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Le vieil homme et le livre

La crise de la transmission chez les vieux-croyants (Roumanie)
Vlad Naumescu
p. 72-89

Résumés

En dépit de critiques récentes, l’anthropologie n’a pas encore admis que ses conceptions de la transmission culturelle sont dominées par des ontologies temporelles, par le « continuisme » qui domine notre discipline. Cet article montre que les ethnographies de la transmission culturelle devraient systématiquement prendre en compte sa temporalité et son historicité. J’y explique comment les vieux-croyants (une branche schismatique de l’orthodoxie russe) cultivent un millénarisme quotidien où se mêlent des temporalités distinctes. Issus d’une tradition orthodoxe qui met en valeur sa propre continuité, les vieux-croyants ont appris à percevoir concrètement la finitude de ce monde et l’imminence de l’Apocalypse. Réagissant aux circonstances historiques, ils ont adopté une conception kénotique de la vie chrétienne, que l’on retrouve dans les modalités particulières de la transmission religieuse.

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Texte intégral

1Traduit de l’anglais par Olivier Morin

« Sans liturgie, il n’y a pas de christianisme. »

(Mikhail Semenov [1874-1916, évêque vieux-croyant],

  • 1 Cité par Roy Robson (1995 : 41).

« Ob liturgii », Tserkov, n° 35, 1910, p. 8661.)

2Un jour de l’automne 2006, je suis allé voir un vieil homme dans un village de vieux-croyants du delta du Danube, en Roumanie. C’était notre première rencontre. Je ne savais rien de lui, sinon qu’il était lecteur de psaumes dans l’église locale et amateur de livres de culte. Nous étions assis ensemble dans la cour, et je lui demandai de me montrer quelques-uns de ses livres. Il alla dans sa petite maison et en ressortit quelques minutes plus tard avec deux vieux livres qu’il posa avec soin sur la table. Il en prit un, se signa et l’ouvrit. Il le feuilleta lentement puis, s’arrêtant sur une illustration de l’Apocalypse, il se mit à réciter à voix basse. Il s’arrêta enfin et me demanda : « Que vous dire d’autre ? » De nombreuses autres rencontres suivirent, et de longues conversations, mais aucune n’eut la même intensité que cet instant de récitation devant le livre.

  • 2 Robbins, quoique familier des traditions chrétiennes qui mettent l’accent sur la continuité plutôt (...)

3Cet article parle du vieil homme et du livre. Ils représentent ce à quoi l’anthropologie s’intéresse depuis bien des années : l’authenticité culturelle de traditions en voie de disparition. L’anthropologie actuelle n’a d’yeux que pour le changement d’une vie sociale en flux perpétuel. Mais l’intérêt que les premiers anthropologues portaient aux formes culturelles durables – cet intérêt qui inspirait l’écriture d’ethnographies de la continuité, gelées dans le présent ethnographique (Fabian 1983) – était au moins aussi grand que la fascination de la fluidité qui règne de nos jours. La production anthropologique d’aujourd’hui semble animée par une conscience de plus en plus aiguë du temps. Son cadre est une « esthétique de l’émergence qui met en valeur l’aspect indéterminé, provisoire et ouvert de la réalité » (Miyazaki 2004 :137 ; voir aussi Hodges 2008 : 402). Cette anthropologie-là s’enracine dans une ontologie temporelle différente, une ontologie dans laquelle nous comprenons le monde à partir des changements qui le traversent. Mais même dans les débats anthropologiques actuels sur la mondialisation et les modernités, qui se concentrent sur le changement, les anthropologues sont toujours à la recherche de formes stables et durables, ne serait-ce que pour pouvoir comprendre les changements qu’ils observent. Joel Robbins, dans une intéressante contribution venue du champ de recherche en pleine expansion qu’est l’anthropologie du christianisme, affirme que l’anthropologie souffre depuis longtemps d’un biais qui la pousse à penser les choses comme étant continues, « un préjugé bien enraciné qui veut que les cultures soient stables et difficiles à changer » (Robbins 2007 : 8). Cette hypothèse peut se prévaloir d’importants éléments de preuves tirés de l’ethnographie. Celle-ci montre que les structures culturelles, les croyances et les pratiques persistent bel et bien dans le temps. Mais cette idée ne fait pas l’unanimité. Reprenant une critique antérieure de Johannes Fabian (1983), Robbins affirme que l’ontologie temporelle de l’anthropologie, fondée sur une vision naturalisée du temps, a empêché les anthropologues de comprendre ou d’accepter d’autres modèles du temps. Le temps réifié de l’anthropologie, « dans lequel il arrive des choses, mais auquel il n’arrive rien […] encourage une façon de voir le monde où la continuité est une hypothèse naturelle » (Robbins 2007 : 12). Ce modèle, à son tour, amène les anthropologues à négliger les idées locales sur le temps, et, bien souvent, à mettre en doute la croyance aux discontinuités, aux ruptures radicales, dont témoignent diverses formes de christianisme – par exemple, la conversion ou les espoirs millénaristes. Plusieurs anthropologues ont essayé de surmonter ce biais. Ils ont entrepris d’explorer les ontologies temporelles et les pratiques temporalisantes qui sous-tendent diverses ethnographies du christianisme (Cannell 2005 ; Lester 2003 ; Robbins 2001 ; Schieffelin 2002). Leur travail tient pour acquis un modèle du temps qui s’organise autour d’une rupture, d’une cassure dans le temps causée par l’événement « unique et irréversible » qu’est l’incarnation du Christ, et par cet autre événement irréversible qu’est la conversion, ici vue comme l’expérience essentielle qui permet de devenir chrétien (Cannell 2006 : 38 ; voir aussi Robbins 2007 : 10-13). C’est ainsi qu’ils présentent le christianisme comme une religion de la « discontinuité radicale », à laquelle l’anthropologie est condamnée à rester étrangère, parce qu’elle se fait une idée radicalement différente du temps. Cette approche est légitime, en ce qu’elle cherche à mettre à nu les hypothèses épistémologiques qui rendent l’anthropologie incompatible avec le christianisme. Cependant, elle nous fourvoie quelque peu en nous présentant le christianisme comme un système culturel cohérent, façonné pour l’essentiel par des ruptures temporelles (l’Ancien et le Nouveau Testament, l’incarnation de Jésus, la conversion de Paul…)2.

