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L'imaginaire écologique

L’alternative écologique

Vivre et travailler autrement
Geneviève Pruvost
p. 36-55

Résumés

Cet article se fonde sur une soixantaine de récits de vie ayant pour thème « vivre et travailler autrement », autrement dit les « alternatives écologiques au quotidien ». Les entretiens révèlent qu’emprunter les chemins de traverse permettant de vivre de telles alternatives en zone rurale relève de tâtonnements et d’une conquête perpétuelle, très réfléchie, que l’on soit ou non issu d’une famille déjà engagée dans cette démarche ou vivant à la campagne. À rebours de l’utopie communautaire des années 1970, on fait par ailleurs le constat d’un mode de vie en réseau organisé à partir d’une vie de couple dans des maisons individuelles. La conversion du travail en art de vivre et en action collective visant le « bien vivre ensemble » constitue la trame de témoignages qui se présentent comme des expériences à portée de main, à partir du moment où saute l’obstacle (présenté comme idéologique, non seulement matériel) de l’accès à l’autoproduction. Cet article entend mettre en évidence le continuum entre travail domestique, labeur, oeuvre, activité professionnelle et militance, qui caractérise ces formes d’engagement écologique contemporaines.

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Texte intégral

Quand on est arrivé au village, ils ont eu peur. Ils se sont dit qu’on allait faire comme les hippies d’il y a trente ans, qui fumaient, se la coulaient douce. Ils s’étaient installés dans le champ d’à côté, tout près d’ici, ils sont partis assez vite. Nous, ils nous ont vus bosser […]. Notre militance, elle est là, dans notre quotidien. Notre militance, c’est de transformer ce vieux moulin pour en faire un séchoir [pour les herbes médicinales]. C’est de cultiver en bio. C’est de vivre en yourte. De mettre notre fille à l’école du village. Nous, on a remis en état les chemins et les terrasses qui étaient remplies de ronces hautes comme ça. […]. On fait un truc que l’État ne fait pas. (Stéphane, 32 ans, cultivateur de plantes médicinales.)

1Stéphane et sa compagne ne sont pas isolés. Ils habitent sur un territoire densément peuplé d’alternatifs. Notre hypothèse est que la seule étude des filières bio, des institutions, des associations, des mobilisations collectives visant à promouvoir la cause écologique ne permet pas de capter dans toute sa variété une population rurale et néorurale, qui érige en principe de vie des pratiques respectueuses de l’environnement. Si on déplace la focale à l’échelle de villages ou de hameaux en partant de foyers ou de maisonnées, on voit se dessiner toute une constellation de modes de vie alternatifs qui vont de la maison équipée de toilettes sèches à la maison en paille, de l’éco-hameau à la yourte, de la location avec jardin potager à la cabane en forêt. Tel est le point de départ de cette recherche sur la conversion au mode de vie écologique radical, qui se définit par une alimentation biologique, un habitat partiellement ou totalement écoconstruit, une défense de l’ancrage local et des circuits courts de distribution (en opposition à l’« économie verte » pratiquée par les grands groupes), et des pratiques d’éducation et de médecine alternatives.

  • 1 Les recherches en sociologie sur l’écologie au quotidien (Dobré 2002 ; Dobré & Salvador 2009) et la (...)

2Cette enquête menée principalement dans les Cévennes et en Aveyron ne vise pas à rendre compte dans une perspective généalogique des expériences hippies des années 1970 et 1980 et notamment des communautés (au demeurant absentes des territoires investigués entre 2010 et 2012). Notre intention est de montrer le renouvellement des générations et la mise en place de réseaux denses prenant la forme plus discrète de maisons individuelles ou de hameaux formant réseau sur le plan local, qui se distinguent de l’organisation réglementée de la vie communautaire (Lacroix 1981 ; Hervieu-Léger 1987 ; Coulomb 1998). L’entrée par le partage d’un même territoire et par la mise en œuvre d’un certain nombre de pratiques quotidiennes, plutôt que par la seule appartenance à un même groupe politique, associatif ou résidentiel, nous est apparue comme la plus pertinente pour saisir la variété des niveaux d’engagement1.

3Qualifier ce mode de vie alternatif au quotidien est très périlleux tant les usages des mêmes termes varient d’un entretien à l’autre et sont politiquement connotés. Décroissance ? Sobriété volontaire ? Alternative libertaire ? Éthique de vie ? Les deux formules les moins problématiques qui se sont imposées au fil des soixante-deux récits de vie recueillis sont l’étude des « alternatives écologiques au quotidien » et celle du mode de vie « écologique radical », avec des guillemets, afin de laisser en suspens les contours de la vie « écologique » et « radicale », ces deux notions étant beaucoup plus relatives qu’on ne l’avait imaginé au départ de l’enquête, puisque d’entretien en entretien, il est toujours question de plus « écologique », plus « radical » et plus « alternatif » que soi. Il est donc bien question d’un spectre de pratiques visant à l’autonomie plus que d’un modèle univoque.

Les ressorts d’une conversion volontaire

4L’élaboration d’un autre rapport au travail ne relève pas du caprice avec une bifurcation soudaine, mais d’un processus de détachement de la société mainstream. L’approche biographique nous permet d’enquêter sur les étapes successives de ce qui est présenté comme une quête continue. S’agit-il, pour reprendre la terminologie des enquêtes de motivation en sociologie du travail, d’une orientation relevant de la vocation ou d’une orientation par défaut, « faute de mieux » ? Quelles sont les filiations revendiquées ?

5Effet de la sélection par agrégation (un enquêté m’oriente vers un autre qui m’aiguille vers un autre dans une aire de 50 km2) et de l’emploi du terme générique « mode de vie écologique », je me suis retrouvée systématiquement dirigée vers des expériences de vie dont la recherche d’autonomie alimentaire, énergétique, professionnelle est revendiquée comme un acte volontaire, et non comme relevant d’une nécessité socio-économique (Gatien, Popelard & Vannier 2010). L’idée du « choix » est récurrente. Les praticiens du mode de vie écologique ne raisonnent pas en termes de niveau de vie (pauvre par opposition à riche), mais de « cheminement » (vivre et travailler autrement relèvent de la conquête) et d’organisation de son temps et de son budget.

