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Radioscopie de grands lecteurs

La dimension physiologique de la lecture
Bérénice Waty
p. 128-139

Résumés

Les héros de la littérature, mais aussi les écrivains et les lecteurs, utilisent fréquemment le registre de la maladie pour parler de leur interdépendance avec l’univers de la lecture. Pourquoi cette utilisation du discours médical est-elle si prégnante et que cachent véritablement ces mots (maux) ? En se plaçant du côté des lecteurs, et plus précisément des grands lecteurs qui vivent un rapport au lire et à l’objet-livre quasi exclusif, on verra l’amplitude des références à la pathologie et au registre physiologique dans leurs propos, dénotant l’affirmation du rôle principal du corps dans l’activité de lecture. On verra enfin comment ces « syndromes » et « infections » permettent aux grands lecteurs de se distinguer de manière élitiste.

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Texte intégral

Voix off : — Ensemble, soyons vigilants à un

nouveau phénomène d’accoutumance.

[…]

Une jeune fille : — Ils m’ont dit : « Vas-y,

n’aie pas peur, tout le monde l’a fait. »

Un jeune homme : — C’est terrible d’être

dépendant à ce point. On y pense

tout le temps.

Voix off : — Aujourd’hui, tous les chiffres

le prouvent : des milliers de lecteurs

sont victimes d’un nouveau phénomène

d’accoutumance. Maléfices, le dernier

thriller de Maxime Chattam. Si vous

le commencez, vous ne pourrez plus

vous arrêter. Éditions Michel Lafon.

  • 1 http://www.maximechattam.com/fr/movie/malefices_hi.wmv [consulté en mars 2009].

1Extraits d’un spot publicitaire1tourné en noir et blanc, ces propos sont accompagnés de visages filmés de façon floue, de corps amaigris, d’une lumière diaphane. En surimpression, des images de sang, de mains suppliciées. La musique est angoissante, la voix off est froide, le décor constitué de parkings ou d’usines désaffectées. Cette vidéo mobilise la panoplie du sens commun autour de la toxicomanie et figure la lecture comme une dépendance. Images et montage renvoient au registre de la maladie, la souffrance mise en scène joue d’un imaginaire qui représente le lecteur pris dans une pratique addictive, devenu drogué aux livres.

2Métaphore physiologique s’il en est, mais représentation historique également, la « fièvre de lire » et le « fou de lecture » sont des images communes du lire. Ce constat pathologique pointait déjà à la fin du XVe siècle, lorsque Sebastian Brant notait dans La Nef des fous : « C’est le Büchernarr, le “fou de livres”, l’homme dont la folie consiste à s’ensevelir sous les livres. Sur son nez trône une paire de lunettes » (Brant 2004 : 347).

  • 2 L’auteure remercie chaleureusement Annick Arnaud pour son aide, sa patience et ses relectures.

3Ces images témoignent d’un acteur clé fréquemment absent des travaux scientifiques autour du livre, du lecteur et de la lecture : le corps. L’étude des textes littéraires et de leurs contenus, de leurs réceptions et de leurs fortunes, les travaux sur la matérialité du livre et sur ses modifications dans le temps questionnent en filigrane la figure du lecteur. Mais ils observent rarement son attitude corporelle : on la suppose implicitement immobile, comme sur tant d’œuvres picturales où celui qui lit est inactif, absorbé dans la plénitude du récit. Or, qu’est la lecture si ce n’est, en premier lieu, une activité physique ? Tenir dans les mains un ouvrage, tourner les pages, mouvoir les yeux le long des lignes ; mettre ses sens vitaux en éveil pour percevoir, recevoir et vivre le récit. Lire apparaît indubitablement comme un acte physiologique, et c’est à cette place du corps dans les pratiques de lecture que nous voudrions consacrer ces quelques lignes2.

  • 3 On songe ici bien sûr au travail de Marc Augé (1986).

4Preuve manifeste de cette prépondérance du physique, le caractère pathologique conféré par les discours aux effets négatifs de la littérature et de la lecture ainsi que la multiplication des références à la maladie et à l’alimentation. Le lecteur confondrait la fiction et la réalité, il serait sujet à des hallucinations, à des échauffements de l’esprit et du corps – dont l’onanisme, la boulimie ou un dérèglement des organes vitaux. De nombreux personnages de fiction exemplifient ce corps « souffrant » du lecteur ou cette image d’ingurgitation déraisonnable de textes. Des (auto)biographies d’écrivains ou d’acteurs du livre (éditeurs, critiques littéraires, conservateurs) empruntent aussi aux registres lexicaux et symboliques de la maladie et de l’excès : l’aveugle Borges, les malades Guibert, Barthes ou Mann (Waty 2008). En ce sens, la littérature permet d’observer une figure idéale du lecteur dont le corps est gagné par la maladie3. « Les représentations [que la littérature] crée semblent des objets sociaux d’étude à part entière qui suscitent à leur tour des réalités » (Édelman 2000 : 74). Les textes littéraires aboutissent à l’énonciation d’un « “discours logique” de l’histoire, la “fiction” qui la rend pensable » (Certeau 1987 : 119) interférant sur les façons d’être et de dire de certains lecteurs. Le physique et le physiologique, traditionnellement invisibles dans les travaux scientifiques sur la lecture, peuvent alors être traqués et perçus dans les commentaires de héros littéraires, d’écrivains ou de lecteurs narrant leur vie dans cet univers du lire. D’ailleurs, qui sont ces individus qui reprennent à leur compte de telles productions discursives axées sur la pathologie ?

