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AccueilNuméros57MentirPourquoi est-il si grave de mentir ?

Mentir

Pourquoi est-il si grave de mentir ?

Du mensonge en philosophie
Gloria Origgi
p. 82-95

Résumés

Le mensonge a très mauvaise réputation dans la philosophie. Nous retraçons ici une brève histoire de l’interdiction de mentir dans la pensée philosophique en essayant de montrer la spécificité de l’acte linguistique de mentir par rapport à d’autres actes linguistiques qui ne se conforment pas à la vérité. L’interdiction du mensonge, de dire le faux lorsqu’on connaît le vrai, dépend du lien métaphysique quasi sacré que la tradition philosophique occidentale, de Platon à la philosophie du langage de nos jours, établit entre sujet, langage et monde.

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Texte intégral

1Londres, 7 décembre 2010 : Julian Assange, informaticien australien, fondateur du très controversé site d’information Wikileaks, se rend à la police britannique après avoir fait l’objet en Suède d’une plainte pour « agression sexuelle ». Libéré sous caution dix jours après et assigné à résidence, il est nommé « homme de l’année » par le quotidien Le Monde, le 25 décembre. Une campagne internationale d’indignation se lève un peu partout – sur internet comme dans les journaux – pendant les jours de son arrestation, comme si, au-delà des détails de l’accusation, il y avait quelque chose d’indécent, d’inacceptable à arrêter quelqu’un dont le crime principal est de produire un excès de vérité et de combattre le « mensonge d’état ».

2New York, 5 février 2003 : Colin L. Powell, secrétaire d’État américain, prononce un discours très contesté sur la présence d’armes de destruction massive en Irak. Le discours est fondé sur les données fournies par l’Intelligence Service britannique, un rapport que l’administration Powell reçoit le 3 février et qui est censé contenir des preuves irréfutables de la présence de ces armes en Irak. Le rapport s’intitule : « Iraq. Its infrastructure of concealement, deception, and intimidation ». Quelques jours plus tard, la chaîne de télévision anglaise Channel 4 annonce que ce rapport est bel et bien problématique : il contient des plagiats. Un professeur de Cambridge, Glen Rangwala, déclare que le rapport emprunte sans le mentionner de larges extraits à l’article d’un jeune chercheur, Ibrahim al-Marashi, publié en septembre 2002 dans The Middle East Review of International Affairs. La nouvelle est rapidement confirmée par le gouvernement anglais, qui présente ses excuses. Ce plagiat se présente par ailleurs comme un cas de bonne fortune épistémique : ses informations, copiées sans rigueur, se révèlent assez précises sur la situation en Irak. La réaction de l’opinion publique n’en est pas moins violente : on ne décide pas d’une guerre sur la base d’un plagiat : c’est du mensonge !

3Ces deux exemples tirés de notre histoire récente visent à montrer que la vérité n’est pas seulement un concept abstrait. Elle est une valeur fondamentale dans notre vie sociale : nous attendons des autres qu’ils disent le vrai, nous sommes indignés par la violation de cette valeur commune, et avons du mal à accepter moralement des pratiques sociales qui encouragent des manquements à la vérité. Le mensonge, comme la violence, est interprété comme une forme de coercition, un moyen d’exercer un pouvoir arbitraire sur l’autre en le faisant agir contre ses intentions et sa volonté (Bok 1978 : 18).

4Il existe pourtant bien des façons de « mentir », autrement dit de ne pas respecter les normes épistémiques d’une société. Les deux exemples ont été choisis afin d’illustrer ces différences : dans le premier cas, la réaction indignée des défenseurs de Julian Assange n’est pas vraiment provoquée par des normes qui favorisent le mensonge, mais par des normes qui restreignent l’accès à la vérité (le « secret d’État »). Dans le deuxième cas, ce qui a été reproché aux gouvernements américain et britannique c’est la violation d’une valeur d’exactitude qui va de pair avec une norme de sincérité. Pour parler vrai, il faut respecter au moins deux normes : être sincère et en même temps être exact, précis, c’est-à-dire suivre des procédures d’acquisition de l’information qui correspondent aux standards épistémiques communs. Le plagiat est bien au-dessous de ces standards. La vérité ne relève donc pas seulement de l’exactitude des contenus, mais aussi de la manière dont ils ont été obtenus. Colin Powell pouvait bien se défendre contre les attaques sur son incompétence après son discours à l’Organisation des Nations unies (onu) en affirmant avoir été sincère : la sincérité ne suffit pas si elle n’est accompagnée d’un souci de précision, d’une méthode légitime et correcte d’acquisition de l’information. Or, le plagiat, même disant le vrai, n’est pas une méthode légitime. De même qu’être à la fois sincère et inexact viole les normes et les attentes de vérité qui assurent le bon fonctionnement de notre vie sociale.

