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Dossier thématique

Le veuvage, une séparation inachevée

Vincent Caradec
p. 69-84

Résumés

Cet article se propose d’étudier l’expérience contemporaine du veuvage, à partir d’entretiens réalisés avec des veufs et des veuves ayant perdu leur conjoint après la retraite (ou peu de temps avant). Dans un premier temps, il décrit comment ces veufs et ces veuves font face à cette disparition : en s’efforçant de trouver un sens à leur situation de survivant ; en cherchant de nouvelles occupations et de nouveaux investissements ; grâce au soutien des proches. Dans un second temps, il se penche sur les mécanismes qui conduisent au repli sur soi, mais aussi sur les nouvelles relations privilégiées qui se développent parfois : plutôt avec une amie pour les veuves, avec une nouvelle conjointe pour les veufs. Enfin, il s’attache à montrer que, contrairement à l’évidence, le décès du conjoint ne marque pas la fin du lien conjugal : le travail de la mémoire amène à trouver une « bonne distance » avec le défunt qui, dans la plupart des cas, reste très présent dans la vie du survivant.

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Texte intégral

1L’existence se trouve marquée par des moments de transition plus ou moins institutionnalisés, plus ou moins probables et anticipés, qui scandent les parcours de vie individuels : mariage, séparation, accident de santé, décès d’un proche, etc. Ces événements biographiques sont potentiellement perturbateurs pour l’identité : d’une part, ils amènent à s’interroger sur soi (Giddens 1991) ; d’autre part, ils transforment le contexte relationnel et le rapport à autrui alors que les autres jouent un rôle essentiel dans la construction identitaire (Dubar 1991).

2Le décès du conjoint est l’un de ces moments de transition, particulièrement délicat à gérer comme en témoigne la surmortalité des veuves et, surtout, des veufs, dans les années qui suivent le décès (Thierry 1999). Autrefois encadrée par des rituels qui canalisaient « l’expression des émotions » (Halbwachs 1972) et qui définissaient une période de deuil (Van Gennep 1946), la transition du veuvage apparaît aujourd’hui comme relevant exclusivement de la sphère privée : il n’y a plus de durée codifiée du deuil, ni de code vestimentaire particulier pour qui a perdu un proche. En quoi consiste alors l’expérience contemporaine du veuvage ? C’est cette expérience que nous nous proposons d’explorer à partir d’entretiens réalisés avec des veufs et des veuves ayant perdu leur conjoint après (ou peu de temps avant) la retraite 1 et en optant pour une perspective constructiviste et interactionniste, attentive au processus de construction de l’identité et au rôle des autres dans ce processus. Comment veuves et veufs ont-ils fait face à la disparition de leur conjoint ? Quels sont les mécanismes du repli sur soi et celui-ci est-il inéluctable ? Enfin le décès du conjoint marque-t-il vraiment la fin du lien conjugal ?

Surmonter la séparation

3Le décès du conjoint nécessite un travail de deuil bien étudié, à la suite de Freud, par les psychologues, qui en ont dégagé les diverses manifestations et les différentes étapes : sidération, déni et révolte, dépression avec ses altérations somatiques, intellectuelles et affectives (Bacqué 2000 [1992]). Même si les récits que nous avons recueillis sont rétrospectifs et ne permettent pas de reconstituer, dans toute sa complexité, l’évolution des réactions qui suivent directement le décès, ils donnent à entendre la révolte contre l’injustice du sort et, parfois, contre le défunt, accusé par son conjoint de l’avoir abandonné. Ils témoignent de ce que le décès du partenaire conjugal entraîne l’effondrement des « allant de soi » de la vie quotidienne (Berger & Luckmann 1986), fait vaciller le sentiment de « sécurité ontologique » (Giddens 1991) et conduit à une perte de signification de l’existence. Ces récits disent aussi la grande solitude ressentie, en particulier à certaines heures de la journée (pendant les repas, dans la soirée, parfois devant le poste de télévision) et en certaines circonstances comme les fêtes, les anniversaires, les repas de famille : ce sont là les « moments forts » de la vie conjugale.

4Cependant, davantage que le travail de deuil lui-même, c’est la manière dont on réorganise son existence après le décès du conjoint qui était au cœur de notre enquête et, de ce point de vue, trois phénomènes méritent d’être soulignés : la recherche d’un sens à l’événement tragique et à sa situation de survivant ; la quête de nouvelles occupations et de nouveaux investissements ; le soutien des proches.

Sens et apaisement

5Face à la mort, les hommes n’ont d’autre choix que de tenter de lui donner un sens. Autrefois prise en charge de manière collective par la religion et à travers les rites funéraires, la signification de la mort s’est aujourd’hui privatisée (Déchaux 1997). Aussi les survivants s’efforcent-ils de trouver une explication à la mort de l’être proche : comme l’a observé A. Gotman en analysant des « récits de mort » d’un père ou d’une mère, « la mort naturelle reste “insuffisante” et reçoit volontiers un complément d’interprétation social et psychologique » (Gotman 1988). De même, il apparaît dans certains entretiens que les veuves et veufs cherchent à donner un sens à leur situation de survivant, ce qui est un moyen de circonscrire leur souffrance.

6Certains tentent, tout d’abord, de relativiser leur propre malheur : « Il ne faut pas prendre l’habitude de se plaindre parce qu’il y a tant de malheureux sur la terre. On n’est pas les seuls dans ce cas-là. Je suis seule, d’accord, mais je suis toute seule, je n’ai que moi à assumer. Et combien de familles, vous ne voyez pas, qui perdent leur mari et qui ont des petits enfants, qui se retrouvent sans travail ! » explique, par exemple, Mme Agnès  2. De même, il est des veufs qui pensent que cela doit être plus dur pour une femme et, plus souvent, des veuves qui estiment que leur situation n’est pas aussi désespérée que celle des veufs.

7Un autre mécanisme de consolation revient à considérer que le décès du conjoint était, en fin de compte, préférable à sa survie : « Mais sur le coup j’étais révoltée, hein… Mais après j’me suis dit, ben s’il avait été handicapé, il aurait pas supporté. […] Ben c’qui m’raisonne c’est ça, quand je suis vraiment… bas, j’me dis : “Vaut peut-être mieux qu’ce soit lui qui soit parti, sois pas égoïste.” Parce que lui, il est bien où il est, qui est-ce qui souffre le plus, c’est moi, hein ! » (Mme Louise).