  • 4 Quarante-cinq lecteurs ont été interviewés, répartis en trente-deux hommes et treize femmes.

5Dans le cadre de notre thèse de doctorat (Waty 2006), traitant des pratiques de lecture et des relations à l’objet-livre, nous avons étudié une cinquantaine4de « grands lecteurs » – soit des personnes lisant vingt-cinq livres et plus par an, selon l’artefact statistique du ministère de la Culture. Parcours de vie du lecteur, observation des bibliothèques possédées et imaginaires, habitudes d’achat et de classement, ethnographie d’une librairie, tels sont les thèmes de cette recherche. Tous ont permis de dresser des dispositions symptomatiques partagées, donnant lieu à l’analyse de l’identité du grand lecteur et de son modus operandi à l’égard de l’objet-livre.

6Cette identité s’affirme à travers un discours récurrent où la revendication de sa normalité est autant défendue que celle d’une singularité exceptionnelle. Sur un mode dual, tour à tour lecteurs ordinaires, comme les autres, ou élitistes, érudits et peu communs, nos interviewés donnent à voir combien ils ont incorporé le portrait type du lecteur fantasmé en reprenant à leur compte des pratiques et des propos largement véhiculés dans la littérature et chez les écrivains. Ces interférences entre fictions et récits de vie, entre auteurs et grands lecteurs, sont manifestes quand leurs déclarations s’appuient sur les lexiques de la maladie, des sens vitaux et de la nourriture. Les héros littéraires prennent véritablement corps et consistance physique dans ces grands lecteurs, qui n’ont de cesse de recourir à la métaphore physiologique pour se définir. Tenter de délier la pathologie du registre de la nutrition s’apparente dès lors à une gageure.

7Ce corps déréglé par différents maux symbolise une identité intrinsèque de grand lecteur. Nous voudrions donner à voir le couple lecteur-corps dans son essence première : lire est un pragmatisme, une série d’actes matériels, et celui qui lit est happé par une passion corporelle s’incarnant dans une perception avant tout sensorielle. Le prisme du discours de la maladie apparaît chez les grands lecteurs comme un moyen permettant d’énoncer des pratiques portées à l’excès.

8Trois temps vont permettre de poser et d’interroger cette représentation d’un grand lecteur soumis à de multiples dérèglements physiques. Tout d’abord, il s’agira de montrer comment les écrivains, dans leurs textes et dans ceux dont ils sont les sujets, édifient le couple lecteur-maladie. Puis d’expliciter à partir de nos matériaux la réalité contemporaine de cette physiologie marquée par la souffrance, à travers l’étude de discours mêlant pathologie et alimentation. Enfin, on s’arrêtera sur un paradoxe : pourquoi ces malades refusent-ils de « se soigner » ?

La figure littéraire du lecteur souffrant

9Au siècle des Lumières, des discours médicaux et religieux dressent des diagnostics inquiets sur la santé des écrivains et des lecteurs. Leurs auteurs, pourfendeurs de la « rage de lire » (« Lesewut ») et des dérèglements de la création littéraire, de même que leurs successeurs, font œuvre hygiéniste en multipliant les traités et les recommandations (De la santé des gens de lettres par Tissot en 1768), et en s’élevant contre « l’immoralité de papier qui prostitue les cœurs et intoxique les âmes » (selon l’abbé Bethléem en 1904). Ainsi, observant les affres de la création et l’existence des écrivains, qu’il juge pitoyable, le docteur Samuel-Auguste Tissot conclut qu’elles s’opposent au « modèle idéal d’une vie naturelle, aérée, active et équilibrée » (Chartier 1996 : 197).

10Des conservateurs de bibliothèque contribuent au portrait du lecteur malade par des observations toutes professionnelles : « Il y a entre le public et les bibliothèques le plus fâcheux échange de mauvais procédés en matière d’hygiène. Le public apporte des germes pathogènes de toutes sortes aux bibliothèques, qui les conservent d’ailleurs très soigneusement et les lui rendent considérablement augmentés » (Pelletier 1913 : 169). La poussière, ennemi juré, mêlée aux miasmes des lecteurs, serait à l’origine d’un mal spécifique et professionnel : « Dans la pathologie du poumon, une affection particulière concerne les fonctionnaires : l’asthme des bibliothécaires » (ibid.).