  • 1 Sur la dimension épistémique de la justification de la guerre en Irak, voir Origgi (2008).

5Le contraste entre ces deux exemples montre que l’équilibre entre vérité et mensonge qui définit une société moralement acceptable est aujourd’hui un sujet de débat ouvert. La tension entre ce qu’il convient de dire et ce qui doit être tu, les questionnements sur les manières de dire sont des points particulièrement sensibles au sein des sociétés démocratiques : si les décisions sur ces points appartenaient à tout le monde, nous devrions tous partager les mêmes ressources épistémiques (informations disponibles) d’une façon égalitaire, afin de maximiser les probabilités d’une décision collective avisée. Nous vivons néanmoins dans des sociétés considérées comme démocratiques où les mensonges d’État, le manque d’exactitude dans la vérification d’informations, l’incertitude quant à leurs sources se manifestent dans la vie publique et conditionnent des choix importants : les États-Unis d’Amérique et leurs alliés ont attaqué en 2003 l’État souverain d’Irak en se référant à des informations douteuses concernant la présence sur son territoire d’armes de destruction massive1. Cette situation a amené le philosophe américain Harry G. Frankfurt (2006) à consacrer un ouvrage à la question de l’art de « dire des conneries » (bullshitting). Il y établit un catalogue d’actes linguistiques trompeurs, en soulignant la distinction entre dire des « conneries » et dire des mensonges. Alors qu’un menteur dit délibérément le faux, le diseur de conneries n’est tout simplement pas intéressé par la vérité. Pour mieux la cacher à son interlocuteur, un menteur a besoin de connaître la vérité, tandis que son compère en conneries (ici, Colin L. Powell à la tribune de l’onu), uniquement intéressé par ses propres objectifs, n’en a pas nécessairement besoin. Nous reviendrons plus loin sur cette distinction importante.

6Si Frankfurt en conclut que « les conneries sont un ennemi de la vérité plus grand que ne le sont les mensonges », la philosophie a toujours vu dans le mensonge l’acte trompeur le plus grave. La question philosophique de la légitimité du mensonge est ancienne : est-on jamais justifié à mentir ? Y a-t-il des circonstances où un mensonge est moralement supérieur à une vérité – en permettant, par exemple, d’éviter un mal plus grave ? Qu’est-ce précisément que mentir ? Une plaisanterie, une connerie ou un baratin sont-ils des mensonges ? Est-ce que cacher la vérité en ne disant rien, est-ce qu’omettre des informations signifie mentir ? Un désintérêt pour la vérité est-il une faute morale, ou bien la faute doit-elle être seulement attribuée à ceux qui mentent en toute connaissance de la vérité ? Je vais présenter ici un bref excursus du débat sur le mensonge dans l’histoire de la philosophie, avant d’en venir pour conclure à la question des degrés de mensonge tolérables pour le bon fonctionnement d’une société d’êtres qui se tiennent l’un l’autre par la communication et le partage d’informations.

Un court trajet dans l’histoire de la philosophie

7Le mensonge étant inséparable de la question de la vérité, la question du mensonge est « une des premières obsessions de la philosophie » (Laugier 1996 : 1013). Le paradoxe d’épiménide témoigne de l’ancienneté de cette obsession. Un homme dit : « Je mens. » S’il est avéré qu’il ment, il dit ici la vérité. Or, s’il dit bel et bien la vérité, c’est donc qu’il ment. Le mensonge est un piège linguistique. Mentir ce n’est pas simplement dire le faux, car se tromper est différent de tromper. Mentir c’est dire le faux en ayant l’intention de tromper et en connaissant le vrai. Si bien que le menteur doit posséder les mêmes compétences linguistiques et sémantiques que celui qui dit la vérité. Comme Platon le fait dire à Socrate : « Ainsi, c’est le même homme qui est capable de mentir et de dire vrai » (Platon 2000 : 367c).