  • 3 La question de la continuité culturelle a toujours été au cœur de l’anthropologie ; nier l’hypothès (...)

4Certaines traditions chrétiennes mettent plutôt en valeur la tradition et la continuité (voir Hann 2007; Hann & Goltz 2010), et on peut aisément y puiser des arguments contre cette façon de voir. Néanmoins, les controverses qui agitent certaines traditions chrétiennes et qui portent sur des idéologies de changement radical ou de continuité radicale (Robbins 2007 : 32) ne nous mèneront pas très loin. Ce qu’il nous faut prendre en considération, ce sont les façons de penser le temps qui, en permettant l’articulation du changement et de la continuité, informent les modèles de la transmission culturelle3. Dans l’introduction de ce numéro, David Berliner note que la question de la transmission est aussi ancienne que l’anthropologie, précisément parce qu’elle traduit un intérêt de toujours pour la continuité culturelle. Les questions qui entourent la transmission culturelle sont aujourd’hui au cœur d’un vaste champ de recherche interdisciplinaire, qui explore les processus de transmission et d’apprentissage du savoir (voir l’introduction de ce volume).

5Ce champ de recherche s’intéresse aux mécanismes complexes (historiques, sociaux et cognitifs) par lesquels les cultures sont transmises, et au rôle que jouent les individus, les institutions, les objets, les environnements et les interactions sociales dans cette transmission. Éclairées par cette perspective, les ethnographies de la transmission culturelle se donnent pour but d’expliquer les raisons qui font que certains éléments culturels persistent ou changent, et les mécanismes de leur transmission. Pourtant, ces ethnographies de la transmission ne peuvent pas être conçues indépendamment des différentes temporalités qui les informent (comme le remarque également l’introduction de ce numéro).

  • 4 En français dans le texte (ndt).

6Une analyse de la transmission culturelle devrait donc pouvoir expliquer les ontologies du temps sur lesquelles elle s’appuie – aussi bien celles de l’anthropologue que celles qui ont cours localement. Mais cela ne semble pas suffire. En effet, ni « les schémas temporels rivaux de l’évolution et de l’Histoire » (Robertson 1996 : 602) ni le temps dont on fait tous les jours l’expérience intersubjective (Munn 1992) ne peuvent proprement rendre compte (à eux seuls) de la longue durée4de la culture (voir Hodges 2008). Une ethnographie de la transmission culturelle devrait être capable de tenir ensemble, d’une part, les institutions et l’organisation de la reproduction culturelle, et d’autre part, la culture comme expérience vécue (comme expérience simultanée du changement et de la continuité). Ceci requiert de l’ethnographe qu’il s’intéresse plus systématiquement au temps et à l’Histoire (Hodges 2008 ; Hirsch & Stewart 2005), là où la temporalité structure la vie sociale qui la structure en retour, et où l’historicité est vue comme « une situation humaine en flux permanent, où les versions du passé et du futur prennent leur forme présente en fonction des événements, des besoins politiques, des formes culturelles disponibles et des dispositions émotionnelles » (Hirsch & Stewart 2005 : 262). L’anthropologue doit donc regarder comment différentes temporalités s’expriment dans la vie quotidienne, et comment les modèles culturels du temps influencent la façon dont les continuités sociales et le devenir des individus dans l’Histoire sont perçus. Joel Robbins offre un excellent exemple de cette approche dans son ethnographie du « millénarisme quotidien » dans la culture urapmin de Nouvelle-Guinée. Il y montre comment les Urapmin peuvent vivre dans un monde « où le temps est à la fois continu et discontinu, et où l’attente millénariste peut se mêler aux préoccupations du quotidien » (Robbins 2001 : 544). À travers une analyse subtile des différentes temporalités présentes dans la société urapmin, il révèle le rôle que joue le récit dans la reproduction des perceptions du temps qui caractérisent le millénarisme urapmin. C’est le récit qui rend possible le millénarisme quotidien : l’usage, par les Urapmin, d’une « structure narrative qui peut “tenir ensemble” [Ricoeur] la continuité et la possibilité toujours présente d’un changement radical » (Robbins 2001 : 531). Un même cadre narratif renvoie à des temporalités multiples, qui sont ainsi rendues simultanées.

  • 5 Historiquement, les différences entre communautés vieux-croyantes n’ont rien de dogmatique (le dogm (...)

7Dans cet article, je me penche sur la question de la temporalité dans la transmission culturelle, à travers l’ethnographie d’une communauté de vieux-croyants du delta du Danube, en Roumanie. Les vieux-croyants (staroviéry) ou vieux-ritualistes (staroobriadtsy) sont un mouvement millénariste apparu au xviie siècle en réaction à une réforme de l’Église orthodoxe russe. Les vieux-croyants ne devinrent un mouvement organisé qu’une génération après le schisme, mais à ce stade, ils étaient déjà divisés par un deuxième schisme dû à des opinions divergentes sur l’autorité canonique. Les vieux-croyants « prêtrisants » (popovtsy) continuaient à reconnaître la lignée apostolique de l’Église orthodoxe ; ils l’ont même recréée, et ils ont pris grand soin de la préserver jusqu’à aujourd’hui. Les vieux-croyants « sans prêtres » (bezpopovtsy) abolirent complètement le clergé et placèrent la responsabilité du culte entre les mains de leurs anciens5.

8En 1666, l’Église orthodoxe russe officielle excommunia tous les pratiquants du rite ancien. Aidée par un État de plus en plus autoritaire, elle prit l’initiative d’une persécution brutale des vieux-croyants. Beaucoup furent tués, s’immolèrent ou moururent sur le bûcher – tels leur dernier évêque, Pavel de Kolomna (en 1656) ou leur célèbre dirigeant, l’archiprêtre Avvakoum (1682). Pour échapper aux persécutions massives qu’organisaient les autorités civiles et ecclésiastiques, des vieux-croyants fuirent la Russie et s’installèrent dans des régions lointaines, où ils continuèrent à pratiquer l’ancienne tradition orthodoxe russe. Ils s’établirent en grand nombre dans le delta du Danube, aujourd’hui partagé entre la Roumanie et l’Ukraine. Le vieux-croyantisme s’est toujours caractérisé par ses ritualisations excessives, son ascétisme et son goût de la discipline. Ces caractéristiques essentielles ont aidé ces communautés confinées à préserver le rite ancien, l’ancienne piété orthodoxe et sa langue liturgique (le slavon d’Église). Leur lutte pour la préservation du rituel ancien contre les changements permanents du monde les a amenés à « se retirer dans le rite ». Cette retraite leur a permis de faire l’expérience d’une fusion unique du social et du religieux. Leur théologie et leur vie liturgique sont devenues un commentaire portant sur les formes d’organisation sociale qu’ils favorisent. La pratique religieuse est devenue une mnémotechnique qui permet la transmission culturelle. « C’est sur cette communauté que comptaient les fidèles pour les guider dans un monde en plein changement » (Robson 1995 : 52).

