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TIC & Handicap
TIC & Intégration sociale des handicapés

Technologies pour la détection et l’alerte en cas de chute : état des lieux, limites et recommandations pour leur accompagnement et amélioration

Yannick Fouquet, Anne-Claire Marmilloud et Véronique Chirié

Résumés

Le projet « Bien vivre son autonomie chez soi » (BiVACS®) propose la mise en place d’échanges et de rencontres entre les personnes en perte d’autonomie, les professionnels (de la santé, du médico-social, du social et de l’industrie) et les aidants familiers. Un groupe de travail multidisciplinaire a été mis en place pour établir les besoins sur le thème de la chute, montrer, manipuler et "évaluer" les solutions existantes, et aboutir à des préconisations aux industriels du domaine. Cet article présente leur évaluation « qualité » et des recommandations pour accompagner la prise de conscience des enjeux liés à la chute et la mise en œuvre des technologies de détection et alerte en cas de chute, leur diffusion ainsi des pistes pour leur amélioration.

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Texte intégral

Ce travail a été réalisé dans le cadre de la démarche BiVACS®. Les retours et recommandations sont issus des travaux avec le groupe de travail réuni autour du thème. L’évaluation en laboratoire a été effectuée avec le laboratoire AGIM-FRE 3405.

1Face au développement de nombreuses innovations numériques destinées aux personnes en perte d’autonomie à domicile [Agirc-Arrco 2012, Dreyer 2012, Dantoine et al. 2010], compte tenu des communications de plus en plus nombreuses sur ce sujet (salons, colloques, etc.) et des orientations prises par des politiques locales (les départements avec des actions ciblées Nouvelles Technologies de l’Information et la Communication – NTIC – dans leur schéma autonomie) ou des politiques nationales (par exemple, la silver économie prônée par le ministre délégué aux Personnes âgées), les acteurs de terrain expriment de réelles interrogations sur les solutions numériques en aide au soutien à domicile.

2Pour y répondre, le Technopôle Alpes santé à domicile et autonomie (Tasda) a structuré une approche méthodique appuyée sur trois principes clés :

  • un pilotage réalisé par des acteurs clés du territoire, avec une animation menée par Tasda, afin de disposer d’une approche neutre et objective de tous choix politiques d’institution ou de choix stratégiques de structures privées ;

  • une réflexion partagée pluridisciplinaire entre les personnes en perte d’autonomie, les professionnels (de la santé, du médico-social, du social et de l’industrie) et les aidants familiers, tentant ainsi de répondre aux enjeux de favoriser le bien vivre à domicile [Franco 2010, Boulmier 2010, Giard & Tinel 2004, Alcimed 2007] ;

  • des approches structurées pour l’analyse des besoins, l’inventaire des solutions du marché, l’évaluation des solutions et les recommandations pour un usage adapté de ces offres.

3Le projet intitulé « Bien vivre son autonomie chez soi » (BiVACS®) doit ainsi permettre de :

  • découvrir, voir, tester, évaluer des solutions grâce à une vitrine technologique ;

  • informer, accompagner et faciliter les choix des usagers et des aidants dans la sélection de solutions technologiques adaptées à leurs attentes ;

  • contribuer à développer la filière économique des solutions de soutien à domicile (adapter les offres, faire comprendre les besoins, trouver des modes de financement, etc.).

4Cette démarche est pilotée par le Tasda, le Centre de prévention des Alpes, l’association d’usagers Alertes 38, le Groupe AG2R La Mondiale (Institution de retraite complémentaire) en lien avec les divers partenaires locaux. À titre d’illustration, cet article se propose de détailler l’approche méthodologique utilisée en mai 2012 sur le thème de la chute et les résultats qui en découlent.

La problématique de la chute

5Action de tomber au sol de façon inopinée et non contrôlée par la volonté, la chute peut être associée à des déficiences sensorielles, neuromusculaires et ostéoarticulaires [Dargent-Molina & Bréart 1995]. Son étiologie est liée à trois facteurs : la personne, son environnement et ses comportements ; et on distingue la chute « brusque » (glissade, obstacle, escalade d’une chaise…) de la chute « molle » (personne qui se laisse glisser contre un mur ou qui s’appuie sur une chaise avant de tomber).

