1Au Canada, les étudiants en situation de handicap constituent une proportion substantielle dans l’enseignement supérieur. Par exemple, les données provenant de l’Ontario, la province la plus peuplée du pays, indiquent que 14 % des étudiants des établissements d’enseignement postsecondaire (qui correspondent au baccalauréat français) sont en situation de handicap (Ministry of Training, Colleges & Universities, 2012). Ce chiffre représente le nombre d’étudiants qui se sont inscrits aux services adaptés de leur établissement. Comme c’est le cas dans les autres collèges et universités en Amérique du Nord, la majorité des étudiants qui rapportent une situation de handicap ne s’inscrivent pas pour obtenir des services adaptés ou pour recevoir des mesures d’aide particulières. Par conséquent, l’évaluation du nombre d’étudiants en situation de handicap à partir des inscriptions à ces services représente une sous-estimation de la proportion réelle [Fichten et al., 2006]. Depuis des années, plusieurs recherches visent à améliorer l’accès aux études postsecondaires pour les étudiants en situation de handicap, mais peu d’études font état de ceux qui y sont déjà inscrits, de leurs besoins, et des moyens pour les aider à réussir leur scolarité. À tout le moins, la littérature scientifique montre que, contrairement aux mythes, les étudiants en situation de handicap qui accèdent aux études postsecondaires ont le même taux de diplôme que leurs pairs qui ne sont pas en situation de handicap (Wessel et al., 2009 ; Jorgensen et al., 2005).
2Depuis quelques années, les médias sociaux sont de plus en plus intégrés dans les pratiques pédagogiques. L’utilisation de la messagerie instantanée, du clavardage ou « tchat » comme Google Talk – maintenant remplacé par Google+ Hangouts – (pour la communication entre étudiants), de YouTube (avec des études de cas et des clips vidéo pour la formation), des balados ou « podcasts » (permettant aux étudiants d’écouter les présentations et les cours enregistrés), des forums (qui promeuvent la discussion et le partage d’idées entre les étudiants ; et facilitent des recherches dans les messages archivés), des wikis (afin que les équipes puissent éditer le même document), des blogs et des microblogs tels que Twitter (pour publier des courts messages sur des sujets d’actualité en éducation), du partage de signets (facilitant le partage des références d’intérêt entre étudiants et professeurs), des planificateurs de réunions comme Doodle, des visioconférences (sur Skype entre autres), des jeux sociaux et des simulations, ainsi que des pages Facebook (qui permettent d’annoncer les activités sur le campus et les annulations de cours) n’en sont que quelques exemples [CDW-G, 2012 ; Faculty Focus, 2011 ; Lepi, 2013]. LinkedIn et ResearchGate sont également utiles afin de bâtir un réseau professionnel, surtout destinés aux nouveaux diplômés dans le cadre d’une recherche d’emploi.
3Mais qu’en est-il des besoins des étudiants en situation de handicap ? Certes, plusieurs publications ont été écrites sur l’usage des médias sociaux dans l’enseignement supérieur, mais rien n’a été explicitement écrit sur les expériences et les points de vue des étudiants en situation de handicap. Pourtant, plusieurs médias sociaux comportent divers problèmes d’accessibilité pour ces personnes dans leur vie quotidienne [Boudreau, 2011]. Pire, c’est une problématique encore plus alarmante de savoir que certains de ces outils sont requis dans le cadre de leurs études.
4Afin de déterminer l’accessibilité des médias sociaux pour ces étudiants, il est indispensable d’identifier les technologies de l’information et de la communication (TIC) qu’ils utilisent et à quel point les technologies adaptées disponibles satisfont leurs besoins [Fichten et al., 2012 ; Nguyen et al., 2011]. L’intérêt de l’usage des médias sociaux par les étudiants en situation de handicap provient du fait que la plupart d’entre eux se servent justement des technologies adaptées pour accéder à ces médias sociaux !
5Pour illustrer ce point, Fichten et al. (2012) rapporte les TIC dont les étudiants en situation de handicap jouissent. Cette étude avait pour objectif d’évaluer la satisfaction des besoins reliés aux TIC chez les étudiants en situation de handicap sur les campus postsecondaires au Canada. Un échantillon de 1 354 étudiants vivant diverses situations de handicap ont répondu à l’échelle POSITIVES (Postsecondary Information Technology Initiative Scale). Les participants venaient des établissements postsecondaires situés dans les dix provinces canadiennes et ont rempli l’échelle soit en français, soit en anglais.