11Parallèlement, les gens de lettres écrivent abondamment sur les maladies ou affections dont ils sont eux-mêmes victimes ou dont ils ont affublé leurs héros. Ainsi, dans des récits personnels qui mettent en scène leur vie et leurs pratiques de lecteur, ils recourent métaphoriquement aux registres de l’infection et des troubles physiques. Évoquant sa rencontre avec les textes de Blaise Cendrars, Henry Miller estime qu’elle l’a « meurtri et couvert de bleus », et qu’il en est sorti « KO » (Miller 2006 : 79). Alberto Manguel décrit son impression sensorielle à la lecture d’American Psycho : « Je me sentais affreusement malade. Si j’avais bonne mémoire, je ne m’étais senti aussi mal qu’une seule fois auparavant, après avoir vu un chien écrasé par une voiture » (Manguel 2000a : 125). Michel Chaillou nous apprend qu’il ne peut plus lire Julien l’Apostat sans éprouver un « malaise » : « La grippe que j’ai eue quand je le lisais à quinze ans est restée entre les pages des livres de Julien » (Cessole 1994 : 5). De même, le registre de l’addiction pointe fréquemment, que ce soit celle de la drogue ou celle des « narcotiques », selon le mot de Johann Gottlieb Fichte (café, tabac, thé), dont s’entourent les écrivains lorsqu’ils travaillent à leurs textes.

12Mais il faut noter que pour nombre d’auteurs, c’est leur corps atteint de douleurs et d’insuffisances physiologiques, contraint au repos, qui explique leur prise d’écriture. L’asthme, la tuberculose, le sida, le handicap moteur : diminués physiquement, malades dans leurs chairs, ils vivent par procuration dans leur création. Ici, l’écriture apparaît comme une action curative.

  • 5 Il ne s’agit ici que de quelques exemples. Dans le cadre de notre doctorat, le corpus d’œuvres litt (...)

13De multiples fictions mettent en scène des personnages pris dans une passion extrême, organiquement ancrée. « L’innocente et délicieuse fièvre est une maladie aiguë poussée au délire » : telle serait pour Charles Nodier (1831 : 210) l’inclination de tout bibliophile. Dans Léonie dévore les livres, l’héroïne consulte un médecin, ses parents la voyant « croquer », « dévorer », « avaler d’une seule bouchée » tous les classiques de la littérature pour la jeunesse (Herbert 2003). Kien, dans Auto-da-fé, d’Élias Canetti (1991), est en proie à des phobies irrationnelles (mites, vol, feu, poussière) ; son angoisse de chaque instant, disproportionnée, le pousse à trop vouloir protéger ses vingt-cinq mille livres, et le conduit à périr dans l’incendie de sa bibliothèque5.

14Ainsi naissent de véritables légendes littéraires dont les héros-lecteurs souffrent d’une dualité psychocorporelle pathologique, faisant de leur corps l’élément symptomatique par lequel s’opère l’acte de lire et battant en brèche l’idée que cette pratique ne serait que de l’ordre de l’intellect. Pierre Bourdieu pointe la « propension du lector à s’identifier à l’auctor et participer ainsi, par procuration, à la “création” » (Bourdieu 1992 : 417). Cette capacité de mimétisme paraît transcender l’écriture même dans une reproduction de gestes, manies et déclarations de grands lecteurs qui, en une contagion symbolique, font basculer les souffrances physiques des écrivains et de leurs héros aux leurs. Une pandémie les unirait autour de la lecture. Pour parler d’eux-mêmes et se définir, ces individus empruntent à ces différents registres dans ce qui apparaît une quête de légitimité, de pouvoir et d’union avec les écrivains.

Défaillir et ingurgiter : description d’un pandémonium pathologique

15Tout au long de nos entretiens avec les grands lecteurs, par petites touches, c’est cette prépondérance du corps dans les pratiques et les représentations de l’acte de lire qui s’est fait entendre, en écho puissant aux textes des écrivains. Ils mobilisent les cinq sens vitaux afin de décrire l’acte de « prendre en main » le livre à lire et de sentir ses pages, à la recherche d’un souvenir olfactif de colle ou d’encre « de l’enfance ». Ils s’immergent littéralement dans la description physique des effets qu’un livre a sur eux. Le basculement dans le registre médical parachève cette élection du physique, voire du physiologique, et leur permet de signifier l’essence de leur identité.

Une omniprésence du pathologique dans la vie du grand lecteur

  • 6 Les expressions entre guillemets sont extraites de ces interviews. Sauf précision de l’auteur, il e (...)

16En quoi notre public diffère-t-il de Don Quichotte ou de Borges ? En rien : il fait état des constantes manifestations physiques de sa passion de la lecture, des problèmes de vue à la révulsion qu’il éprouve à lire des ouvrages jugés « nauséabonds ». Le grand lecteur s’autoproclame « drogué », « accro », « monomaniaque »6, dans une sorte de bravoure et de félicité, tout en stigmatisant la nature addictive ou comportementale de ses habitudes. « Après avoir lu Le Parfum, de Süskind, j’avais des odeurs dans le nez qui me donnaient envie de vomir », confie une lectrice. Michel témoigne dans sa chair de ces maux : « Moi, je suis comme Obélix : je suis tombé dedans quand j’étais petit. La lecture, c’est comme une petite maladie infantile qu’on garderait toute sa vie, comme les traces de petits boutons de varicelle […]. Il y a des symptômes : la fièvre quand je suis en librairie ; l’impossibilité de dormir quand je suis dans la lecture. » Cette (auto)construction de leur propre identité se dit dans le registre clinicien qu’ils adoptent.

