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Transmettre

Anthropologie et transmission*

David Berliner
p. 4-19

Résumés

La transmission est une question très chère au cœur des anthropologues. Pourtant, rares sont les études qui prennent le transmettre comme point de départ, comme un objet d’étude « en lui-même et pour lui-même ». Dans cet article, je montre combien la transmission hante les fondements de notre discipline et comment elle continue d’animer la plupart des débats anthropologiques contemporains, notamment via le succès de notions comme « mémoire », « réinvention » ou « persistance ». Enfin, je me demande comment approcher ethnographiquement cette réalité insaisissable qu’est le transmettre.

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Texte intégral

* Je tiens à remercier chaleureusement Joël Noret, Benjamin Rubbers, Laurent Legrain, Arnaud Halloy et Anne-Laure Cromphout pour leurs commentaires enthousiastes sur les ébauches préliminaires de ce texte.

  • 1 « Cette crise générale qui s’est abattue sur tout le monde moderne et qui atteint presque toutes le (...)

1S’il est une question aujourd’hui centrale dans les propos des acteurs auxquels nous nous frottons à travers nos expériences d’anthropologues, c’est bien celle de la transmission. Transmettre, que l’on entendra comme le processus consistant à « faire passer quelque chose à quelqu’un » (Treps 2000 : 362) et qui contribue à la persistance, souvent transformées, de représentations, de pratiques, d’émotions et d’institutions dans le présent (Olick & Robbins 1998), est en effet au cœur des préoccupations de nos interlocuteurs, principalement sous la forme de discours sur la « crise de la transmission ». Combien de fois n’ai-je pas été confronté sur mon terrain guinéen (Berliner 2005a) ou, plus récemment, à l’Unesco, à l’omniprésence de propos nostalgiques sur la perte, l’oubli, la nécessité ou l’impossibilité de transmettre ? De fait, partout à travers le globe se lisent aujourd’hui sur les lèvres de nos informateurs des discours « de crise1 » sur la disparition des sociétés (la leur ou celle des autres), des formes de vie, des valeurs, des identités, des racines, des langues et j’en passe. À entendre nombre d’entre eux, transmettre est devenu une valeur aussi bien individuelle que politique, dont l’intention peut être l’affirmation de soi dans un contexte perçu comme mondialisé et déracinant.

2Loin d’être d’insignifiantes plaintes, ces lamentos sur l’effacement du « souffle de l’air dans lequel vivaient les hommes d’hier » (pour reprendre la belle formule de Walter Benjamin) et sur l’absence d’un rendez-vous intergénérationnel tant attendu nous invitent à réfléchir sur la manière dont transmission, crise de la transmission, persistance et perte sont pensées et vécues par nos multiples interlocuteurs dans le tissu, aujourd’hui globalement interconnecté, de leurs représentations et de leurs préoccupations locales. Bien qu’un espace considérable reste à défricher en ce domaine, certaines ethnographies ont commencé à nous faire méditer sur ce besoin revendiqué et souvent politisé de racines et de transmission, forme nostalgique qui est maintenant en pleine expansion planétaire (Ivy 1995 ; Harris 1995 ; Metcalf 2002).

  • 2 Suivant la formule de Muriel Darmon (2007 : 6).

3Dans ce recueil d’articles, il sera non seulement question des discours réflexifs des acteurs et des collectifs sur les processus de passation, mais aussi des modèles théoriques que nous, anthropologues, sommes capables d’articuler sur le transmettre. Les six textes réunis dans ce volume cherchent à décrire et à expliquer la transmission et l’apprentissage de pratiques, de représentations, d’émotions, en mettant en relief les processus subtils qui y président dans divers contextes de vie. Un autre défi consiste en effet, pour le chercheur féru de transmission, à en comprendre les mécanismes. Pour cette matière, j’y reviendrai, on trouve une littérature riche, au croisement de plusieurs disciplines (anthropologie, sociologie, psychologie…), mais trop diffuse. Alors qu’existent des champs disciplinaires qui prennent le rite, la culture matérielle, la mémoire, le sexe ou le transnationalisme pour des objets respectables, la transmission et son modus operandi sont rarement un point de départ, un sujet d’étude « en lui-même et pour lui-même ». Dans les pages à venir, je vais retracer l’histoire d’amour discrète que file l’anthropologie avec le problème de la transmission et montrer que les études sur le transmettre, loin de se référer à un programme de recherche spécifique, constituent surtout « une manière d’interroger le réel2 ».