8Il est possible aussi de se retourner sur son existence et de manifester un certain contentement, de considérer que, tout compte fait, on a plutôt réussi sa vie conjugale. Ainsi, parmi les choses qui l’ont aidée, Mme Jeanne indique « le souvenir de ma vie que j’ai eue avec Roger, c’était bien, je suis contente d’avoir vécu comme ça, je suis contente de la vie que j’ai eue ». M. André explique, lui, que la maladie de son épouse a été comme un approfondissement de leur relation et qu’il a « l’impression d’avoir vécu quelque chose de très riche pendant trente-huit ans, avec des hauts et des bas, des conflits, la passion » et que « cette histoire d’amour s’est terminée “bien” aussi, dans nos relations, dans quelque chose qui va au-delà ».

9D’autres, enfin, vivent leur veuvage comme une épreuve à surmonter, une situation nouvelle qu’il leur faut accepter, par rapport à laquelle ils affirment leur volonté de « reprendre le dessus » : « J’ai su rebondir dans ma tête. En me disant que j’ai perdu un être cher, mais maintenant je dois continuer à vivre et faire par la même occasion des choses que je n’ai pas pu faire pendant mes quarante années de mariage » (Mme Lucie).

Nouvelles occupations, nouveaux investissements

10Avec le conjoint disparaît non seulement un être aimé, mais aussi le partenaire des activités quotidiennes et celui qui, par sa présence, donnait un sens à certaines de ces activités. Aussi le survivant doit-il relever un double défi : trouver que faire de ses journées, déstructurées par la disparition du conjoint ; essayer de donner une nouvelle signification à son existence.

11Pour détourner l’esprit des pensées douloureuses, il faut trouver à s’occuper. Les occupations choisies sont diverses et dépendent de la position dans la trajectoire de vie au moment du décès (Lalive d’Epinay 1996). Ainsi, avoir encore une activité professionnelle ou un enfant à charge (pour les veufs et veuves les plus jeunes), être engagé dans des activités associatives où il est possible de s’investir davantage, disposer de centres d’intérêt personnels sont des atouts pour trouver une occupation qui limite les moments où l’on se retourne sur son propre malheur. La télévision et la lecture peuvent aussi être d’un grand secours : elles constituent des occupations et des dérivatifs (durant la journée et aussi la nuit, pendant les heures d’insomnie) ; elles procurent (pour la télévision) le sentiment d’une présence ; elles peuvent aussi aider au travail de deuil (Lahire 1998 : 107-118), comme pour Mme Jeanne, qui évoque un livre « fait par deux Américaines qui ont beaucoup accompagné de gens qui vivaient des deuils », qui l’« a aidée à comprendre ce qui se passait en moi et m’a fait beaucoup de bien ».

12Cependant, trouver à s’occuper ne va pas toujours de soi : « L’après-midi, je regarde la télé, qu’est-ce que je peux faire ? Et puis entre deux je vais faire un tour… J’n’ai pas grand-chose à faire… Et puis j’donne un coup de main à ma voisine entre deux, hein ? Qu’est-ce que j’peux faire toute seule ? Tout seul, on n’a pas grand-chose à faire, hein ? […] J’tricote… Ça passe le temps un p’tit peu… Et puis tricoter toute une journée, c’est suant aussi » (Mme Marie). Par ailleurs, ce ne sont pas tant les occupations en elles-mêmes qui importent que le fait qu’elles donnent ou non un sens à l’existence. Sur ces deux points, le soutien social peut se révéler précieux.

Soutien social et remobilisation de soi

13En cas de difficultés et, en particulier, au cours des moments de transition, le « soutien social » des proches se manifeste ; c’est ainsi qu’au moment de la retraite celui qui cesse son activité professionnelle reçoit le soutien de son conjoint (Caradec 1996a). Lors du veuvage, les proches apportent aussi leur aide. Cependant, malgré de multiples investigations qui se sont efforcées d’en repérer les effets bénéfiques sur le bien-être des personnes endeuillées (Lavoie & Vézina 1990), le soutien social reste difficile à appréhender tant il apparaît multiforme : il peut consister en une aide « instrumentale » ou « expressive » 3, intervenir à différents moments du deuil (juste après le décès ou un peu plus tard), être assuré par les enfants, mais aussi par des amis ou des voisins. Il importe, nous semble-t-il, de ne pas avoir une conception trop mécaniste de ce soutien, dans laquelle la personne aidée ne serait que le bénéficiaire passif de la sollicitude d’autrui, mais de l’appréhender plutôt dans une perspective interactionniste (Lopata 1996), de concevoir la personne aidée comme active et se saisissant ou non de l’aide qu’on lui apporte pour réorganiser son existence et lui redonner un sens. De ce point de vue, certains soutiens semblent plus nocifs que bénéfiques, par exemple lorsque la personne en deuil se sent incomprise par ceux qui cherchent à l’aider ou se retrouve dans une situation de dépendance mal supportée. Par ailleurs, il nous semble possible de distinguer deux formes de l’aide à la « remobilisation de soi » de la personne veuve : l’encouragement et la sollicitation.

14L’encouragement consiste en des tentatives pour casser la spirale de la dépression et du repli sur soi : la personne veuve se voit incitée à sortir et à s’engager dans de nouvelles activités. M. Gilles raconte ainsi que « je restais à ma maison sans bouger. Elle [sa fille] a dit : “Faut sortir, faut te désennuyer, viens dîner à la maison !” Alors je m’es remis en route. Maintenant, ça va ». Mme Rolande explique que c’est parce qu’on lui « a tendu la perche » qu’elle a aujourd’hui de nombreuses occupations : une voisine lui a proposé de participer à une excursion, elle y a retrouvé une amie de jeunesse avec qui elle a « renoué connaissance » et qui l’a ensuite entraînée dans diverses activités.