Le millénarisme quotidien

9Artiom – c’est le nom du vieil homme au livre que j’ai présenté au début de cet article – appartient à une communauté de vieux-croyants « prêtrisants » située à Periprava, en Roumanie. C’est dans ce village relativement isolé, situé sur une zone frontalière, que les vieux-croyants (les Lipovènes russes, comme on les appelle aussi là-bas) sont venus s’installer en grand nombre à partir des années 1700. La région constitue également l’un des centres spirituels les plus importants du mouvement depuis qu’au xixe siècle une nouvelle hiérarchie vieux-croyante fut établie à Bila Krynytsya. Des liens forts, culturels et familiaux, unissent les vieux-croyants de part et d’autre du Danube ; mais pendant soixante ans, il leur fut pratiquement impossible de se rencontrer car le fleuve était également la frontière politique séparant l’Union soviétique (aujourd’hui l’Ukraine) et la Roumanie. Jusque dans les années 1950, Periprava était un village lipovène de 250 à 300 grandes familles, mais le dernier demi-siècle a connu un déclin constant de la population, aujourd’hui réduite à 100 ou 150 familles, dont quelques Roumains.

10Artiom, aujourd’hui âgé de soixante-treize ans, est né dans la région, où il a passé toute sa vie. Illettrée, sa famille l’envoya tout de même, enfant, apprendre le slavon d’Église. Les communautés vieux-croyantes n’ont pas d’école où apprendre à lire et à chanter pour le culte ; des lettrés avaient pris l’initiative de faire former quatre ou cinq enfants par un ancien. Celui-ci leur enseigna le slavon d’Église et le chant khomovoe ou znameny, une sorte de plain-chant dont la notation utilise des signes spéciaux (znamena) ou des crochets (kryuki). Chez les vieux-croyants, la prêtrise est une institution qui dépend de la communauté villageoise, et l’on n’a pas besoin d’une instruction scolaire pour devenir prêtre. On choisit, à l’intérieur de la communauté, des enfants à qui on apprend à lire les livres liturgiques en slavon d’Église, et à qui on transmet tout ce qu’il faut savoir sur le rite ancien. Ils sont ainsi préparés à servir l’Église en tant que lecteurs de psaumes, diacres ou prêtres. Artiom décrit la tradition unique qu’est, chez les vieux-croyants, la prêtrise organisée par la communauté villageoise : « Dans le rite ancien, on choisissait les prêtres dans le peuple : on prenait parmi les plus capables [destoinic] un garçon réservé qui savait lire les livres liturgiques. »

  • 6 Ce fut souvent le cas sous le communisme : le manque de prêtres encourageait les communautés vieux- (...)

11La stricte observance du rite ancien impliquait que l’on respectât scrupuleusement les prescriptions de l’orthodoxie russe du xviie siècle telles qu’elles étaient consignées dans les livres liturgiques. Mais tous ceux d’avant la réforme furent interdits après 1666 ; les autorités civiles et ecclésiastiques brûlaient les ouvrages qu’elles trouvaient. Les vieux-croyants en avaient besoin pour leur liturgie ; ils tentèrent de les préserver, conservant avec soin les exemplaires anciens, les recopiant à la main ou les imprimant lorsque c’était possible. Cette profonde considération pour les livres liturgiques, essentielle pour le culte et pour la transmission de leur culture religieuse, a donné naissance à une étonnante culture bibliophile. Les livres, les lettres pastorales et les traités recopiés et distribués entre les différentes communautés vieux-croyantes les ont amenées à créer une « communauté textuelle » autour de certaines pratiques de la lecture et de l’écriture (Crummey 1993 ; Robson 1995). Les prêtres se faisant rares, les vieux-croyants développèrent leurs pratiques religieuses autour d’» offices de lecture », ces offices liturgiques qui pouvaient être célébrés par des diacres ou des lecteurs, en l’absence d’un prêtre. À peu près toutes les communautés vieux-croyantes pouvaient, si nécessaire, satisfaire leurs besoins religieux du moment qu’elles avaient un lecteur de psaumes (chital’nik) : quelqu’un qui, comme Artiom, sache lire le slavon des textes liturgiques d’avant la réforme6.

12Artiom avait été pendant bien des années le diacre de l’église du village, mais des problèmes de santé l’avaient forcé à abandonner le diaconat. Il restait l’un des lecteurs de psaumes de la communauté, qui en comptait deux. Malgré son âge, il était encore très actif dans l’église de la communauté car celle-ci était sans prêtre depuis deux ans. Le dernier en date, Fr. Sergheï, qui avait officié pendant douze ans, fut immobilisé dans son lit par un accident lui ayant cassé les deux jambes. La communauté eut tôt fait de choisir un jeune homme pour en faire le nouveau prêtre. La tante de ce garçon l’avait adopté, enfant, après la mort de ses parents, et l’avait convaincu de suivre les traces de son grand-père, qui avait été un prêtre respecté au village. Passé sa vingtième année, le jeune homme étudia avec l’ancien prêtre, Fr. Sergheï, et entreprit un début de formation liturgique au siège métropolitain de Brăila. Malgré cela, il ne se sentait pas prêt pour les rigueurs et l’ascétisme d’une vie de prêtre. Ses hésitations n’étaient pas seules en cause ; il était, les villageois en avaient conscience, trop jeune, et il se devait d’être marié pour devenir prêtre – chez les vieux-croyants, on n’est prêtre que si l’on est marié. Or, l’exode des jeunes vers la ville rend la recherche d’une femme au village (et aussi bien dans toute la région) de plus en plus difficile.