Une question vieille comme l’anthropologie

4Comprise au sens très large de ces processus qui, connectant les individus, contribuent à la perpétuation du culturel, la transmission est avant tout un problème vieux comme l’anthropologie que l’on retrouve dans les textes les plus datés de notre discipline. Qu’il suffise de penser aux survivances (survivals) d’Edward Burnett Tylor qui, entouré il est vrai d’une épaisse fumée évolutionniste, cherchait à penser la persistance du passé dans le présent, le difficile travail de l’ethnographie consistant, à l’en croire, à exposer « les vestiges d’une vieille culture simpliste qui se sont graduellement transmis en de néfastes superstitions » (Tylor 1994: 410). Survivances dont il fallait certes se débarrasser en vue de l’avènement triomphal de la Raison, mais qui témoignaient surtout de l’évidence même de la « permanence de la culture » (ibid : 63). À cet égard, il faut rappeler que l’ambition de Tylor était de décrire la doctrine de l’animisme et de montrer « sa transmission dans l’évolution de la pensée religieuse » (ibid : 326).

5Quelques décennies plus tard, l’idée de « passation », ce passé qui « passe » dans le présent, se retrouve avec force dans la plupart des définitions classiques de la culture (tout particulièrement par l’école américaine), lesquelles sont quasiment toujours associées à la question de sa transmission et de son apprentissage. Dans The Cultural Background of Personality paru en 1945, Ralph Linton caractérise la culture comme « la configuration des comportements appris et de leurs résultats, dont les éléments composants sont partagés et transmis par les membres d’une société donnée » (Linton 1945b : 32). Une perspective partagée par Alfred Louis Kroeber et Clyde Kluckhohn, qui donnera lieu à la célébrissime définition d’après laquelle « la culture consiste en formes et modèles de comportement, explicites et implicites, acquis et transmis par des symboles » (Kroeber & Kluckhohn 1952 : 357). Dans les années 1950, côté anglais et dans un style très différent, Alfred Reginald Radcliffe-Brown (1952 : 5) suggère que « c’est par l’existence de la culture et de traditions culturelles que la vie sociale humaine diffère fondamentalement de la vie sociale des autres espèces animales », notamment par « la transmission de manières acquises de penser, de sentir et d’agir qui constitue le processus culturel, trait spécifique de la vie sociale de l’homme ». S’ensuivra, pour revenir à la lignée culturaliste américaine, la formulation geertzienne bien connue de la culture : « modèle de significations incarnées dans des symboles qui sont transmis à travers l’histoire, un système de conceptions héritées qui s’expriment symboliquement, et au moyen desquelles les hommes communiquent, perpétuent et développent leur connaissance de la vie et leurs attitudes devant elle » (Geertz 1973 : 89). Et l’on pourrait multiplier les exemples parmi les textes fondateurs, qui tous mettent l’accent sur le fait que la culture se transmet (non pas par des mécanismes biologiques, mais bien par l’apprentissage et l’éducation), et que la transmission contribue nécessairement à la perpétuation du culturel.

6Au regard de ce constat, le concept de « culture » n’est pas isolé. Il en va de même pour la notion de « tradition », une autre idée clé qui a occupé une place de choix dans la panoplie conceptuelle de générations d’anthropologues. Oui, la tradition aussi se transmet. Dans son indépassable article « Techniques du corps » , Marcel Mauss (1971 : 115) souligne le lien naturel entre tradition et transmission (« Une fois créée, la tradition est ce qui se transmet ») et affirme : « Il n’y a pas de technique et pas de transmission, s’il n’y a pas de tradition. C’est en quoi l’homme se distingue avant tout des animaux : par la transmission de ses techniques et très probablement par leur transmission orale » (Mauss 1950 : 134), une idée aujourd’hui contestée par les éthologues et les primatologues. Plus récemment, Jean Pouillon (1991 : 701) définit une tradition comme « ce qui d’un passé persiste dans le présent où elle est transmise et demeure agissante et acceptée par ceux qui la reçoivent et qui, à leur tour, au fil des générations, la transmettent ». D’aucuns se risquent même à parler de « mémoire de la tradition » (Becquelin & Molinié 1993), une formule résolument redondante. Et quand bien même certaines traditions peuvent être recréées et fictives, elles n’impliquent pas moins la transmission d’éléments du passé dans le présent. Comme le signale Eric J. Hobsbawm (1983 : 1), les traditions inventées « impliquent automatiquement une continuité avec le passé. En fait, là où c’est possible, elles tentent normalement d’établir une continuité avec un passé historique approprié ». Transmission quand tu nous tiens…

