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Varia

Précarité numérique et urgence sociale

Emmanuelle Vareille

Résumés

L’analyse des processus d’appropriation, rappellent Thomas Stenger et Alexandre Coutant, commentant le travail de Certeau, « implique la prise en compte d’au moins trois niveaux » : le donné, les actions et les significations d’usages (Stenger et Coutant, 2015). C’est la démarche que nous avons retenue pour l’étude des conditions de déploiement du coffre-fort numérique Reconnect expérimenté à la Croix-Rouge de Poitiers. Notre recherche s’est construite au fur et à mesure de notre engagement associatif, la rencontre avec les publics accompagnés par la Croix-Rouge précédant la construction d’un questionnement autour du numérique. Avant toute chose, s’engager dans ce travail exigeait une compréhension fine des problématiques liées à la précarité sociale. La question de l’accès au numérique et de ses enjeux est apparue en creux, révélant au passage toute la complexité d’intervenir dans un contexte d’urgence sociale. Comment lutter contre l’exclusion numérique quand les besoins fondamentaux restent une priorité ? Comment éviter la double peine quand la dématérialisation de l’administration amplifie le non-recours aux droits ? Cet article propose quelques pistes de réflexion basées sur l’expérimentation de deux dispositifs d’inclusion numérique à la Croix-Rouge de Poitiers.

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Texte intégral

Introduction

  • 1 L’essentiel des travaux publiés proviennent de l’association Emmaüs Connect, émanation du Mouvement (...)

1Parmi les nombreux rapports faisant état des fractures numériques qui demeurent au sein de la population française, peu concernent les personnes en situation de précarité sociale1. Le terme même de précarité pose question et recouvre des réalités diverses, pour lesquelles les priorités et les conditions d’accès au numérique ne sont pas les mêmes. Dans un article publié en 2005, Barbier relevait la polysémie de ce terme employé pour caractériser des situations familiales, avant qu’il ne soit repris de manière plus spécifique pour désigner des conditions d’accès à l’emploi et finalement, qualifier la société dans son ensemble (Barbier, 2005).

  • 2 La lecture des nombreux écrits de Paugam, mais aussi celle de Barbier (2005) ou Bresson (2010), ent (...)

2Cette difficulté à circonscrire un périmètre de recherche, éprouvée dès les premières semaines de nos investigations, nous accompagnera tout au long de la recherche, rejoignant ici pleinement les questionnements exprimés par Marianne Trainoir dans le premier chapitre de sa thèse (Trainoir, 2018)2. Fragilité de l’emploi, accès aux droits sociaux, absence de domicile fixe, rupture du lien familial, détresse psychologique sont parmi les signes qui caractérisent l’état de précarité. Une précarité qui rime souvent avec une situation de pauvreté, de vulnérabilité et d’exclusion sociale. En somme, la précarité consiste en « l’absence d’une ou plusieurs des sécurités, notamment celle de l’emploi, permettant aux personnes et familles d’assumer leurs obligations professionnelles, familiales et sociales et de jouir de leurs droits fondamentaux. L’insécurité qui en résulte peut être plus ou moins étendue et avoir des conséquences plus ou moins graves et définitives. Elle conduit à la grande pauvreté, quand elle affecte plusieurs domaines de l’existence, qu’elle devient persistante, qu’elle compromet les chances de réassumer ses responsabilités et de reconquérir ses droits par soi-même, dans un avenir prévisible » (Wresinski, 1987). Cette définition, proposée par le fondateur d’ATD Quart Monde, est celle retenue par le Conseil économique et social français, mais aussi par les Nations unies. Ces sécurités, que Jean Furtos nomme « objet sociaux », renvoient à des objets concrets (l’emploi, l’argent, le logement, la formation, les diplômes, les biens, etc.), idéalisés dans une société donnée et qui font lien : ils donnent un statut, une reconnaissance d’existence et autorisent en quelque sorte les relations sociales (Furtos, 2011). Ils produisent ou médiatisent du lien social.

3Le numérique (en tant qu’assemblage d’objets techniques, mais surtout en tant qu’instrument de construction sociale) s’inscrit parfaitement dans le prolongement de cette liste ébauchée par le psychiatre. Vecteur de lien social, les technologies numériques constituent également un outil de première nécessité dans une société marquée par une dématérialisation croissante des services, à commencer par les services publics. Lutter contre l’exclusion numérique, c’est permettre à chacun de (re)conquérir « ses droits par soi-même, dans un avenir prévisible » (Wresinski, 1987). Si, avec la crise sanitaire, la question de l’accès au numérique a retrouvé une certaine vigueur dans les discours politiques, les inégalités qui touchent encore les publics en situation de précarité sociale persistent et les exposent à une double peine, combinant exclusion numérique et exclusion sociale.

  • 3 Les situations d’entretien sont très variées : entretiens semi-guidés avec les usagers et les trava (...)