Saint Augustin, Platon et les sophistes

8C’est sur ce point que saint Augustin insiste dans son propre traité sur Le Mensonge : mentir ce n’est ni plaisanter, ni se tromper (Augustin 2011 : 11). « Mentir c’est avoir une pensée dans l’esprit [in animo] et, par paroles ou tout autre moyen d’expression, en énoncer une autre » (ibid. : 20). Pour mentir véritablement, il faut connaître la vérité : « Aussi dit-on que le menteur a un cœur double, c’est-à-dire une double pensée. Il a une pensée qu’il juge vraie, mais qu’il garde pour lui ; et il en a une seconde qu’il juge fausse, mais qu’il exprime à la place de la première […]. C’est par l’intention de l’esprit et non pas par la vérité ou la fausseté des choses en elles-mêmes qu’il faut juger si quelqu’un ment ou ne ment pas » (ibid. : 21).

9Depuis l’aube de la philosophie, la double question de la nature linguistique et morale du mensonge est posée. C’est au nom de la vérité que Platon et Aristote condamnent la sophistique : celle-ci ne saurait être assimilée à la philosophie puisque les sophistes encouragent à séparer le discours, la parole, de sa valeur de vérité. Protagoras déclare qu’il n’y a pas de sens à distinguer des discours faux et des discours vrais. Dans cet usage du langage détaché de toute valeur de vérité, Platon voit la menace suprême du sophiste. Comme l’explique Barbara Cassan :

10L’accusation majeure portée par Platon comme par Aristote se laisse consigner dans le terme pseûdos. Pseûdos objectif, le « faux » : le sophiste dit ce qui n’est pas, le non-être, et ce qui n’est pas véritablement étant, les phénomènes, les apparences. Pseûdos subjectif, le « mensonge » : il dit le faux dans l’intention de tromper, en utilisant pour se tailler un succès monnayable toutes les ressources du logos. (Cassan 1986 : 6.)

11Dès les débuts de la philosophie, un lien essentiel, ontologique, nécessaire existe entre le langage, la vérité et les intentions du locuteur : le monde tient ensemble comme nous le voyons car les mots ont une référence, sont ancrés dans le monde extérieur, et le locuteur, en utilisant ces mots, les utilise avec la volonté de respecter cet ancrage. L’usage subversif du langage de la part des sophistes contient donc un danger métaphysique : perdre la référence fondamentale au monde. Le mensonge est l’outil diabolique de ceux qui possèdent l’art de parler : en énonçant ce qu’il sait être faux, le menteur met le monde à l’envers, et soustrait au langage sa puissance métaphysique primordiale d’assurer le lien sémantique entre paroles et objets. Le langage étant le miroir du monde et sa représentation fidèle, tout usage impropre, vicieux, comporte le risque de casser le miroir. Tout locuteur a par conséquent une responsabilité morale : si on veut préserver ce lien précieux, constitutif de la réalité extérieure, on a la responsabilité de faire bon usage de la parole.

12Les raisons métaphysiques et morales de la proscription des mensonges, avancées par les plus purs des réalistes au cours de l’histoire de la pensée, se heurtent néanmoins en maints cas au bon sens. Est-il toujours moralement acceptable de dire la vérité ? Si par un mensonge nous avons la possibilité de sauver un être humain d’un destin atroce, faut-il s’en tenir à la sincérité ? Tout le monde mérite-t-il au même titre de n’entendre que le vrai ? Le bourreau qui inflige des tortures pour extorquer des vérités devenant dangereuses une fois en sa possession, a-t-il droit à la même sincérité que nous nous réservons l’un l’autre dans la vie quotidienne ? Un médecin doit-il tout dire à un patient atteint d’une maladie létale, ou a-t-il le droit de « diluer » sa vérité ? En règle générale, n’est-il pas permis de mentir pour éviter un plus grand mal ?

13Les philosophes ont débattu longtemps de ces questions. Il existe notamment une riche casuistique religieuse autour de la légitimité du mensonge. Certains exégètes de la Bible rappellent que dans l’Ancien Testament « les sages femmes d’Égypte pour sauver de la mort les nouveau-nés des Hébreux, mentirent avec l’approbation et la récompense de Dieu (Exode, I, 9) » (Augustin 2011 : 27). D’autres exégètes affirment qu’aucune circonstance ne justifie de mentir. Dans son traité, saint Augustin discute les deux positions et conclut avec véhémence que nous sommes tous et en toute circonstance dans « l’obligation absolue de ne jamais mentir » (ibid. : 93). Le bon chrétien ayant deux vies, l’une temporelle, l’autre éternelle, a le devoir de privilégier la seconde. Or, le mensonge, même justifié par les circonstances dramatiques de sa vie temporelle, est une éternelle souillure de l’âme et un égarement irréparable dans la quête de l’amour de la vérité et de la perfection divine qui anime le dévot.