13L’absence de prêtre, qui se prolongeait, préoccupait constamment les villageois – en premier lieu les anciens, que les questions religieuses intéressent le plus. Le diacre et les deux lecteurs, Artiom et Martian (son collègue plus âgé) assuraient à eux seuls l’office liturgique à l’église. Mais les rites n’étaient jamais accomplis intégralement : tout ce qui ne pouvait pas être célébré sans prêtre – l’eucharistie par exemple – était omis, et la liturgie n’allait jamais jusqu’à son terme. En pratique, l’absence de prêtre faisait qu’à l’église on n’accomplissait jamais un rituel sans hésitations. Déplorant cette absence et ses conséquences sur la pratique rituelle, Artiom exprimait le sentiment de confusion et de défiance qui avait envahi le culte dans cette communauté :

Toute notre vie tourne autour du prêtre.

C’est ce que l’on nous a enseigné : nous

sommes des communautés lipovènes,

nous avons quitté la Russie en 1712-1713

avec les prêtres, et nous sommes venus ici

[en Roumanie]… Sans lui [le prêtre], nous

pouvons célébrer la liturgie, mais pas comme

il faudrait. [La communauté] c’est comme

une usine, si un seul rouage ne fonctionne

plus, le système entier cesse de fonctionner.

14Et, de fait, ce rouage manquant inquiétait les villageois au plus haut point, comme le montre leur recherche frénétique d’un nouveau prêtre. En plus du souci permanent d’avoir un prêtre pour Pâques, Noël et la fête du saint patron, lorsque quelqu’un mourait soudainement.

15La mort était chose fréquente dans cette communauté vieillissante et chaque décès ajoutait au sentiment général de déperdition. La mort, la « bonne mort » en particulier, constitue pour tous les vieux-croyants une importante préoccupation. Lorsque l’un d’entre eux quitte ce monde, son passage est marqué par des rituels complexes (Warner 2000a, 2000b ; Gog 2009). Le mort, qui conserve son « humanité » jusqu’à l’enterrement, a droit à tous les égards de la part de la communauté : on s’occupe de lui, on le lave, on l’habille, on le touche, on l’embrasse. On l’installe également dans la maison, le regard tourné vers le coin où il peut voir les icônes des saints. Pour « accompagner » (provodit) le mort, on doit célébrer un très long rituel, qui commence à la maison, s’achève temporairement au cimetière, mais se poursuit en réalité pendant au moins une année durant laquelle sont célébrés régulièrement des offices où l’on prie pour le mort. Artiom, ou son collègue, passaient habituellement la journée et la nuit près du cercueil, à prier pour le mort et à attendre le matin de l’enterrement et l’arrivée du prêtre, venu célébrer les funérailles. La communauté entière accompagnait ensuite le mort jusqu’à sa tombe.

16Comme tous les rites de passage, les funérailles célèbrent et consacrent un moment particulier dans une vie : un moment où convergent le social et le sacré. Mais les enterrements ont ceci de particulier que le deuil y est à la fois entreprise collective et émotion individuelle ; chaque individu a perdu une personne, et la communauté a perdu un membre. À Periprava, les enterrements étaient autant d’occasions de déplorer l’extinction de la communauté – sentiment condensé dans ce lieu commun, tant de fois entendu : « Encore un de nous qui s’en va ! » Un enterrement se révéla particulièrement perturbant pour la communauté parce qu’il rendit patents la crise de la transmission qui la traverse, son déclin manifeste et sa vaine recherche d’un prêtre.

Les funérailles du Vendredi saint

17Le soir du Jeudi saint de 2007, un homme mourut dans le village ; il était atteint de gangrène depuis quelque temps. Comme il refusait d’être opéré, l’hôpital l’avait envoyé mourir chez lui. Faute de prêtre, les funérailles devenaient une affaire de plus en plus compliquée pour les familles, qui devaient aller chercher un prêtre en ville, et l’amener au village à leurs frais. Tulcea, la capitale du comté, est à six heures de bateau ; on parvient à la ville voisine de Sulina en trois heures de voiture, voyage ardu vu l’état des routes. Le mort n’avait pas d’enfants et le ménage, très pauvre, n’avait rien mis de côté pour les funérailles. La veuve demanda l’aide des villageois, et plusieurs d’entre eux donnèrent une petite somme. Le tout était suffisant pour organiser un enterrement modeste, mais pas pour faire venir un prêtre de Sulina. De toute façon, on n’aurait pas pu trouver de prêtre pour une mort annoncée un Vendredi saint, deux jours avant Pâques. Le diacre et les deux lecteurs décidèrent donc d’enterrer l’homme eux-mêmes sans attendre. Quelques voisins les aidèrent à préparer les funérailles, qui eurent lieu en hâte ce jour-là, vers midi.

18Cet enterrement, le premier à être célébré sans prêtre, suscita beaucoup de discussions dans le village. On fit remarquer qu’il eût fallu donner à l’homme des funérailles régulières, célébrées par un prêtre qui l’eût « rendu à la terre » comme le voulait la tradition. Artiom admettait que même si lui, le diacre et l’autre lecteur avaient inhumé l’homme selon le rite, le rituel n’avait pas été entièrement célébré : « Il [le mort] doit être rendu à la terre [convenablement] et cela, nous ne pouvons pas le faire ; seul un prêtre le peut. » Le rituel avait été accompli comme il se devait, mais cela ne les empêchait pas de s’inquiéter : l’homme avait-il eu « une bonne mort » ?

19On pourrait voir dans ces hésitations et dans ce souci de l’autorité cléricale la manifestation ponctuelle d’une tradition de l’autorité qui s’est constituée autour de la hiérarchie ecclésiastique (et dont la chrétienté occidentale offre un exemple). Mais ce raisonnement ferait fi de l’esprit communautaire que cultivent les vieux-croyants depuis le schisme du xviie siècle (Robson 1995 : 46-52), esprit dont témoigne la façon dont la prêtrise est organisée par la communauté villageoise. Certains groupes vieux-croyants ont fidèlement préservé l’ancien modèle de la communauté chrétienne, où « chaque communauté exprime la réalité de ce que c’est qu’être une Église, unie en Jésus-Christ par l’expérience de l’eucharistie » (Louth 2009 : 10). La liturgie, point culminant de la dévotion collective, fait émerger une Église qui est une communauté de foi. Le prêtre est essentiel pour la célébration de la liturgie, mais l’accomplissement des rituels dépend d’une expérience liturgique qui engage toute la communauté et qui fait se rejoindre le prêtre et les fidèles. Cette relation, ce sont les mots de l’évêque Mikhail Semenov (1874-1916), l’un des penseurs vieux-croyants les plus originaux, qui l’expriment le mieux. Il voyait dans la liturgie l’expression absolue de l’Église, « unifiant les laïcs (le narod) et le clergé en un seul peuple divin, cherchant ensemble le salut » (Dixon 2008 : 711).