4Cet article prend appui sur le matériau rassemblé dans le cadre de la mise en œuvre de deux dispositifs de lutte contre l’exclusion numérique à la Croix-Rouge (Unité locale du Grand Poitiers) entre janvier 2021 et décembre 2023. Notre démarche est celle de l’ethnographique participative ; elle est le fruit d’un engagement bénévole de plusieurs mois dans le pilotage et le déploiement de ces dispositifs. Notre travail repose ainsi sur des observations réalisées au fil de l’eau dans différents lieux d’accueil de la Croix-Rouge (unité locale, accueils de jour, hébergements d’urgence, maraudes du Samu social…), associées à des entretiens avec des bénéficiaires et des travailleurs sociaux. Cette immersion au plus près des acteurs du terrain nous a permis de mieux identifier les besoins et les difficultés liés à chaque situation3. Nous proposons de présenter ici le bilan de ces expérimentations, en nous intéressant plus particulièrement aux enjeux et aux limites de dispositifs qui soulignent une fois encore la difficulté de se saisir de la question de l’accès au numérique dans un contexte de rupture sociale.

L’accès aux droits dans un contexte de dématérialisation administrative

5« Le monde change, le service public doit s’y adapter », titrait le rapport du Comité Action publique 2022 publié dans le cadre du Plan d’action publique du président Macron (Bédague-Hamilius, McInnes et Mion, 2018). « La révolution numérique bouleverse la société et les modes de vie », poursuivent les auteurs du rapport et « les Français veulent plus de dématérialisation des démarches administratives, notamment les plus jeunes ». Dernier volet de simplification de l’administration en cours depuis une vingtaine d’année, la dématérialisation des échanges avec le service public devrait atteindre les 100 % d’ici à la fin de l’année 2022. Aujourd’hui, une trentaine de services sont déjà concernés : déposer un dossier pour un logement social, s’inscrire à Pôle emploi devenu France Travail, réactualiser sa situation auprès de la CAF, obtenir un titre de séjour, etc., toutes ces démarches se font en ligne. Principaux demandeurs de prestations sociales, les personnes précaires sont en lien fréquent avec les services sociaux des administrations. Entre l’ouverture des dossiers, la réactualisation régulière de la situation du ménage, la fourniture de pièces justificatives, elles ont tout intérêt à être équipées et à maîtriser les outils numériques si elles veulent faire valoir et conserver leurs droits.

La dématérialisation, nouvelle source d’inégalités

6La dématérialisation massive des services publics et des démarches administratives modifie considérablement les conditions d’accès aux droits sociaux. D’une part, la substitution du modèle du guichet par des interfaces numériques rend illisible la relation aux administrations, organismes sociaux et services publics. D’autre part, la dématérialisation de l’accès aux droits reporte sur les demandeurs une plus large partie du travail administratif. Cette « injonction à l’autonomie » (Duvoux, 2008) a pour effet de « mettre en incapacité » (Mazet, 2019) des publics fortement dépendants des droits sociaux, conduisant les plus fragilisés à renoncer à leurs droits (accès à la santé, allocations familiales, RSA, etc.).

7Le Haut Conseil du Travail Social distingue deux types de difficultés liées à l’accès aux droits fondamentaux. Les premières relèvent des dispositifs administratifs eux-mêmes : complexité de la réglementation et de sa transposition numérique, dysfonctionnement des outils, standardisation des réponses sans prise en compte des situations singulières. Ce dernier élément constitue un frein particulièrement important pour des personnes aux situations sociales et professionnellement instables.

8Une autre série de difficultés tient, quant à elles, aux moyens dont dispose le demandeur pour accomplir ses démarches. C’est ici que les fractures numériques apparaissent (Ben Youssef, 2004). Celles du 1er degré concernent l’absence d’équipements adaptés (terminal numérique et connexion). Viennent ensuite les fractures qui concernent les usages : absence de compétences instrumentales, illettrisme (avant même que la question de l’illectronisme ne surgisse) ou encore hostilité à l’égard du numérique. À toutes ces difficultés s’ajoutent encore celles liées à la complexité des démarches (avec une tendance forte à la plateformisation), à l’opacité des formulaires administratifs et à la quantité de justificatifs à produire pour faire valoir ses droits ou les maintenir. De fait, selon une enquête nationale réalisée en 2021, une personne sur trois considère la dématérialisation comme un facteur de complexification des démarches administratives (Odéonore et Secours catholique, 2021). La proportion augmente considérablement (7 personnes sur 10) parmi les plus pauvres d’entre elles, y compris chez les plus jeunes. Dans ce contexte, beaucoup sont contraints de s’en remettre à un tiers – accompagnateur social, agent administratif, médiateur numérique – qui, la plupart du temps, effectue les démarches à leur place. Le manque d’autonomie numérique crée ainsi de nouvelles formes de dépendances et de vulnérabilités. Découragés face à toute cette lourdeur administrative, lassés d’avoir à se justifier en permanence, certaines personnes préfèrent renoncer à leurs droits.

Le non-recours, un phénomène massif et complexe

  • 4 Le non-recours » renvoie à toute personne qui ne reçoit pas – quelle qu’en soit la raison – une pre (...)

9La dématérialisation des services facilite les démarches pour certaines personnes, bien équipées et à l’aise avec les formulaires. Pour d’autres, à l’inverse, elle les complexifie, par manque d’équipement, de compétence numérique, mais aussi à défaut de maîtriser la langue française ou la lecture. Il en résulte un phénomène massif de non-recours4. Selon les données de la direction statistique du ministère de la Santé, plus d’un tiers des foyers éligibles au RSA n’en font pas la demande (DRESS, 2022). Pour les allocations familiales, le taux de non-recours concerne plus d’un ménage sur quatre. Ces chiffres rejoignent ceux inscrits dans l’édition 2021 du rapport annuel sur l’État de la pauvreté en France, publié par le Secours catholique.