15Dans d’autres cas, l’encouragement se fait sollicitation : quelqu’un demande à la personne endeuillée de l’aider. C’est, par exemple, une fille qui propose à sa mère veuve de garder ses propres enfants ; ou un fils qui demande à son père s’il peut l’aider pour les travaux de sa maison ; ou encore un ami qui est à la recherche de bénévoles dans une association. Ce genre de requête apparaît particulièrement bienvenu car il est susceptible de donner à la personne veuve non seulement une occupation, mais aussi le sentiment qu’elle est encore utile et que son existence a toujours un sens aux yeux d’autrui. On le perçoit bien dans ce témoignage : « Moi je trouve que quand on a quelque chose à se raccrocher, heu… à même rendre service à quelqu’un, je sais pas… Y a, y a des moments heu… J’ai une voisine qui est illettrée, qui arrive ici avec tous ses papiers, qui met tout sur la table, hein, et que j’dois calmer parce qu’elle est complètement perdue, hein, et puis que je dois faire les papiers, et puis tout régler moi-même… Ben j’me sens bien, j’me sens bien parce que j’ai eu quelque chose à… je m’sens bien » (Mme Simone). On le voit aussi a contrario dans le discours de certaines personnes veuves qui ne sont pas parvenues à redonner un sens à leur vie : Mme Jeanne ne vit pas dans la déréliction, mais elle explique que « maintenant, j’ai complètement arrêté, je ne fais plus de cuisine. […] Je pense que je suis très démotivée, c’est-à-dire, tu vois, pendant six ans j’ai eu ma vie complètement occupée car j’y pensais jour et nuit, j’avais une énorme responsabilité, faire survivre un homme qui dépendait de plus en plus de moi, et puis subitement… Tu vois, j’aurais des petits-enfants, je suppose que j’aurais fait quelque chose, je l’aurais fait pour eux, j’aurais été motivée, tu vois j’ai pas ce moteur-là… Je peux rester des journées entières au lit, maintenant, j’ai personne qui dépend de moi ».

Le veuvage peut-il être une libération ?

16Dans les représentations du veuvage, l’image du veuvage-affliction se trouve concurrencée par celle du veuvage-libération : à la douleur des veuves éplorées répond le plaisir de la vie des veuves « joyeuses ». Il y aurait ainsi une manière « positive » de vivre la disparition du conjoint dont attestent divers travaux de recherche : C. Lalive d’Epinay observe que « le veuvage-libération est particulièrement typique parmi les petites classes moyennes » du fait du « repli » que l’homme, plus casanier, impose à son épouse au moment de la retraite (Lalive d’Epinay 1985) ; 54 % des veuves de plus de 50 ans interrogées par H. Lopata ont le sentiment d’avoir changé depuis leur veuvage et la majorité d’entre elles pensent être devenues plus indépendantes et compétentes (Lopata 1973) ; dans une autre enquête, plus du tiers des veuves âgées ressentent une plus grande indépendance ou un soulagement (Thomas et al. 1988). Ce veuvage-libération apparaît aussi dans notre corpus. Mais il nous semble indispensable d’en distinguer deux formes.

17On peut, tout d’abord, entendre par « libération » la fin d’un joug conjugal mal supporté. Ce cas est très minoritaire et ne concerne que deux personnes. M. Charles explique que sa « femme avait un drôle de caractère », qu’elle était « très spéciale », qu’il a certes été triste « comme tout le monde », mais qu’il est, pour tout dire, un « veuf heureux ». Mme Mathilde raconte que le décès de son conjoint a été une « délivrance » car, confie-t-elle, « je me confinais là : jamais bouger, toujours la télé, tout ça. Et d’un seul coup, je me suis sentie… libre quoi, hein ? […] Et puis donc j’ai voyagé, tout ça. Disons que mon veuvage s’est bien passé » : elle n’a « pas du tout souffert » car « il était malade, il était grognon, il était toujours en train de râler, alors à la fin, euh… je ne sais pas… à la fin, vous en avez vraiment assez ». Et elle ajoute : « Disons que, quand mon mari est décédé, j’ai retrouvé ma vie de jeune fille. »

18Parallèlement, sans que le sentiment de libération soit si nettement affirmé, il arrive que le survivant reconnaisse qu’il a acquis une plus grande indépendance. Ce sentiment peut advenir, en particulier, lorsque le survivant a dû s’occuper de son conjoint malade et que, une fois achevé ce travail de soin astreignant, il parvient à trouver de nouveaux investissements et à redonner un sens à son existence. Ce sentiment peut aussi émerger quand le survivant se lance dans des activités qu’il n’aurait pas réalisées avec son conjoint et qui l’amènent à découvrir un pan de sa personnalité laissé dans l’ombre par la vie conjugale : « Y a des bénéfices secondaires à être tout seul. […] Je me retrouve là dans la position d’un adolescent qui n’a pas d’attaches et qui vit en célibataire. Ce que je vis là, j’ai dû le vivre… après le service militaire » (M. André).

Repli sur soi ou nouvelle sociabilité ?

19Après le décès d’un proche, le repli sur soi est un symptôme classique de la phase de deuil : fatigue intense, apathie générale, désinvestissement des occupations antérieures ont été observés par les psychologues (Bacqué 2000 [1992] : 60). Cependant, ce repli sur soi renvoie aussi à des mécanismes sociologiques, que nous allons nous efforcer de préciser. Par ailleurs, il n’est pas inéluctable : les liens avec la famille, en particulier avec les enfants, peuvent se resserrer et il arrive que de nouvelles relations privilégiées se développent, plutôt avec une amie pour les veuves, plutôt avec une nouvelle conjointe pour les veufs.

Les mécanismes du repli sur soi

20Le repli sur soi présente un double aspect : une plus forte présence dans l’espace domestique et une baisse de la sociabilité.

21La plus forte présence dans l’espace domestique est, tout d’abord, une conséquence de la « démobilisation » de soi qui se produit au moment du décès du conjoint : les activités réalisées en commun, qui prenaient sens dans un cadre conjugal, se trouvent privées de leur principale raison d’être – le fait d’être à deux. C’est pourquoi certaines sorties disparaissent : « Quand on me propose d’aller à un concert un soir, ou une sortie quelconque le soir, ça n’me dit rien… parce qu’avant j’étais accompagnée de Pierre. On… on rigolait ensemble… c’était mieux », explique, par exemple, Mme Sabine. Il faut aussi évoquer la brutale « démotorisation » de certaines femmes qui, au moment du décès de leur conjoint, deviennent dépendantes de personnes extérieures au ménage pour leurs déplacements et renoncent à certains d’entre eux par peur de déranger et de se mettre en dette. Ajoutons que la baisse de revenu des femmes n’ayant pas exercé d’activité professionnelle et qui touchent la pension de réversion de leur mari constitue aussi un frein aux sorties. Enfin, le décès du conjoint peut survenir en phase de « déprise », alors que la fatigue ressentie du fait de l’âge amène à économiser ses forces (Barthe et al. 1988) et qu’apparaissent des problèmes de santé.