14Le mensonge, cet acte linguistique qui consiste à dire le faux lorsqu’on connaît le vrai dans l’intention de tromper autrui, n’est jamais justifiable, même s’il est excusable en certains cas. C’est pour cette raison qu’il est si important d’isoler le véritable mensonge (dire le faux avec l’intention de tromper) des autres formes de discours trompeurs : car les autres discours trompeurs (parler de choses qu’on ne connaît pas bien, pratiquer l’ironie, se tromper…) sont justifiables, et en tout cas excusables.

Thomas d’Aquin et la casuistique médiévale

15L’histoire de la pensée est traversée par l’intuition que le mensonge est un acte contre-nature qui rend son exécuteur immonde, méconnaissable. Ceci est la clé pour comprendre l’interdiction de tout mensonge, même dans la forme extrême proposée par saint Augustin et reprise, comme nous le verrons, par Emmanuel Kant. Bien que les arguments d’Augustin sur le salut de l’âme et ceux de Platon sur les risques du parler faux semblent très éloignés l’un de l’autre, un ingrédient commun lie l’idée même de philosophie à cette proscription, et revient dans les arguments des philosophes de toute époque : le mensonge porte atteinte à la nature humaine, à l’âme – pour reprendre les termes d’Augustin – ou encore, selon Platon, à la relation constitutive entre l’homme, le langage et le monde. Mentir, c’est renoncer à ce nouage, et c’est, comme le souligne à son tour Thomas d’Aquin, une tâche irréparable :

16Or, le mensonge est mauvais par nature ; c’est un acte dont la matière n’est pas ce qu’elle devrait être ; puisque les mots sont les signes naturels des pensées, il est contrenature et illégitime qu’on le fasse signifier ce qu’on ne pense pas […]. Il n’est donc jamais permis de dire un mensonge pour soustraire quelqu’un à n’importe quel danger ; quoiqu’il soit permis de dissimuler prudemment la vérité. (Thomas d’Aquin 1985 : II-ii, Q. 110, a 3.)

17Étant donné la gravité du délit du menteur − qui, dans L’Enfer de Dante, est envoyé dans la neuvième fosse du huitième cercle infernal, aux plus bas fonds de l’Enfer, immédiatement avant les traîtres −, il est crucial de distinguer le mensonge de tout autre acte linguistique de violation de la vérité.

18Les manuels de casuistique médiévale débordent de stratagèmes pour éviter de mentir lorsqu’on connaît la vérité. Tel cet épisode de la vie de saint Athanase, qui rencontra ses persécuteurs tandis qu’il ramait sur une rivière pour s’enfuir. Les persécuteurs lui demandent : « Où est le traître Athanase ? » Ce dernier répond : « Pas loin d’ici » (Williams 2006 : 127). Une bonne façon de se sauver du mensonge tout en sauvant sa peau ! Parmi les manières d’échapper au mensonge, la tradition propose de refuser de parler, de répondre à une question par une autre, de changer de sujet, ou bien d’utiliser l’équivoque, c’est-à-dire une phrase ambiguë qui peut exprimer en même temps une proposition que le locuteur pense vraie et une proposition qu’il croit fausse et qu’il voudrait transmettre à l’auditeur, en espérant que l’auditeur l’interprète dans cette deuxième acception (ibid. : 128)…

Montaigne et Locke

19Nous retrouvons la même insistance sur la gravité des mensonges chez Michel de Montaigne :

C’est un vilain vice que de mentir […]. Notre intelligence se conduisant par la seule voie de la parole, celui qui la fausse, trahit la société publique. C’est le seul outil, par le moyen duquel se communiquent nos volontés et nos pensées : c’est le truchement de notre âme : s’il nous faut, nous ne nous tenons plus, nous ne nous entrecognoissons plus. S’il nous trompe, il rompt tout notre commerce, et dissout toutes les liaisons de notre police. (Montaigne 2008 : II, Du démentir.)

20Même le contractualiste John Locke, dans ses Deux Traités sur le gouvernement, place le devoir de vérité parmi les composantes de la nature humaine qui précèdent tout contrat et existent dans l’état de Nature :

Car la vérité et le respect de la parole donnée appartiennent aux hommes en tant qu’hommes et non comme membres de la société. (Locke 1997 : 145.)