  • 5 L’Odenore est l’Observatoire des non-recours aux droits et aux services, rattaché à l’Université de (...)

10Philippe Warin, responsable scientifique de l’Odenore, énonce différentes formes de non-recours aux droits communs5 :

  • la non-connaissance (quand la prestation n’est pas connue),

  • la non-demande (quand la prestation est connue, mais non demandée),

  • la non-réception (quand la prestation est connue, demandée, mais non obtenue),

  • la non-proposition (la prestation n’est pas proposée) (Warin, 2016).

  • 6 Les membres de l’Odénore distinguent deux types de non-recours, répondant à ce qu’ils nomment l’hyp (...)

11Les raisons de ce non-recours sont diverses. L’accès à l’information, l’accès aux outils et la complexité des démarches en constituent les principales, sans que cela soit nécessairement une question d’âge ou de génération6. C’est ce que relevait déjà l’ancien Défenseurs des droits Jacques Toubon lors d’un discours prononcé en 2017 :

  • 7 En juin 2020, l’ancienne présidente d’ATD Quart Monde, Claire Hédon, a été nommée au poste de Défen (...)

« Il y a des personnes qui ne font pas de démarche de recours, qui sont dans une situation d’abandon et cela concerne même des jeunes, qui sont plutôt à l’aise avec la technologie, mais qui, pour d’autres raisons, par exemple, la pauvreté, se trouvent largués. » (Toubon, cité par Hédon, 2022)7

12Comprendre les motifs du non-recours suppose une approche fine et complète des situations individuelles. Si le phénomène n’est pas nouveau, il s’est néanmoins amplifié ces dernières années, la dématérialisation provoquant des obstacles supplémentaires et des réticences paraissant parfois insurmontables pour ces publics. Mais ce n’est pas là le seul enjeu lié aux inégalités d’accès aux équipements numériques, encore moins dans un contexte d’urgence.

Le téléphone, outil indispensable à la survie

L’équipement en téléphonie mobile des publics en précarité sociale

13Comme le souligne Marianne Trainoir, les objets numériques participent activement au maintien de soi (Trainoir, 2018). Ils constituent un support (pratique, relationnel ou symbolique) par lequel un individu parvient à se maintenir face au monde, entre autonomie et dépendance.

14La grande majorité des personnes sans-abri possèdent un téléphone mobile. Selon une enquête menée par l’association Solinum, 91 % d’entre elles disposent d’un téléphone mobile, 71 % d’un smartphone (Solinum, 2019). Reste encore la difficulté à trouver un endroit pour le charger (les Wifis publics sont très convoités) ou le prix d’un abonnement mobile, qui amène souvent à opter pour des cartes prépayées et limite rapidement l’accès à Internet.

  • 8 En plus d’être systématique, ce relevé présente l’avantage d’avoir été réalisé au cours d’une pério (...)
  • 9 Selon les données arrêtées au 18 juin 2021. Sur toute la période d’ouverture, l’accueil de jour a a (...)
  • 10 Ces faits nous sont très souvent rapportés, que ce soit au cours des maraudes ou lors des entretien (...)

15Sur le territoire de Poitiers, nous avons cherché à évaluer le taux d’équipement en téléphonie mobile à partir des données recueillies auprès d’usagers d’un accueil de jour ouvert pendant le second confinement. Avant tout destiné aux personnes sans logement, ce lieu a accueilli près de 350 personnes sur la période allant de novembre 2020 à juin 2021. Pour des questions de traçabilité sanitaire, chaque entrée était conditionnée par l’inscription sur un registre où étaient notés l’identité de l’usager et son numéro de téléphone8. Au terme de ces sept mois de fonctionnement, il est ainsi apparu que sept personnes sur dix possédaient un téléphone portable, tous modèles confondus9. Le taux d’équipement varie peu selon le genre des personnes (+2 pts pour les hommes) ou leur âge (0,7 pts d’écart). Ces indications restent toutefois conditionnées par le fait que les personnes sans-abri sont souvent exposées au vol de téléphone, sans compter les détériorations, les pertes et les transactions dont ces matériels font souvent l’objet10. La possession d’un téléphone mobile est donc relativement fluctuante, nous l’avons maintes fois observé.

Le 115, numéro d’urgence sociale

16Si « la connexion numérique n’est pas une option », comme le défend Jean Deydier, fondateur d’Emmaüs Connect, l’accès à un téléphone est vital pour les personnes vivant à la rue. « Un sans-abri a la même utilisation d’un téléphone que tout le monde, rappelle Christophe Robert, Délégué général de la Fondation Abbé Pierre : appeler ses proches, écouter la radio pour se tenir informé, s’adresser aux entreprises, rester en lien avec les travailleurs sociaux, mais aussi appeler le 115 en cas d’urgence.» [Robert, cité par Brosseau, 2018] Ce dernier usage peut être considéré comme vital, dès lors qu’il constitue la seule voie d’accès à une demande d’urgence, en particulier à un hébergement pour la nuit.