22Si la baisse de la sociabilité s’explique, pour une part, par la diminution des sorties, elle renvoie aussi à la disparition de certaines relations sociales antérieures, en particulier avec la belle-famille et avec des couples d’amis : de même que la constitution du couple est un moment de déclin des amitiés personnelles (Bidart 1997 : 338), la disparition du couple se révèle menaçante pour les amitiés de couples. Il apparaît, d’une part, que certaines de ces amitiés reposaient en fait sur le conjoint, expert en sociabilité. D’autre part, et plus fondamentalement, la gestion de l’interaction sur des bases nouvelles est délicate : gêne des amis qui ne savent comment se comporter (la personne veuve souhaite-t-elle une compagnie ou ne préfère-t-elle pas rester seule ? Faut-il évoquer avec elle le défunt ou n’en point parler ?) ; gêne aussi de la personne seule qui ne se sent pas à sa place dans une relation perçue comme dissymétrique, ne veut pas « déranger les couples » ou ne souhaite pas être confrontée à l’image du bonheur conjugal d’autrui qui lui rappelle trop son propre bonheur disparu (« J’aime moins sortir parce que je suis seul. Les gens chez qui on va sont bien, ils sont ensemble. Il faut être séparé pour savoir ce que c’est. Il y a des gens ensemble, alors… », déclare M. Robert).

Nouvelles amies et nouvelles conjointes

23Si les mécanismes de repli sur soi que nous venons de décrire sont puissants, ils ne condamnent pas tous les veufs et veuves à une faible sociabilité. Les situations apparaissent très diverses : certains sortent peu de chez eux et ont une sociabilité réduite ; d’autres sont essentiellement tournés vers les relations familiales ; d’autres encore développent des activités extérieures qui sont l’occasion de rencontrer de nouvelles personnes. Par ailleurs, les relations évoluent au fil du temps : à une phase de repli peut succéder une ouverture sur autrui. Lorsque de nouvelles relations se développent, une différence se dessine entre les hommes et les femmes : les veufs ont davantage tendance à rechercher (et à trouver) une nouvelle compagne ; symétriquement, les amies jouent plus souvent un rôle dans la nouvelle vie des veuves.

24Sur les 25 veufs de notre corpus, 6 ont une nouvelle compagne ; seules 2 veuves parmi les 25 rencontrées ont un nouveau compagnon. Au-delà de cette différence quantitative – en soi peu significative sur un petit échantillon –, ce sont les discours que tiennent les uns et les autres sur l’éventualité d’une nouvelle vie conjugale qui apparaissent très différenciés : dans leur grande majorité, les hommes n’excluent pas cette éventualité, voire en souhaitent la réalisation ; la plupart des femmes écartent pareille hypothèse, la jugeant « impensable », ne l’envisageant pas pour elles-mêmes, sans pour autant condamner celles et ceux qui s’engageraient dans cette voie. Cette plus forte propension des hommes à renouer avec une vie conjugale se trouve confirmée par d’autres enquêtes : dans une recherche réalisée à Genève, 6 veufs parmi les 31 rencontrés ont parlé d’une compagne, alors même que « l’enquête portait sur des veufs vivant seuls dans leur appartement » et aucune des 32 veuves de l’échantillon n’a formé un nouveau couple (Sol 1992, 1996) ; dans une enquête réalisée aux Pays-Bas auprès de personnes âgées de 60 à 75 ans, veuves depuis plus de trois ans et moins de cinq ans, 38 % des hommes (12 sur 31) et 10 % des femmes (5 sur 50) ont indiqué qu’ils avaient une nouvelle compagne ou un nouveau compagnon (Stevens 1995) 4.

25Comment rendre compte de cette différence d’attitude par rapport à la recomposition conjugale, tant dans les faits que dans les discours des personnes veuves ? Il faut sans doute y voir, tout d’abord – même si cela n’est pas dit au cours des entretiens –, une accommodation avec la réalité du marché matrimonial et les chances objectives de connaître une nouvelle vie conjugale : à ces âges de la vie, les femmes sans conjoint sont beaucoup plus nombreuses que les hommes seuls ; par ailleurs, les hommes ont tendance, lorsqu’ils reforment un couple, à le faire avec une femme plus jeune qu’eux 5. Il convient ensuite de souligner la croyance, qui semble assez répandue puisqu’on la retrouve dans les discours tant masculins que féminins, en une plus grande inaptitude des hommes à vivre seuls. On peut aussi évoquer le caractère plus central et exclusif de la relation conjugale pour les hommes, ceux-ci comptant essentiellement sur le soutien de leur épouse, alors que les femmes reçoivent des soutiens plus diversifiés et semblent donc moins dépendantes, de ce fait, de la relation conjugale (Antonucci & Akiyama 1987).

26Cette nouvelle vie conjugale peut prendre des formes diverses : certains se marient ; d’autres cohabitent sans être mariés ; d’autres encore conservent deux logements et adoptent une organisation conjugale « intermittente » (les conjoints ne vivent pas constamment ensemble et partagent leur temps entre des périodes de vie commune et des périodes de vie où chacun occupe son propre logement) ou « alternée » (les conjoints vivent alors continûment ensemble, mais alternativement chez l’un et chez l’autre) (Caradec 1996b). Cette nouvelle relation conjugale, plus souvent pensée dans le registre de l’amitié (avec des variantes importantes entre la « simple compagnie » ou le « soutien mutuel » et la « profonde affection ») que dans le registre de l’amour (Caradec 1997) permet de continuer son existence sans souffrir de la solitude et en lui donnant un nouveau sens.

27Cette recomposition conjugale ne signifie pas l’oubli de la précédente union, comme en attestent les modes d’organisation adoptés. Tout d’abord, si l’attachement à la maison est si important, c’est en particulier parce qu’elle est le lieu où l’on a ses souvenirs. Il arrive d’ailleurs qu’une nouvelle relation achoppe sur la question de la maison. C’est ce dont témoigne M. Robert : « Ça m’intéressait assez bien [de retrouver une compagne] mais ça n’a jamais marché à cause que je ne voulais pas quitter ici. J’ai connu quatre ou cinq veuves […] qui étaient veuves depuis quelques années, cinq ou six ans, mais qui avaient une maison et moi, j’avais une maison. Il y a jamais eu d’entente. On avait deux maisons ! (Rires.) […] Elles ne voulaient pas quitter, je ne voulais pas quitter. » Ensuite, parallèlement à des motivations plus pragmatiques (ne pas perdre la pension de réversion, éviter les problèmes avec les enfants), le refus du mariage peut se trouver justifié par la fidélité au conjoint disparu. D’ailleurs, les anciens conjoints ne s’effacent pas au moment de la recomposition conjugale, mais apparaissent au contraire très présents : leurs portraits sont exposés et il est fréquent que l’on évoque, avec son nouveau compagnon, sa vie conjugale passée. De ce point de vue, la dissymétrie dans la situation matrimoniale des conjoints (l’un veuf, l’autre célibataire ou divorcé) ou dans leur manière de gérer le souvenir peut faire problème.