17Leur attitude maniaque est servie par l’« anthropomorphisation » des ouvrages que produit notre lexique pour décrire cet objet dont l’intégrité leur importe tant. Les pieds de page, le dos et les nerfs du livre ou encore le corps du texte doivent être protégés, au prix de mille soins qu’ils leur prodiguent à la moindre détérioration pour les « guérir », se comparant à des « soignants » ou à des « médecins ». Et pour lutter contre le mal, ils n’hésitent pas parfois à lire avec des gants, à refuser d’emprunter dans les bibliothèques publiques des ouvrages qui risquent d’être défectueux ou sales, ou, inversement, de prêter leurs livres à des proches de peur qu’ils ne les rendent « la tranche cassée » ou les feuilles décollées ou cornées.

18La maladie se manifeste explicitement dans leurs discours et pratiques, et notamment dans un épisode commun à tous, ancré dans la petite enfance : l’apprentissage de la lecture. « Amnésie totale », « black-out », « aucun souvenir », ces termes reviennent en boucle pour témoigner de l’absence de réminiscence de cet acte fondateur. « C’est complètement effacé de ma mémoire » ; pourtant, ils parviennent à se rappeler leur première lecture, ou bien la première librairie ou la première bibliothèque fréquentées. Le récit du petit Poulou, enfant binoclard ayant pour salle de jeux la bibliothèque de son grand-père, se retrouve dans nombre de récits de vie de lecteurs : « Là, perché sur un lit-cage, je fis semblant de lire : je suivais des yeux les lignes noires sans en sauter une seule […], moitié récitant, moitié déchiffrant, j’en parcourus toutes les pages l’une après l’autre : quand la dernière fut tournée, je savais lire » (Sartre 1964 : 36). Aucune trace non plus dans l’esprit de nos grands lecteurs de ce moment qui scelle le commencement de leur passion. Cet effacement s’explique peut-être par la « violence symbolique » (Pompougnac 2000 : 512) avec laquelle l’enfant passe d’un statut de novice à celui de qui maîtrise les significations et les sons des lettres. Il pénètre dans un autre monde, celui de l’écrit ; cette rupture avec l’oralité se fait dans un apprentissage plus ou moins douloureux. L’amnésie ici peut se lire comme un traumatisme inconscient qui interdirait toute introspection mémorielle.

  • 7 Un enseignant, un ami plus âgé, un proche de la famille endossent ce rôle. Mais parfois, c’est une (...)

19Commentant leur vie de jeunes lecteurs, nos interlocuteurs poursuivent le fil rouge de la maladie à travers le personnage du passeur. Ce dernier – réel ou fantasmé7– est celui qui « transmet », « inocule », « donne le virus » de la lecture. Les grands lecteurs puisent toujours dans le vocabulaire de la pathologie, estimant que c’est à partir d’une « source de contamination » que « la fureur de lire » s’est emparée d’eux. Selon le Dictionnaire de la langue française, le « passeur » est une « personne qui fait passer frauduleusement, clandestinement une frontière, une zone interdite » : on est en écho avec l’univers de la drogue. L’Église et les médecins ont dénoncé les errances dans lesquelles est entraîné le « mauvais » lecteur (et principalement les femmes). La lecture extensive, obsessionnelle, frénétique, condamnerait donc à la Lesewut (Chartier & Hébrard 2000). Le lecteur ne parvient plus à maîtriser la démarcation entre la vérité et la fiction, il est désocialisé, soumis à des hallucinations et au dérèglement des sens : la lecture, souvent comparée à une déviance, à un vice, s’impose comme une addiction, et le passeur remplit ici une fonction première pathogène.

20Mais le corps souffre aussi dans son âme, d’où le recours au registre de la folie : « lectures démentes », « gestes de dingue ». Une lectrice se compare à plusieurs reprises à une « aliénée » : « C’est pathologique !Dès que je suis dans une librairie, je suis comme un joueur de casino : je ne peux plus me contrôler, je deviens folle. » En les qualifiant d’insensés, les lecteurs rendent extraordinaires leurs actes, attribuant à leur pratique une singularité rare – et donc précieuse. Comme ils sont convaincus de transcender la norme, le champ lexical de l’aliénation offre un cadre conceptuel à l’épanouissement de leur passion. Ils revendiquent et donnent à voir l’extravagance et l’exceptionnel, traits distinctifs de leur identité.

  • 8 Lors de travaux dans une librairie familiale de Saint-Étienne, « la collégiale des bons clients éta (...)