7Enfin, dans l’histoire de notre discipline, il est un lignage en particulier qui s’est emparé très sérieusement de la transmission culturelle. Je pense à Melville Herskovits (1956), l’anthropologue américain établi à Northwestern, élève de Franz Boas qui avait développé, depuis le début des années 1930, un intérêt prononcé pour la transmission culturelle telle qu’elle se manifestait à travers les processus d’» acculturation ». Bien qu’Herskovits se soit d’abord présenté comme un penseur du dynamisme et du contact des cultures, insistant sur la nécessité de penser dans le même mouvement stabilité et changement culturels, on remarquera sa volonté de montrer l’existence de continuités, de « rétentions » entre l’Afrique et les Amériques noires. Pour cela, Stefania Capone (2005 : 27) nous rappelle avec justesse que son Myth of the Negro « était consacré à la manière dont les Afro-américains avaient préservé leur culture malgré l’oppression et la discrimination des Blancs », à ces africanismes qui, bien qu’intégrés et adaptés à leur nouveau milieu, avaient été conservés outre-Atlantique. Ce faisant, Herskovits augurera du développement d’un champ de recherche entier sur les survivances africaines dans les Amériques, cette mémoire des esclaves africains, héritage culturel transatlantique inscrit dans le présent de leurs descendants afro-américains brésiliens, cubains. En prônant une posture épistémologique résolument historiciste, il nous invite surtout à « prendre le passé en compte dans l’étude de la culture » (Linton 1945a : 145), ce passé qui continue d’agir sur le présent des groupes et des individus.

8Dans la même veine, Roger Bastide, lecteur assidu de Maurice Halbwachs et de Claude Lévi-Strauss, témoignera de son intérêt pour ces « centres de continuité et de conservation sociale » (Bastide 1970 : 87), notamment « ces initiés qui, d’Afrique en Amérique, ont porté sous cette forme de montages physiques, dans l’intimité de leurs muscles, les dieux et les ancêtres ethniques – de telle façon qu’il suffisait, sur la nouvelle terre, d’entendre à nouveau les leitmotivs musicaux des divinités que l’on avait incarnées en leur chair, pour que l’Afrique se réveille et s’exprime à nouveau » (ibid. : 88). Pour ces deux auteurs, « transmission », qui se rapporte aussi à la circulation ou à la diffusion géographique de traits culturels par-delà l’Océan, rime toujours avec permanence du passé dans le présent. Car si la culture ou les traditions se transmettent jusqu’à ce jour, cela signifie également qu’elles résistent à des changements sociétaux et à des ruptures historiques, parfois traumatiques. Cette idée, on le verra, va faire son chemin chez les anthropologues. Mais surtout, en essayant de comprendre comment et pourquoi certaines pratiques, certains rites ou certaines idées ont été transmis à travers les siècles (et d’autres pas), Herskovits et Bastide ont tous deux proposé des modèles pertinents pour expliquer les phénomènes de persistance culturelle.

9Bref, à lire les textes fondateurs de l’anthropologie, on ne manquera pas d’être frappé par l’une des questions fondamentales qu’ils donnent à penser : celle de la continuité, de la perpétuation du culturel, de sa transmission. Bien qu’elle n’ait pas occupé une place centrale dans les débats de notre discipline, la question de la transmission est néanmoins fondatrice du projet anthropologique lui-même, « en ce qu’elle représente l’instrument par excellence de la continuité sociale » (Choron-Baix 2000 : 357). Penser l’état d’une configuration ou d’un ordre social ou culturel et, corollairement, la persistance dans le temps de cet ordre (ou de certaines dimensions de cet ordre), du passé au présent, « stabiliser le social », selon la formule de Bruno Latour (2006), et invoquer sa durabilité, sa solidité et, dirais-je, sa transmissibilité (ou celle de certains de ses traits) est en effet inscrit au cœur même de notre démarche. Avec raison, quelques-uns voient dans l’anthropologie une « science de la continuité » (Robbins 2007) qui prend pour objet ce qui dure et se constitue en formations stables, un point de vue déjà soutenu en 1952 par Radcliffe-Brown pour qui « l’un des problèmes théoriques fondamentaux […] est celui de la nature de la permanence sociale » (Radcliffe-Brown 1952 : 10).