6Dans les pays industrialisés, un tiers des personnes âgées de 65 ans et plus, vivant à domicile, chutent chaque année. Ces chutes constituent des causes de morbidité et de mortalité importantes [Agirc-Arrco 2010]. Ainsi :

  • elles sont la première cause de mortalité accidentelle des personnes âgées ;

  • 20 % des chutes des personnes âgées impliquent une intervention médicale, 9 à 10 % pour une fracture (souvent du col du fémur) ;

  • 40 % des sujets âgés hospitalisés pour chute sont orientés ensuite vers une institution ;

  • des conséquences psychologiques peuvent mener à un « syndrome post-chute » dont le risque est la grabatisation progressive de la personne par la peur de retomber et la restriction volontaire de ses activités.

7Pour prévenir des chutes, notons que :

  • les caisses de retraite, collectivités et associations proposent des conférences de sensibilisation et ateliers prévention (sur la nutrition, l’activité physique, l’équilibre, etc.) ;

  • le Conseil Général finance, dans le cadre de l’Allocation personnalisée d’autonomie, l’abonnement à un service de téléalarme si l’évaluation de la situation de la personne le justifie ;

  • les médecins, gériatres plus particulièrement, sont attentifs aux risques de chute liés à la iatrogénie ;

  • en tant que service à la personne, certaines téléalarmes financées par l’usager, peuvent faire l’objet d’une déduction d’impôt.

8Enfin, la France compte environ 520 000 utilisateurs de téléalarme équipés [AFRATA 2014] :

  • souvent après une première chute,

  • à la demande des aidants familiers, parfois plus pour les rassurer eux-mêmes,

  • à leur propre demande, suite à un échange avec un tiers qui les a informés de l’intérêt de la solution.

9Selon l’Afrata, près de la moitié des systèmes de téléalarme installés ne sont pas utilisés par oubli, pour « ne pas déranger » , par crainte du stigmate, parce que « je ne l’ai pas choisi » … et la moitié des appels sont « involontaires » . En Isère, seuls 10 % des appels correspondent à des incidents avec interventions des pompiers. Les produits nouveaux de détection automatique de chute auront a priori les mêmes problèmes d’usage à résoudre.

Matériel et méthode

10La démarche BiVACS® s’effectue en trois étapes (Figure 1) avec :

  1. État des lieux des besoins, enjeux et offres existantes, ici sur la chute.

  2. Réflexion partagée sur ces besoins, offres et conditions d’un usage adapté de ces offres.

  3. Diffusion d’informations sur les besoins, offres, axes d’amélioration et expérimentations pour évaluation des offres.

Figure 1. Présentation globale de la démarche BiVACS®

Figure 1. Présentation globale de la démarche BiVACS®

11L’étape 2, ici sur la chute, s’effectue en trois séances :

  1. Une réunion autour des besoins à satisfaire : enjeux sociétaux, personnes concernées, causes connues à ce jour, acteurs impliqués dans la prévention des chutes et leur prise en charge – l’objectif est de disposer d’une vision partagée des besoins et d’exprimer des situations vécues par les professionnels et les utilisateurs, afin d’illustrer les points d’amélioration dans les organisations actuelles sur ce thème, et d’initier la définition de cas d’usage.

  2. Une présentation des solutions technologiques proposées par le marché, avec des critères distinctifs des produits et une structuration de l’offre. Chaque produit est présenté physiquement et manipulé par les participants.

  3. Un échange sur les conditions d’un usage adapté de ces offres : comment les connaître, comment les choisir, comment caractériser leur réelle performance, comment les faire évoluer le cas échéant, comment accompagner leur mise en œuvre, quelle serait la « bonne » combinaison d’aides humaines et technologiques ?