28Si les veufs semblent aspirer à une nouvelle vie conjugale, les veuves entretiennent plus fréquemment des relations amicales avec d’autres femmes. C’est ce qui apparaît dans notre corpus, mais aussi dans l’enquête de Stevens, dans laquelle 52 % des veuves entretiennent des relations régulières avec une amie alors que seulement 26 % des hommes font de même avec un ami (Stevens 1995). Ces résultats ne sont guère surprenants si on les réfère, encore une fois, aux données démographiques et au déséquilibre quantitatif entre hommes et femmes âgés, et encore plus entre hommes seuls et femmes seules. Cette proximité féminine se manifeste, tout d’abord, au moment du décès : des amies ou des voisines, parfois veuves elles-mêmes, cherchent à soutenir celle qui vient de perdre son mari, lui rendent visite, l’invitent à manger ou à passer l’après-midi. On observe aussi la formation de « couples d’amies » qui se voient très régulièrement, s’entraînent mutuellement lors des sorties et font des voyages ensemble : leurs relations n’apparaissent pas très différentes de celles de certains conjoints au mode intermittent de cohabitation lorsqu’ils n’ont pas de relations sexuelles et disent éprouver de « l’amitié » l’un pour l’autre. C’est ainsi que Mme Blanche, peu désireuse de partir seule alors que son médecin lui a conseillé de sortir de chez elle et de voyager, a contacté une voisine qu’elle croisait en se rendant au cimetière. Depuis, elles sont devenues amies, partent en vacances ensemble, ce qui leur donne l’occasion de parler de leur ancienne vie conjugale. La possibilité de pouvoir se confier à quelqu’un qui a vécu la même épreuve que soi et qui est donc à même de « comprendre » est d’ailleurs très souvent soulignée : « On peut pas en parler parce que y faut y passer par là pour comprendre et c’est pour ça que j’ai plusieurs amies qui sont veuves, et y a qu’là que j’suis bien, qu’on en discute », explique Mme Louise.

Le veuvage, la fin du lien conjugal ?

29Le décès ne fait pas disparaître le défunt de l’existence des vivants : un « échange symbolique » s’institue entre les vivants et les morts (Déchaux 1997 : 35). De même, la disparition du conjoint ne marque pas la fin de la vie conjugale : nos entretiens donnent à voir combien le disparu reste présent pour le conjoint survivant à travers la « mémoire conjugale ». Cette mémoire, qui procède par reconstruction du passé, n’est pas figée : elle se transforme, et c’est ainsi que s’établit, peu à peu, un nouveau rapport avec le défunt.

Les voies du souvenir

30La remémoration emprunte des canaux divers : c’est au travers de certaines situations, de supports matériels, de la parole ainsi que de rituels et de cérémonies que transite et prend forme la mémoire du disparu.

31Ce sont, tout d’abord, des situations ou des circonstances particulières qui, parce qu’elles rappellent un épisode ou un moment de la vie conjugale, sont propices au surgissement du souvenir. Ainsi, le conjoint était tellement associé aux habitudes quotidiennes que l’impression de sa présence s’impose souvent sous la forme d’hallucinations visuelles ou auditives, cette impression perdurant quelquefois longtemps après sa disparition : « Le soir, quand les lumières sont éteintes, je le sens près de moi, dans le lit aussi. Ou quand je regarde la télévision, j’ai l’impression qu’il passe sa main dans mes cheveux. Rien que d’en parler, j’ai des frissons », raconte Mme Françoise. Si c’est la mémoire corporelle qui semble ici s’exprimer (Connerton 1989 ; Kaufmann 1997), le corps revivant les sensations du passé 6, dans d’autres situations, le souvenir du conjoint apparaît davantage maîtrisé : il a alors une fonction de « réflexivité » plutôt que de « reviviscence » (Muxel 1996). Il arrive ainsi que le disparu se trouve sollicité en certaines circonstances et qu’un dialogue imaginaire s’instaure avec lui, dialogue qui prolonge les interactions qui ont eu lieu au cours de la vie conjugale et s’en nourrit : « A propos d’une situation plus ou moins ennuyeuse, on se dit, bon, il aurait dit ça, il aurait fait ça… Est-ce qu’il aurait été d’accord avec ce que je vais faire ? » (Mme Blandine). C’est aussi le souvenir de certaines conversations conjugales qui peut être mobilisé, le survivant trouvant dans des paroles ou des conseils du disparu une aide dans les moments difficiles : « Je me rappelle avec quelle force et énergie ma femme avait relevé ce drame [le décès d’un fils]. Et j’avoue qu’aujourd’hui j’essaie de prendre exemple sur elle », explique M. Joseph.

32La mémoire se trouve aussi incarnée dans des supports matériels. Cette « mémoire par les choses » (Déchaux 1997 : ch. 5) transite, tout d’abord, par certains objets de l’espace domestique. Ceux-ci sont divers puisqu’ils renvoient à l’histoire personnelle de chacun, mais il est cependant des médiateurs privilégiés du souvenir conjugal : le fauteuil dans lequel s’installait le conjoint pour regarder la télévision, son alliance, sa paire de lunettes, les souvenirs de vacances achetés en commun et, bien sûr, les photos. Comme le laisse entrevoir cette énumération, ces objets sont de deux types : les uns, objets « animistes » (Muxel 1996), sont dans une relation de métonymie avec le disparu ; les autres symbolisent le lien conjugal. Il en va de même pour les lieux de mémoire : certains évoquent le conjoint (le cimetière ; la pièce – cuisine, garage, bureau, sous-sol – qu’il occupait de manière privilégiée dans la maison ; celle où il a vécu, malade, les derniers mois de sa vie) et d’autres rappellent l’union passée (un restaurant où le couple avait l’habitude d’aller ; un lieu de vacances où il a été heureux). Tout en élaborant ses propres supports de mémoire, chacun se positionne par rapport aux plus courants d’entre eux : beaucoup se rendent très régulièrement, parfois quotidiennement, sur la tombe de leur conjoint, mais quelques-uns refusent ce rituel « hypocrite » ; les photos du disparu peuvent se trouver exposées dans plusieurs pièces de la maison ou se faire plus discrètes (seule une petite photo est alors visible), voire, dans quelques cas, ne pas être présentes. Ces supports matériels de la mémoire sont aussi plus ou moins nombreux : tel vit entouré d’objets chargés du souvenir de son conjoint, alors que tel autre n’en cite aucun. Comme l’avaient déjà observé Csikszentmihalyi et Rochberg-Halton dans leur enquête sur l’attachement aux objets, la propension à investir les objets domestiques d’une dimension symbolique et à s’y attacher parce qu’ils manifestent les liens avec les proches (vivants ou disparus) est, chez les personnes âgées, très variable (Csikszentmihalyi & Rochberg-Halton 1981 : 102-105). Il est aussi des cas où la mémoire paraît moins incarnée dans des objets et des lieux précis, plus diffuse à l’intérieur de la maison ou même moins dépendante de supports matériels : « Vous savez, je n’ai pas besoin d’objets, d’endroits ou de photos pour penser à elle. Elle est toujours « présente dans ma tête », déclare ainsi M. Henri.