10Qu’il suffise de penser à Pierre Bourdieu (1972), à Fredrik Barth (1987), à Marshall Salhins (1981), à Jack Goody (1977) ou encore à Philippe Descola (2005), dont les théories respectives – l’habitus, l’approche générative de la transmission culturelle, la mythopraxis, la remémoration créatrice, les schèmes de la pratique – figurent parmi les plus emblématiques de l’anthropologie contemporaine. N’incarnent-ils pas à l’envi cet impératif anthropologique qui commande de théoriser la persistance culturelle ? Comment donc ne pas voir la transmission comme l’impensé de ces textes qui, tous, donnent à réfléchir sur la « présence du passé dans le présent » ? Comme le résume très justement Isac Chiva, « les ethnologues sont préoccupés par deux choses : comment les groupes diffèrent entre eux et comment ils assurent leur continuité avec ces différences » (cité par Jeudy 1990 : 4). Je vais montrer maintenant comment cette problématique originelle continue de motiver nos préoccupations anthropologiques les plus actuelles.

Le culte de la persistance

  • 3 « Tout ne part pas toujours en lambeaux », comme par exemple ces rites observés par l’auteur en pay (...)
  • 4 La « mémoire » est devenue un concept envahissant, parfois abusif, dans la sphère des sciences soci (...)

11Non contente de se révéler dans les couches stratigraphiques les plus anciennes de notre discipline, la vieille question de la transmission est aussi présente, sous-jacente dans la plupart des débats anthropologiques de notre temps. Plus encore, il semble qu’aujourd’hui l’anthropologie soit en proie à ce que j’appellerais un culte de la persistance, un culte dont témoigne avec force le premier sous-titre de l’introduction du livre de Christian Højbjerg, « Things Do Not Always Fall Apart 3 » (Højbjerg 2007). En effet, la persistance culturelle se retrouve maintenant sous tous les noms, « les resistance studies ou l’étude des modernités postcoloniales, de l’ethnicité, du syncrétisme et de la résurgence religieuse » (Højbjerg 2002 : 63) ainsi que les études sur les mémoires qui, mettant l’accent sur leur nature intrinsèquement « transmissible », gravitent autour du problème de la transmission4. Prenons, par exemple, le texte Memories of the Slave Trade de Rosalind Shaw (2002) relatif aux mémoires contemporaines de l’esclavage chez les populations temne de Sierra Leone. Pour résumer, l’auteure cherche à montrer que la traite des esclaves y a été oubliée en tant que réminiscence explicite et verbalisée (de fait, qui peut se souvenir de la traite atlantique ?), mais qu’elle a pourtant été « mémorisée » implicitement par le truchement d’esprits, de paysages, de séances de divination, de la sorcellerie ou dans la vie politique postcoloniale. Des traces du passé traumatique de l’esclavagisme (des traces mnésiques) ont été transmises, certes cachées et transformées jusqu’à ce jour. L’auteure met en lumière le résultat de cette transmission, qui est persistance culturelle mais aussi persistance du trauma historique dans la modernité. Dans les écrits de Shaw, mais aussi dans ceux de Paul Stoller sur les séances de possession Hauka (Stoller 1995) ou dans ceux de Jennifer Cole (2001) relatifs aux rites sacrificiels de Madagascar, « mémoire » est avant tout un synonyme de « mémoire de la société » : la capacité d’une société ou d’une culture à se reproduire dans le temps, d’une manière cohérente, sa stabilité dans des mondes contemporains fragmentés, tout en préservant en son sein les traces mnésiques des événements disruptifs du passé (voir aussi Argenti & Schramm 2009). En d’autres termes, parler ici de mémoire signifie que le passé ne s’évapore pas : les anthropologues observent la continuité de représentations – pratiques, émotions et institutions – malgré des changements sociétaux parfois radicaux, qu’il s’agisse de colonialismes, globalisations, créolisations, migrations, urbanisations, industrialisations, socialismes, etc.