6Le mode de vie écologique n’est en effet pas subordonné à la dotation d’une somme d’argent précise et minimale et ce constat ne tient pas à l’homogénéité sociale du groupe observé : la moitié de nos enquêtés ne travaillent pas à plein-temps, certains d’entre eux ont bénéficié, à un moment donné de leur trajectoire, d’aides sociales (revenu minimum d’insertion, revenu de solidarité active), tandis que l’autre moitié dispose au moins d’un salaire sur deux (contrat à durée indéterminée, fonction publique) quand il s’agit d’un couple. Ce qui unit les deux extrémités du spectre de l’échelle salariale de ce mode de vie, c’est le sens même que revêt l’argent en circulation dans le ménage. Dans un tel mode de vie, l’argent obtenu par son travail n’a de valeur que mis en concurrence avec le temps passé à gagner de l’argent pour acheter un bien ou un service ou le temps passé à autoproduire ou à échanger – sans compter la décision de se passer purement et simplement de ce bien ou de ce service. À ceci s’ajoute le temps de l’entretien de ces biens et de ces services qui diffère le moment de leur remplacement. En bref, l’argent sert à acheter 1] ce qu’il est complexe d’autoproduire par manque de temps ou de connaissance technique ; 2] ce qu’il est difficile d’obtenir par des voies non financières (échange de service, entraide, troc, don) ; 3] ce qui s’est usé au point de dysfonctionner. Il s’ensuit que la somme d’argent gagnée tous les mois par la seule activité professionnelle ne peut être considérée en tant que telle. Il faut tenir compte de l’investissement préalable dans des biens permettant l’autoproduction, des gains obtenus par l’autoproduction et l’entretien des moyens de production – évaluation que seule une ethnocomptabilité pourrait établir, en recueillant au jour le jour l’argent gagné et économisé par la production et l’autoproduction (Cottereau & Marzok 2012).

7Le fait de disposer de la jouissance d’un lieu permettant un minimum d’activité autoproductive et de choix des matériaux donne un coup d’accélérateur à ces trajectoires recherchant l’autonomie. L’accès à la terre et, plus important encore, à un terrain constructible (permettant de sortir du circuit des constructions illégales) constitue une étape capitale, mais cette dimension n’est pas érigée comme la condition sine qua non : l’installation dans ce mode de vie commence bien avant l’accès à la propriété, par le déménagement dans une zone rurale, par l’achat d’un terrain, par la location d’une maison, le prêt ou le squat d’un lieu approprié. Le questionnement se déplace ainsi des ressources proprement matérielles aux ressources idéologiques et familiales qui autorisent ces ménages à penser qu’il est possible de mettre en application le double principe d’autonomie et de réduction de leurs besoins, avant même de disposer de l’ensemble des moyens de production de l’autoproduction. En d’autres termes, quelles sont les expériences préalables qui autorisent à sortir du paradigme hégémonique de la croissance économique ?

  • 2 Le terme renvoie à l’opposition à l’extension du camp militaire du Larzac, menée de 1971 à 1981 par (...)

8Il faut citer ici le cas à part des héritiers directs des communautés et du mouvement hippie des années 1970 qui ont été élevés dans le modèle autoproductif, principalement agricole, et l’ont reproduit en connaissance de cause, voyant qu’il était viable. Il ne s’agit pas, dans ce cas, d’un « retour à la terre », selon la formule consacrée, mais plutôt d’une reproduction du mode de vie rural. Le cas du Larzac est éclairant : il contredit l’idée commune d’un mouvement de soixante-huitards qui se seraient ensuite rangés. Les anciens de la « lutte2 » qui sont restés en Aveyron, qui revendiquent un idéal écologique, ont transmis à leurs enfants leur mode de vie sur le plan politique et matériel. Les entretiens convergent : les enfants qui ont entre vingt et trente ans ont suivi le modèle de leurs parents, soit dans la même région, soit dans une autre. Ce cas de reproduction n’est pas réservé à l’histoire politique particulière de cette région, on l’a retrouvé dans les Cévennes auprès de trentenaires qui reprennent à leur compte l’héritage « baba-cool » de leurs parents. Ainsi, dans les deux terrains d’enquête explorés, il existe une deuxième génération vivant alternativement en zone rurale.

9Une autre filiation permet de normaliser le principe d’autoproduction contre celui de la consommation effrénée. Le modèle des grands-parents ou parents ouvriers ou agriculteurs, pratiquant une agriculture vivrière (dans des petites villes ou à la campagne), constitue un creuset pour les vocations écologiques des trentenaires et quarantenaires rencontrés. Là encore, il est difficile de parler de « néoruraux » dans la mesure où cette population n’a cessé de vivre à la campagne ou n’a jamais perdu le lien résidentiel avec elle. Les petits-enfants de grands-parents ouvriers ou agriculteurs vivant en zone rurale gardent un souvenir enchanté de leurs séjours dans ces campagnes qu’ils ont connues prolifiques durant leur enfance (l’arrachage des haies revient dans les récits comme un événement insensé). Les parents incarnent le plus souvent, dans ce cas, le modèle productiviste et urbain de la génération des Trente Glorieuses qui a transformé les jardins ouvriers en parkings et converti la polyculture en monoculture intensive avec intrants chimiques. On trouve également un certain nombre de parents qui ont maintenu cet héritage grand-parental en vivant à la campagne, en préservant l’économie vivrière du potager, de l’autoconstruction, de la « bricole » (Weber 1989) ou de l’achat local de qualité. Le modèle des parents permet alors d’assurer une continuité entre les générations. Les alternatifs puisent dans cette éducation qui perpétue l’idée que la nature est une ressource à « travailler », en y ajoutant toutefois une dimension politique et éthique forte.

10À l’inverse des enfants qui ont reçu une éducation militante et qui étaient déjà politisés, celles et ceux qui n’ont pas hérité de ce positionnement revendiquent une politisation qui les distingue de leurs parents, en donnant lieu, dans certains cas, à un phénomène singulier de filiation inversée, à savoir l’enfantement par les enfants de leurs propres parents. Ces derniers deviennent sensibles à la cause écologique sous l’influence des jeunes générations. La vocation argumentée de leur enfant pour la défense au quotidien de l’environnement peut avoir un effet si persuasif sur certains parents des Trente Glorieuses qu’elle conduit à un changement de mode de vie. Ils se radicalisent sur le tard et présentent clairement leur mode de vie comme bien moins engagé que celui de leurs enfants. Cet effet d’entraînement peut jouer sur la fratrie se mettant au diapason de la sœur ou du frère étiqueté(e) comme le plus « écolo » de la famille. En cela, la mise à l’agenda des questions écologiques sur le plan politique, la promotion par une myriade d’acteurs publics de l’écocitoyenneté et d’une éthique de la responsabilité (Comby 2009 ; Pautard 2009), et le développement commercial de la filière « bio » contribuent à légitimer l’acceptation par les baby-boomers de la cause écologique qui préoccupe leurs enfants.

11Outre l’incidence du mode de vie familial, une autre instance de socialisation a été mentionnée comme un lieu d’apprentissage. L’éducation religieuse familiale soutenue (catholique et protestante), la participation active au scoutisme, des séjours plus ou moins longs dans des communautés religieuses (la communauté de l’Arche, notamment) constituent autant d’expériences formatrices qui enseignent, selon les enquêtés, le principe de frugalité et la force de l’organisation collective pour vivre avec de faibles moyens. Il n’est pas anodin que ces références religieuses concernent majoritairement les plus anciens (les 45-70 ans) dont parmi eux, rares sont ceux qui restent fidèles à leur affiliation religieuse initiale. La baisse de la participation aux institutions religieuses n’implique pas celle du sentiment religieux lui-même, qui prend alors plus couramment la forme d’une recherche spirituelle (retraite, méditation, bouddhisme).

