoire des expositions universelles. Au Japon, sa mémoire, particulièrement vive, est appelée très tôt à la rescousse du projet 2005 qui connaît des débuts difficiles.

4 Reconstitution que l’on pourrait entendre au sens qu’exprime l’artiste contemporain Pierre Huygue à propos de son remake en 1999 du film de Sydney Lumet, A Dog Day Afternoon, dans lequel le personnage principal joué en 1975 par Al Pacino était remplacé par John Wojtowicz, l’homme qui en avait été le modèle : « Une invitation à commenter ses propres faits et gestes, à se les réapproprier, à reprendre la parole, à reconquérir sa propre image » (Masséra 2000).

5 La « reconstitution » qui traduit le « reenactment » anglais procède en ce sens d’une logique plus subtile que la « reconstruction » consistant à fabriquer à nouveau, à remettre en forme sur la base d’éléments préexistants. Dans le reenactment, l’idée de jeu ou de performance est importante puisqu’il s’agit, en l’actant, d’accéder à une autre ou à une meilleure compréhension d’un événement – au besoin, en remplaçant les personnages réels par des avatars. Ce sont les séquences d’action qui comptent.

6 Sur ce point, voir Houdart (2006). Pour une histoire plus complète du projet de l’Expo 2005 d’Aichi, voir Houdart (2012).

7 Sharon Kinsella explique qu’à l’origine, le terme « otaku » était celui par lequel les fans de chanteurs populaires se désignaient. Il prit une connotation différente à la suite de l’affaire criminelle Miyazaki en 1989, lorsqu’on découvrit des milliers de mangas dans l’appartement d’un homme qui assassina une jeune fille. Le terme commença alors à désigner des pratiques obsessionnelles (lecture de mangas, jeux vidéo, informatique) tendant à un retrait du monde réel (Kinsella 2000). Voir aussi Hiroki Azuma (2008).

8 « Affordance » est un terme employé en psychologie cognitive, en psychologie de la perception, et par extension dans les domaines du design et de l’intelligence artificielle, pour désigner la capacité d’un objet à suggérer sa propre utilisation. (Note de la rédaction.)

9 Le travail de conception était alors réparti entre quatre équipes : « architecture », « paysage », « éclairage » et « design ». L’agence Land, constituée d’une quinzaine de designers, graphistes, architectes, paysagistes et planificateurs, était responsable du « design » et des parties restaurants et magasins, et chargée de la coordination des différentes équipes.

10 Extrait du site internet officiel Expo 2005 Aichi, Japon : http://www.expo2005.or.jp/fr / [consulté en octobre 2012].

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Pour citer cet article

Référence papier

Sophie Houdart, « Utopies universalistes »Terrain, 60 | 2013, 92-107.

Référence électronique

Sophie Houdart, « Utopies universalistes »Terrain [En ligne], 60 | 2013, mis en ligne le 01 janvier 2014, consulté le 04 décembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/terrain/15101 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/terrain.15101

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Auteur

Sophie Houdart

cnrs, Laboratoire d’ethnologie et de sociologie comparative, Nanterre

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