12Transmission dans des mondes en rupture, continuité dans le changement, certes : on pensera évidemment ici à la notion de « structure of the conjuncture » inventée par Marshall Sahlins (1981) qui permet de penser comment les gens reproduisent leur culture tout en la transformant. Mais aussi continuité dans l’oubli, le silence. Alors que par-delà les vicissitudes de la modernité, des souvenirs, des gestes, des paroles, des émotions ou des institutions se transmettent – cela paraît désormais incontestable – l’oubli, lui aussi, se transmet comme le montre Janet Carsten (1995) chez les Malais de l’île de Langkawi. Dans ce cas, il est devenu une composante nécessaire à la persistance de ces identités de migrants qui se construisent non par l’intermédiaire de mémoires généalogiques élaborées, mais sur fond d’un oubli indispensable des liens anciens pour créer des relations de parenté entre nouveaux migrants. De même, dans son texte superbe, Nicole Lapierre explique comment les juifs de Plock ont survécu à la Shoah entre parole impossible et oubli intolérable : c’est précisément cet « entredeux douloureux, hanté » qui « seul se transmet » (Lapierre 2001 : 31). Toujours est-il que ce sont les questions de la permanence du culturel, de sa ténacité, de sa transmissibilité qui constituent les plaques tectoniques sur lesquelles s’articulent de tels débats. Car les oublis, les ruptures, les disjonctions, les traumas et les catastrophes sont autant de prismes à travers lesquels les anthropologues contemporains, affamés de longue durée (Harris 2004) et colmateurs de brèches historiques, ne cessent de penser la persistance des mondes sociaux et culturels dans les univers contemporains tourmentés qu’ils analysent. Et autant le dire clairement : mémoire, résurgence, résistance, réinvention, résilience, reproduction, patrimoine, persistance, syncrétisme, habitus, mythopraxis, néo-traditionalisme…, tous ces termes très en vogue aujourd’hui sont liés et renvoient, sans surprise, à la question de la transmission.

13Enfin, last but not least, ce culte de la persistance ne se donne pas uniquement à voir dans un intérêt prononcé pour les mémoires, les réinventions, les néo-traditionalismes… Avec un style bien différent, les nouvelles approches naturalistes qui investissent le champ des sciences cognitives (Bloch 1998, 2005 ; Boyer 1997, Whitehouse 2004) ont, elles aussi, contribué à revigorer les questionnements anthropologiques sur les phénomènes de transmission culturelle. Au croisement de l’anthropologie religieuse et des dernières avancées dans le domaine de la cognition, nombre de ces auteurs cherchent à expliquer la façon dont l’architecture cognitive humaine contribue à la génération, à la transmission et à la distribution des idées religieuses. C’est dans ce nouveau champ disciplinaire, hérité de la lointaine psychologie des religions, que Pascal Boyer a montré pourquoi certaines hypothèses religieuses seraient plus transmissibles que d’autres (Boyer 2001), tandis qu’Harvey Whitehouse distingue deux types de transmission religieuse, avec chacune ses propriétés cognitives (Whitehouse 2004), et que Robert N. McCauley et E. Thomas Lawson s’interrogent sur la réalité de propriétés formelles du rite qui permettraient de mieux le transmettre (McCauley & Lawson 2002). Alors, les héritiers de Dan Sperber, penseur emblématique de la transmission culturelle par son approche épidémiologique (Sperber 1996), seraient-ils eux aussi obnubilés par la vieille question de la transmission ? Oui, répond très justement Tanya Luhrmann, car pour ces auteurs qui, la plupart, travaillent sur les phénomènes religieux, « le problème de la religion est celui de sa transmission » (Berliner & Sarró 2007 : 98).

La transmission, entre grandes théories et menus détails

14Dans son acception la plus large, je l’ai dit, le problème de la transmission est consubstantiel au projet anthropologique et toujours déjà présent dans les débats contemporains. Pourtant, si c’est un truisme, pour nos ancêtres comme pour nos contemporains, que la culture se transmet, on sera étonné par le relatif désintérêt pour les processus complexes et les modalités concrètes du transmettre. Parlant de la passation des savoirs, Carlo Severi (2007 : 330) remarque avec justesse que « la forme du processus de transmission des connaissances, d’habitude, intéresse moins ». Dans l’introduction de La Religion comme phénomène naturel, Boyer (1997 : 8) s’étonne également : « Plus complexes encore, et totalement incompris, sont les processus qui étayent la transmission culturelle. » À cet égard, on pourra assurément invoquer la marginalité disciplinaire de l’anthropologie psychologique et de l’anthropologie de l’éducation, toutes deux d’inspiration américaine, mais aussi le manque d’intérêt historique des anthropologues pour les enfants que, de longue date, ils « n’aiment pas » (Hirschfeld 2003). Peut-être ne se sentent-ils pas très à l’aise sur ce terrain qu’ils pensent réservé aux psychologues ? Mais encore, on pourrait se demander si certaines traditions ethnologiques, peu attentives aux évolutions historiques, ont ignoré le transmettre parce qu’il était censé aller de soi dans ces sociétés dites traditionnelles et donc « hors du temps ».