12La génération des 20-45 ans, moins engagée que la précédente sur le terrain protestant et catholique, invoque une autre source d’inspiration : le séjour, enfant ou jeune adulte, dans des pays étiquetés comme « pauvres ». Cette expérience est présentée comme déterminante en termes de socialisation alternative aux normes occidentales. Que ce soit en tant qu’enfants d’expatriés en Afrique, en Amérique latine, en Asie, en tant que coopérants ou par le biais de séjours dans des associations humanitaires, la confrontation avec d’autres modes de vie villageois est décisive selon les enquêtés. Loin de repartir en métropole avec l’idée ethnocentrique que l’industrialisation est le seul développement possible, ils témoignent avoir été marqués par l’idée qu’il est possible de vivre de peu, moyennant la réactivation, l’invention et le transfert des savoir-faire vernaculaires.

13Cumulée avec les filiations précédentes ou jouant seule, la dotation scolaire constitue le résultat le plus massif de cette enquête. Les enquêtés sont issus pour la plupart de la classe moyenne inférieure ou supérieure : le fait qu’ils aient au moins le bac et, en moyenne, aient suivi deux années d’études supérieures, qu’ils jouent le jeu d’un cursus universitaire jusqu’à son terme (brevet de technicien supérieur, notamment) pouvant aller jusqu’au master et au-delà, nous permet d’infirmer l’idée de déclassement, avancée par Bernard Lacroix (1981) au sujet des communautés qu’il a étudiées. Il ne s’agit pas d’une population majoritairement déclassée qui fait de la vie alternative une issue politiquement et socialement viable, afin de compenser une faible rétribution professionnelle des diplômes obtenus. La démarche est inverse : il s’agit d’une population diplômée ayant joué le jeu de l’insertion professionnelle et qui ne trouve pas de satisfaction à briguer des métiers qui participent au maintien d’un système jugé capitaliste et pollueur.

14Le choix du mode de vie ne dépend pas d’une nécessité socio-économique, qui serait parée a posteriori des atours de l’engagement militant. La chronologie repérée révèle un autre ordre causal : une fois les bonnes études validées ou le bon emploi décroché, une partie importante de nos enquêtés accomplit un virage volontaire, qu’il s’agisse d’une rupture avec la génération précédente ou d’un prolongement de l’éducation familiale. L’opération d’affirmation de ses idéaux et de ses pratiques est renouvelée et accentuée à chaque embranchement de l’existence (arrivée du premier enfant, séparation du conjoint, déménagement, changement d’activité). On assiste par conséquent davantage à un phénomène de (re)conversion graduelle, plus qu’à une série de revirements incertains. Les trajectoires, après un virage, deviennent linéaires et l’objectif est bien une modification intégrale du mode de vie. Pour les vocations les plus précoces, l’orientation se fait tout de suite après le bac dans des formations liées à des questions environnementales.

15Dans tous les cas, avoir fait des études et, pour certains, en reprendre par le biais de formations spécialisées constitue la caractéristique sociale la plus partagée, y compris par ceux qui héritent ce mode de vie de leurs parents, déjà alternatifs. En termes de conversion durable au mode de vie écologique, c’est un atout certain pour une demande de subvention, mais également pour s’engager dans de nouvelles études, en autodidacte ou par le biais de formations. Ainsi Jean-Luc est-il devenu maçon après une licence de philosophie, Paul charpentier après avoir été journaliste, Laure maraîchère après des études de photographie, Anna formatrice en environnement après une thèse en histoire de l’architecture. Ces réorientations relèvent de l’affirmation d’une vocation.

16Autre caractéristique majeure, ils exercent un travail en rapport avec leur engagement écologique (agriculture bio, écoconstruction, artisanat, formation à l’environnement, médecine alternative). Cet ajustement peut impliquer un changement radical d’activité (enseignant devenant maçon) ou un resserrement d’activité (architecte conventionnel n’acceptant plus que des projets d’écoconstruction, sage-femme en hôpital réalisant des accouchements à domicile). Quand le contenu de l’activité entretient un rapport éloigné avec les questions environnementales, on constate que les métiers exercés impliquent tantôt un dévouement à la collectivité (enseignement, santé), tantôt un engagement artistique.

17Un autre élément fréquent contribue à rendre possible, souhaitable, désirable un tel mode de vie, il s’agit de la vie de couple. On a recensé seulement cinq célibataires (dont deux veufs, retraités) parmi les soixante-deux enquêtés et nulle revendication libertine, y compris parmi les plus jeunes. La différence avec le multipartenariat et l’amour libre des années 1970 est patente. Il y a bien des moments de célibat, des séparations, des divorces, mais suivis de la recomposition rapide d’un nouveau couple. L’engagement au quotidien dans un tel mode de vie implique de faire front à deux. Tantôt l’un des membres du couple est présenté comme moteur (celui/celle qui a les idées) et l’autre comme le soutien à la réalisation, tantôt le parcours vers plus d’écologie se fait en quinconce : un membre du couple, plus avancé que l’autre dans un domaine, s’épuise tandis que l’autre prend le relais, le tout aboutissant à un entraînement réciproque et continu. C’est le cas le plus fréquent.

18Que l’adoption d’un tel mode de vie soit une aventure de couple n’implique pas nécessairement qu’elle soit une aventure familiale avec enfant. On a calculé une moyenne de 1,3 enfant par personne sur les 62 personnes interrogées. Ce pourcentage n’a aucune valeur statistique, mais il permet de rendre compte d’une tendance : la population rejoint les préoccupations contemporaines des classes moyennes éduquées qui limitent les naissances en fonction de leur niveau de vie et du temps parental qu’ils estiment devoir consacrer à leur(s) enfant(s). À la norme plus libertaire des années 1970 – des enfants qui s’élèvent tout seuls et en toutes circonstances –, les jeunes couples opposent une autre norme : offrir un accompagnement affectif de la part du père comme de la mère. Même s’ils travaillent pour partie à domicile, ils préfèrent avoir un ou deux enfants, plutôt que trois, et veiller à leur éducation alternative.

Du travail à l’oeuvre

19Vivre autrement implique de travailler autrement et, plus largement encore, de ne pas séparer le travail dit « reproductif » (manger, dormir, se laver, construire sa maison, la ranger, la nettoyer, avoir des enfants, s’occuper des ascendants et des descendants, etc.) et le travail dit « productif » (l’activité professionnelle rétribuée). En un siècle, avec une accélération après la Deuxième Guerre mondiale, la norme de la famille comme sphère productive à part entière (notamment pour les classes populaires), y compris à la campagne, a été remplacée par celle de la famille consommatrice, travaillant à l’extérieur du domicile contre un salaire. Corolaire de cette évolution, le travail domestique, effectué à titre gratuit et non marchand, est devenu invisible, non comptabilisable par l’économie politique moderne (Delphy 2009).