6En général, les résultats de Fichten et al. (2012) montrent que les logiciels spécialisés qui améliorent la qualité de l’écriture (tels que les correcteurs grammaticaux et orthographiques) sont utilisés par plus de 40 % de leur échantillon. S’ensuivent les logiciels de lecture d’écran, les logiciels de numérisation et de reconnaissance optique des caractères (ROC), les logiciels de dictée vocale et les logiciels qui agrandissent ce qui apparaît à l’écran.
7Lorsqu’il est question de l’usage des TIC, les étudiants aveugles ont l’option de convertir les documents imprimés en fichiers électroniques à l’aide d’un numériseur et d’un logiciel de ROC. Ces fichiers sont ensuite accessibles grâce à un synthétiseur vocal ou à une plage braille (afficheur braille dynamique). Plusieurs étudiants se servent des logiciels de lecture d’écran, très utiles lorsqu’il y a des tableaux et des images, tant que ces derniers ont été correctement préparés afin d’être accessibles avec ces outils [Fichten et al., 2001 ; 2012].
8Certains étudiants en situation de handicap visuel (dont la perte de vision n’est pas complète) jouissent d’un écran plus large, agrandissent et modifient la police de caractères, contrôlent les contrastes et la visibilité (par exemple, la couleur de l’arrière-plan) et adapte un logiciel d’agrandissement de l’écran (zoom). Ils ont aussi recours à un synthétiseur vocal qui lit les textes électroniques (convertis à partir de documents imprimés grâce à un numériseur et à un logiciel de ROC) [Fichten et al., 2001 ; 2012]. Les dictionnaires et les encyclopédies électroniques sont également des atouts précieux.
9Les étudiants en situation de handicap auditif et les personnes sourdes adoptent surtout les logiciels qui améliorent la rédaction, tels que les encyclopédies, les dictionnaires électroniques, les logiciels de prédiction de mots ou les correcteurs grammaticaux et orthographiques. Ils disposent également des sous-titres pour l’écoute des clips vidéo et des transcriptions pour les clips audio. De plus, les courriels, les forums de discussion, le clavardage (tchat) et les médias sociaux sont populaires auprès de ces étudiants [Fichten et al., 2001 ; 2012].
10Les étudiants en situation de handicap relié à un trouble du langage ou de la communication privilégient l’utilisation du courriel et du clavardage (tchat). Ils bénéficient d’enregistreurs numériques, d’un synthétiseur vocal qui lit les textes électroniques, d’un traitement de texte, d’un logiciel de présentation comme PowerPoint, et d’un projecteur multimédia pour les présentations en classe [Fichten et al., 2001 ; 2012].
11Les étudiants en situation de handicap relié à une limitation fonctionnelle aux mains ou aux bras choisissent des adaptations ergonomiques (Fichten et al., 2001 ; 2012). À part les claviers et les souris adaptés, il existe aussi des applications qui diminuent le nombre de touches de clavier nécessaires (les touches rémanentes qui permettent d’enfoncer une touche sans se servir des fonctions Majuscule ou Contrôle, les touches filtres pour ignorer les frappes répétitives ou ralentir la répétition des touches et l’activation de la souris par les touches). Certains logiciels et équipements facilitent aussi la saisie d’une seule main. Les logiciels de dictée vocale permettent de contrôler les menus ainsi que la lecture des textes à voix haute.
12Les étudiants en situation de handicap relié à un trouble de mobilité (par exemple, les personnes en fauteuil roulant, en triporteur, qui utilisent une canne ou une marchette) bénéficient généralement des logiciels et des équipements décrits précédemment selon leurs besoins individuels [Fichten et al., 2001 ; 2012]. De plus, les équipements ergonomiques qui permettent d’ajuster l’angle et la hauteur d’une chaise ou d’une table pour se servir du clavier et de l’écran peuvent être judicieux pour certaines personnes.