15Certes, Margaret Mead avait ouvert une brèche avec son Growing Up in New Guinea (1930), posant un regard nouveau sur les processus de transmission par lesquels les enfants manus deviennent des adultes socialisés. Dans un article publié en 1956, Edward Bruner, l’un des fondateurs de la « psychological anthropolog y », nous invitait à réfléchir sur la culture « du point de vue de la transmission culturelle, le processus par lequel le contenu de la culture est appris et communiqué aux membres de la société » (Smelser & Smelser 1970 : 565). Qu’il suffise aussi de penser aux textes cruciaux de Jack Goody (1977) et de Ruth Finnegan (1977), relatifs aux arts de la récitation (oral arts), qui montrent combien les processus de transmission ne fonctionnent jamais de façon identique, mais impliquent toujours une invention et une réappropriation de la part des orateurs.

16Avec bien d’autres, tous ces auteurs ont planté les graines d’une approche qui s’appellera, au choix, « socialization », « education » ou encore « learning studies » et se construira autour des textes de Jean Lave (Lave & Wenger 1991), de Solon Kimball (Kimball & Burnett 1972) et d’Harry Wolcott (1982), principalement publiés dans la revue plutôt marginale Anthropolog y and Education Quarterly. Dans les années 1980, les anthropologues redécouvrent l’existence sociale des bambins (et l’apprentissage) et développent un corpus considérable sur les cultures enfantines (Toren 2007). Côté francophone, depuis les années 1970, on dispose aussi d’une littérature ethnologique abondante sur la transmission des savoirs naturalistes (Bromberger 1986), des savoir-faire (Chevallier 1991), des savoirs professionnels (Delbos & Jorion 2009), des savoirs initiatiques (Jamin 1977 ; Déléage 2009) et de l’apprentissage musical (Cahiers… 1988). Enfin, chez les sociologues, il existe de nombreux textes sur les phénomènes de socialisation, de l’apprentissage des fumeurs de marihuana (Becker 1953) aux théories de l’héritage familial (Lahire 1998), en passant par le dressage du corps des boxeurs (Wacquant 2002). Très riche, cette littérature n’en demeure pas moins éparse et forme une nébuleuse aux contours théoriques souvent incertains. Pas de grand paradigme en la matière, donc. Comme Lambros Comitas et Janet Dolgin le soulignent avec justesse, « la transmission culturelle, en tant qu’objet d’étude anthropologique […], ne constitue pas, à proprement parler, une école de recherche théorique » (Comitas & Dolgin 1978 : 171).

Humaniser la transmission

17Prenant appui sur ces fondations diffuses, les contributions réunies ici entendent poursuivre l’effort d’intelligibilité du transmettre, en complexifiant une vision parfois trop mécaniste et désincarnée. Tout d’abord, il s’agira de prendre au sérieux les propos que les acteurs et les collectifs tiennent sur les processus de transmission. Bien que la portée analytique du concept de transmission ait été maintes fois critiquée (Lave & Wenger 1991 ; Lahire 1998 ; Ingold 2001), nous continuerons à l’utiliser tant elle fait sens pour les acteurs eux-mêmes. Dans tous les collectifs circulent et se stabilisent des représentations relatives au transmettre : ce qui doit être transmis, comment cela doit l’être et avec quelle finalité. Cette dimension est souvent ignorée par les théoriciens de la cognition qui, en mettant l’accent sur la connaissance implicite des acteurs (Boyer 1997), en viennent aussi à minimiser les jeux d’influences complexes entre ce que ces derniers, de manière réflexive, disent et pensent transmettre et ce qu’ils transmettent en réalité. L’article d’Arnaud Halloy (voir pages 40-53) sur le culte Xangô à Recife (au Brésil) nous invite à nous livrer à une herméneutique serrée des théories locales sur la transmission religieuse, et à prendre en compte le discours réflexif des acteurs sur les conditions de la transmission (notamment son vocabulaire). Halloy montre comment, au sein d’un même ensemble rituel, des tensions peuvent surgir entre modèles opposés du transmettre.