21L’ethnographie d’une librairie a permis d’observer d’autres franchissements de la frontière avec la maladie. Les grands lecteurs sont des clients et des acheteurs monomaniaques : les lieux qui les fournissent en livres, les parcours au sein de ces espaces sont toujours les mêmes, et la moindre modification des lieux les perturbe8. Lors de leurs visites, nombreuses, ils perdent toute notion du temps : si on les interroge à la sortie du magasin, aucun ne peut nous en indiquer la durée, même approximativement. D’autres se soucient de n’acquérir que des exemplaires « vierges » et « intacts ». Plusieurs disent choisir « avec soin » le moment de se rendre en librairie, « afin d’être sûr que les cartons de livraison arriveraient en même temps » qu’eux, afin de chercher des livres « encore dans le plastique », « protégés », condition imparable de leur perfection matérielle.

22Prendre « le dernier volume de la pile », voilà aussi comment se manifeste concrètement leur obsession maniaque du respect de l’intégrité de l’objet-livre. L’exemple de Christine est éclairant : son désir de posséder un ouvrage sans défaut matériel la pousse à chercher « celui de la fin ». Elle explique : « C’est comme quand on achète un paquet de biscottes : j’ai toujours peur que le premier paquet soit tombé et que les biscottes soient toutes cassées à l’intérieur, donc je vais enlever quelques paquets de biscottes et prendre celui qui est derrière !» Ici, cette excessive attention portée aux livres laisse à penser qu’il s’agit d’obsessions développées tant par leur mode passionnel de lecture que par leur connaissance et leur fréquentation des librairies. Les exemples littéraires et autobiographiques présentent eux aussi ce couple lecture-alimentation.

Le registre de la nutrition et de ses troubles pour se définir

23« Comme le boulimique évite la devanture des pâtisseries, je me détourne de la vitrine des librairies […]. Très vite, je me fais l’impression d’une végétarienne perdue dans une charcuterie en gros, l’étalage de boustifaille livresque m’écœure » (François 2002 : 39-40). Cette citation frappante renvoie aux métaphores culinaires et alimentaires qu’emploient nos grands lecteurs, tout aussi voraces et bibliophages, pour témoigner de leur appétit sans fin : « dévorer » un livre, se dire « boulimique » ou connaître des « fringales de lectures » par exemple. Leurs expressions concourent à une vision du grand lecteur amateur de « bonne chair » écrite, gourmet et gourmand de mots. L’entretien avec Laurent explicite cette idée : « C’est comme quand on tombe sur un sac de bonbons Haribo : on sait que ce n’est pas bon, que c’est chimique, mais on ne peut plus quitter le paquet avant de l’avoir fi ni !J’en ai lu des bouquins sans vraie valeur littéraire, juste parce qu’une fois dedans, je ne pouvais plus m’en sortir, j’étais pris dedans. Les Agatha Christie, Nicole de Buron, tout cela fonctionne sur moi comme une fraise Tagada. » Ce témoignage invite à différentes réflexions. Cherchant à se déculpabiliser de lectures « sans vraie valeur littéraire », il recourt à l’image de la friandise pour atténuer l’illégitimité qu’il leur confère. Lorsqu’il commence une histoire, quelle que soit l’œuvre, il lit jusqu’au bout, qu’elle lui plaise ou non, même s’il juge que c’est de la paralittérature. Les besoins vitaux et le goût du plaisir, dont la satisfaction impérieuse doit être immédiate, sont fortement imbriqués dans l’esprit de notre public. D’un point de vue comportemental, on est dans la boulimie, qui consiste en un besoin irrésistible et pathologique de manger, un désir intense. La littérature apparaît donc concrètement comme une nourriture de l’esprit, lire et manger étant indissociables. Ils s’en sustentent pour arriver à satiété, aussi bien sur le plan spirituel que sur le plan émotionnel.

  • 9 « Toutes mes bonnes lectures ont lieu aux toilettes. Il y a des passages d’Ulysse qu’on ne peut lir (...)

24Arrêtons-nous un instant sur ces pratiques alliant lecture et nourriture, dans un lien et un lieu bien plus qu’anecdotiques : les toilettes. Lieu qui, par son silence et son isolement, réunit parfaitement les conditions nécessaires à la lecture. Le héros de Septentrion, de Louis Calaferte, s’y cache sur son lieu de travail pour lire ; René Char déclarait lire Proust uniquement dans cet espace intime. Cet endroit pose le rapport de l’homme au temps et au corps : pour les lecteurs, il peut s’agir de « rentabiliser » ce temps passé seul. Cet acte permet au corps de s’exprimer, dans une évacuation libératrice9. Métaphoriquement, il s’impose comme le moyen d’extraire toute la saveur d’un contenu littéraire par l’action du corps qui expulse et celle de l’esprit qui s’enrichit. L’idée de se nourrir de textes est ici manifeste. Lire aux toilettes revient à combiner deux activités, par définition intimes et secrètes : c’est le caractère le plus privé qui soit de la lecture qui s’affirme ainsi, dans ce lieu fermé aux autres. Il y a une tension entre le haut et le bas, entre « la bonne odeur du livre » et la « mauvaise » produite par les déjections. Antithèse qu’exprime la métaphore de l’alimentation : lire nourrit les grands lecteurs, d’un point de vue intellectuel et spirituel (pour le haut) et d’un point de vue excrémentiel (le bas). D’ailleurs, d’autres oppositions fonctionnent pour décrire l’acte de lire aux toilettes : le propre récusant le sale, la beauté de la lecture ou celle de l’objet-livre contre les immondices ; le sacré contre le profane. Lire appartient à un domaine inviolable qui lui vaut la révérence des grands lecteurs.