13C’est dans ce contexte que nous avons mené la présente étude sur les expériences des étudiants en situation de handicap lié à leur utilisation des médias sociaux. Notre objectif est de dresser un portrait canadien sur le sujet, et de sensibiliser le réseau de l’enseignement supérieur ainsi que les développeurs de TIC et de médias sociaux sur l’importance de rendre ces outils accessibles et ainsi favoriser la participation sociale et professionnelle de tous.
14Dans notre évaluation sur l’usage des médias sociaux et pour cadrer un sujet déjà vaste, nous ne présentons que les données des participants en situation de handicap physique, moteur ou sensoriel (n = 153, c’est-à-dire ceux qui sont en situation de handicap visuel, auditif, relié à un trouble du langage ou de la communication, un trouble de mobilité, une limitation fonctionnelle aux mains ou aux bras, et les personnes sourdes ou aveugles). Pour de plus amples renseignements sur l’étude initiale et l’échantillon englobant toutes les situations de handicap (n = 723), voir Asuncion et al. (2012).
15En 2009, 133 étudiants et 20 diplômés récents en situation de handicap ont répondu à un questionnaire accessible en ligne. Ils étaient inscrits dans un établissement d’enseignement postsecondaire (collège ou université) ou étaient des diplômés récents (ils avaient terminé leurs études dans les deux années précédant le questionnaire) au Canada. Plusieurs méthodes de recrutement ont été choisies, dont l’envoi d’invitations individuelles par courrier électronique aux étudiants membres de l’Association nationale des étudiants handicapés au niveau postsecondaire (NEADS), notre partenaire pour cette étude. Une invitation a également été envoyée à leur liste de diffusion et à celle de l’Association canadienne des conseillers aux étudiants en situation de handicap au postsecondaire (ACCSEHP). C’est ainsi que l’étude a été diffusée aux étudiants des campus.
16Sur la page Web de l’étude, les participants qui désiraient remplir le questionnaire choisissaient l’une des deux langues officielles du Canada : le français ou l’anglais. Ils lisaient ensuite le formulaire de consentement libre et éclairé qui contenait des informations sur l’étude et le tirage au sort pour une carte-cadeau de 100 dollars d’une librairie canadienne. La procédure et le protocole complet de recherche ont été effectués selon l’énoncé de politique en éthique des trois Conseils du Canada, et ont été approuvés par le Comité de la recherche institutionnelle de l’Université McGill à Montréal. Les participants signalaient leur consentement en cliquant sur le bouton Continuer. Le questionnaire prenait approximativement quinze minutes à remplir. Des renseignements supplémentaires sont disponibles dans Asuncion et al. (2012).
17La page Web du questionnaire était accessible aux personnes en situation de handicap : elle a été créée et mise en ligne par un programmeur qui conçoit les questionnaires en ligne de nos études depuis des années. De plus, nous avons procédé à une phase pilote où plusieurs personnes vivant diverses situations de handicap ont vérifié si le questionnaire leur était accessible. Ainsi, les questions, les cases à cocher et les listes déroulantes étaient compatibles avec les logiciels de lecture d’écran tels que JAWS. Les participants pouvaient aussi agrandir la taille de la police de caractères et revenir aux pages précédentes du questionnaire pour changer leurs réponses.
18Le document comportait notamment des questions démographiques et d’autres portant sur la situation de handicap, les technologies adaptées et les médias sociaux (par exemple Facebook, Twitter, YouTube, Skype, blogs) que les participants utilisaient, leur niveau d’accessibilité et le temps moyen hebdomadaire consacré aux médias sociaux. Plusieurs questions ouvertes ont été posées sur les avantages de l’usage des médias sociaux, les difficultés rencontrées et les suggestions à offrir aux développeurs de médias sociaux. Pour cette série de questions, nous avons analysé et classé les réponses en catégories.