21Locke fonde ainsi sa vision de la confiance nécessaire à la construction d’une société de contrat dans une certaine conception de la nature humaine, selon laquelle les individus assument la responsabilité de leur parole. C’est grâce à la reconnaissance de ce trait fondamental de la nature humaine – le respect de la parole donnée – que nous avons des raisons de nous fier aux autres, même à des inconnus. La responsabilité individuelle de la sincérité crée un lien profond entre les personnes : celui qui en trompe un autre s’extrait du contrat moral implicite qui règle la vie sociale.

Proscription absolue du mensonge et tolérance relative : le débat Kant / Constant

22La même interdiction morale de mentir est reprise par Kant, qui soutient que le mensonge ne peut être justifié dans n’importe quelle circonstance :

Je m’aperçois bientôt ainsi que si je peux bien vouloir le mensonge, je ne peux en aucune manière vouloir une loi universelle qui commanderait de mentir ; en effet, selon une telle loi, il n’y aurait plus à proprement parler de promesse, car il serait vain de déclarer ma volonté concernant mes actions futures à d’autres hommes qui ne croiraient point à cette déclaration ou qui, s’ils y ajoutaient foi étourdiment, me payeraient exactement de la même monnaie : de telle sorte quema maxime, du moment qu’elle serait érigée en loi universelle, se détruirait elle-même nécessairement. (Kant 1971.)

23Kant se montre encore plus intransigeant que saint Augustin. Non seulement il ne faut en aucun cas mentir, mais, contre la casuistique médiévale, il soutient qu’il ne faut pas essayer d’atténuer la faute morale du mensonge en distinguant divers types d’actes trompeurs : tout acte trompeur est un mensonge, et la règle contre le mensonge ne connaît pas d’exceptions. Une assertion doit être vraie, sous peine d’une rupture de la communication et des relations morales avec les autres :

La communication de ses pensées à autrui au moyen des mots qui contiennent intentionnellement le contraire de ce que pense le sujet qui parle est une fin directement opposée à la finalité naturelle de la faculté de communiquer ses pensées, un renoncement à la personnalité et au lieu de l’homme même, l’apparence illusoire de l’homme. (ibid. : II, livre 1, sec. 2, § 9, « Le mensonge ».)

24Nous retrouvons ici, comme chez la plupart des philosophes mentionnés dans notre excursus historique, l’enjeu métaphysique qui est à la base de l’interdiction morale du mensonge : l’inversion entre vrai et faux corrompt le lien fondamental entre pensée, langage et monde, et rend le sujet méconnaissable, comme si la responsabilité morale de chaque individu était celle de contribuer à faire perdurer ce lien. Ceci explique l’intransigeance − poussée à l’hystérie dans le cas de Kant, si l’on en croit le philosophe Bernard Williams (2006 : 131) − quant au mensonge :

L’être humain comme être moral (homo nouménon) ne peut faire de lui-même en tant qu’être naturel (homo phenomenon) un simple moyen (une machine qui parle) comme si son être naturel n’était pas lié à sa finalité intérieure (qui est de communiquer des pensées). (Kant 1971.)

25En 1796, Benjamin Constant s’engage avec Kant dans une querelle restée fameuse sur le droit de mentir (Morana 2003). Constant reproche à Kant une rigidité irréaliste : la proscription absolue du mensonge plaidée par Kant pour respecter le devoir qu’on a à l’égard de soi-même est inconciliable avec les devoirs que nous avons envers la société. Benjamin Constant avait en effet repris un exemple d’Augustin pour montrer qu’on ne saurait établir de norme stricte sur la vérité, car tout le monde ne la mérite pas :

Le principe moral que dire la vérité est un devoir, s’il était pris de manière absolue et isolée, rendrait toute société impossible. Nous en avons la preuve dans les conséquences directes qu’à tirées de ce dernier principe un philosophe allemand qui va jusqu’à prétendre qu’envers des assassins qui vous demanderaient si votre ami qu’ils poursuivent n’est pas réfugié dans votre maison, le mensonge serait un crime […]. Qu’est-ce qu’un devoir ? L’idée de devoir est inséparable de celle de droits : un devoir est ce qui, dans un être, correspond aux droits d’un autre. Là où il n’y a pas de droit, il n’y a pas de devoirs. Dire la vérité n’est donc un devoir qu’envers ceux qui ont droit à la vérité. Or nul homme n’a droit à la vérité qui nuit à autrui. (Constant 1964 : 63-71.)