  • 11 Aumercier, S. (2004). De l’urgence à l’inclusion globale. Revue du MAUSS, vol. 3, n°1, pp. 116-132

17Le 115 est le numéro national d’urgence et d’accueil pour les personnes sans abri. Il est gratuit et permet de joindre le Samu social, le service chargé de réguler l’ensemble des demandes d’urgence sociale. « Malheur à ceux qui s’aviseraient pourtant de court-circuiter le 115 pour s’essayer à une solution plus directe auprès des centres gérés par le Samu social : ils seront sur le champ renvoyés à leur cabine téléphonique, devenue le passage obligé de toute obtention d’hébergement.11 » [Aumercier, 2004]. La ligne est très souvent surchargée et bon nombre d’usagers sont malheureusement contraints de renouveler plusieurs fois leur appel. Quand les demandeurs ne disposent pas de téléphone, ils sont contraints de se tourner vers un tiers : compagnon de rue, travailleur social, passant ou maraudeur, dépendant ainsi de leur bon vouloir et/ou de leur disponibilité.

  • 12 Les dernières cabines téléphoniques ont été démantelées en 2017.

18En 2021, le centre d’écoute de la Vienne a reçu 8 476 appels pour une demande d’intervention (ex : orientation, maraude). La grande majorité de ces demandes (8 sur 10) portent sur un hébergement d’urgence. Avec la disparition des cabines téléphoniques du paysage urbain12, les possibilités pour les personnes à la rue de solliciter les services d’urgence ou de solliciter l’aide de proches sont encore plus réduites. De ce point vue, l’absence d’équipement téléphonique est donc fortement pénalisante.

Don de Giga : un dispositif de lutte contre l’exclusion numérique

  • 13 Au total, 10 000 neufs et 20 000 forfaits d’une durée de 2 ans ont été distribués gratuitement.

19L’opération Don de Giga est une initiative de l’opérateur Bouygues Télécom qui permet à des associations partenaires de favoriser l’équipement téléphonique des personnes en situation de précarité. Grâce à cette opération, l’Unité locale du Grand Poitiers a pu distribuer gratuitement 50 smartphones et autant de cartes 4G13. Les résultats que nous présentons ici ont été recueillis au cours de cette action menée de janvier à novembre 2021.

20Pour bénéficier de cette offre, l’usager est tenu de fournir une adresse électronique, un RIB et un certificat de domiciliation : des conditions souvent difficiles à réunir. De fait, les formalités pour délivrer un téléphone ont souvent nécessité la création immédiate d’un compte mail : une personne sur cinq n’en disposait pas. Le récit ci-dessous, extrait de notre journal de terrain, illustre d’autres difficultés et limites apparues au cours de l’opération :

  • 14 A l’exemple du Compte Nickel inauguré en 2014, un service permettant l'ouverture d'un compte bancai (...)

20 mai 2021. Christophe se présente à l’Unité locale. Ne possédant pas de compte bancaire, monsieur n’est pas en mesure de fournir le RIB exigé par le contrat. Il projette d’en ouvrir un, auprès d’un buraliste. Seulement, pour ouvrir un tel compte, il faut disposer d’un numéro de téléphone portable attitré14. Donc impossible tant que le jeune homme n’a pas de téléphone portable de souscrire à un compte bancaire en ligne. Et impossible, inversement, de bénéficier d’un don de téléphone sans RIB. 

  • 15 La Cour des Comptes affirme qu’un tiers des ménages ayant un faible recours aux services bancaires (...)

21« Le problème c’est que tout est interdépendant », commente la présidente de l’unité locale de la Croix-Rouge, témoin de la scène. « Il faut un téléphone pour avoir un compte et un compte pour avoir un téléphone. C’est le serpent qui se mord la queue ». Bien que la France compte parmi les pays où le taux de bancarisation est particulièrement élevé, le recours aux services bancaires reste très lié au niveau de vie15. Le droit au compte, qui figure pourtant parmi les éléments retenus par la Banque de France dans le cadre du contenu minimal de service bancaire, est encore plus loin d’être acquis pour les publics accompagnés par La Croix-Rouge. Malgré l’obligation règlementaire, le refus des banques de satisfaire les demandes d’ouverture de compte de personnes peu solvables est une réalité à laquelle nous avons été souvent confrontés sur le terrain. Ces refus sont d’autant plus condamnables qu’ils ont pour conséquence de conduire les personnes à se tourner vers des services alternatifs (les comptes sans banque), régulièrement pointés du doigt par les associations de consommateurs alertées par le risque de surendettement.

Un coffre-fort numérique pour faciliter l’accès aux documents et réduire le coût de transaction

22« Quand on n’a pas de maison, pas pratique de transporter tous ses papiers partout où on va », consent Hamady alors que nous échangeons à propos du coffre-fort numérique (Entretien du 05.07.2022). Encombrants, les papiers sont pourtant précieux et les perdre peut conduire à une plus grande précarité que celle déjà subie. La difficulté à réunir les pièces justificatives requises pour les démarches administratives constitue d’autant plus un obstacle que « le niveau de contrôle social des plus démunis est particulièrement pointilleux » (Observatoire des Inégalités, 2018). Le coffre-fort numérique (CFN) proposé par l’association Reconnect, a vocation à répondre à cette préoccupation.

Un outil adapté, en constante évolution

  • 16 Depuis sa création, l’outil a de fait subi de nombreuses évolutions (ergonomie, fonctionnalités, tr (...)