25Avec l’image de la nutrition, ce sont toujours des visions d’excès, de troubles qui sont convoquées dans leurs discours ; l’état de dépendance à la chose lue et à l’objet-livre est appréhendé comme une ingestion : « Je suis un lecteur vorace », « Je m’empiffre des classiques durant mes vacances ». La boulimie indique qu’ils lisent en grande quantité, qu’ils sont éclectiques dans leurs goûts littéraires, qu’ils y consacrent beaucoup de temps, d’argent et d’espace. L’équilibre ou la normalité ne semblent pas de mise. Ils parlent d’anorexie pour revenir sur la perte de certains ouvrages, le manque de lectures d’un auteur, ou pour mentionner de rares périodes de leur vie où lire était impossible. Ici, la maladie s’allie au thème de l’alimentation et rejoint l’image de l’ingurgitation de la chose lue, comme dans cette histoire relatée dans la Bible du « livre à manger » afin que l’ange puisse témoigner aux autres hommes du message sacré qu’il a appris en l’incorporant.

26Avaler le livre afin de proclamer la vérité qu’il contient ; ici, le livre joue son rôle d’instrument de diffusion et de propagation de la foi. Les grands lecteurs eux-mêmes veulent faire corps avec les histoires qu’ils lisent et les ingérer symboliquement pour mieux s’en souvenir, pour mieux les comprendre ou les ressentir. Ainsi dans les récits de fiction, ou encore chez nos interlocuteurs, trouve-t-on cette commune croyance dans la lecture comme nourriture, fût-elle fantasmée. Les « bibliothèques lues », qui peuvent se matérialiser par la présence d’ouvrages dans des bibliothèques privées, mais qui sont aussi à l’état de souvenirs, de remémorations mentales des lectures effectuées, correspondent à ce processus alimentaire : elles sont l’illustration de l’absorption livresque par les grands lecteurs.

27Ce constat est redoublé par leur autodésignation comme « gros » et non « grands » lecteurs lors de nos rencontres. Cette substitution d’adjectifs, illustration supplémentaire de leur assimilation du lire au manger, renvoie encore à l’idée de dérèglement, de ce qui dépasse la mesure ordinaire. Mais « gros » implique aussi un surcroît de valeur, une intensité plus forte ; et là, les lecteurs inversent les valeurs : ce qui est un défaut est érigé en élément positif. Ils établissaient cependant une distinction durant nos entretiens : « gros » lecteurs dès qu’il s’agit des achats, du nombre de livres lus le mois précédant l’entrevue, d’ouvrages stockés dans les domiciles, par exemple ; mais « grands » lecteurs pour parler des genres lus ou préférés, des lieux ressources en livres, des pratiques d’écriture liées à leurs lectures. Quand la lecture s’apparente à l’alimentation, l’adjectif qui vient le plus facilement à l’esprit est bien celui de « gros » et non de « grand » mangeur.

28Les mentions d’excès ou de carences rendent possible une présentation de soi hors du commun. Le basculement entre normalité et dérangement cristallise l’identité des lecteurs. La maladie est une rupture dans le système de régulation du corps, indiquant un dysfonctionnement qu’on tente de résoudre par le biais de traitements et de soins. Ses maux, le grand lecteur, au contraire, les encourage et n’envisage nullement d’y remédier.

Pourquoi guérir ? L’affirmation d’une identité exceptionnelle

29Nos interlocuteurs, à les entendre, sont donc des malades qui ont à cœur d’entretenir leurs affections symboliques en continuant à lire toujours plus, à acquérir des ouvrages alors qu’ils déplorent de ne plus avoir de place pour les ranger, tout en observant, fascinés, la croissance endémique de leur bibliothèque. On soulignera sur ce point que les intérieurs sont une forme de manifeste au sens où les « fous de livres » stigmatisent leur dépendance au papier et leur passion en accumulant leurs traces dans toutes les pièces de leur habitation. Pierre Vidal-Naquet parlait du « syndrome de la bibliothèque qui déborde », Bernard Pivot se plaignait de la « colonisation » des livres. Ils prennent plaisir à détailler les stigmates de leur pathologie, dans ce discours clinique qui a pour dessein de rendre compte de leur passion et de ses excès. Néanmoins, on peut s’interroger sur le paradoxe qu’il y a à dire l’intensité de son amour dans les termes de la souffrance ou de syndromes distinctifs.