26Constant propose en somme, vis-à-vis du mensonge, une tolérance relative : la vérité étant une norme sociale à adapter aux différentes exigences morales des contextes de communication, la vérité ne peut constituer un impératif catégorique. Le secret d’État, par exemple, évoqué comme norme sociale dans le débat à propos de Wikileaks, pourrait, dans la perspective de Benjamin Constant, être invoqué comme principe contre la diffusion d’informations jugées sensibles pour le bon fonctionnement de la politique intérieure et extérieure d’un État. La raison sociale prévaut sur la raison individuelle dans l’imposition d’une norme de ce type.

27Dans l’échange entre Constant et Kant, ce dernier réaffirme l’impossibilité d’une norme qui admettrait le mensonge en quelque circonstance, sous peine de désordre social et d’incommunicabilité. Lorsqu’il arrive de mentir en vue de certaines fins – y compris les fins les plus nobles –, cela doit être conçu comme une exception contingente et non comme un possible amendement à la loi universelle qui maintient l’interdiction de mentir :

La véracité dans les déclarations que l’on ne peut éviter est le devoir formel de l’homme envers chacun quelque grave inconvénient qu’il en puisse résulter pour lui ou pour un autre ; et quoique, en y en altérant la vérité, je ne commette pas d’injustice envers celui qui me force injustement à le faire, j’en commets cependant une en général dans la plus importante partie du devoir par une semblable altération, et dès lors celle-ci mérite bien le nom de mensonge. (Kant, cité dans Morana 2003.)

28La réfutation par Kant des arguments de Constant, construite, on l’a vu, sur la réfutation du droit de mentir pour de nobles fins, avait déjà été en partie avancée par saint Augustin : prenons quelqu’un qui veut sauver la vie d’un ami innocent et qui sait où l’ami se trouve. Interrogé par les persécuteurs de son ami, il va affirmer que celui-ci se trouve ailleurs, car ses interlocuteurs, soutient Constant, ne méritent pas la vérité. Mais imaginons qu’entre-temps l’homme caché se soit déplacé à l’insu de son ami et qu’il se trouve maintenant à l’endroit où ses assassins, faussement renseignés, sont partis le chercher. Pour Kant, il est évident que la faute morale de celui qui a menti est plus grande en ce cas que s’il avait dit la vérité. Il ressentira une culpabilité à l’égard de l’ami et de lui-même beaucoup plus grande que s’il avait simplement livré l’ami à ses bourreaux en disant la vérité.

29C’est là l’objet tragique de la nouvelle de Jean-Paul Sartre Le Mur, parue en 1939 à la suite de la guerre d’Espagne. L’anarchiste Pablo Ibbieta est arrêté par les sbires du pouvoir et condamné à mort. Il peut sauver sa vie en avouant où se trouve son complice, Ramon Gris. Ibbieta ment, il dit qu’il ne sait pas, que Gris est peut-être à Madrid, alors qu’il le sait caché chez ses cousins à quelques kilomètres de la ville. Menacé de mort par ses geôliers, Ibbieta ment une seconde fois en affirmant savoir où se trouve Gris : « Il se cache près du cimetière. » Les soldats partent vérifier. À leur retour, à sa grande surprise, Ibbieta n’est pas exécuté. Son ami Gris se trouvait effectivement au cimetière et il a été fusillé sur place. Il aurait bien voulu se cacher chez Ibbieta, mais apprenant qu’il était pris, il avait décidé de se cacher au cimetière. Voici comment le mensonge d’Ibbieta, animé des meilleures intentions, loin de préserver son ami l’a condamné à mort.

30À suivre l’analyse de Kant, la faute morale d’Ibbieta est ici plus grande que s’il s’était contenté de dire la vérité. Il est perdu non seulement devant les autres mais devant lui-même. La nouvelle de Sartre s’achève sur le rire absurde d’Ibbieta lorsqu’il apprend que son ami Gris a été exécuté : un rire inexplicable, hystérique, le rire de quelqu’un qui n’est plus lui-même, qui a perdu toute dignité humaine. Selon le philosophe Pierre Pachet (1999), Sartre avait à l’esprit, au moment d’écrire Le Mur, le débat Kant / Constant et le dilemme moral que les deux positions suscitent : le devoir de vérité envers soi-même est-il compatible avec nos devoirs envers les autres ? La réponse de Kant est bien sûr que ces deux devoirs sont indissociables : on ne saurait entretenir de relations morales avec les autres si l’on manque aux devoirs envers soi-même. Pour Pachet, la position de Kant n’est pas un rigorisme poussé à son paroxysme, comme nombre de commentateurs l’ont soutenu, mais permet au sujet de mieux apprécier ses actions en les mesurant à la loi. L’impératif qui nous pousse à une utilisation sincère du langage nous engage à une responsabilité morale.