12Chaque séance d’une demi-journée est animée par le Tasda et rythmée par des temps collectifs et des temps en sous-groupe facilitant les échanges. Le Tasda prépare chaque réunion avec une revue de la littérature et une analyse en amont des offres.

13Ces focus group sur le thème de la chute ont rassemblé une trentaine de personnes : des représentants d’usagers/aidants familiers et des professionnels issus du champ sanitaire (infirmières et aides-soignantes), médico-social (ergothérapeutes), social (assistantes sociales), de l’aide à la personne (auxiliaires de vie et responsables de secteur), de la recherche, de l’habitat (bailleurs sociaux), des représentants d’institution (caisses de retraite) et des offreurs de solutions (technologies et services).

14En réponse aux recommandations du groupe de travail, des actions sont alors menées pour :

  • développer des supports d’information et de diffusion (fiches produits, catalogues techniques, vitrine technologique mobile, conférences, formations)…

  • développer des protocoles d’évaluation des produits, avec une approche rigoureuse qui permet le déploiement des référentiels d’évaluation partagés (entre les acteurs impliqués : laboratoires, industriels, institutions…), la mise à disposition rapide de résultats sur la fonction principale (critères rédhibitoires, tests en laboratoire du capteur de chute) et sur les modalités d’appropriation et d’usage à domicile (approche sociologique, sur un échantillon réduit, pour comprendre le processus de décision d’équipement, la prise en main, la familiarisation, l’utilisation et le sens que les personnes donnent à cette utilisation).

Résultats

15Les résultats de cette démarche se situent à trois niveaux : des familles de produits selon les services rendus, un état des lieux des offres disponibles répondant à ces besoins, des recommandations sur leur accompagnement et leurs axes d’amélioration. Une évaluation qualité a ensuite été engagée, elle sera présentée dans ses grandes lignes.

Familles de produits

16Elles sont organisées selon des caractéristiques significatives des besoins (tableau 1) : souhaite-t-on un matériel porté ou installé à domicile ? un suivi en continu ou à la demande ? un suivi uniquement dans le domicile ou également en dehors ? un service de téléalarme ou non ? un appel, suite à une chute, automatique ou manuel ? Et enfin, quel type de chute le système doit-il suivre et quelles sont les conditions de « bon usage » ?

Tableau 1. Familles de produits pour la détection ou l’alerte en cas de chute

Famille de produits

Porté / installé à domicile

Suivi

Dans/ Hors Domicile

Avec/ Sans service d’assistance

Type de déclenchement

Type de chute et condition de « bon usage »

Appel manuel vers une assistance : Téléalarme « classique »

Porté

24/7

Dans

Avec

Manuel

Tout, mais être en capacité d’appuyer

Pendentif, bracelet, broche, tirette, relais … muni d’un bouton d’appel, qui enclenche une liaison téléphonique avec une plateforme de service

Appel manuel vers les proches : téléalarme « familiale »

Porté

24/7

Dans

Sans

Manuel

Tout, mais être en capacité d’appuyer

Pendentif, bracelet, broche, tirette, relais… muni d’un bouton d’appel, qui enclenche une liaison téléphonique avec un proche

Détecteur automatique de chute brutale

Porté

24/7

Dans

Avec

Automatique

Brutale

Bracelet muni d’un détecteur de chute rapide (accéléromètre) et, souvent, d’un système de vérification de la chute (perte de verticalité, pouls anormal…)

Détecteur automatique de chute brutale & lente

Porté

24/7

Dans

Avec

Automatique

Brutale ou lente

Bracelet, patch, pendentif muni d’un détecteur de mouvement (accéléromètre) et d’une mesure complémentaire (d’activité, de hauteur, de mouvement, …)

Détecteur automatique de risque, domotique à la demande

Domo-tique

À l’heure

Dans

Avec

Automatique

Tout risque

Système vidéo avec logiciel d’analyse d’image pour détecter des situations à risque. Les images ne sont visionnées par personne (hors risque détecté), seul le logiciel les traite et alerte une plateforme de télé assistance.