30Pour ces lecteurs « malades », leur identité se réalise donc à travers la déviance, s’incarne dans l’usage de mots liés à une santé affectée, à une normalité soumise au pathologique. Les métaphores médicales pour se dépeindre comme « virussé », « glouton », « boulimique », « orgiaque » ou « drogué » établissent une vision qualifiante et valorisante du grand lecteur. Ce dernier lutte ou produit maints actes dans sa relation au livre et à la lecture pour revendiquer une singularité absolue. Le concept de maladie-métier opère pleinement : « La douleur, la fatigue, voire la température, plus que partout ailleurs, font partie de l’image de la maladie et servent à la définir. Parallèlement, la perception de la maladie est aussi plus différenciée : les informateurs utilisent maintes qualifications, opèrent de nombreuses distinctions, apprécient avec nuances, caractéristiques et types de maladies. […] Le concept d’identité qui, à travers déviance et conformité, forme la réalité de l’expérience du sujet » (Herzlich 1969 : 160-161, 169).

31Le recours au pathologique, et plus particulièrement au registre de l’addiction, s’il convoque l’image d’un lecteur « drogué » et donc vaincu par la dépendance, n’en évoque pas moins, au contraire, une figure positive du passionné de lecture. La personnalité de ce dernier « est sublimée par son objet et non pas aspirée par le gouffre de la toxicomanie » (Roustan 2007 : 320). La vision de la passion comme perte de soi due à des causalités extérieures (addiction, infection, ennui) laisse la place à celle qui la situe inversement, grâce à une « causalité intérieure autrement dit par exercice de sa propre liberté de choix » (ibid.) : c’est là l’élément distinctif que mettent en place les grands lecteurs dans leur utilisation des vocables de la maladie et d’une alimentation détraquée. Ils s’imposent de la sorte par une forme d’excellence.

32La lecture et le livre habitent leur existence, et, de façon active et volontaire, les lecteurs multiplient les actions de toutes sortes pour s’ancrer encore davantage dans cet univers. Il y a un caractère performatif à se présenter par ce biais. Christine, par exemple, se défi nit comme une « dingue frôlant la paranoïa » : son amour réel de la littérature vaut aussi pour l’objet-livre. Elle contraint sa fille à faire plus de deux cents kilomètres, de nuit, pour aller « reprendre sur-le- champ » son volume de Mort à Venise que cette dernière avait prêté à un ami. Autre cas emblématique, celui d’un grand lecteur qui lit avec « des gants blancs en coton, des gants d’hôpitaux », de peur que ses doigts, lors de la lecture, ne provoquent une « détérioration » des livres et ne fassent « gondoler les pages » du fait de leur « transpiration ».

33À chaque fois, ils partent d’une pratique normale pour la transgresser afin d’aller vers quelque chose présenté comme hors norme. La médicalisation des discours permettrait d’accentuer ce processus dans une forme d’énonciation élitiste. De la norme à l’exceptionnel, du singulier au spécifique, telle est l’oscillation permanente de la façon dont les grands lecteurs se perçoivent et se disent. La dérive ou le glissement toujours possibles entre excès et réalité, entre norme et marge, sont perceptibles dans leurs pratiques et leurs propos. Le recours à un vocabulaire médical dépasse le simple effet stylistique. Il s’agit d’un véritable processus permettant de se donner à comprendre sous deux angles : à la fois victimes et acteurs de leurs lectures et de leurs liens avec le monde de l’écrit. Le caractère pathologique qui transparaît dans les discours permet de signifier le haut degré d’imbrication entre l’acte de lire et leur existence et d’affirmer leur exemplarité.

34Les débordements des joueurs en ligne font l’objet d’un constat qui s’applique éminemment à notre public : « Les frontières entre vice, transgression, maladie, sont dans ce domaine extrêmement mouvantes » (Valleur 2007 : 335). Les grands lecteurs les auraient dépassées, et, inversant complètement la grille d’évaluation, ils pensent que leur normalité s’incarne dans leurs gestes et habitudes de lecture. Leurs maux seraient la règle, et dès lors ils n’ont aucune raison de vouloir lutter contre ces manifestations pathologiques « normales ». Au contraire, plus ils sont atteints, plus ils renchérissent, plus ils s’autofélicitent de se fondre dans la figure tutélaire du « lettré » ou du lecteur érudit, dont ils adoptent les traits propagés par la littérature même.

Conclusion

35L’analyse des propos pathologisants de grands lecteurs permet de pointer la nature de leur relation à la lecture, constitutive de leur identité : lire et vivre sont pour eux synonymes. Ils rappellent la prégnance du corps dans l’acte de lire, la matérialité physique de celui qui lit, trop souvent oubliée par les travaux sur la lecture. Leur vocabulaire alimentaire et les représentations médicales saisissantes qu’ils utilisent, comme la folie, l’anorexie ou l’hystérie, s’étayent mutuellement pour dire le plaisir rare auquel ils s’adonnent.