31La rigueur kantienne pourrait alors être interprétée comme une variation de l’indispensabilité de la vérité dans la communication humaine, non pas à des fins purement morales mais afin de préserver le rapport quasi sacré que la philosophie établit entre vérité, réalité externe et communication. Le mensonge n’est pas seulement une faute morale vis-à-vis de ceux qui dépendent de notre parole, mais, insiste Kant, vis-à-vis de nous-mêmes, de notre nature d’êtres humains qui prononçons naturellement des assertions « faites pour être vraies ». La trahison de notre nature est le péché intolérable, pour le philosophe intransigeant, car le rapport entre vérité et actes de parole n’est pas réglé par des normes sociales transitoires mais par des principes transcendantaux qui fondent la nature même de la communication humaine. C’est précisément sur cet aspect « transcendantal », pour utiliser une expression kantienne, sur cette condition a priori de la communication, que la philosophie du langage contemporaine revient en force.

Le rôle de la vérité dans la communication

32La distinction entre le mensonge et d’autres actes linguistiques, tels l’omission ou le baratin, et la gravité attribuée traditionnellement par la philosophie au seul mensonge rappellent la distinction philosophique faite par le philosophe britannique Paul Grice (1975) entre le « contenu » d’une assertion et ses « implicatures conversationnelles ». Selon la sémantique linguistique, chaque assertion a un contenu propositionnel, c’est-à-dire exprime le « fait » ou l’» état des choses » qu’elle est censée représenter. Si je dis « Le chat est sur le tapis », j’exprime la proposition que le chat est sur le tapis, je décris ce fait. S’il s’avère qu’il n’y a pas de chat sur le tapis, alors j’ai prononcé une assertion fausse, une assertion qui n’est pas en rapport avec un fait. Si je savais qu’il n’y avait pas de chat sur le tapis, j’ai menti et, faisant cela, j’ai brisé le lien sémantique « naturel », pour nombre de philosophes, entre pensée, langage et monde. Mais chaque assertion est produite en un contexte particulier, selon des motivations et des objectifs qui vont bien au-delà du seul souci de transmettre tel contenu sémantique. En affirmant quelque chose, j’accomplis simultanément un certain nombre d’actes linguistiques distincts : je persuade quelqu’un, je fais de l’ironie, ou bien j’essaye d’éviter une réponse trop directe à une question embarrassante. Tout cela, selon Grice, n’est pas codé dans le sens linguistique de la phrase, et ne contribue pas directement à sa valeur de vérité : je peux dire le vrai et « impliciter » le faux, à savoir le diffuser dans le contexte discursif d’une façon presque non linguistique, laisser mon interlocuteur le déduire par un geste ou un regard accompagnant ma déclaration et pouvant être chargé de signification mais ne contribuant pas à la valeur de vérité de ce que je suis en train d’affirmer.

33C’est afin de désigner ces formes d’implication non-explicites que Grice forge le néologisme « implicature ». En sémantique, tout ce qui est logiquement impliqué par une assertion acquiert la même valeur de vérité que l’assertion elle-même. Les implicatures sont en ce sens, plus « faibles » : le locuteur les laisse entrevoir à son auditeur et lui laisse la responsabilité de les dériver ou pas. Si on me demande « Est-ce que Pierre a trouvé une nouvelle compagne après son divorce ? » et que je réponds : « Il va souvent en Italie en ce moment », je laisse la responsabilité au locuteur d’en tirer la conclusion que Pierre a une nouvelle amie en Italie. Mais, convoqué à la barre des témoins au cours du procès intenté à Pierre par son ex-femme, où celle-ci l’accuse de ne pas verser sa pension alimentaire car il dépense tout pour sa nouvelle maîtresse italienne, je n’admettrai pas avoir affirmé que Pierre avait une nouvelle liaison amoureuse. Je me suis contentée de dire qu’il allait souvent en Italie : je suis engagée, vis-à-vis de ce que je dis, d’une façon différente de mon engagement par rapport à ce que je laisse entendre…

34Cette différence d’engagement interpelle les philosophes : l’assertion engage à la vérité, mais avec le langage on peut faire plus que dire le vrai et le faux : la communication dépasse les contraintes du langage.