33Parallèlement, la mémoire s’élabore, se perpétue et se transmet à travers la parole (Déchaux 1997). On évoque le conjoint avec les enfants ou avec des amis, on parle des « bons moments » passés ensemble, on le convoque dans la conversation en imaginant ce qu’il aurait pu faire ou dire, on raconte des anecdotes qui, en soulignant certains de ses traits de caractère, construisent sa personnalité posthume. Cependant, parler du conjoint ne va pas toujours de soi : certains préfèrent, face à la mort, la stratégie du silence ; d’autres craignent d’importuner leur entourage par des évocations trop fréquentes. C’est pourquoi un nouveau partenaire veuf (conjoint(e) ou amie) est l’interlocuteur privilégié pour parler du disparu, puisque les souvenirs sont alors échangés entre personnes vivant la même situation. Encore faut-il que les deux nouveaux conjoints soient également d’accord pour évoquer le passé : il y a, quelquefois, des difficultés et des insatisfactions lorsque l’un souhaite gérer le souvenir de son conjoint disparu par la parole et l’autre par le silence.

34Le souvenir prend, enfin, la forme de rituels commémoratifs : le jour des morts, bien sûr (Déchaux 1997), ou encore des messes dites pour le défunt. Se mettent aussi en place des « cérémonies privées » du souvenir qui prennent sens par rapport à l’histoire conjugale. Certaines de ces cérémonies ont pour cadre l’espace domestique : M. Franck fleurit la photo de sa femme de la même façon qu’il lui apportait, de son vivant, des fleurs du jardin ; M. Jacques « laisse branchés Les Feux de l’Amour, bien que ça ne m’intéresse pas du tout, pour voir ce qu’elle aurait vu si elle avait encore été là… A ce moment-là, je pense à elle ». D’autres cérémonies privées prennent la forme d’un pèlerinage dans les lieux visités ensemble : « J’y suis retourné un peu concrètement dans les lieux… avec vraiment l’intention de la retrouver… de retrouver quelque chose d’elle, mais pas dans la morbidité », raconte M. André. Sans doute la relation conjugale, qui est la plus élective des relations familiales, se prête-t-elle particulièrement bien à cette privatisation et à cette individualisation cérémonielle. Certes, ces actes privés ne sont pas des rituels, en ce sens qu’ils ne sont pas porteurs d’une signification transcendante sur l’ordre du monde et sur le rapport entre les vivants et les morts (Déchaux et al. 1998) et ils ne sont pas non plus des commémorations puisque, faute de dimension publique, ils ne permettent pas la « socialisation du souvenir » (Déchaux 1998 ; Urbain 1998). Mais, parallèlement aux pratiques plus ritualisées (la visite sur la tombe du conjoint, en particulier), ils participent à l’instauration d’un nouveau rapport au mort.

Trouver la bonne distance avec le mort ou comment dompter le souvenir

35Le souvenir peut apaiser : « Et ça c’est vrai que… bon, quand tu n’as pas le moral, tu regardes ça [des petites aquarelles vitrifiées], t’es… pour moi, c’est… tu vois les endroits où on a vécu ensemble, où on a été heureux ensemble… pour moi, c’est des bons endroits » (Mme Hélène). Mais il peut aussi accabler : « Son fauteuil, je ne voulais plus le voir car je le voyais dedans » (Mme Joëlle) ; « Non, on n’en parle pas beaucoup, car la douleur est encore trop grande » (Mme Françoise) ; certains lieux de la maison paraissent désormais inaccessibles. Aussi faut-il parvenir à contrôler le flux du souvenir pour ne pas être submergé par l’émotion. Avec le décès du conjoint commence un long processus de mise à « bonne distance » du mort qui passe par un travail sur la mémoire. Ce travail est double : il consiste, tout d’abord, à accentuer la composante « active » de la mémoire, qui « vise à reconstruire le passé », « à le maîtriser en le distinguant du présent », et à endiguer sa composante affective, « ouverte aux séductions ou aux persécutions des réminiscences » (Déchaux 1998 : 206) ; il opère, dans le même temps, une sélection qui renvoie une partie du passé dans l’oubli (Muxel 1996). Ce travail n’est pas seulement mental : c’est aussi à travers la manipulation des supports matériels de la mémoire qu’il va être possible de trouver cette « bonne distance ». Le survivant doit, en particulier, décider du devenir des affaires de son conjoint, de ses effets personnels, des objets lui ayant appartenu en propre ou auxquels son image reste attachée. Faut-il les conserver ou s’en débarrasser ? Là sont les deux attitudes possibles, les « deux réponses à une même gêne, celle que provoque le contact avec l’intimité du défunt » (Gotman 1989 : 131).

36Quelques-uns conservent toutes les affaires de leur conjoint disparu sans parvenir à s’en détacher : M. Jacques « vi[t] encore avec cette idée de sa présence » et « dans cette pensée qu’un jour on va se retrouver » ; M. Robert a gardé tous les habits de son épouse et, s’il déclare qu’il « a mal à [s]on cœur de ça [d’avoir tout gardé] », il pense que « ça va durer tout le temps, pour moi, toujours ». A l’inverse, d’autres optent pour une stratégie radicale de « mise à distance » du mort. Soit de façon raisonnée, par refus de vivre dans le souvenir. Ainsi, Mme Blandine a donné toutes les affaires et les objets personnels de son mari : « Je me disais : si je les laisse là, chaque fois que je vais les voir, je vais penser à lui. J’ai préféré… tirer un trait carrément… Ça peut paraître dur, mais il n’y a rien à faire, je suis comme ça [rires] », indique-t-elle. Et elle a préféré déménager et changer l’ameublement car, explique-t-elle, « je ne veux pas être triste. Je dis qu’après tout on ne sait pas combien d’années il nous reste à vivre… Moi, maintenant, mon but, c’est de profiter le plus possible de la vie ». Soit, dans quelques cas, parce que la douleur est insupportable : M. Joseph a quitté aussitôt l’appartement qu’il louait avec son épouse pour « la bannir de [s]a tête » (il regrette, aujourd’hui, cette réaction violente car il a le sentiment qu’elle ne l’a pas aidé à surmonter le deuil) ; M. Victor, qui a vécu le décès de son épouse comme une « trahison », raconte qu’il a cassé les objets lui ayant appartenu ; certains préfèrent ne pas parler de leur conjoint disparu pour éviter « de remuer le couteau dans la plaie ». Le plus souvent, la réaction n’est pas si radicale et, tout en se débarrassant de la plupart des effets personnels du mort, le survivant conserve un ou deux vêtements, sans toujours pouvoir, d’ailleurs, justifier leur élection : « Moi j’ai gardé un costume… Je me demande pourquoi, parce que, à chaque fois que je le vois dans l’armoire, je me dis que je ferais bien de le donner… Mais non, il est là, je le garde… » (Mme Elise). Quant aux affaires dont on a décidé de se débarrasser, il semble impossible de les jeter et elles sont données, en général, à « quelqu’un de sérieux » qui va en prendre soin ou leur trouver une utilité : c’est souvent un proche qui est choisi ou encore une association caritative.