20Or, comme l’a dénoncé le collectif des « ouvriers européens » au moment de la mise en place en économie politique de la division entre autoproduction ménagère et production industrielle au milieu du xixe siècle (Baciocchi & Cottereau, à paraître), puis comme l’ont montré les études féministes à partir des années 1970, ces deux sphères ne sauraient fonctionner séparément l’une de l’autre : le travail reproductif, fût-il réduit à la portion congrue, prend un temps dont il convient de tenir compte dans l’évaluation du budget-temps des ménages. Contrairement, toutefois, aux féministes qui prônent une meilleure distribution entre les sexes en saluant la réduction du temps global de ces tâches ménagères disqualifiées, les modes de vie alternatifs arrivent à la conclusion tout à fait inverse : le projet social n’est pas de réduire mais d’augmenter le temps de travail domestique, et ce pour les deux sexes. Les travaux de bricolage, de gros oeuvre (liés à l’autoconstruction), de jardinage prennent une place si importante qu’on assiste à une augmentation notable du temps domestique pour les deux membres du couple, à rebours de la tendance générale. Si la répartition des tâches reste très genrée (Lalanne & Lapeyre 2009), l’énormité de l’activité autoproductive demande une certaine redistribution : les hommes n’autoconstruisent pas seuls, ils y sont aidés par leur conjointe, pour ne citer que cet exemple. Les deux membres du couple, enfin, partagent l’idée qu’il n’existe pas d’un côté la vie et de l’autre le travail rémunéré, mais une circulation et une complémentarité constante entre les deux sphères.

21Faire une sociologie du mode de vie écologique au quotidien, c’est également proposer une sociologie du travail, en élargissant le concept de travail aux trois notions qu’Hannah Arendt (1993) avait distinguées : le « travail » (le labeur répétitif et circulaire destiné à satisfaire les besoins vitaux), l’« oeuvre » (la fabrication non circulaire de produits d’usage durable) et l’« action » (qui met les hommes en relation). Cette distinction permet de mettre en évidence, d’une part la transformation de l’« oeuvre » en « travail » avec la généralisation de l’automatisation, destructrice de l’inventivité du travail artisanal, d’autre part les dangers de la disparition du face à face physique avec les besoins vitaux qu’implique le « travail », au profit de la seule activité de consommation. Les modes de vie écologiques étudiés rejoignent sur le plan politique les conclusions de la Condition de l’homme moderne, en franchissant toutefois un pas supplémentaire troublant la stricte division entre le travail, l’oeuvre et l’action publique.

22L’autoproduction n’est tout d’abord pas pensée comme antinomique avec le travail productif, intellectuel et artistique. Effet du haut niveau d’étude de cette population, le travail manuel n’est pas vécu comme une impossibilité à accéder à un savoir intellectuel, mais bien au contraire, comme un savoir à part entière et parfois même, comme une condition même de la réflexion. Suivant les principes d’Henry David Thoreau (1990), du Mahatma Gandhi, d’André Gorz (1988) et de Pierre Rabhi (2006), le fait de mettre littéralement les mains dans la terre est présenté comme une expérience « riche » à tous points de vue. L’autoproduction n’est pas seulement une expérience utile (rentable économiquement), mais aussi une expérience inspirante. Une éditrice d’ouvrages écologiques, vivant et travaillant en pleine campagne, évoque la complémentarité entre ses activités d’autoconstruction et d’édition d’ouvrages savants :

Moi, je ne peux pas vivre sans élévation de l’âme, je lis pas mal de bouquins, j’adore lire la Bible. Je n’ai pas de religion attitrée, c’est une relation universelle. C’est important, j’ai besoin de me recueillir, de me connecter à autre chose […]. Je crée en ressentant les choses. […] En travaillant la terre, en touchant la matière, je me ressource. J’adore bricoler, je fais de la menuiserie, je monte des murs. Des vrais murs […]. Il y a un proverbe qui dit : « Construire sa maison, c’est se construire. » Ça m’a énormément aidée, y compris au niveau de ma prise de décision dans l’entreprise. Ça structure le mental. Ce que j’ai découvert aussi, c’est qu’on vous dit que les hommes, ils savent tout faire et que les femmes ne savent pas du tout construire une maison. Ce n’est pas vrai du tout […]. On est franchement habilitées à être des bâtisseuses. (Sabine, 42 ans, éditrice.)

23Le travail ainsi décrit, de répétitif devient inséparable de la production d’une oeuvre, non pas seulement en vertu d’une conversion de la nature matérielle en matière spirituelle, mais aussi en raison de la dimension éminemment artisanale du travail accompli et de l’invention de soi qu’induit cette réalisation. Sabine n’hésite pas à parler de l’empowerment que lui procure, en tant que femme, l’acquisition d’une polyvalence et d’une autonomie manuelle.

24Le travail se rapproche également de l’oeuvre, il n’est pas une activité mécanique et répétitive, mais une série de tentatives pour améliorer le geste productif avec des changements de méthodes permanents qui instituent les producteurs en véritables enquêteurs sur les matériaux, les gestes techniques adéquats : trouver les graines les plus adaptées à sa parcelle, lire des ouvrages sur le paillage des potagers pour utiliser le minimum d’eau, échanger via Internet avec un autoconstructeur sur le bon dosage d’un enduit à la chaux, s’échanger des trucs et des astuces pour faire le ménage sans produits chimiques jusqu’à les fabriquer soi-même, faire son jardin seul, puis avec un cohabitant hébergé sur le terrain, aller à un stage de formation à l’agriculture bio ou à l’écoconstruction constituent autant de savoir-faire hybrides entre savoir-faire artisanaux anciens et innovation artisanale contemporaine.

25Il ne s’agit pas d’un « retour » à d’anciennes pratiques comme s’il s’agissait de renouer de manière nostalgique avec des modes de vie et des savoir-faire anciens. Les entretiens recueillis s’inscrivent au contraire dans une démarche affichée comme créative : le modèle artisanal, impliquant une succession d’essais et d’erreurs, est compris comme l’invention d’arrangements ingénieux ajustés à chaque situation (Sennett 2008).

26Il va sans dire que la routine s’installe, mais les trajectoires biographiques permettent d’en relativiser le poids dans le temps : le travail d’autoproduction et de production se mue en « ouvrage » au double sens du terme, toujours perfectible sur le plan des matériaux, des outils, des connaissances et de l’organisation collective. On est très loin du stéréotype de la tradition intangible. C’est l’inventivité qui est ici prônée – une inventivité qui n’est pas seulement faite de cumul de pratiques, mais aussi de cycles de pratiques, certaines préservées, d’autres abandonnées, étant entendu qu’il est impossible de progresser dans tous les domaines (alimentation, habitat, transport, activité professionnelle, éducation, santé, etc.).