20L’absence de prêtre à Periprava fait écho – un écho puissant – à la quête interminable que les vieux-croyants entreprirent au xviiie siècle, lorsque, décidant de continuer la tradition apostolique, ils se mirent à la recherche d’un évêque. Les vieux-croyants « prêtrisants », craignant de perdre leurs liens avec le divin, tentèrent de maintenir l’institution de la prêtrise lorsque leurs prêtres moururent, en compensant leur absence par une ritualisation excessive de la vie quotidienne. Ils ne purent reformer leur lignée spirituelle qu’en 1846, lorsqu’il trouvèrent un métropolite (Amvrosios, ancien évêque de Sarajevo) qui accepta d’ordonner des évêques orthodoxes, fondant ainsi la hiérarchie de Bila Krynytsya, à laquelle appartient la communauté de Periprava (Pospielovsky 1998 ; Robson 1995).

21Ce jour de 2007 cependant, l’absence de prêtre faisait aussi écho à la date des funérailles – le Vendredi saint. « C’est aujourd’hui qu’on enterre le Christ », nous avait dit une vieille dame ce matin-là, avant d’assister à l’enterrement. Ce parallèle entre la mort d’un homme malade et le martyr du Christ en croix n’était pas accidentel : c’était un élément du mélange constant de temporalités qui caractérise le millénarisme vieux-croyant, où le présent est passé (la mort du Christ) aussi bien que futur (l’espoir du salut). La perte d’un membre de la communauté, l’absence de prêtre, un enterrement inachevé : autant de choses qui faisaient sentir à la communauté qu’elle se mourait. Plus tard, ce jour-là, Artiom lut ces signes à la lumière de l’Apocalypse, comme le font si souvent les vieux-croyants :

Cela est écrit : c’est ainsi que nous saurons

que la fin des temps est proche. Les gens

cesseront d’aller à l’église. Le père battra

le fils, et le fils, le père ! Et ce sera alors

le commencement de tous les maux.

Le kénotisme d’Avvakoum et la temporalité de l’imitation de Jésus-Christ

  • 7 Des points communs existent entre la tradition kénotique, qui insiste sur l’humanité du Christ, et (...)

22Dans le millénarisme quotidien, les temporalités distinctes du christianisme et de la vie quotidienne se mêlent dans un « modèle du temps où la vie est à la fois linéaire et potentiellement discontinue » (Robbins 2001 : 530). Ce modèle permet de vivre dans le temps présent, mais il cultive par ailleurs une attention au changement, à la rupture qu’apportera un avenir que l’on ne peut prévoir. Il est fondé en dernier ressort sur une tension entre la transcendance et l’expérience humaine, entre la vie quotidienne et la recherche du « sens ultime » (Cannell 2006 : 38 ; Robbins 2004 : 320). Comme les Urapmin, les vieux-croyants vivent leur vie de tous les jours dans l’attente de l’Apocalypse. Mais contrairement aux Urapmin, leur attente est basée sur une expérience quotidienne de la souffrance : une sorte d’imitation de Jésus-Christ orthodoxe7.

23L’historicité du temps chrétien est fondée sur la Bible, sur l’histoire de la vie et de la mort de Jésus. Les chrétiens se définissent eux-mêmes comme ceux qui commémorent la vie du Christ, en accordant une importance particulière à des épisodes précis et uniques de sa vie, tous interprétés à la lumière de la résurrection. Pâques est le point culminant de la temporalité chrétienne, parce que Pâques donne à la vie chrétienne une dimension d’éternité. C’est pour cela que l’année liturgique tout entière est organisée autour de cet événement (Connerton 1989 : 46-47).

24Tous les chrétiens doivent suivre l’exemple donné par la vie du Christ, mais les vieux-croyants, qui se sont détachés d’une tradition chrétienne particulière (l’orthodoxie russe) dans des circonstances extrêmes, ont fini par se faire de ce devoir une idée qui leur est propre. Pour eux, chaque chrétien doit subir son Golgotha (Dixon 2008 : 715). Leur refus d’accepter la réforme de l’orthodoxie russe (et plus généralement, la modernisation de la Russie), combiné à leur extrême fidélité au « rite ancien », ne fut que renforcé par les persécutions abominables dont ils furent victimes à partir du schisme du xviie siècle. Au bout d’un certain temps, la finitude de ce monde et l’imminence de l’Apocalypse leur apparurent comme des choses qu’ils pouvaient percevoir concrètement. Depuis, les vieux-croyants ont continué à voir chaque étape du processus de modernisation comme un pas de plus dans la marche de l’humanité vers sa fin. Les réflexions eschatologiques d’Artiom sur leur crise de la transmission ne faisaient que réaffirmer une culture eschatologique.

25Dès les premiers jours du mouvement, les vieux-croyants ont pensé que leur existence était inscrite dans les plans de Dieu. Leurs dirigeants, en particulier l’archiprêtre Avvakoum et sa génération, eurent soin d’interpréter leurs souffrances (et la condition humaine en général) à la lumière de l’Écriture. Les historiens du mouvement vieux-croyant montrent comment, coincé entre le discours modernisateur de l’Église, la piété orthodoxe populaire et l’autorité séculaire du Tsar, Avvakoum trouva le seul langage que ces trois publics pouvaient comprendre : le kénotisme orthodoxe (Hunt 1991, 2002). Le kénotisme met en valeur l’humilité du Christ, manifestée par l’incarnation où il se dépouille de ce qu’il a de divin pour endosser une nature humaine. En acceptant de périr sur la croix, le Christ prouve qu’il est plus humain que divin (Fedotov 1960 : 94-110). Le kénotisme de l’orthodoxie russe respecte la nature duale de l’existence humaine : le Dieu transcendant se fait humain (à travers le Christ incarné) et, en vivant une vie et une souffrance humaines, il parvient au salut et à la transcendance. Contrairement à d’autres théologies de la Passion, le kénotisme ne conçoit point de salut sans souffrance et sans humilité – elles seules permettent de reproduire la nature du Christ en toute vie humaine. L’évêque vieux-croyant Mikhail Semenov a résumé l’idéal kénotique en une phrase : « La souffrance des innocents dans le christianisme, c’est l’essence du christianisme » (cité par Dixon 2008 : 715).