37Certains objets concentrent les souvenirs les plus douloureux. Ils peuvent se trouver rejetés : ainsi, certains appareils techniques (comme la télévision ou la chaîne hi-fi) deviennent quelquefois inutilisables car ils se trouvent associés à l’image du conjoint malade qui en faisait un usage intensif à la fin de sa vie (Caradec 2000). D’autres suscitent des réactions plus ambivalentes : le survivant leur est attaché, mais il souhaiterait en même temps pouvoir s’en débarrasser. C’est, pour Mme Thérèse, le cas du fauteuil de son conjoint : « Je l’aime pas hein, ah la la ! J’le déteste même. Moi, je trouve qu’il est affreux. Mais c’est le fauteuil où il lisait son journal, où il regardait la télé. J’ai même eu envie de le jeter, hein, mais j’l’ai pas fait, j’y arrive pas… » On peut aussi conserver certains objets tout en s’efforçant de les éviter, en usant de stratégies pour les rendre inoffensifs : Mme Fabienne, qui, sur les conseils de sa belle-fille, a jeté tous les vêtements de son mari, a gardé « son rasoir, son peigne, sa trousse quand il allait à l’hôpital », mais elle les a « mis dans un coin pour ne pas les voir » ; quant aux photos, elle les a rangées dans un tiroir « avec quelque chose au-dessus. Comme ça, quand j’ouvre le tiroir, je ne le vois pas. Parce qu’il était triste, là, il avait maigri, tout ça ».

38Cette impossibilité d’approcher certains objets n’est pas définitive, cependant : la recherche d’une « bonne distance » avec le mort, la maîtrise de la part douloureuse du souvenir demandent du temps. Tel objet ayant appartenu au défunt et dont le survivant ne parvenait pas à se défaire finit par être « refroidi » (Gotman 1989) et peut alors être cédé. Telle pièce de la maison, longtemps demeurée interdite, redevient accessible. Et il devient possible de regarder les photos jusqu’alors défendues. Cependant, même après plusieurs années, il reste des choses qui réveillent la part affective de la mémoire : si les objets et les lieux associés à la vie conjugale évoquent pour Mme Hélène de « bons moments » et l’aident dans les moments difficiles, elle reconnaît qu’elle « n’a pas encore eu le courage de […] ressortir » les films vidéo.

Conclusion

39Si l’on se place dans une perspective constructiviste et interactionniste, le conjoint est l’« autre par excellence » des interactions quotidiennes, celui qui stabilise la vision du monde et la personnalité (Berger & Kellner 1988) ; il joue un rôle clé dans la révélation et la confirmation de soi (Singly 1996, 2000) ; il est celui avec qui se tissent les routines conjugales (Kaufmann 1992, 1994). On sait, par ailleurs, combien les « relations pures » de la sphère privée sont, dans les sociétés modernes, nécessaires à la sécurité ontologique (Giddens 1991). Il n’est donc guère étonnant que, au moment du décès du conjoint, l’identité de son partenaire vacille, que le monde lui paraisse s’effondrer, que l’existence ne lui semble plus avoir de sens.

40Le défi du veuvage consiste alors à réorganiser progressivement son existence en lui trouvant une nouvelle signification. Ce défi apparaît particulièrement difficile à relever lorsque le décès du conjoint frappe, comme c’est majoritairement le cas, après la retraite et le départ des enfants, alors qu’il n’est plus possible de trouver son salut dans l’investissement professionnel ou parental. Certains parviennent cependant, parfois grâce à la médiation d’un proche, à trouver de nouveaux centres d’intérêt, à s’investir dans des activités nouvelles et à tisser des relations qui occupent une place importante dans leur vie. D’autres, parmi les plus âgés, se contentent de survivre, plongés dans leurs souvenirs et dans l’attente de la mort, s’installant « dans un monde “entre-deux” » (Clément 1994).

41Si la réorganisation de l’existence peut prendre des formes très diverses, le veuvage n’apparaît pas, au-delà du sentiment d’anéantissement qui suit le décès, aussi déstabilisant pour l’identité qu’on pouvait s’y attendre : il n’est qu’assez rarement le catalyseur d’un changement identitaire important. De ce point de vue, le veuvage ne constitue pas la figure inversée du mariage : si celui-ci est une rupture « nomique », en ce sens qu’il transforme la vision du monde et l’identité des conjoints (Berger & Kellner 1988), on ne peut pas dire que le veuvage soit anomique, sinon dans les premiers temps du décès. Car, pour la plupart des veuves et des veufs rencontrés (y compris pour celles et ceux qui ont formé un nouveau couple), le conjoint décédé reste très présent et continue à jouer un rôle central et structurant dans leur vie : quelques-uns refusent certes de laisser trop de place aux souvenirs et entendent profiter des années qu’il leur reste à vivre, mais pour beaucoup le conjoint disparu ne cesse pas d’être l’« autre par excellence ». Il l’a été pendant tant d’années qu’il a imprimé sa marque, de manière définitive, sur l’identité de son partenaire ; et la place que celui-ci lui accorde dans ses pensées quotidiennes est telle que le défunt continue, par-delà la mort, à jouer un rôle de confirmation identitaire pour le survivant.