  • 3 Notamment l’ouvrage Un petit coin pour soulager la planète (Élain 2007).

27Dans cette opération de conversion quasi alchimique des tâches autoproductives, le cas de la construction et de l’usage des toilettes sèches est exemplaire : cette activité reproductive vitale, peu publicisée (à l’époque contemporaine qui privilégie le confinement et l’isolement des lieux d’aisance), est ici érigée en acte tout à la fois drolatique, esthétique et politique. La construction des toilettes sèches est présentée comme le produit d’une intense réflexion que l’on peut synthétiser de la manière suivante (sans qu’il y ait un ordre chronologique nécessaire entre les étapes citées) : la prise de conscience progressive de l’absurdité que constitue l’usage récent d’eau potable pour les matières fécales, l’affirmation politique de l’obligation humaine à prendre en charge sa propre « merde » dans tous les sens du terme, le passage par des lectures spécialisées et bien connues sur le sujet3, l’essai préalable de toilettes sèches chez d’autres, la recherche d’un approvisionnement en copeaux de bois à une distance proche, l’installation du modèle de toilettes sèches le plus adapté au lieu, l’organisation du « qui fait quoi » (qui transporte le seau rempli à ras bord jusqu’au jardin), le constat de la transformation du mélange entre les matières et les copeaux de bois en compost, l’usage de ce même compost, et enfin, la promotion auprès des non-initiés. L’ensemble du processus relève d’une conquête ponctuée d’ajustements selon les besoins, si l’on peut dire : plus ou moins près de la maison, tel type de copeaux, tel type de seau, etc. Dans tous les cas, aller aux toilettes devient une expérience initiatique et réjouissante, leur visite se fait sur le mode héroï-comique avec une pointe de lyrisme :

À un moment, on s’est dit que ce n’était plus possible si on voulait être cohérent. Il fallait qu’on passe aux toilettes sèches… J’adore mes toilettes sèches. C’est un bonheur d’aller vider son seau. Il faut que je te raconte : la première fois, le compost, quand je me suis rendu compte que ça sentait bon, que c’était de la terre saine, j’ai mis les mains dedans. C’était incroyable. (Stéphanie, 36 ans, enseignante.)

28Le fait même que le sujet trivial des besoins ne soit pas esquivé, mais politisé et esthétisé, rend compte du trajet accompli : le travail quotidien, l’ouvrage sans cesse recommencé relève de l’expérience créative, enracinant l’expérience artistique au cœur même du labeur quotidien (Dewey 2005 ; Blanc & Lolive 2009 ; Freeman-Moir 2011). Un grand spectre d’activités est ainsi élevé au rang de travail, qui lui-même est érigé en art de vivre.

L’élaboration d’un collectif de travail

29Travailler, c’est aussi former un collectif et c’est agir politiquement. Cependant, se libérer de la contrainte du travail de l’autoproduction pour agir en tant qu’élu et professionnel du développement durable, de l’écologie, de l’économie verte, n’est pas élevé en idéal d’engagement politique, tout du moins quand cet engagement devient une activité pérenne, à plein-temps, sans transformation effective de son propre mode de vie. Ces militants sont au contraire regardés comme des rhétoriciens opportunistes « hors sol » et des « écolos » qui ont vendu leur âme. Leurs contradictions sont soulignées : ils promeuvent l’ancrage local, mais ils passent leur temps en dehors de leur région, déléguant à d’autres le travail autoproductif et productif. Dans ce rejet s’exprime toute une conception de l’action politique : l’action directe et l’auto-organisation priment sur l’attente d’un changement étatique.

Je connais bien X, depuis le temps qu’on lutte ensemble… Mais on ne le voit plus. Il s’est coupé de sa base. C’est dommage, je l’aime bien. Mais il se trompe : c’est par l’action sur le terrain qu’on a obtenu tout ce qu’on a obtenu. Pas en allant grenouiller là-haut. C’est la société civile qu’il faut mobiliser massivement, pas l’État. L’État suivra s’il est dépassé par sa base. (Marie, 55 ans, agricultrice bio, à propos d’un élu vert.)

30Cette position n’implique pas que l’échelon étatique soit ignoré mais le point de départ est bien celui d’une action qui suive le chemin de la base vers le haut de la pyramide – du local au régional et du régional au national ou au transnational – et non l’inverse. Le fait même de revendiquer une continuité entre vie domestique et vie professionnelle constitue une ligne de démarcation politique : un autre rapport au temps et à l’espace est préconisé, et par là, une autre organisation sociale. Ne pas travailler à plein-temps pour maintenir une part d’autoproduction et, si possible, rapatrier une partie ou la totalité de son activité à son domicile ou à proximité constitue un modèle de société, potentiellement généralisable, tout du moins en zone rurale et ce d’autant plus depuis l’essor des télécommunications.

  • 4 Association pour le maintien d’une agriculture paysanne. L’Amap repose sur un principe de vente dir (...)

31Dans un tel cadre, le premier collectif de travail est l’organisation avec les proches (conjoints, voisins, amis, parentèle), par des arrangements variables, notamment au sein du couple, qui reposent sur trois configurations : soit l’un des deux membres du couple occupe un emploi salarié qui permet à l’autre membre de prendre en charge une partie de l’autoproduction (ce sont en général des femmes, mais on a aussi le cas d’hommes, autoconstructeurs, qui s’arrêtent de travailler pour travailler sur leur maison). Soit les deux membres du couple ne travaillent pas à plein-temps et se répartissent la part autoproductive. Soit le couple ou la personne célibataire s’associe avec des proches ou passe par une association pour partager ou échanger cette part autoproductive (l’entretien collectif d’un potager, l’entraide dans la construction, la participation à une Amap4 – cette dernière formule est en général combinée avec les deux précédentes, marquant le rejet du modèle autarcique). Dans tous les cas, la dimension coopérative est louée comme une (re)découverte du lien social :

La campagne, ça fonctionnait comme ça, mais avec la désertification, les maisons secondaires, l’individualisme… l’entraide, c’est plus ce que c’était. Nous, on recrée du collectif. (Charlotte, 35 ans, salariée d’une association de jardinage écologique.)

32L’idée du « collectif de travail qui crée du collectif » est un argument également avancé pour justifier ses activités professionnelles – y compris lorsqu’il s’agit d’un artisan indépendant travaillant seul :

Je fais du sur-mesure, je cherche à comprendre ce que veulent mes clients, on réfléchit ensemble, je n’impose pas un modèle d’armoire que je fais en série, mais l’armoire dont ils ont besoin. C’est sûr, ça prend plus de temps, je gagne moins d’argent. (Michel, 40 ans, ébéniste.)

33Les termes « ami » et « presque amis » sont récurrents pour évoquer le rapport aux clients.