26L’imitation de Jésus-Christ constitue donc pour le kénotisme l’aune à laquelle se mesure une vie chrétienne. C’est pour cela qu’Avvakoum « a voulu incarner par ses écrits la spiritualité kénotique » (Hunt 1991 : 502). Dès les premières pages de sa célèbre autobiographie, il montre, en paraphrasant saint Paul, comment on devient un vrai chrétien :

Ce sont là les vrais chrétiens :

la compréhension du Christ

les a rendus sages.

La luxure qui règne en ce monde ne les

séduit point, car ils évitent toute tentation.

Ils vivent et meurent dans la pauvreté,

et surtout meurent dans l’humilité, sans

avoir rien connu de ce qui est terrestre.

(Avvakoum, cité par Hunt 1991 : 502.)

  • 8 Ceci permet de comprendre pourquoi les vieux-croyants choisirent souvent de s’immoler par le feu da (...)

27À une époque où les vieux-croyants étaient persécutés, torturés et massacrés parce qu’ils conservaient l’ancien rite orthodoxe, Avvakoum répondait à leurs angoisses et à leurs tourments en leur montrant comment faire de leur vie une répétition du récit de l’Apocalypse (Hunt 1991 : 503). La souffrance et l’humiliation qu’ils subissaient chaque jour, ils en firent des vertus : elles témoignaient de leur condition de chrétiens ; elles les élevaient au-dessus des pouvoirs civils et ecclésiastiques8. La tension morale qui nourrissait leur culture eschatologique au xviie siècle anime encore aujourd’hui leur vie et leur vision du monde.

28Revenons à cet instant spécial où Artiom récitait quelque chose à voix basse, en tournant les pages de son vieux trebnik, et lisons enfin ce qu’il récitait de mémoire. Plus de trois siècles après qu’Avvakoum eut écrit son autobiographie, Artiom évoquait un passage de la première épître aux Corinthiens de saint Paul. La vision de la vie chrétienne qu’y révèle l’apôtre était aussi celle d’Avvakoum et de tous les vieux-croyants qui l’ont suivi jusqu’à aujourd’hui :

Car je pense que Dieu nous a exposés,

nous les apôtres, à la dernière place,

comme des condamnés à mort : nous avons

été donnés en spectacle au monde, aux anges

et aux hommes. Nous sommes fous à cause

du Christ, mais vous, vous êtes sages en

Christ ; nous sommes faibles, vous êtes forts ;

vous êtes à l’honneur, nous sommes méprisés.

À cette heure encore nous avons faim, nous

avons soif, nous sommes nus, maltraités,

vagabonds, et nous peinons en travaillant de

nos mains. On nous insulte, nous bénissons ;

on nous persécute, nous endurons ; on nous

calomnie, nous consolons. Nous sommes

jusqu’à présent, pour ainsi dire, les ordures

du monde, le déchet de l’univers.

Je ne vous écris pas pour vous faire honte,

mais pour vous avertir, comme mes enfants

bien-aimés. En effet, quand vous auriez

dix mille pédagogues en Christ, vous n’avez

pas plusieurs pères. C’est moi qui, par

l’Évangile, vous ai engendrés en Jésus-Christ.

Je vous exhorte donc : soyez mes imitateurs.

  • 9 Traduction œcuménique de la Bible.

(Première épître aux Corinthiens, iv, 9-169.)

Transmission et temporalité dans l’orthodoxie

29Que se passe-t-il lorsque Artiom témoigne devant nous de son expérience de vieux-croyant ? Comment se fait-il qu’il soit certain de suivre exactement l’idéal kénotique d’imitation du Christ qui était celui d’Avvakoum ? Comment pouvons-nous voir Artiom comme un maillon de la chaîne par laquelle se transmet, de siècle en siècle, la culture eschatologique vieux-croyante ? Dans quelle mesure ce que fait Artiom lorsqu’il nous fait la lecture, diffère-t-il du témoignage qu’Avvakoum portait devant les foules lorsqu’il affrontait les persécutions ?

30Autant de questions qui tournent autour de la transmission, de la temporalité et de l’historicité du vieux-croyantisme, de son millénarisme quotidien, et de la façon dont tout cela est transmis et produit. L’orthodoxie se voit comme une « religion de la continuité ». Elle a par conséquent formulé, des siècles durant, une théologie de la transmission raffinée, fondée sur la notion de « tradition » (Lossky 1985). Les théologiens ont beaucoup débattu de la question de la continuité. Il s’agissait d’expliquer comment l’orthodoxie, phénomène historique en transformation constante, peut rester essentiellement la même. C’est un problème crucial pour toutes les religions révélées. Chacune a sa façon d’utiliser l’exégèse et l’autorité pour le résoudre (Asad 1993). L’orthodoxie reconnaît différents modes de transmission de la révélation divine qui correspondent concrètement à l’Écriture (la Bible) et à l’expérience religieuse née de la pratique des sacrements (la Tradition). Selon cette façon de voir, l’Écriture n’est qu’une partie de la révélation, mais elle est essentielle car elle introduit « une approche linéaire de l’histoire, orientée vers un accomplissement et vers l’eschaton, la fin des temps » (Engelke 2009 :137). De son côté, la pratique des sacrements permet à chaque croyant de faire l’expérience de la révélation en acte ; c’est une instantiation du temps eschatologique. La tradition orthodoxe se réclame de ces deux modes de transmission, en qui elle voit deux formes complémentaires du savoir religieux « en complète harmonie l’un avec l’autre » (Uspensky 1993 : 142 ; voir aussi Naumescu 2007).

  • 10 Comme le montre Gabriel Hanganu (2010) dans l’excellente analyse qu’il consacre aux icônes miracule (...)

