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AccueilNuméros134-135La santé à l’heure du numérique

Texte intégral

1La santé est un secteur très informatisé et la e-santé est devenue un marché avec objets connectés et systèmes d’intelligence artificielle (IA). La recherche en informatique pilotée par l’Inria s’investit dans ce domaine ainsi que de nombreuses start-up. Ces développements génèrent quantité de données qui peuvent décrire tout à la fois l’histoire de la maladie rapportée par le patient, son examen clinique, ses examens de laboratoire et clichés d’imagerie médicale, le traitement prescrit et l’évolution de la maladie ; mais aussi son patrimoine gé́né́tique et son mode de vie1. En appliquant à ces ensembles de données les algorithmes issus des travaux sur les réseaux de neurones en IA, certains chercheurs en biologie et en médecine espèrent faciliter le diagnostic de certaines maladies chez leurs patients.

e-santé

2Au départ, le numérique en santé s’inscrivait pour le gouvernement et pour l’administration de la santé dans le plan global de dématérialisation des démarches administratives et le commerce des médicaments en ligne. Le développement d’Internet et la création de plateformes accessibles directement à partir d’un simple smartphone, la connexion généralisée des professionnels de la santé ont entraîné la création d’informations et la collecte de celles-ci sur les patients. Bien plus, chacun(e) est poussé(e) à enregistrer en permanence une partie de ses données de santé (« quantified self », jumeau numérique, personnalisation du soin, IA).

3L’épidémie de Covid-19, la vaccination de la population ont renforcé la collecte massive et systématique des données par les institutions publiques (espace de santé numérique, DMP), par le praticien (télémédecine), et par le patient lui-même ou ses proches. Le recours à la contrainte et au pass vaccinal a été vécu comme une menace pour les libertés publiques par une partie de la population.

La plateforme des données de santé (Health Data Hub)

4La Plateforme des données de santé (PDS), infrastructure officiellement créée le 30 novembre 2019, est destinée à faciliter le partage des données de santé issues de sources très variées afin de favoriser la recherche. La Cnil, qui s’est prononcée sur les conditions de sa mise en œuvre, a rappelé les enjeux pour les libertés individuelles et les règles à suivre pour les projets qui souhaiteraient en bénéficier.

5Cette nouvelle plateforme a été donc fortement critiquée : l’hébergement des données est mise en œuvre par une entreprise américaine Microsoft, l’anonymisation des données se révèle fragile et les conditions d’accès par les entreprises privées peu contraignantes. En particulier, la protection des données à l’égard des transferts notamment hors de l’UE suscite l’inquiétude à l’égard des hébergeurs américains de données de santé. Ces transferts sont provisoirement suspendus2.

Création de « Mon espace santé »

6Une campagne de publicité a été ouverte à la télévision pour le lancement de « Mon espace santé ». L’échec du DMP a servi de leçon au gouvernement.

L’ouverture de ce MES n’est pas obligatoire mais est effectuée automatiquement au bout de six semaines. Pour l’instant, cela n’a aucune conséquence sur le remboursement des dépenses de santé par la Sécurité Sociale. Les centres de données seront hébergés en France mais seront confiées à des entreprises privées.

  • Des avantages en termes de suivi médical. Les soignants auront ainsi une meilleure connaissance des traitements suivis par leur patient et l’historique de ceux-ci. Une messagerie sécurisée permettra la circulation d’informations entre le personnel médical et les patients.

  • Des problèmes dans la mise en œuvre :

  1. création sans consentement explicite (opt-out),

  2. nécessité de pouvoir accéder à Internet ce qui laisse de côté une partie de la population,

  3. risque de piratages de données sensibles enregistrées dans les « Data Center »

  4. les données ne seront pas chiffrées de bout en bout. Les administrateurs du système et les développeurs d’applications pourront accéder directement aux informations enregistrées.

    • 3 Safari ou la chasse aux Français (1974)

    l’utilisation du NIR (numéro de Sécurité sociale) permettra de relier les informations enregistrées à celles d’autres bases de données administratives3.

7Il serait donc utile qu’un audit indépendant soit effectué sur les risques et les bénéfices apportés par cette application avant de la généraliser à toute la France.

Projet carte Vitale biométrique

8Ce projet est réclamé par la droite et l’extrême droite pour lutter contre la fraude. Comme les papiers d’identité biométriques, la carte Vitale biométrique contiendrait les empreintes digitales de l’assuré. Un autre projet soutenu par la Fédération des pharmaciens d’officine vise à remplacer la carte Vitale par une application sur le smartphone. Il est déjà expérimenté dans huit départements.

Les projets soutenus par la Cnil

9La Cnil accompagne 12 projets dans le domaine de la santé numérique.

10Les critères de sélection retenus sont : le caractère innovant du projet, le bénéfice pour le public, l’intérêt pour la protection des données, et un engagement fort du porteur dans la démarche :

  • le projet du CHU de Lille et de l’équipe Magnet de l’Inria concernant l’apprentissage fédéré en intelligence artificielle appliquée aux études cliniques ;

  • le projet de la jeune pousse Resilience développant une solution d’aide au diagnostic en oncologie ;

  • le projet Magellan du bureau d’études Clinityx visant à construire des indicateurs statistiques anonymes de description des populations en recherche médicale ;

  • et le projet Vertexa du Centre hospitalier d’Arras proposant une solution de réalité virtuelle à visée thérapeutique pour lutter contre les troubles de l’alimentation des mineurs.

11La Cnil a décidé, outre les quatre projets précédents, d'apporter un appui à 8 autres projets présentant un intérêt fort pour la protection des données4.

À propos de l’IA

12Depuis plusieurs années, le déploiement de technologies d’intelligence artificielle (IA), en particulier des réseaux neuronaux s’est très largement développé. Ces algorithmes nécessitent une phase d’apprentissage plus ou moins longue. Les données générées par la multiplication des examens médicaux ont été employés pour cela. Ce qui n’est pas sans poser des questions en termes de protection des données. Celle-ci est évidemment encadrée par les principes définis dans la loi Informatique et Libertés et plus récemment par le RGPD. D’ailleurs, un futur règlement pour le recours à l’IA est en cours d’élaboration au niveau de l’Europe. La Cnil en est partie prenante. Ses travaux visent à assurer la conformité des traitements issus de ces algorithmes avec les règles européennes. Des procédures d’évaluation doivent être mises en œuvre par les fournisseurs de ces logiciels. L’Union européenne interdit par exemple la notation sociale effectuée par les autorités publiques, technologie largement diffusée en Chine. La reconnaissance faciale à distance dans l’espace public doit être exclue, même pour le contrôle du respect de la loi.

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Pour citer cet article

Référence électronique

Jacques Vétois, « La santé à l’heure du numérique »Terminal [En ligne], 134-135 | 2022, mis en ligne le 12 octobre 2022, consulté le 16 janvier 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/terminal/8493 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/terminal.8493

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Auteur

Jacques Vétois

Comité de rédaction

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