34Au terme de ce processus d’inclusion de la clientèle dans le processus de production, il y a la coproduction, appelant la participation du client à la fabrique concrète des biens et des services. La formule du « chantier participatif » est un cas d’école en la matière : il ne s’agit pas seulement d’une opération qui permet de baisser le coût de l’écoconstruction et de contribuer à une amorce de démocratisation. Cette méthode de travail renverse l’autorité hiérarchique du professionnel omnipotent, soucieux de préserver ses secrets devant le profane (Pruvost 2013). « Participatif » ne signifie pas ici consultation et/ou inclusion de l’avis des habitants sur un projet d’urbanisme, mais élaboration préalable par les habitants d’un projet de construction puis convocation des professionnels leur permettant de réaliser ce projet. Se côtoient ainsi sur le chantier des populations rarement associées : des professionnels de l’écoconstruction qui dirigent l’ouvrage, les habitants de la future maison, les proches des habitants venus donner un coup de main, de futurs professionnels de l’écoconstruction (étudiants architectes, futurs maçons et charpentiers), des autoconstructeurs qui viennent se former, enfin des volontaires curieux, convaincus de la démarche bénévole d’entraide et d’échange de savoirs. L’ensemble constitue une équipe de travail de taille variable. Il s’agit d’un chantier ouvert au public qui « fonctionne » : des maisons sont bel et bien construites.

35Le double avantage de cette formule – au-delà des avantages en termes de coût pour les habitants – est que le « sale boulot » est partagé, à l’inverse de ce qui se passe dans la grande construction, qui réserve les tâches les plus pénibles et les moins payées à des travailleurs précaires issus de l’immigration (Jounin 2010). Le collectif de travail fonctionne sur le principe de l’entraide et non de la concurrence. On retrouve la même dynamique de conversion de la matérialité du travail, non pas seulement en tâches créatives (car il y a des gestes répétitifs et harassants), mais en tâches suscitant des liens au sein de l’équipe de travail. Le récit de Paul rend bien compte de cet autre rapport au travail quand il détaille la gestion de son emploi du temps en tant qu’écoconstructeur autoproducteur et initiateur de chantiers participatifs où se recrée une sorte de familiarité quasi familiale :

Ce mode de vie, c’est une recherche d’autonomie. Ce n’est possible que lorsque l’activité professionnelle laisse de la place pour ça. Je peux vivre comme ça parce que j’ai opté pour travailler trois jours. Je travaille un gros mi-temps en faisant la partie administrative chez moi. Au printemps, je démarre le jardin, j’ai un poulailler, des lapins. Je ne suis pas tout seul, je m’organise avec mon voisin que je loge gratuitement contre une journée par mois de coup de main. Ma conjointe m’aide aussi de temps en temps – même si le jardinage c’est pas du tout son truc. C’est un choix, mon mi-temps. Ce n’est pas contraignant. Par exemple, j’ai un chantier à faire en Bretagne, je ne sais pas comment je vais le caser entre le jardin et les naissances au poulailler. Le travail, c’est important, mais il n’y a pas que ça. Je fais beaucoup de chantiers participatifs. Je ne fais pas tout. Je propose aux personnes intéressées de trouver d’autres personnes pour découvrir cette technique et j’encadre ces personnes. C’est une belle expérience humaine. Ça oblige à participer et le client il est content, ça lui revient moins cher. En énergie sur le chantier, ce n’est pas pareil du point de vue humain. Il y a du monde, ça brasse. Et les clients ça devient presque des amis. On ne travaille pas pareil quand on loge chez les gens. Le problème, c’est que j’ai trop de demandes de chantiers. Alors maintenant je refuse. Sinon je ne peux plus suivre avec les volailles. (Paul, 45 ans, écoconstructeur.)

36Paul, en tant qu’artisan dans le bâtiment, doit ainsi composer avec le collectif des chantiers participatifs et le collectif autoproductif auquel participent ponctuellement un cohabitant et sa conjointe. L’originalité de cette organisation de travail ne tient pas seulement à ce qu’elle rompt avec le principe corporatiste de secret professionnel au nom de la diffusion des savoirs, c’est aussi l’affirmation d’un meilleur traitement de la force de travail, prise comme une chaîne, composée d’une série d’acteurs à traiter symétriquement (Callon 1986). Il est tout à fait significatif que Paul mentionne les bêtes qu’il élève dans la description de son emploi du temps : à ses yeux, l’action collective qu’il promeut doit inclure les non-humains (animaux, végétaux, minéraux, conditions climatiques, le monde des objets et le monde des outils).

  • 5 Ce point oppose néanmoins dans notre échantillon les partisans d’une technologisation raisonnée du (...)

37L’enjeu, pour les personnes rencontrées, est d’opposer à une conception instrumentale du monde celle d’un monde respectueux, coopératif, vivable. Dans un tel cadre, faire société, ce n’est pas placer l’être humain au centre d’un univers dont il serait le maître, mais c’est faire « avec » le monde incertain des humains et des non-humains, machines comprises (Callon, Lascoumes & Barthe 2001). Les alternatifs écologiques, y compris les plus hostiles à la technologisation5, s’élèvent contre la production de machines jetables et prônent l’entretien, le droit à la réparation, au recyclage. Instaurer une relation durable avec le monde des objets et le monde de la nature, c’est faire advenir un monde social pétri d’interactions. Les formules employées par les écoconstructeurs pour désigner les matériaux de construction sont très évocatrices, anthropomorphiques : il s’agit de manier des « matériaux vivants », « nobles », des matériaux qui « bougent », avec lesquels il faut s’ajuster in situ, pour pouvoir pleinement les travailler, à la différence des matériaux standardisés industriels, présentés comme des matériaux morts.

Au fond de la forêt, le droit 6

  • 6 Ce sous-titre est calqué sur le sous-titre de l’ouvrage Le Retour à la nature. Au fond de la forêt, (...)

38Un dernier acteur doit être pris en compte dans le collectif de travail – que ce soit pour l’écarter ou pour l’associer. Il regroupe les pouvoirs publics, les banques et les grands groupes de l’économie verte (ces trois sphères pouvant être confondues tant l’État et l’Union européenne sont perçus comme les agents masqués d’intérêts bancaires et industriels, de l’agroalimentaire jusqu’au lobby nucléaire).

39Les alternatifs rencontrés aspirent à plus ou moins court terme à la reconnaissance légale du travail accompli. Ce qui n’a rien de simple. Trouver le label adéquat, les modes de fabrication alternatifs les plus adaptés, mais aussi la forme d’entreprise fait l’objet d’une lutte de chaque instant avec les normes juridiques. L’exercice de l’activité ne s’accomplit pas dans le monde relativement stable des règles professionnelles, estampillées par le droit et la tradition, mais dans un monde en lutte pour la pleine reconnaissance de son activité par l’État et contre l’appropriation des filières bio par les grands groupes. « Ce serait plus simple si j’étais en conventionnel », explique Gilles (36 ans, maraîcher bio). Faut-il demander la certification bio au risque de devoir renoncer à s’approvisionner localement ? Faut-il faire un prêt bancaire pour lancer son activité ? Quel statut d’entreprise choisir ? Comment se repérer dans la nébuleuse des subventions municipales, régionales, nationales ? Autant d’embranchements relatés dans les entretiens comme des cas de conscience, impliquant le montage de dossiers et, dans certains cas, le recours au service d’aide à l’installation proposée par les pouvoirs publics.