19L’échantillon est composé de 133 étudiants et 20 diplômés récents (98 femmes, 54 hommes, 1 n’ayant pas indiqué son sexe) en situation de handicap pour un total de 153 participants. Ils avaient en moyenne 30,12 ans (étendue : 17 à 65 ans, ÉT = 9,01), et signalaient toutes les situations de handicap qui s’appliquaient à eux (ils pouvaient donc en avoir plus d’une) :
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27 % (n = 42) sont en situation de handicap visuel (excluant ceux qui sont aveugles) ;
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27 % (n = 41) sont en situation de handicap auditif (excluant ceux qui sont sourds) ;
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20 % (n = 31) sont en situation de handicap relié à un trouble de mobilité ;
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11 % (n = 17) sont aveugles ;
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7 % (n = 11) sont en situation de handicap relié à une limitation fonctionnelle aux bras ou aux mains ;
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4 % (n = 10) sont sourds ;
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1 % (n = 1) est en situation de handicap relié à un trouble du langage ou de la communication.
20Au moment de l’étude, les 133 étudiants poursuivaient, en ordre décroissant de fréquence, un diplôme de premier cycle universitaire (appelé un baccalauréat au Canada) (39 %), un diplôme d’études collégiales (correspondant au baccalauréat français) (20 %), une maîtrise (correspondant au master en France) (11 %), un certificat de premier cycle universitaire (6 %), quelques cours ne menant pas à un certificat ou un diplôme (6 %), un certificat de deuxième cycle ou un diplôme d’études supérieures spécialisées (5 %), un doctorat (5 %), un certificat ou un diplôme de formation professionnelle ou technique (3 %), un diplôme menant à un grade professionnel (par exemple pour être médecin ou avocat) (3 %) ou un autre type de programme (2 %).
21Comme mentionné plus tôt, la plupart des étudiants en situation de handicap adoptent des technologies adaptées pour travailler sur les ordinateurs et avec les médias sociaux. Chaque participant pouvait choisir plus d’une réponse à partir d’une liste. Les technologies les plus fréquemment rapportées sont, en ordre décroissant de popularité : les logiciels pour améliorer la qualité d’écriture (35 %), les logiciels de lecture d’écran (24 %) et les logiciels de numérisation et de ROC (24 %).
22Les données sont également présentées ci-dessous par situation de handicap. Puisqu’il n’y a qu’un étudiant en situation de handicap relié à un trouble du langage ou de la communication, nous ne pouvons pas tirer des conclusions pour ce groupe.
23Parmi les 42 participants en situation de handicap visuel, 69 % ont répondu qu’ils utilisaient un logiciel d’agrandissement de l’écran, 55 % un écran plus large, 48 % un logiciel pour améliorer la qualité d’écriture, 40 % un logiciel de lecture d’écran et 33 % un logiciel de numérisation et de ROC. Moins de 10 % se servaient d’un logiciel de dictée vocale, d’un clavier adapté, d’une souris adaptée ou d’une plage braille.
24Parmi les 41 participants qui sont en situation de handicap auditif, 29 % optaient pour un logiciel pour améliorer la qualité d’écriture. Moins de 10 % bénéficiaient d’un logiciel d’agrandissement de l’écran, d’un logiciel de lecture d’écran, d’un logiciel de dictée vocale, d’un logiciel de numérisation et de ROC ou d’un écran plus large.
25Parmi les 31 participants qui sont en situation de handicap relié à un trouble de mobilité, 19 % profitaient d’un logiciel de lecture d’écran, 16 % d’un logiciel de dictée vocale, 13 % d’un logiciel pour améliorer la qualité d’écriture, 10 % d’un clavier adapté, 10 % d’une souris adaptée, et 6 % d’un logiciel de numérisation et de ROC.
26Parmi les 17 participants qui sont aveugles, 100 % adoptaient un logiciel de lecture d’écran et un logiciel de numérisation et de ROC, 53 % se servaient d’une plage en braille, 35 % d’un logiciel pour améliorer la qualité d’écriture, et 6 % d’un logiciel de dictée vocale.
27Parmi les 11 participants qui sont en situation de handicap relié à une limitation fonctionnelle aux bras ou aux mains, 36 % choisissaient un logiciel pour améliorer la qualité d’écriture, 27 % un logiciel de dictée vocale, et 9 % un clavier adapté.
28Parmi les 10 participants qui sont sourds, 70 % utilisaient un logiciel pour améliorer la qualité d’écriture, 10 % un logiciel de dictée vocale, et 10 % un logiciel de numérisation et de ROC.