36Tour à tour goulu ou parcimonieux, affamé ou repu, le grand lecteur affirme ne pas connaître la norme à laquelle il renvoie les autres lecteurs : chez lui, tout est démesure, tout est démultiplié afin de donner à voir et à entendre le caractère forcément extraordinaire de sa relation à l’acte de lire. « Ce n’est pas avec les yeux, comme le croient les naïfs, mais avec notre bouche que nous lisons. […] Le lecteur apparaît bien souvent comme un vorace ou comme un glouton, jamais rassasié, qui, insatiable, s’empiffre avidement […]. Il devrait se rappeler que se vanter d’avoir, jadis ou naguère, dévoré Proust ou Stendhal reste un propos d’anthropophage. Il y a dans le plus éthéré des lecteurs un cannibale féroce » (Burgelin 2001 : 7-8). Le dérangement de l’esprit aboutit ici à un bouleversement nutritionnel extrême, permettant aux lecteurs bibliophages de se repaître de leur passion. Le cannibalisme cristallise l’exagération dont ils sont friands pour se définir et qui témoigne de leur incapacité à modérer leurs discours comme leurs pratiques.

37Le corps malmené du grand lecteur retrouve donc celui, pathétique, dévoré Proust ou Stendhal reste un propos d’anthropophage. Il y a dans le plus éthéré des lecteurs un cannibale féroce » (Burgelin 2001 : 7-8). Le dérangement de l’esprit aboutit ici à un bouleversement nutritionnel extrême, permettant aux lecteurs bibliophages de se repaître de leur passion. Le cannibalisme cristallise l’exagération dont ils sont friands pour se définir et qui témoigne de leur incapacité à modérer leurs discours comme leurs pratiques. Le corps malmené du grand lecteur retrouve donc celui, pathétique, des écrivains (Fabre 1999) : à trop lire, ils peuvent sombrer dans la folie de la fiction, la crainte paranoïaque des livres qu’ils n’ont pas lus, qu’ils ne possèdent pas ; dépendants physiquement de l’objet-livre, ils se coupent du commerce des hommes pour entendre des « voix » d’auteurs dans l’isolement de leurs « cabinets » de lecture. Inversion totale de profils entre ces deux portraits de « gens de lettres », mais filiation véritable et continuité sans faille de ce « narcissisme » (Bourdieu 1992 : 417) du grand lecteur malade, forcément malade. ■

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Notes

1 http://www.maximechattam.com/fr/movie/malefices_hi.wmv [consulté en mars 2009].

2 L’auteure remercie chaleureusement Annick Arnaud pour son aide, sa patience et ses relectures.

3 On songe ici bien sûr au travail de Marc Augé (1986).

4 Quarante-cinq lecteurs ont été interviewés, répartis en trente-deux hommes et treize femmes.

5 Il ne s’agit ici que de quelques exemples. Dans le cadre de notre doctorat, le corpus d’œuvres littéraires travaillé comptait une cinquantaine de références et plus de cent récits (auto)biographiques sur l’univers du livre.

6 Les expressions entre guillemets sont extraites de ces interviews. Sauf précision de l’auteur, il en sera toujours ainsi dans la suite du texte.

7 Un enseignant, un ami plus âgé, un proche de la famille endossent ce rôle. Mais parfois, c’est une malle remplie de livres abandonnée par un ancien locataire du logement du lecteur qui en fait office.

8 Lors de travaux dans une librairie familiale de Saint-Étienne, « la collégiale des bons clients était attentive à ce chambardement qui lui promettait d’agréables surprises. Un peu triste, cependant, de voir s’effacer les repères d’un avant qui lui était cher. J’ai vu des clients dévorés de curiosité s’emparer crânement de parapluies de chantier afin de découvrir, sous les coffrages dégoulinants de ciment frais, ce que serait après demain leur passé antérieur » (Plaine 2002 : 47).

9 « Toutes mes bonnes lectures ont lieu aux toilettes. Il y a des passages d’Ulysse qu’on ne peut lire qu’aux toilettes, si on veut en extraire toute la saveur du contenu », selon l’auteur des Livres de ma vie (Miller, cité par Manguel 2000b : 186). Voir aussi le texte de Rimbaud « Les poètes de sept ans ».

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Pour citer cet article

Référence papier

Bérénice Waty, « Radioscopie de grands lecteurs »Terrain, 53 | 2009, 128-139.

Référence électronique

Bérénice Waty, « Radioscopie de grands lecteurs »Terrain [En ligne], 53 | 2009, mis en ligne le 15 mars 2010, consulté le 05 décembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/terrain/13814 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/terrain.13814

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Auteur

Bérénice Waty

CNRS, Laboratoire d’anthropologie et d’histoire de l’institution de la culture, Paris

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Droits d’auteur

CC-BY-NC-ND-4.0

Le texte seul est utilisable sous licence CC BY-NC-ND 4.0. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.

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