18De tels problèmes d’ajustement entre différentes conceptions peuvent également se poser dès lors qu’il est question de patrimonialisation. Dans mon propre article (voir pages 90-105), je décris à Luang Prabang (au Laos) une scène complexe où se déploie une diversité de discours sur la transmission et sa possible crise. Une situation qui révèle les conflits d’interprétation entre les discours et les pratiques nostalgiques des experts de l’Unesco et ceux des acteurs locaux, illustrant par là même la relativité historique et culturelle de l’obligation de transmettre. Jean-Louis Tornatore développe cette idée en indiquant combien la question de la transmission est omniprésente sur la scène patrimoniale, mobilisée par des collectifs, des États et des instances globalisées (comme l’Unesco). Elle porte dorénavant aussi bien sur des monuments et sur des lieux que sur le « vivant » (naturel et culturel) que l’on cherche à protéger et à transmettre aux générations futures.

19Mais justement, comment approcher cette réalité insaisissable qu’est la transmission ? Où commence le transmettre ? Peut-on le décrire en-train-de-se-produire ou n’en relatera-t-on que les effets a posteriori ? Décrire les phénomènes de transmission, c’est reconnaître que des concepts, des pratiques et des émotions du passé ne s’invitent pas d’eux-mêmes dans le présent, dans l’esprit et dans le corps de nos interlocuteurs. Et c’est se mettre en quête des longs processus par lesquels ces objets circulent entre les générations et sont recyclés par les acteurs qui les acquièrent. La métaphore unidirectionnelle de la communication entre un « récepteur » et un « receveur » trouve ici ses limites. Jean Lave nous a appris à user du concept de transmission avec prudence et à insister sur l’« agencéité » (agency) de celui qui apprend, toujours interprète actif de ce qui lui est transmis dans le cadre d’un apprentissage « situé » (Lave & Wenger 1991). Montrer le faire-passer, c’est en effet parvenir à déployer une scène très complexe et à en traquer les médiateurs (au sens de Bruno Latour) : les acteurs, les institutions, les gestes, les interactions, les lieux, les idéologies, les moments critiques, les odeurs, les textes, les silences, les temps ordinaires, les sons, les émotions, les objets et les technologies. Dans la durée, l’anthropologue spécialiste de la transmission cherche les médias, les contextes, les types d’acteurs, les processus mentaux, les interactions et les matérialités par lesquels une telle opération de passation est rendue possible. Il se place du point de vue de l’effectuation même des pratiques, dans le tissu concret des interactions sociales et des faits de communication mais aussi des processus cognitifs, et tente de déterminer comment des manières d’agir, de sentir ou de penser sont transmises et apprises.

20Qui transmet quoi ? Dans quels réseaux de transmission, formes d’organisation et idéologies tel héritage s’est-il constitué ? En résumé, comment on transmet et comment on reçoit ? À partir de son ethnographie chez les Darkhads de Mongolie, Laurent Legrain entreprend de décrire une telle « chaîne de transmission » (voir pages 54-71). Pour expliquer la naissance de l’amour du chant, il met en lumière le dispositif socialisateur auquel participent activement parents et enfants et par lequel l’attention des enfants pour la musique devient, petit à petit, sensibilité musicale, une sensibilité qui porte certaines valeurs fondamentales de la société mongole contemporaine.

21Les enfants sont, de fait, des acteurs essentiels à prendre en compte dans l’analyse de cette chaîne. Dans sa contribution de type épidémiologique, Olivier Morin s’intéresse à la stabilité de certaines traditions enfantines, des populations pourtant très fréquemment renouvelées, et se demande pourquoi les groupes d’enfants sont tellement aptes à la transmission culturelle, la plupart du temps sans l’aide directe des adultes. Écartant les théories classiques sur la mémoire et la fidélité, Morin invoque la notion de « prolifération » pour expliquer une telle stabilité, soulignant combien certaines traditions donnent l’envie de les reproduire et sont ainsi faites pour proliférer.