29Il est clair que de plus en plus de personnes choisissent les médias sociaux, mais qu’en est-il de leur accessibilité pour les étudiants et les diplômés récents en situation de handicap ? Les participants ont évalué le niveau d’accessibilité des médias sociaux à l’aide d’une échelle Likert à 6 points (1 = très inaccessible, 6 = très accessible). La liste de propositions était la suivante : Facebook ; MySpace ; Flickr ; YouTube ; SecondLife ; Wordpress ; Blogger ; LiveJournal ; Twitter ; LinkedIn ; Classmates.com ; Digg ; InterSHARE.com ; Windows Live Messenger ; Yahoo ! Messenger ; Google Talk ; Skype ; Disaboom ; un jeu en ligne massivement multijoueur (MMO) ; Autre médium social. Comme les participants n’évaluaient l’accessibilité d’un média social que s’ils l’utilisaient, seules les données dont l’échantillon est supérieur à 10 % des répondants sont présentées.
30En général, les résultats montrent que les trois médias sociaux les plus accessibles pour l’ensemble de l’échantillon étaient : le service de messagerie instantanée Windows Live Messenger (dorénavant intégré à Skype) (n = 116, x̅ = 5,34, ÉT = 1,00), la plateforme pour blogueurs Blogger (n = 28, x̅ = 5,14, ÉT = 0,97), et le réseau social Facebook (n = 131, x̅ = 5,01, ÉT = 1,37).
31D’un autre côté, les trois médias sociaux les moins accessibles pour l’ensemble de l’échantillon étaient : le réseau social consacré à la musique Myspace (n = 28, x̅ = 4,11, ÉT = 1,55), le réseau social pour professionnels LinkedIn (n = 20, x̅ = 4,65, ÉT = 1,20), et YouTube (n = 137, x̅ = 4,77, ÉT = 1,36).
32Les données sont également présentées ci-dessous par type de situation de handicap.
33Pour les 42 participants qui sont en situation de handicap visuel, les médias sociaux suivants ont été évalués du plus accessible au moins accessible : Windows Live Messenger (n = 29, x̅ = 5,07, ÉT = 1,13), Yahoo ! Messenger (n = 10, x̅ = 5, ÉT = 0,94), YouTube (n = 36, x̅ = 4,94, ÉT = 1,01), Google Talk (n = 10, x̅ = 4,70, ÉT = 1,25), Facebook (n = 39, x̅ = 4,56, ÉT = 1,59), et Skype (n = 23, x̅ = 4,52, ÉT = 1,41).
34Pour les 41 participants qui sont en situation de handicap auditif, ce sont : Windows Live Messenger (n = 39, x̅ = 5,49, ÉT = 0,64), Facebook (n = 37, x̅ = 5,41, ÉT = 0,90), Yahoo ! Messenger (n = 11, x̅ = 5,36, ÉT = 0,68), Skype (n = 11, x̅ = 5,09, ÉT = 0,70), Blogger (n = 11, x̅ = 5,09, ÉT = 1,04), et YouTube (n = 39, x̅ = 4,74, ÉT = 1,53).
35Pour les 31 participants qui sont en situation de handicap relié à un trouble de mobilité, ce sont : Facebook (n = 27, x̅ = 5,48, ÉT = 0,94), Windows Live Messenger (n = 22, x̅ = 5,14, ÉT = 1,32), YouTube (n = 28, x̅ = 5,07, ÉT = 1,25), Skype (n = 11, x̅ = 4,91, ÉT = 1,38), Myspace (n = 9, x̅ = 4,56, ÉT = 1,13), et Twitter (n = 10, x̅ = 4,5, ÉT = 1,51).
36Pour les 17 participants qui sont aveugles, ce sont : LiveJournal (n = 7, x̅ = 5,43, ÉT = 0,79), Windows Live Messenger (n = 12, x̅ = 5,42, ÉT = 1,17), Skype (n = 9, x̅ = 5,33, ÉT = 0,71), Twitter (n = 5, x̅ = 5,20, ÉT = 1,30), YouTube (n = 16, x̅ = 4,31, ÉT = 1,40), et Facebook (n = 11, x̅ = 3,73, ÉT = 1,95).