31La conception orthodoxe de la tradition, qui implique à la fois du changement et de la continuité, s’est exprimée selon les époques dans diverses formes de religiosité, qui constituent des sources de sagesse révélée parallèles à la Bible. Pour comprendre ce qui se joue dans la transmission et dans la médiation orthodoxes, il est bon de comprendre l’usage des icônes, et la façon dont Dieu s’y fait sensible pour le croyant ordinaire. Les icônes relient, de la façon la plus immédiate, le royaume de la transcendance et le monde matériel. C’est ce que David Freedberg (1989) nomme « une esthétique de la présence ». La relation sensorielle directe que permet l’image sainte s’associe à des dévotions corporelles et matérielles. Les icônes représentent toujours un prototype (par exemple le Christ), mais elles possèdent leur propre historicité et leur propre pouvoir agissant, où s’entrecroisent la transcendance (invisible), le monde matériel et la vie sociale10. Les vieux livres d’Église jouent le même rôle pour les croyants. Ainsi ceux qu’Artiom nous avait montrés, un trebnik (petit euchologe) du xixe siècle et une Bible du xviiie siècle, imprimés en Russie, sont plus que des manuels liturgiques, ils sont devenus des objets de piété visuelle (Morgan 1999). Les livres associent la matérialité du texte à l’immatérialité du Verbe ; ce sont à la fois des objets de vénération dans la pratique rituelle et des supports du savoir théologique. Tout comme les icônes, les livres renvoient leurs lecteurs à une réalité qui se trouve au-delà de l’objet matériel tout en conservant un caractère sacré qui leur est propre (Scheffel 1991 : 221-224). Parce qu’elle implique les livres et leur langue sacrée (le slavon d’Église), la lecture devient ainsi « une pratique cruciale pour définir une relation avec Dieu » (Engelke 2009 :155) et pour la vivre. La lecture est avant tout une prière, pas une exégèse ou une aide pour la liturgie. En faisant la lecture dans sa cour, Artiom fait en réalité acte de dévotion. Par ce biais, il inscrit son identité ordinaire dans les plans de Dieu. C’est de stratégies comme celles-ci, de stratégies de mélange des temps, qu’est fait le millénarisme quotidien des vieux-croyants.

32Les vieux-croyants doivent souvent substituer la lecture à l’office à la liturgie. Apogée de la dévotion chrétienne, la liturgie est l’expression la plus élaborée de la religiosité orthodoxe. Par la vénération des icônes, le chant, la lecture, les prostrations, la communauté fait l’expérience du divin. Chez les vieux-croyants, le culte qui fait le salut de la communauté l’engage tout entière : rien n’illustre aussi bien cela que leur liturgie. C’est aussi par la liturgie que passe la transmission de la religion orthodoxe. Les deux modes de transmission décrits plus haut s’y réunissent, représentés par les deux composantes de la liturgie orthodoxe : la liturgie du Verbe et la liturgie de l’Eucharistie. Ensemble, elles « constituent pour les fidèles de l’orthodoxie […] les deux principaux pôles autour desquels s’organise l’unification de l’orthodoxie d’hier, et de ce qui constitue aujourd’hui sa vie et sa pensée » (Uspensky 1993 :143). À chaque célébration de la liturgie, de multiples temporalités se rencontrent ; leur combinaison fait l’historicité de l’orthodoxie. Les livres des vieux-croyants maintiennent la liturgie dans une remarquable immuabilité de forme et de langage. Si dans certains contextes cette immuabilité de la langue est un facteur de continuité, dans d’autre contextes, la langue et le rituel deviennent des facteurs de discontinuité (Schieffelin 2002 ; Robbins 2001).

33Bambi Schieffelin, discutant la conversion des Bosavi au christianisme, montre comment les missionnaires introduisirent chez eux un nouveau cadre temporel, le temps occidental. Ils le firent en utilisant leur langage – un vocabulaire nouveau qui caractérisait le temps différemment, et de nouvelles pratiques de l’éloquence : les sermons, le catéchisme. En revanche, pour les vieux-croyants russes du xviie siècle, le langage était un symbole sacré que la réforme orthodoxe ne pouvait modifier ; c’est ce qui leur fit refuser toute modification de la pratique et des livres liturgiques. Leur conception du langage et de la liturgie était bâtie sur l’identification de la forme et du contenu, du symbole et du dogme, sur l’unité organique de la croyance et du rituel : autant d’aspects caractéristiques de l’orthodoxie qui constituent également des distinctions cruciales dans la chrétienté occidentale d’après la Réforme. Le plus petit changement introduit par un réformateur orthodoxe était perçu par les vieux-croyants comme porteur de lourdes conséquences pour leur salut. Sachant qu’ils ne pourraient maintenir la cohérence doctrinale de l’orthodoxie que par une pratique correcte (Scheffel 1991 : 211), les vieux-croyants défendirent les anciennes formes textuelles et rituelles contre tout changement. La ritualisation excessive de la pratique liturgique et de la vie quotidienne découlait directement de cette façon particulière de voir l’immanence. Elle leur offrait aussi une chance de salut.

34À Periprava, les vieux-croyants incapables, faute de prêtre, de célébrer complètement les rites, connaissaient une anxiété constante qui rendait d’autant plus patente la crise de transmission qu’ils traversent actuellement. Pour Artiom et sa communauté, ne pas pouvoir célébrer facilement une liturgie complète au village, c’était n’avoir qu’une vie chrétienne incomplète, c’était être en crise. Les mots de l’évêque Mikhail Semenov, mentionnés au début de cet article, « Sans la liturgie, il n’y a pas de christianisme », sont en accord parfait avec leurs sentiments.