40Reste le problème épineux de l’exploitation, au sens marxiste et féministe du terme, induite par le travail et encouragée par la forme juridique des entreprises : la critique du néolibéralisme et la défense d’une relation plus juste entre humains, plantes, animaux, minéraux, objets, posent frontalement la question des rapports de domination. Travailler dans le monde de l’alternative écologique, est-ce reproduire la structure pyramidale qui institue une hiérarchie entre les propriétaires des moyens de production et les travailleurs qui vendent leur force de travail ? Tous les enquêtés ne formulent pas aussi clairement la question, mais le souci de créer ou d’intégrer des entreprises de petite taille, « à taille humaine », constitue une première garantie : « Small is beautiful » (Schumacher 1978). Travailler en tant qu’indépendant, dans la fonction publique ou le milieu associatif permet également d’éviter une trop grande contradiction avec ses principes.

  • 7 Les Scop, sociétés coopératives et participatives, désignent les entreprises à statut Scop (société (...)
  • 8 Groupement agricole d’exploitation en commun. Le Gaec est une société civile agricole qui permet à (...)
  • 9 Le site internet de la Confédération générale des Scop fait état, fin 2011, de 2 046 coopératives a (...)

41Dans le cas des artisans, le problème de la forme juridique conférée à l’entreprise se pose néanmoins. Comment, dans le système juridique actuel, encourager des formes de division horizontale du travail, impliquant la coopération, la concertation et, pour les plus libertaires, le refus du chef ? La création ou l’intégration d’une Scop7 est présentée comme la solution la plus cohérente. Même si ce modèle entrepreneurial ne garantit pas l’équité des pouvoirs (les entretiens rendent compte de la diversité des usages de cette structure), la Scop est présentée comme l’organisation légale la plus démocratique. Dans une Scop, c’est en effet l’assemblée générale des salariés associés qui décide des choix stratégiques de l’entreprise, et chacun a la même voix quel que soit le capital détenu. La Scop a également pour particularité de disposer de réserves inappropriables qui ne seront jamais partagées entre les associés et qui servent uniquement au financement de la Scop. Si la constitution d’un Gaec8 est assez répandue dans le secteur agricole, la création de Scop dans le monde de l’entreprise reste marginale, quoique en augmentation9. Sur le plan symbolique, la Scop joue cependant un rôle important – à la manière d’un idéal à atteindre.

42L’organisation concrète du travail revêt ainsi une valeur immédiatement politique, visant au bien-être et à la juste rétribution de l’ensemble du collectif de travail sollicité dans cette opération. Du collectif de travail au travail militant prosélyte (Nicourd 2009), il n’y a plus qu’un pas.

Le travail militant

43Les enquêtés s’inscrivent dans un continuum d’actions dans le but de promouvoir à plus grande échelle les alternatives écologiques. Le militantisme du quotidien, dans ses activités professionnelles et domestiques, débouche souvent à un moment de la trajectoire sur un engagement militant, au sens classique du terme. Il ne s’agit pas seulement de vivre et de travailler autrement, mais de participer à la promotion d’un mode de vie, pensé comme étant généralisable.

  • 10 Organisme génétiquement modifié.

44Cet engagement prend la forme de la transmission pédagogique de son savoir-faire et de ses idées. Cette activité est intégrée à l’emploi du temps telle une activité légitime et nécessaire. La majorité des enquêtés ont répondu aux sollicitations d’associations pour participer à des conférences, de partis politiques, à la demande de journalistes venus enquêter sur telle ou telle technique ou sur les modes de vie. Certains participent à des forums de discussion sur Internet, à la mise en ligne de trucs et astuces. D’autres se rendent à des foires, des salons, des formations en tant que professionnels ou membres d’une association diffusant les alternatives écologiques. D’autres créent des structures pérennes tels un écocentre ou une ferme pédagogique. Une partie d’entre eux prend la plume et publie des ouvrages techniques, théoriques ou biographiques sur leur expérience. La plupart relaient enfin leur action dans l’espace public à l’occasion de manifestations en faveur de la cause écologique et de l’altermondialisme (antinucléaire, anti-gaz de schiste, forum mondial, fauchage d’ogm10, etc.). En bref, la recherche d’autonomie (alimentaire, énergétique, constructive, médicale) poursuit le projet d’atteindre une masse critique suffisante de foyers autonomes. « L’idée, c’est de faire tache d’huile, pas de se refermer sur nous » (Corinne, 60 ans, artiste).

45Dans ce processus de diffusion militante (qui va de l’usage des nouvelles technologies à la discussion en face à face), il faut noter le poids des associations, pléthoriques, avant celui des syndicats professionnels ou des partis politiques. Cette prédilection pour la société civile organisée en réseau plutôt que pour les appareils renvoie toujours à la même idée de la nécessité de conserver un ancrage local. Local, mais non exclusif : le militantisme dont il est question ici revendique des appartenances multiples. Le cas de l’écoconstruction témoigne bien de cette structuration en associations qui tantôt fédèrent différentes filières (tel le réseau Écobâtir), tantôt se spécialisent dans un type de construction (paille, terre…) avec des associations régionales, puis des structures associatives locales. L’ensemble dessine un maillage enchevêtré d’affiliations associatives croisées (un même professionnel pouvant se retrouver dans différentes associations professionnelles) et concurrentes (des associations sont clairement ennemies l’une de l’autre), qui multiplie les relais et la mobilité militante sur le plan horizontal mais aussi vertical (jusqu’au niveau étatique).

46Défendre l’ancrage local ne signifie pas que l’action vise seulement un territoire restreint. L’ambition de ce réseau à mi-chemin de la société civile et des corporations professionnelles est de changer, certes, les pratiques, avant de changer les lois, mais le niveau juridique et réglementaire importe. On ne peut ignorer des conflits entre associations et au sein d’une même association à propos des buts et des méthodes. L’une des tensions observables dans les projets d’écoconstruction oppose l’action directe et le réformisme : faut-il réglementer davantage, au risque de rendre impossible l’innovation et d’avantager une norme par rapport à une autre ? Faut-il participer à l’élaboration de règles ou de lois en mobilisant le ministère de l’Écologie, ou s’organiser régionalement pour court-circuiter l’État central ? Les débats sont houleux, immédiatement politiques. Les luttes professionnelles n’ont rien de corporatiste. Elles relèvent des mouvements sociaux (Bucher & Strauss 1992).

  • 11 Ambiance Bois dispose du statut de Sapo (société anonyme à participation ouvrière), extrêmement rar (...)