37Pour les 11 participants qui sont en situation de handicap relié à une limitation fonctionnelle aux bras ou aux mains, ce sont : Windows Live Messenger (n = 6, x̅ = 5,33, ÉT = 1,03), Facebook (n = 7, x̅ = 5, ÉT = 0,82), YouTube (n = 7, x̅ = 5, ÉT = 1,16), Yahoo ! Messenger (n = 4, x̅ = 4,75, ÉT = 0,50), Skype (n = 3, x̅ = 4, ÉT = 2,65), et Google Talk (n = 3, x̅ = 3,33, ÉT = 2,08).
38Pour les 10 participants qui sont sourds, ce sont : Windows Live Messenger (n = 7, x̅ = 6, ÉT = 0), Facebook (n = 9, x̅ = 5.33, ÉT = 1,32), Blogger (n = 6, x̅ = 5,17, ÉT = 0,75), Twitter (n = 4, x̅ = 5, ÉT = 0,82), et YouTube (n = 10, x̅ = 3,80, ÉT = 1,75).
39Les participants consacraient en moyenne 10,2 heures par semaine aux médias sociaux pour les activités non reliées aux études, et 4,7 heures par semaine pour les activités reliées aux études.
40Pour la question ouverte sur les avantages tirés de l’utilisation des médias sociaux, les trois réponses les plus populaires étaient : la communication avec la famille et les amis, la possibilité de faire du réseautage et l’accès à l’information en général.
41Une question ouverte portait sur les problèmes d’accessibilité. Les participants étaient libres d’y répondre ou non en décrivant jusqu’à trois obstacles. Les problèmes variaient selon le type de situation de handicap.
42Pour 47 % (n = 8) des personnes aveugles de l’échantillon qui ont répondu à cette question, l’obstacle majeur était l’incompatibilité de leur logiciel de lecture d’écran avec certains médias sociaux (par exemple, la navigation d’un site Web était impossible avec JAWS).
43Dix-neuf pour cent (n = 8) des personnes en situation de handicap visuel avaient des problèmes de visibilité liés à la taille, à la couleur ou au type de police de caractères (par exemple la couleur de la police était trop claire ; le site Web n’offrait pas l’option pour agrandir le texte).
44Cinquante pour cent (n = 5) des étudiants sourds étaient frustrés par l’absence de sous-titres du contenu en ligne. Ce fut le même résultat pour les personnes en situation de handicap auditif : la moitié (n = 8) d’entre elles a rapporté l’absence de sous-titres, mais aussi d’autres problèmes tels que la mauvaise qualité des clips audio.
45Les échantillons des personnes qui ont une situation de handicap liée à un trouble de mobilité, un trouble du langage ou de la communication, ou à une limitation aux mains ou aux bras et ayant répondu à cette question sont trop petits pour pouvoir interpréter les données.
46En général, à la question ouverte sur les suggestions à proposer, les participants recommandaient aux développeurs de résoudre les problèmes d’accessibilité mentionnés ci-dessus, d’utiliser des solutions de rechange aux tests Captcha (où il faut identifier un texte inséré dans une image afin de vérifier que les informations ont été entrées par un humain et non une machine), en consultant des personnes en situation de handicap lors de la création d’un contenu ou de sa mise à jour (afin de déterminer si le contenu est compatible avec les technologies adaptées – certaines mises à jour ou mises à niveau peuvent modifier l’accessibilité des fonctionnalités), d’ajouter des sous-titres aux clips vidéo ou d’offrir une transcription, de simplifier la mise en page des sites Web et de rendre la navigation plus conviviale.
47Ce que nous pouvons tirer de cette étude est le fait que les étudiants en situation de handicap utilisent plusieurs TIC et médias sociaux dans le cadre de leurs études. Il est donc important de s’assurer que ces médias sociaux soient accessibles, mais les problèmes d’accessibilité persistent.
48Il est impossible de comparer les groupes entre eux, car les technologies adaptées utilisées – et par conséquent leurs besoins – sont différentes. Par exemple, les problèmes d’accessibilité diffèrent entre les personnes sourdes et les aveugles quant à l’utilisation de Facebook. Il y a plus de chance que le premier groupe considère Facebook plus accessible que le second dont les logiciels de lecture d’écran ne peuvent lire le site Web. En d’autres mots, il est plus avantageux d’étudier les besoins spécifiques de chaque groupe que de les comparer au niveau de l’accessibilité des médias sociaux.