23Créé en 2014, le CFN permet de numériser et de stocker des documents, tout en facilitant les échanges avec les travailleurs sociaux. Observant que les outils de stockage classiques ne sont pas toujours adaptés aux personnes en situation de précarité, la solution proposée par Reconnect a été développée en lien étroit avec les besoins des utilisateurs rencontrés sur le terrain. L’outil se veut ainsi accessible, y compris aux plus éloignés du numérique, et évolutif, pour qu’il ne soit pas l’expression de « fantasmes que des prescripteurs distants ont des besoins des usagers au lieu de solutions aux problèmes du quotidien » (Sorin, 2019)16.

  • 17 Bilan présenté à la journée organisée par la Direction générale de la cohésion sociale, l’Union nat (...)
  • 18 Après une année d’expérimentation, 967 CFN avaient été créés, dont les 9/10e par 3 CCAS et 669 par (...)

24En 2016-2017, plusieurs solutions de ce type, dont Reconnect, ont été testées par 16 centres communaux d’action sociale. Si le bilan de cette expérimentation a permis de confirmer l’intérêt de l’outil (95 % de ses usagers, professionnels et bénéficiaires confondus, l’ont jugé utile), il est demeuré mitigé quant à l’usage qui en a été fait17 18. Parmi les obstacles identifiés, certains sont liés à l’outil (i.e. manque d’ergonomie, absence de traduction) et aux conditions dans lesquelles l’usager y accède (problèmes de connectivité, oubli des mots de passe, illectronisme). Mais les principaux freins tiennent au décalage entre l’utilité de l’outil et la réalité des conditions d’appropriation, autrement dit le quotidien des personnes en situation de précarité. Faute de moyens suffisants pour l’accompagnement du dispositif, indique le rapport de synthèse, la complexité des démarches à accomplir et l’incertitude relative au résultat, qui plus est pour des personnes déjà entièrement mobilisées par les tâches nécessaires à leur survie, restent sans aucun doute une difficulté insurmontable.

L’implantation progressive de Reconnect à la Croix-Rouge de Poitiers

25En avril 2022, l’Unité locale du Grande Poitiers a signé une convention avec l’association Reconnect, rejoignant ainsi la liste des 18 structures de la Croix-Rouge volontaires pour expérimenter le CFN. Désignée pour coordonner l’expérimentation et « promue » à la fonction de Référente territoriale de l’Inclusion numérique pour la Croix-Rouge de la Vienne, nous avons eu toute latitude pour structurer le projet et définir ses principales étapes. Sachant que l’efficacité et l’acceptabilité d’un dispositif dépend au moins autant de ses qualités intrinsèques que des conditions de sa mise en œuvre, il importait d’abord que l’équipe de bénévoles intervenant dans le dispositif s’approprie l’outil avant de le proposer aux publics de l’Unité locale. Clarifier les enjeux liés au CFN, donner un aperçu de son fonctionnement, semblait en effet nécessaire pour donner tout son sens à ce nouveau service proposé par la Croix-Rouge. En parallèle, l’équipe de bénévoles a mené un important travail de refonte des documents mis à disposition par l’association Reconnect, que ce soient les guides d’utilisation (simplifiés et traduits en 8 langues) ou les supports de communication, rhabillés aux couleurs de la Croix-Rouge, afin de l’inscrire lisiblement dans notre offre de services et non comme une prestation extérieure. Si ce travail préparatoire a retardé l’ouverture des premiers coffres-forts, nous restons convaincus que c’est là un des facteurs essentiels qui explique le bon déploiement de l’outil à l’Unité locale de Poitiers. « Il faut le temps que l’outil trouve sa place », commente un bénévole de l’Unité locale de Paris I/II, également impliquée dans l’expérimentation de Reconnect (réunion bilan, 28.09.2022). Ce temps, c’est en partie celui que nous avons consacré à installer l’outil dans le quotidien de l’Unité locale du Grand Poitiers, en multipliant les réunions préparatoires, en ajustant les outils et procédures en place, en révisant chaque fois que nécessaire notre feuille de route initiale.

26La priorité suivante visait à multiplier les points d’accès à Reconnect, au plus près des publics accompagnés par la Croix-Rouge, dans le cadre de permanences dédiées (à l’unité locale, dans un centre d’hébergement d’urgence ou dans des accueils de jour), mais aussi au fil de l’eau, dans ces mêmes lieux ou au cours des maraudes du SAMU social. Ce dispositif visait à réduire les barrières spatio-temporelles, en privilégiant l’aller-vers et la réactivité. Une telle fluidité d’intervention nécessite certes beaucoup d’interactions entre les équipes et de disponibilité en compétences humaines, mais elle présente un avantage essentiel : lever l’effet de seuil institutionnel infranchissable pour les plus précarisés.