35Cela amène Grice et bien d’autres philosophes contemporains du langage à une vision de la communication humaine dans laquelle l’assertion, ce qui est dit et explicitement codé par les mots, n’est qu’une sous-partie de ce qui est communiqué. La vérité n’est pas le garant de la communication : elle est plutôt une « norme » régulatrice de l’assertion qui permet d’orienter l’interprétation de ce qui est communiqué. Dans l’analyse des maximes qui gouvernent la conversation, Grice introduit une série de maximes régulatrices ayant valeur de norme pour aider à interpréter les autres : si quelqu’un viole une de ces maximes, c’est afin d’orienter son interlocuteur vers une autre interprétation de ce qu’il énonce. L’aspect régulateur de ces maximes est évident sous la forme que Grice leur donne, qui reprend clairement la table kantienne des jugements et des catégories, posant les conditions mêmes de la communication : « quantité » (dire ni plus ni moins que ce qui est requis par la conversation), « qualité » (dire ce qu’on pense être vrai), « modalité » (éviter les obscurités et les ambiguïtés) et « relation » (être pertinent). La maxime de qualité constitue en outre pour Grice une sorte de métamaxime. Il en fait la condition transcendantale de la communication. Même lorsqu’on ment, il est impératif de faire croire à l’autre qu’on est en train de dire la vérité, faute de quoi la tentative de communication échoue.

36Cependant, utilisons-nous toujours un critère si hautement chargé moralement et épistémologiquement que celui de vérité pour interpréter ce que les autres disent ? La philosophe Deirdre Wilson et l’anthropologue Dan Sperber, qui ont développé une théorie pragmatique du langage d’inspiration gricéenne (Wilson & Sperber 2002), suggèrent que non : la norme qui guide notre interprétation n’est pas la vérité comme condition transcendantale de la communication, mais un principe psychologique de calcul cognitif des bénéfices potentiels de ce qu’on nous dit par rapport aux coûts de traitement de l’information. Principe qu’ils nomment « de pertinence », en reprenant la maxime de relation de Grice. Le principe de pertinence repose sur une réalité cognitive. Lorsque nous communiquons, nous tâchons d’être pertinents pour nos interlocuteurs – c’est-à-dire de leur indiquer ce qui maximise leur bénéfice cognitif (par exemple acquérir de nouvelles informations sur le monde) au coût le plus bas – et nous attendons des autres qu’ils fassent de même. Ces attentes de pertinence réciproque suffisent, selon Wilson et Sperber, à orienter notre interprétation.

37La philosophie serait-elle donc trop exigeante en demandant que la vérité soit un ingrédient de la communication ? Peut-être, dans un monde où le baratin triomphe, le philosophe est-il trop intransigeant : il gagnerait à se contenter d’informations pertinentes et à ajuster ses standards épistémiques selon les contextes, et ainsi filtrer d’une façon responsable l’information qui lui vient d’autrui. Mais les implications morales d’une baisse des standards sont évidentes : l’idéal du vrai nous permet de mesurer la responsabilité morale de notre discours. Même un mensonge doit être responsable : c’est une grave responsabilité que nous prenons vis-à-vis de la victime de notre mensonge, le patient malade qui ne veut pas entendre un diagnostic létal, le citoyen auquel on épargne une vérité diplomatique par souci d’éviter un soulèvement d’opinion susceptible de nuire à la paix sociale, l’enfant auquel on ne dit pas la vérité sur le père Noël. Comme le dit Harry G. Frankfurt dans De l’art de dire des conneries, un monde de mensonges responsables est peut-être plus sûr qu’un monde de conneries irresponsables, où personne ne se donne la peine de mesurer ses actes de parole trompeurs à leurs conséquences.

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Notes

1 Sur la dimension épistémique de la justification de la guerre en Irak, voir Origgi (2008).

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Pour citer cet article

Référence papier

Gloria Origgi, « Pourquoi est-il si grave de mentir ? »Terrain, 57 | 2011, 82-95.

Référence électronique

Gloria Origgi, « Pourquoi est-il si grave de mentir ? »Terrain [En ligne], 57 | 2011, mis en ligne le 01 janvier 2014, consulté le 30 avril 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/terrain/14348 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/terrain.14348

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Auteur

Gloria Origgi

cnrs, Institut Jean-Nicod

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Droits d’auteur

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