49Pour cela, les normes d’accessibilité élaborées par le Web Accessibility Initiative (WAI) du World Wide Web Consortium (W3C) (2014) devraient être respectées par les développeurs. Un guide sur les médias sociaux populaires ainsi que les fonctionnalités d’accessibilité est également disponible dans Media Access Australia (2012). Par exemple, il faut vérifier si le service de partage de vidéos désiré permet le sous-titrage. YouTube possède cette option, mais ce ne sont pas tous les auteurs de clips vidéo qui sous-titrent leur contenu, et ce ne sont pas tous les services de partage de vidéos qui sont conscients des avantages d’offrir le sous-titrage. Un travail de sensibilisation est nécessaire pour faire comprendre que ce serait bénéfique non seulement pour les personnes en situation de handicap, mais également pour celles apprenant la langue utilisée dans les clips, ce qui ne peut qu’agrandir le nombre de vues. Les tests Captcha sont problématiques, car les logiciels de lecture d’écran ne peuvent interpréter les images et les Captcha sonores ne sont pas toujours disponibles. Encore là, ces Captcha sonores présentent un bruit de fond afin de nuire à la reconnaissance automatique par les robots, mais cela nuit par le fait même à l’identification de ces sons par les humains (Gouvernement du Québec, 2012). Les étudiants se plaignaient aussi des difficultés de navigation sur certains sites Web. Il faut concevoir des mises en page simples, aérées et non portées sur l’aspect visuel ; certains sites contiennent « trop » d’éléments graphiques. Le fait de demander à des personnes en situation de handicap (comme celles qui utilisent les logiciels de lecture d’écran) de tester le site Web ou le média social permet de détecter les problèmes plus tôt.
50Comme les étudiants en situation de handicap ont des besoins particuliers en informatique, des études futures devraient examiner en profondeur l’usage et l’accessibilité des médias sociaux avec de plus grands échantillons représentatifs d’étudiants vivant avec des handicaps spécifiques, car notre étude ne sert que d’évaluation préliminaire. Il serait aussi intéressant d’étudier l’utilisation des médias sociaux par les professeurs afin de mettre au point un guide de bonnes pratiques fondées sur leur point de vue et celle des étudiants en situation de handicap.
51De plus, nos données sur les médias sociaux datent de 2009. C’est une limite d’étude qui n’est pas négligeable, puisque les technologies évoluent exponentiellement et qu’il y a eu des avancées en matière d’accessibilité pour plusieurs médias sociaux. Par exemple, dans le domaine de la messagerie instantanée, WhatsApp est une application mobile très populaire, car il est multiplateforme (mais est-il accessible sur toutes les plateformes ?), et Facebook a dorénavant une option de messagerie. L’accessibilité des médias sociaux nécessite donc une évaluation régulière [Boudreau, 2011]. Enfin, même si toutes les provinces du Canada sont représentées dans l’échantillon, ce dernier n’est pas aléatoire et un biais d’autosélection y est présent : les étudiants qui aiment et utilisent les médias sociaux y sont probablement surreprésentés.
52L’objectif de cet article est de dresser le portrait de l’utilisation des médias sociaux chez les étudiants postsecondaires au Canada. Il est important de sensibiliser la communauté de l’enseignement supérieur sur l’accessibilité du Web puisque les médias sociaux sont de plus en plus utilisés par les professeurs dans leurs pratiques pédagogiques. Ces éducateurs doivent connaître les « bons » usages et ce, durant l’étape de la conception et planification du contenu de cours, afin d’éviter de faire des changements plus tard lorsqu’un étudiant indique que le média social lui est inaccessible et demande une alternative. Les établissements d’enseignement cherchent aujourd’hui à rendre l’apprentissage accessible à tous. Pour cela, il faut que les parties prenantes (les professeurs, les administrateurs, les développeurs de médias sociaux, les programmeurs) soient sensibilisées et surtout formées aux besoins des étudiants en situation de handicap afin de promouvoir un véritable apprentissage pour tous.