27Au moment où le face-à-face disparaît au profit des guichets numériques, la possibilité de s’appuyer sur des acteurs qui se connaissent et se reconnaissent mutuellement représente un véritable atout pour établir une relation de confiance (à plus forte raison lorsqu’il s’agit de manipuler des données personnelles). Alain Mercuel le souligne : « Quand on a été trahi par ses parents, par les centres d’accueil… quand on a vécu l’instabilité relationnelle depuis le premier âge, on ne demande plus… il y a abandon de la confiance, d’appartenance, de statut… » (Mercuel, 2012). L’hypothèse était que le lien établi entre les équipes du Samu social et ses usagers, dont certains sont connus de longue date, faciliterait le déploiement du coffre-fort numérique. Dans la première phase de déploiement, nous avons également fait le choix de constituer une première équipe autour d’un petit noyau de volontaires, avant de l’élargir à l’ensemble des personnels de la domiciliation. L’ancrage du dispositif et les changements de pratiques que cela induit pouvant être favorisés par le fait qu’il ne s’agit pas d’un processus prescrit par la hiérarchie, mais co-construit et porté pas ses principaux agents.

Le bilan après six mois d’expérimentation : de la souscription à l’appropriation

28Au cours de la période concernée, 84 personnes ont ouvert un coffre-fort numérique, dont 56 à l’Unité locale. Les deux tiers (68,3 %) sont des hommes. Agés de 17 à 75 ans, la moitié des usagers du coffre-fort ont entre 25 et 39 ans. La structure de la population ayant souscrit un coffre-fort numérique est de ce point de vue comparable à celle du public accueilli par le service de domiciliation au cœur de l’expérimentation. Les seuls écarts observables concernent la fréquence d’ouverture de coffres sur la période de sa mise en œuvre, lesquels écarts sont directement liés à la disponibilité des bénévoles et à l’effectivité de l’offre.

  • 19 Ces chiffres sont extraits du compte rendu d’expérimentation présenté par 21, l’Accélérateur d’inno (...)

29Ce premier bilan chiffré contraste avec celui de la majorité des structures Croix-Rouge engagées simultanément dans l’expérimentation de Reconnect. Sans doute les conditions dans lesquelles le coffre-fort numérique a été déployé expliquent les écarts observés : 2 CFN ouverts à l’unité locale de Paris 1/2, 51 à Poitiers sur la même période de 6 mois19. Dans certains établissements, ce sont les travailleurs sociaux qui ont été à la manœuvre, proposant le CFN en complément de leurs démarches d’accompagnement. À Poitiers, le déploiement du CFN a été organisé en lien direct avec le service de domiciliation. Là où des professionnels de l’action sociale voient dans le CFN un outil d’accompagnement social, nous le présentons comme un outil d’autonomisation au service des usagers. À ce jour, toutefois, il reste difficile de présumer de l’impact que cet outil aura véritablement sur leurs pratiques numériques et, encore moins, sur leurs démarches administratives. Au-delà du bilan chiffré, un retour sur les usages est en effet indispensable pour apprécier les véritables conditions d’appropriation de l’outil par ses utilisateurs (Jouet, 2000).

  • 20 Les propos rapportés ici ont, pour l’essentiel, été recueillis auprès de personnes en situation de (...)

30Les premiers entretiens semi-directifs menés auprès d’une quinzaine d’usagers du CFN ne suffisent pas à rendre compte de l’expérimentation dans sa globalité. Ils permettent néanmoins de faire émerger quelques pistes de réflexion qu’il s’agira d’approfondir. En premier lieu, le changement d’équipement téléphonique (mentionné à plusieurs reprises) suffit parfois à motiver l’abandon du CFN. Certains entretiens-bilans avec les usagers ont d’ailleurs été l’occasion de réinstaller l’application et de revenir sur son fonctionnement. Tant que son usage n’a pas fait ses preuves, l’appropriation du CFN reste fragile face à l’instabilité des équipements. Une deuxième piste de réflexion concerne le contexte de souscription du CFN. Alors qu’il est avant tout présenté comme un moyen de stocker des documents, le CFN a souvent trouvé preneur auprès de personnes qui venaient de subir une perte ou un vol de leurs papiers. Il semble que la leçon de cette mauvaise expérience rende soudainement plus attractif le service que leur propose la Croix-Rouge. Le troisième constat issu de ces premiers entretiens porte sur l’intégration du CFN dans les pratiques existantes et nous conduit naturellement à nous interroger sur la filiation des usages (Paquienséguy, 2004). L’adoption du CFN n’induit pas nécessairement un changement radical des pratiques installées. Le témoignage de Larissa en fournit une illustration. Au cours d’un entretien, elle nous confie continuer à « se promener avec tous ses documents », parce qu’elle n’a pas de forfait mobile, mais aussi parce qu’elle « préfère » (Entretien du 16.12.2022). Cette précaution ne l’empêche pas d’approvisionner régulièrement son CFN, nous explique-t-elle, convaincue de son utilité pour elle et pour sa famille en son absence. D’autres formes de résistance sont apparues au cours de l’expérimentation. La méfiance à l’égard des institutions (en l’occurrence un bailleur social) pousse certaines personnes à limiter d’eux-mêmes l’usage du CFN. « Il n’est pas question qu’ils [les travailleurs sociaux] numérisent mes documents », proteste Laurent avec force (Entretien du 22.12.2022). S’il conçoit l’intérêt de l’application pour stocker ses documents, il refuse de l’utiliser pour communiquer avec l’administration, préférant toujours se déplacer. Plus surprenant, le discours de Florent, qui nous explique que lorsqu’il aura scanné tous ses papiers sur son CFN, il enregistrera une copie sur une clé USB pour les avoir en permanence avec lui (Entretien du 30.12.2022)20. Bricolage, mal usage ou créativité, ces formes variées d’appropriation méritent toutes d’être questionnées. Derrière l’intérêt manifeste pour l’outil, en particulier chez les personnes domiciliées à l’UL, se cache une diversité d’usages (ou de non usages), objets de nos futurs travaux de recherche.