22Alors que le vif succès des théories de la cognition dans notre discipline a contribué à reformuler des questions fondamentales sur la transmission (notamment en se demandant pourquoi des concepts ou des actions sont formellement plus transmissibles que d’autres), il ne faudrait pas non plus nous enfermer dans le « tout-bio » et oblitérer les dimensions expérientielle, charnelle, sociale, interactive du transmettre. La « transmission s’impose à nous […] par son caractère processuel et médiatisé », écrit le philosophe Régis Debray (1997 : 23). Et exposer la chaîne de la transmission, c’est se donner les moyens de retracer ce processus complexe et ses médiations multiples. Une scène qui, certes, fonctionne aussi de manière implicite, « hors des prises de la conscience » des acteurs, involontaire, « à l’abri même de l’explicitation » (Bourdieu 1972 : 197). La transmission est « protomémorielle ». À travers la langue, les actions, les gestes, les émotions, elle « se fait sans penser » et « agit les individus à leur insu » (Candau 1998 : 115). Mais surtout, ce paysage est mouvant, étant lui-même le résultat de processus historiques compliqués.

23Vlad Naumescu (voir page 72-89) nous invite, dans son étude, à resituer la chaîne de la transmission au sein même des mouvements historiques qui lui confèrent son style. Prenant pour exemple l’histoire traumatique des orthodoxes vieux-croyants de Roumanie, séparés de l’Église orthodoxe russe au xviie siècle, l’auteur nous rappelle l’impérative nécessité de localiser le transmettre, ses discours et ses pratiques, dans les ontologies temporelles qui lui sont propres – ici un ensemble d’individus qui voient, dans la crise de la transmission qui touche actuellement leur communauté, une confirmation de leurs croyances apocalyptiques.

24Précisément : produit des aléas de l’histoire, la transmission ne s’opère jamais de la même manière, et les phénomènes de passation sont hétérogènes et créateurs. En ce domaine, les ratages, les blocages, les réinterprétations et les recréations sont légion. Comme l’écrit avec justesse Catherine Choron-Baix, la transmission agit telle une « dynamique subtile, traversée de contradictions, entravée par les obstacles, les interférences, les brouillages et autres ratages, mais capable aussi d’engendrer de la création ou de la recréation » (Choron-Baix 2000 : 359). Dans l’introduction de son Principe de la chimère, reprenant une histoire de la tradition hébraïque des Hassidim d’Europe orientale, Carlo Severi nous livre un bel exemple de ces accidents de la transmission. Tandis que le grand-père et l’arrière-grand-père du narrateur étaient de pieux hommes dotés d’un savoir judaïque élaboré, et que son père était « un peu moins religieux », le jeune homme, le petit-fils qui raconte cette histoire, ne prie plus et ne connaît même plus le lieu des prières, mais continue pourtant de raconter cette histoire, sa « manière d’honorer Dieu » (Severi 2007 : 9). On comprend là, à mon sens, tout ce que la transmission comme « question » peut apporter à l’anthropologie. Située au cœur des processus historiques, mais aussi à l’intersection de plusieurs disciplines (la sociologie, la psychologie cognitive, la biologie ou encore les études mémorielles), la transmission nous invite à penser ces mécanismes complexes qui lient les individus et rendent possible la perpétuation du culturel. Surtout, en tant que posture épistémologique, elle interroge la manière de décrire le réel et nourrit les prémices d’une réflexion sur la continuité des sociétés humaines à l’épreuve des ruptures de l’histoire.

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Notes

1 « Cette crise générale qui s’est abattue sur tout le monde moderne et qui atteint presque toutes les branches de l’activité humaine », disait Hannah Arendt (1972 : 223).

2 Suivant la formule de Muriel Darmon (2007 : 6).

3 « Tout ne part pas toujours en lambeaux », comme par exemple ces rites observés par l’auteur en pays Loma (Guinée forestière) qui ont subi des campagnes iconoclastes répétées, lancées par le gouvernement des Indépendances et qui, pourtant, se perpétuent jusqu’à ce jour. Un phénomène de résilience religieuse que Ramón Sarró et moi-même avons pu étudier chez les Baga de la côte de Guinée (Berliner 2005a ; Sarró 2008).

4 La « mémoire » est devenue un concept envahissant, parfois abusif, dans la sphère des sciences sociales. Pour une critique de son usage « fourre-tout », voir Berliner (2005b).

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Pour citer cet article

Référence papier

David Berliner, « Anthropologie et transmission* »Terrain, 55 | 2010, 4-19.

Référence électronique

David Berliner, « Anthropologie et transmission* »Terrain [En ligne], 55 | 2010, mis en ligne le 01 janvier 2014, consulté le 13 décembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/terrain/14035 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/terrain.14035

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Auteur

David Berliner

Université libre de Bruxelles,Laboratoire d’anthropologie des mondes contemporains

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