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Annexe

Annexe méthodologique

Les entretiens ont été réalisés, pour la plupart d’entre eux, par des étudiants, dans le cadre d’un enseignement de méthodologie pendant les années universitaires 1995-1996 et 1999-2000. Les veufs et veuves rencontrés devaient avoir plus de 50 ans au moment du décès, celui-ci ayant eu lieu depuis plus de deux ans et moins de huit ans. L’entretien était de type semi-directif et le guide d’entretien comprenait une consigne de départ (« Est-ce que vous pouvez me raconter comment vous avez réorganisé votre vie après le décès de votre conjoint ? ») ainsi que plusieurs thèmes à approfondir (les principales difficultés rencontrées ; le soutien au moment du décès ; la réorganisation de la vie quotidienne et les changements dans les activités ; les relations sociales et leur évolution ; le souvenir du conjoint). L’analyse présentée repose sur une sélection de 50 entretiens parmi les plus riches et réalisés avec des personnes présentant des caractéristiques variées en termes de milieu social, d’âge au moment du décès et de sexe (autant de veufs que de veuves ont été retenus).

Femmes

60 ans, veuve depuis 5 ans, aide ménagère, mari cadre moyen (Mme Joëlle)

61 ans, veuve depuis 4 ans, femme au foyer, mari médecin

61 ans, veuve depuis 5 ans, femme au foyer, mari garagiste

62 ans, veuve depuis 3 ans, femme au foyer, mari ouvrier (Mme Thérèse)

62 ans, veuve depuis 5 ans, institutrice, mari instituteur (Mme Hélène)

62 ans, veuve depuis 8 ans, institutrice, mari conducteur de travaux (Mme Blandine)

63 ans, veuve depuis 3 ans, femme au foyer, mari ouvrier (Mme Marie)

65 ans, veuve depuis 5 ans, aide soignante, mari employé (Mme Agnès)

66 ans, veuve depuis 2 ans, agricultrice, mari agriculteur

66 ans, veuve depuis 4 ans, femme au foyer, mari technicien

66 ans, veuve depuis 8 ans, employée, mari commerçant (Mme Mathilde)

67 ans, veuve depuis 4 ans, commerçante, mari cadre commercial

67 ans, veuve depuis 4 ans, femme au foyer, mari ouvrier (Mme Fabienne)

67 ans, veuve depuis 6 ans, ouvrière, mari ouvrier (Mme Françoise)

67 ans, veuve depuis 8 ans, femme de ménage, mari ouvrier

68 ans, veuve depuis 2 ans, ouvrière, mari ouvrier (Mme Blanche)

68 ans, veuve depuis 5 ans, institutrice, mari représentant de commerce (Mme Lucie)

68 ans, veuve depuis 8 ans, femme au foyer, mari conseiller juridique (Mme Elise)

72 ans, veuve depuis 3 ans, femme au foyer, mari artisan (Mme Louise)

72 ans, veuve depuis 8 ans, cadre supérieur, mari cadre supérieur (Mme Rolande)

77 ans, veuve depuis 5 ans, secrétaire, mari artisan (Mme Sabine)

78 ans, veuve depuis 4 ans, femme au foyer, mari ouvrier (Mme Simone)

80 ans, veuve depuis 6 ans, institutrice, mari professeur (Mme Jeanne)

84 ans, veuve depuis 4 ans, femme au foyer, mari gendarme

89 ans, veuve depuis 5 ans, femme au foyer, mari professeur

Hommes

59 ans, veuf depuis 4 ans, agent de bureau, femme au foyer

59 ans, veuf depuis 5 ans, technicien, femme infirmière

60 ans, veuf depuis 5 ans, ouvrier, femme assistante maternelle

61 ans, veuf depuis 6 ans, ouvrier, femme employée

62 ans, veuf depuis 2 ans, psychologue, femme éducatrice spécialisée (M. André)

62 ans, veuf depuis 3 ans, ouvrier, femme au foyer

64 ans, veuf depuis 3 ans, agriculteur, femme agricultrice

67 ans, veuf depuis 2 ans, agent de maîtrise, femme ouvrière

67 ans, veuf depuis 2 ans, contremaître, femme au foyer

68 ans, veuf depuis 4 ans, agent d’assurances, femme au foyer

68 ans, veuf depuis 4 ans, employé, femme au foyer (M. Franck)

68 ans, veuf depuis 8 ans, employé, femme au foyer

69 ans, veuf depuis 2 ans, commerçant, femme commerçante (M. Jacques)

69 ans, veuf depuis 2 ans, ouvrier, femme au foyer

69 ans, veuf depuis 2 ans, technicien, femme au foyer (M. Joseph)

69 ans, veuf depuis 2 ans, traducteur, femme au foyer (M. Victor)

69 ans, veuf depuis 4 ans, négociant, femme au foyer (M. Charles)

72 ans, veuf depuis 3 ans, ouvrier, femme ouvrière

73 ans, veuf depuis 4 ans, chef-vendeur, femme au foyer

75 ans, veuf depuis 7 ans, contrôleur SNCF, femme ouvrière (M. Henri)

78 ans, veuf depuis 2 ans, ouvrier, femme aide soignante (M. Jacques)

79 ans, veuf depuis 7 ans, courtier, femme agricultrice (M. Robert)

81 ans, veuf depuis 4 ans, ouvrier, femme cuisinière (M. Gilles)

84 ans, veuf depuis 4 ans, ouvrier, femme au foyer

86 ans, veuf depuis 2 ans, ouvrier, femme au foyer

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Notes

1Cf. la présentation de l’enquête et du corpus en annexe.
2Les noms sont, bien évidemment, fictifs. Les caractéristiques des personnes citées figurent en annexe.
3Pour reprendre l’une des typologies proposées. D’autres sont plus complexes (Amiel-Lebigre & Gognalons-Nicolet 1993 : ch. 4 ; Lopata 1993).
4On peut encore noter que, en 1990, 7,4 % des veufs de plus de 60 ans vivaient en couple sans être mariés, contre 3 % des veuves du même âge (Gaymu 1993). Ils sont aussi plus nombreux à se remarier (Caradec 1996b).
5C’est ce que montrent les données du mariage des plus de 60 ans (Caradec 1996b : tableaux 3 et 4).
6On trouvera chez S. Tisseron une interprétation psychanalytique, en termes de travail d’introjection, de ce type de phénomène, inspirée des travaux de N. Abraham et M. Torok (Tisseron 1999 : 65-66).
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Pour citer cet article

Référence papier

Vincent Caradec, « Le veuvage, une séparation inachevée »Terrain, 36 | 2001, 69-84.

Référence électronique

Vincent Caradec, « Le veuvage, une séparation inachevée »Terrain [En ligne], 36 | 2001, mis en ligne le 08 mars 2007, consulté le 02 décembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/terrain/1203 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/terrain.1203

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Auteur

Vincent Caradec

CERLIS-Paris V et université de Lille 3

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Droits d’auteur

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