Intervenir auprès des publics en situation de précarité : quand l’urgence est ailleurs

  • 21 Sur 69 personnes informées, 16 ont déclaré ne pas être intéressées par le CFN. Sur les 53 restant, (...)

31Convaincre les personnes se présentant à l’Unité locale du Grand Poitiers de l’utilité du CFN n’a pas été compliqué. Informées lors de l’entretien d’accueil qui précède toute demande de domiciliation, les personnes ont majoritairement reconnu l’intérêt que cet outil pouvait représenter, tant pour conserver leurs documents, que pour simplifier leurs démarches administratives. Mais si l’idée était en général séduisante, sa réalisation était souvent remise au lendemain21.

32L’usage du CFN est en réalité lié au ratio perçu entre l’investissement que suppose a priori son appropriation et sa capacité à répondre à des besoins immédiats (se nourrir, se loger, trouver un emploi…). Plus généralement, le décalage apparent entre l’utilité de l’outil et le quotidien des personnes en situation de précarité dont nous comprenons la difficulté à se projeter dans l’avenir constitue un obstacle de taille. « Les Samu sociaux sont le premier maillon d’une chaîne qui va de l’urgence à l’insertion », dit la Charte des Samu sociaux. Mais, quand on est à la recherche d’un toit pour la nuit, quand on ne mange pas à sa faim ou que l’on craint en permanence pour sa sécurité, il est difficile de se projeter dans l’avenir. Dans un article intitulé Vivre dans la rue et se soigner, l’ethnologue Yann Benoist rapporte l’histoire de Jocelyne, SDF, qui bien qu’atteinte de plusieurs maladies graves, continue à négliger sa santé « parce qu’elle considère que la maladie est un problème secondaire. […] Sa seule préoccupation étant de répondre à ses besoins immédiats (qu’ils soient ou non vitaux), penser le long terme n’a pour elle que peu d’intérêt. » (Benoist, 2008). Comme beaucoup, Jocelyne ne vit presque que dans le présent, « au risque de rendre obsolète la notion même de projet » (Jauréguiberry, 2014).

33Ainsi, le non-recours aux soins ne relève pas nécessairement de l’impossibilité d’avoir accès aux soins, mais d’obstacles liés à cette difficulté de gérer « le plus urgent du plus urgent » dans une temporalité figée au moment présent. Dans ce contexte particulier, nous explique Sandrine Aumercier : « L’insertion n’est un projet que pour les acteurs sociaux et rarement pour les hébergés d’urgence, si toute leur énergie doit se consacrer, chaque jour, à s’assurer d’une place pour le soir même, au prix d’un véritable parcours du combattant. » (Aumercier, 2004). Si l’effritement du lien social, la mobilité (professionnelle ou géographique) et la dépendance vis-à-vis des minima sociaux caractérisent bien la situation des populations précaires, la perte de repères, notamment temporels, constitue un trait commun dont nous n’avions peut-être pas mesuré l’impact.

Conclusion

  • 22 Plusieurs travaux sur les pratiques numériques des travailleurs sociaux notent par ailleurs une « g (...)

34Alors que l’intervenant social vise l’autonomisation des personnes qu’il accompagne, les besoins inhérents à l’utilisation du numérique rajoutent de la dépendance22. L’accès au numérique, ce n’est pas seulement une condition pour faire valoir ses droits et exercer son pouvoir d’agir, c’est aussi, comme l’a souligné Marianne Trainoir (2017), pouvoir échanger avec ses amis de la rue, maintenir les liens familiaux, se tenir au courant, écouter de la musique… Ramener vers le numérique ceux qui en sont le plus éloignés nécessite une approche intégrée. « Santé, logement, emploi, tout est lié », rappelle Louis Gallois, président de la Fédération des acteurs de la solidarité (Giorgi, 2019), rejoignant ici les préconisations du rapport du CESE. L’inclusion numérique pourrait-il devenir un levier d’inclusion sociale ? Une question sans doute légitime si l’on considère, à l’exemple du Conseil national du Numérique, l’inclusion numérique comme « l’inclusion sociale dans une société et une économie où le numérique joue un rôle essentiel » (CNNum, 2013).

35Notre expérience à la Croix-Rouge montre que privilégier « l’aller vers » pour les publics les plus précaires qui ne sollicitent pas les structures d’aide ne suffit pas. L’apport théorique proposé par Michel de Certeau (1990) est précieux pour comprendre la nécessité pour l’usager d’inscrire son action dans le cadre déterminé par l’urgence. Imprimer le quotidien des usagers en les orientant vers de nouvelles pratiques – prétendument plus efficaces – exige un accompagnement constant et concerté pour saisir chaque opportunité. Ce qui est en jeu déborde le cadre d’intervention des seuls acteurs de l’inclusion numérique et souligne l’importance d’une approche globale centrée sur l’usager. Ce constat émerge au moment-même où la multiplication des intervenants à laquelle on assiste depuis quelques années (agents France Service, médiateurs numériques, conseillers numériques) vient percuter « en quelque sorte le travail des médiateurs sociaux » (Dubasque, 2022 ; Mazet & Sorin, 2020). Un nouvel équilibre reste à inventer entre les personnes accompagnées, les médiateurs sociaux et les acteurs de l’inclusion numérique.