47Dernière étape avant le militantisme professionnel, certains alternatifs écologiques participent activement à une activité syndicale (Confédération paysanne pour les agriculteurs), à des partis politiques (Les Verts, Nouveau Parti anticapitaliste, Front de gauche). Rares sont ceux qui cumulent toutes ces strates militantes au même moment, ni surtout au même niveau d’investissement. « Il faut bien travailler », précise un militant actif à la Confédération paysanne, qui ajoute toutefois que « militer, c’est une question d’organisation » : il élève des brebis à viande et non à lait, ce qui l’affranchit de la traite quotidienne et lui permet de s’absenter. Un couple de sexagénaires s’est réparti le travail militant et agricole en décidant que la conjointe serait de toutes les manifestations. La coopérative11 Ambiance Bois spécifie dans ses statuts que chaque salarié doit travailler à mi-temps (Lulek 2009). Sur ce plan, la région du Larzac hérite d’une histoire particulièrement inventive en matière de distribution du travail agricole et militant : les objecteurs de conscience, outre leur implication dans l’action non-violente, occupaient une fonction précise dans l’organisation du travail, celle de remplaçant à la ferme, afin de permettre aux agriculteurs de consacrer une journée par semaine aux activités militantes.

48La même idée est ainsi déclinée sous diverses formes. D’une activité à l’autre, il s’agit de rejeter la monoactivité, la monoculture, et enfin tout monopole. À l’étroitesse de l’activité monomaniaque est opposée la richesse de la polyactivité.

Pour conclure

49Emprunter les chemins de traverse qui permettent de vivre les alternatives écologiques au quotidien en zone rurale relève de tâtonnements et d’une conquête perpétuelle qui, contrairement aux lieux communs sur l’échec de la vie en communauté des années 1970, est ici présentée comme tangible et durable. La conversion du travail en art de vivre et en action collective visant au « bien vivre ensemble » constitue la trame des récits de vie qui se donnent à voir comme des expériences à portée de main, à partir du moment où saute l’obstacle (présenté comme idéologique, non seulement matériel) à l’accès à l’autoproduction. Comparativement à l’idéal hippie, on voit se dessiner une autre configuration, ancrée dans le couple, centrée sur l’insertion professionnelle, la vie familiale (quand il y a des enfants), l’acquisition d’un terrain et la construction d’une maison. L’apparente organisation « bourgeoise » des ménages – pour reprendre le vocable marxiste – témoigne d’un changement d’époque idéologique. Est-ce à dire que l’on est passé de l’idéal révolutionnaire de changement complet de la société à un idéal individualiste, comme le proclament certains anciens qui ironisent sur cette efflorescence de « petites maisons dans la prairie » ? On a montré au contraire que loin d’être autarciques, les alternatifs rencontrés sont organisés en réseau dense d’interconnaissance, induisant une forte sociabilité locale et militante. La diffusion du modèle suit les chemins de la conversion lente par la société civile, de proche en proche. La question de la diversification sociale d’un tel mode de vie se pose néanmoins : où sont les 18-25 ans, les sans-diplômes, les ouvriers, les populations issues de l’immigration ? S’impose dès lors l’étude des parcours nomades (des camions aux cabanes, entre ville et campagne), et des alternatives écologiques urbaines.

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Notes

1 Les recherches en sociologie sur l’écologie au quotidien (Dobré 2002 ; Dobré & Salvador 2009) et la consommation engagée (Dubuisson-Quellier 2009) se fondent sur un secteur précis comme l’agriculture bio (Van Dam 2005), l’alimentation (Lamine 2008), les énergies (Pautard 2009), l’écoconstruction (Nemoz 2009), les médecines douces (Grisoni 2011), la militance pour la planète (Ollitrault 2009), ou se concentrent sur un groupe militant comme la Confédération paysanne (Bruneau 2007), ou encore un groupe de sexe (Lalanne & Lapeyre 2009).

2 Le terme renvoie à l’opposition à l’extension du camp militaire du Larzac, menée de 1971 à 1981 par les objecteurs de conscience, par les militants non-violents installés sur le plateau, rejoints par les Aveyronnais autochtones.

3 Notamment l’ouvrage Un petit coin pour soulager la planète (Élain 2007).

4 Association pour le maintien d’une agriculture paysanne. L’Amap repose sur un principe de vente directe par le biais de l’association : ses membres achètent par avance une part de la production d’un agriculteur, qui s’engage à distribuer celle-ci à un rythme généralement hebdomadaire.

5 Ce point oppose néanmoins dans notre échantillon les partisans d’une technologisation raisonnée du monde et les partisans de la suppression des machines qui ne seraient pas autoréparables.

6 Ce sous-titre est calqué sur le sous-titre de l’ouvrage Le Retour à la nature. Au fond de la forêt, l’État (Hervieu-Léger & Hervieu 1979).

7 Les Scop, sociétés coopératives et participatives, désignent les entreprises à statut Scop (société coopérative de production), à statut Scic (société coopérative d’intérêt collectif) et à statut Sapo (société anonyme à participation ouvrière). Soumises à l’impératif de profitabilité comme toute entreprise, elles bénéficient d’une gouvernance démocratique (leurs salariés sont les associés majoritaires et élisent leur dirigeant) et d’une répartition des résultats prioritairement affectée à la pérennité des emplois et du projet d’entreprise. Voir le site internet de la Confédération générale des Scop : http://www.les-scop.coop/sites/fr/les-scop/qu-est-ce-qu-une-scop.html [consulté en octobre 2012].

8 Groupement agricole d’exploitation en commun. Le Gaec est une société civile agricole qui permet à des agriculteurs de réunir leurs exploitations, de partager le travail à part égale, de mutualiser les ressources et le matériel, voire de vendre en commun le fruit de leur travail. Voir le site internet : http://agriculture.gouv.fr/gaec [consulté en octobre 2012].

9 Le site internet de la Confédération générale des Scop fait état, fin 2011, de 2 046 coopératives adhérentes employant plus de 42 200 salariés. Depuis dix ans, le nombre de Scop a augmenté de 26 %.

10 Organisme génétiquement modifié.

11 Ambiance Bois dispose du statut de Sapo (société anonyme à participation ouvrière), extrêmement rare en France. Voir en ligne : http://lexinter.net/Legislation/sa_a_participation_ouvriere.htm [consulté en octobre 2012].

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Pour citer cet article

Référence papier

Geneviève Pruvost, « L’alternative écologique »Terrain, 60 | 2013, 36-55.

Référence électronique

Geneviève Pruvost, « L’alternative écologique »Terrain [En ligne], 60 | 2013, mis en ligne le 01 janvier 2014, consulté le 09 décembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/terrain/15068 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/terrain.15068

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Auteur

Geneviève Pruvost

Centre d’étude des mouvements sociaux, École des hautes études en sciences sociales (Paris)

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