Conclusion

35J’ai montré ici qu’une ethnographie de la transmission religieuse devrait considérer les différentes temporalités qui s’expriment dans la façon dont les natifs perçoivent la continuité (ou le changement) et dans les modèles de la transmission culturelle qu’utilisent les anthropologues. Parler de « changement » et de « continuité », d’un point de vue étique ou émique, c’est faire appel à des façons particulières de concevoir la temporalité, à des idées concernant l’intrication mutuelle du passé, du présent et du futur. Une analyse de la transmission culturelle qui prendrait en compte les ontologies du temps qui la sous-tendent promet d’ouvrir de nouvelles perspectives. Rendre les anthropologues conscients de leurs propres conceptions du temps serait déjà beaucoup. Depuis que Johannes Fabian (1983) a discuté les usages de la notion de temps en anthropologie, les anthropologues se sont aperçu des difficultés épistémologiques qu’il y a à rendre compte, par l’écriture, des expériences intersubjectives du temps telles qu’elles sont vécues sur le terrain. Refusant de traiter leurs interlocuteurs en contemporains, les anthropologues ont postulé une distance temporelle et spatiale que l’anthropologie contemporaine, façonnée par une « esthétique de l’émergence » qui maintient un décalage temporel entre le savoir et son objet (voir Miyazaki 2004 : 136-139), continue à reproduire. Les ethnographies les plus récentes du christianisme ont affirmé que les anthropologues, plongés dans une ignorance de leur propre ontologie temporelle (ce que Robbins appellerait un « continuisme »), n’ont pas vu que le christianisme est un modèle culturel légitime. De façon différente, mais avec des résultats similaires, la littérature sur la transmission religieuse (Boyer 1994 ; Whitehouse 2004 ; voir aussi l’introduction de David Berliner à ce volume), inspirée par des avancées récentes de la psychologie cognitive, a tendance à cultiver une vision mécaniste de la transmission, qui prend place à l’intérieur du cadre temporel de l’évolution humaine. Aucune de ces deux approches ne laisse de place aux théologies de la transmission qui ont été développées par différentes traditions religieuses, et qui tentent d’expliquer, avec leurs propres concepts, leur historicité et leur immuabilité.

36J’ai proposé ici une autre perspective, qui porte une attention particulière aux divers cadres temporels où se déroule la transmission, et aux relations qu’entretiennent la temporalité et la vie sociale dont celle-ci émerge. Le millénarisme quotidien des vieux-croyants est produit par des interactions actives avec les autres (à l’intérieur et à l’extérieur de la communauté), avec des objets matériels, des pratiques de lecture et d’écriture, des lieux, etc. Et pourtant il produit (ou reproduit) également l’histoire des vieux-croyants du passé et l’anticipation de leur salut à venir. On suppose souvent que la transmission culturelle (comme continuité) passe simplement par la socialisation et l’enculturation, sans distinguer les différentes pratiques et les différentes façons de concevoir la temporalité qu’elle implique. Il est bon de réfléchir sur le cas des vieux-croyants pour comprendre ce qu’une vision eschatologique du temps a à nous dire du changement et de la continuité, à ce moment précis de son histoire. Il nous montre comment cette vision est incluse dans les modalités particulières de la transmission religieuse. La bibliophilie sacrée que l’on cultive autour des livres liturgiques, leur lecture, leur récitation, la pratique de l’écriture : la communauté textuelle vieux-croyante est le produit de tout cela. Leur organisation religieuse, basée sur la dévotion de toute la communauté, le retrait du monde et le ritualisme du quotidien, ont assuré la reproduction sociale de leur culture eschatologique. La liturgie, expression unifiée de l’orthodoxie et de l’orthopraxie vieux-croyantes, a assuré la transmission correcte de la spiritualité kénotique telle qu’Avvakoum la concevait dans la Russie du xviie siècle. En ces temps de crise pour la communauté, le kénotisme pourrait encore montrer la voie à ceux qui souhaitent y rester, pour aller au bout d’une vie chrétienne.

37* L’auteur remercie David Berliner pour la longue conversation qui a amené à ce papier, et une relectrice anonyme pour ses commentaires éclairants.

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Notes

1 Cité par Roy Robson (1995 : 41).

2 Robbins, quoique familier des traditions chrétiennes qui mettent l’accent sur la continuité plutôt que sur la discontinuité, affirme avoir choisi de travailler précisément sur un idéal-type de christianisme protestant, parce que c’est ce christianisme-là qui représente le mieux l’idée que les anthropologues se font de cette religion (Robbins 2007 : 16-17).

3 La question de la continuité culturelle a toujours été au cœur de l’anthropologie ; nier l’hypothèse de la continuité culturelle reviendrait à nier que notre discipline a un objet. Sur ce sujet, voir aussi Fabian (1983), qui reproche aux anthropologues de se mettre à distance de leurs sujets (dans le temps aussi bien que dans l’espace), et de refuser de les traiter en contemporains.

4 En français dans le texte (ndt).

5 Historiquement, les différences entre communautés vieux-croyantes n’ont rien de dogmatique (le dogme est toujours celui de l’orthodoxie) ; elles sont dues à des querelles concernant la célébration des sacrements et le fait de rompre ou de garder le contact avec les autorités religieuses ou civiles (Robson 1995).

6 Ce fut souvent le cas sous le communisme : le manque de prêtres encourageait les communautés vieux-croyantes à organiser leur vie religieuse sans prêtre, les doyens du village, hommes et femmes, se chargeant de célébrer des services liturgiques (Paert 2005 ; Rogers 2008).

7 Des points communs existent entre la tradition kénotique, qui insiste sur l’humanité du Christ, et la tradition chrétienne occidentale, qui propose les souffrances et la crucifixion du Christ comme modèle de dévotion (Fulton 2005 ; Pelikan 1999).

8 Ceci permet de comprendre pourquoi les vieux-croyants choisirent souvent de s’immoler par le feu dans leurs églises plutôt que d’accepter la réforme du rituel : c’était pousser à l’extrême la recherche volontaire de la souffrance (Robson 1995 : 16).

9 Traduction œcuménique de la Bible.

10 Comme le montre Gabriel Hanganu (2010) dans l’excellente analyse qu’il consacre aux icônes miraculeuses de l’orthodoxie roumaine, les icônes ont une puissance propre même lorsque ce sont des copies d’une autre icône miraculeuse.

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Pour citer cet article

Référence papier

Vlad Naumescu, « Le vieil homme et le livre »Terrain, 55 | 2010, 72-89.

Référence électronique

Vlad Naumescu, « Le vieil homme et le livre »Terrain [En ligne], 55 | 2010, mis en ligne le 01 janvier 2014, consulté le 09 décembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/terrain/14065 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/terrain.14065

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Auteur

Vlad Naumescu

Université d’Europe centrale, Budapest

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Droits d’auteur

CC-BY-NC-ND-4.0

Le texte seul est utilisable sous licence CC BY-NC-ND 4.0. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.

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