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Bibliographie

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Notes

1 L’essentiel des travaux publiés proviennent de l’association Emmaüs Connect, émanation du Mouvement Emmaüs qui a fait de l’exclusion numérique une mission centrale. Citons également le rapport d’étude Précarité connecté, publié par l’association Solinum.

2 La lecture des nombreux écrits de Paugam, mais aussi celle de Barbier (2005) ou Bresson (2010), entre autres auteurs, a été précieuse pour progresser dans ce questionnement préalable sur l’objet de notre recherche.

3 Les situations d’entretien sont très variées : entretiens semi-guidés avec les usagers et les travailleurs sociaux, échanges non formels avec les publics croisés dans les structures d’accueil, lors de permanences ou de maraudes avec les équipes mobiles du Samu social.

4 Le non-recours » renvoie à toute personne qui ne reçoit pas – quelle qu’en soit la raison – une prestation ou un service auquel elle pourrait prétendre » (Odenore & Secours Catholique, 2021).

5 L’Odenore est l’Observatoire des non-recours aux droits et aux services, rattaché à l’Université de Grenoble.

6 Les membres de l’Odénore distinguent deux types de non-recours, répondant à ce qu’ils nomment l’hypothèse restrictive ou non restrictive, selon le degré d’information des personnes concernées.

7 En juin 2020, l’ancienne présidente d’ATD Quart Monde, Claire Hédon, a été nommée au poste de Défenseur des droits, pour succéder à Jacques Toubon.

8 En plus d’être systématique, ce relevé présente l’avantage d’avoir été réalisé au cours d’une période où cet accueil de jour restait le seul ouvert à Poitiers. S’y croisaient donc des populations qui, jusqu’alors, se répartissaient sur différentes structures de la ville.

9 Selon les données arrêtées au 18 juin 2021. Sur toute la période d’ouverture, l’accueil de jour a accueilli 624 personnes, dont 129 femmes et 495 hommes (chiffres extraits du rapport d’activité rédigé par la Croix-Rouge à la fermeture du lieu).

10 Ces faits nous sont très souvent rapportés, que ce soit au cours des maraudes ou lors des entretiens menés avec les usagers.

11 Aumercier, S. (2004). De l’urgence à l’inclusion globale. Revue du MAUSS, vol. 3, n°1, pp. 116-132

12 Les dernières cabines téléphoniques ont été démantelées en 2017.

13 Au total, 10 000 neufs et 20 000 forfaits d’une durée de 2 ans ont été distribués gratuitement.

14 A l’exemple du Compte Nickel inauguré en 2014, un service permettant l'ouverture d'un compte bancaire en quelques minutes, sans conditions de revenus, de dépôts ou de patrimoine.

15 La Cour des Comptes affirme qu’un tiers des ménages ayant un faible recours aux services bancaires ont un niveau de vie inférieur au seuil de pauvreté, estimant par ailleurs à 99 % le pourcentage de Français disposeraient d’au moins un compte bancaire (FFB, 2022).

16 Depuis sa création, l’outil a de fait subi de nombreuses évolutions (ergonomie, fonctionnalités, traduction, intégration d’un scan…).

17 Bilan présenté à la journée organisée par la Direction générale de la cohésion sociale, l’Union nationale des centres communaux d'action sociale et l’Agence numérique le 16 mai 2018, portant sur « Les défis et enjeux du numérique dans les politiques de cohésion sociale ».

18 Après une année d’expérimentation, 967 CFN avaient été créés, dont les 9/10e par 3 CCAS et 669 par le seul CCAS de Saint-Louis (soit 7/10).

19 Ces chiffres sont extraits du compte rendu d’expérimentation présenté par 21, l’Accélérateur d’innovation sociale de la CRF, en septembre 2022.

20 Les propos rapportés ici ont, pour l’essentiel, été recueillis auprès de personnes en situation de grande précarité. Sans doute leur expérience du CFN n’est-elle pas représentative de l’ensemble des usagers. Une seconde série d’entretiens est prévue, qui permettra de le vérifier.

21 Sur 69 personnes informées, 16 ont déclaré ne pas être intéressées par le CFN. Sur les 53 restant, 25 en ont finalement ouvert un.

22 Plusieurs travaux sur les pratiques numériques des travailleurs sociaux notent par ailleurs une « grande hétérogénéité dans l’accès aux équipements et aux réseaux comme dans les pratiques effectives des professionnels » (Sorin, 2019 ; Mazet et Sorin, 2020).

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Pour citer cet article

Référence électronique

Emmanuelle Vareille, « Précarité numérique et urgence sociale  »Terminal [En ligne], 137 | 2023, mis en ligne le 20 mars 2024, consulté le 06 décembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/terminal/9395 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/terminal.9395

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Auteur

Emmanuelle Vareille

Laboratoire Techné - Université de Poitiers | Référente territoriale Inclusion numérique – La Croix-Rouge 86

Université de Poitiers - Département SIC | Bâtiment E15, 8 rue René Descartes | TSA 81118 - 86073 Poitiers cedex 9

email : emmanuelle.vareille@univ-poitiers.fr

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