Détecteur automatique de risque, domotique

Domo-tique

24/7

Dans

Avec

Automatique

Tout risque

Système de capteurs (mouvement, ouverture porte…) avec analyse du profil d’activité d’une personne. Le logiciel établit un « profil d’activité » et compare les données de mouvement avec ce profil, il alerte une plateforme de téléassistance en cas d’écart significatif.

Téléalarme en mobilité

Porté

24/7

Hors

Avec

Manuel

Tout, mais être en capacité d’appuyer

Téléphone mobile ou en ceinture, bracelet avec carte SIM (pour téléphoner) muni d’un bouton d’appel qui déclenche une liaison téléphonique avec une plateforme de service

Téléalarme « familiale » en mobilité

Porté

24/7

Hors

Sans

Manuel

Tout, mais être en capacité d’appuyer

Téléphone mobile ou en ceinture, bracelet avec carte SIM (pour téléphoner) muni d’un bouton d’appel qui déclenche une liaison téléphonique avec un proche

Téléalarme en mobilité avec Géolocalisation

Porté

24/7

Hors

Avec

Automatique (zone de vie) / Manuel

Tout, mais être en capacité d’appuyer

Téléphone (portable ou à la ceinture), bracelet, avec carte SIM (pour téléphoner) muni d’un bouton d’appel, qui enclenche une liaison téléphonique avec une plateforme / un proche et muni d’un système de géolocalisation

Ce tableau présente dans ses colonnes les types de fonctions auxquels répondent les différents types de produits présentés dans ses lignes.

État des lieux des offres

17Un inventaire de matériels de détection ou d’alerte a été réalisé. Vingt-six produits [Tasda 2014] ont été étudiés :

  • Neuf systèmes de téléalarme classique : Quiatil (Intervox-Legrand), Life line (Tunstall), Phonevie (Laudren), Assystel, Aveneo (H2AD), Care Secure plus (Doro), ST3 (Solem), Minifone Classic (Astelia), Serviligne ;

  • Trois téléalarmes familiales : Care Secure Plus (Doro), ST3 (Solem), Minifone Classic (Astelia) ;

  • Quatre produits portés pour la détection automatique de chutes brutales/rapides : Bracelet Vital Base (Telecom Design), Boitier Fall Detector (Tunstall), Bracelet Z care (Cléode), Montre Vivago ;

  • Deux produits portés pour la détection automatique de chutes brutales ou lentes : Patch Vigi’Fall Home (Vigilio), Montre-détecteur (Serviligne) ;

  • Un produit domotique pour la détection automatique de chutes rapides ou lentes à la demande : Edao (Link Care Services) ;

  • Deux produits domotiques pour la détection automatique de chutes rapides ou lentes en permanence : Senior Alerte, Salveo (Pervaya) ;

  • Six produits pour la téléalarme mobile hors domicile : Phone easy (Doro), Temo (e-medicis), Mobilassist (Filien ADMR), Minifone Mobile (Astelia), Emporia Life + (Emporia), Bazile Prestige (Bazile Telecom) ;

  • Quatre produits pour la téléalarme mobile hors domicile avec géolocalisation : Temo (e-Medecis), Mobilassist (Filien ADMR), GPS Tracker (EtiBoxLife), Téléphone GPS (Serviligne).

18En complément des différences de caractéristiques, une très grande diversité de prix accompagne ces offres : abonnements de 20 à 58 euros par mois, achat du matériel ou non, frais de dossier, frais d’installation, de résiliation, coûts supplémentaires pour un détecteur automatique, pour des appels à la plateforme de téléalarme… Autant de variations qui donnent peu de lisibilité à l’ensemble des offres.

Recommandations sur l’accompagnement des technologies et leurs améliorations

19À l’issue de trois séances de travail sur ces dispositifs, les participants ont élaboré des recommandations, qui complètent des études comme [Agirc-Arrco 2012, Franco 2010, Picard 2012, AsipSanté & FIEEC 2011, Broussy 2013, Serrière 2012], pour :

  1. accompagner la prise de conscience des enjeux liés à la chute,

  2. accompagner la diffusion et la mise en œuvre des produits technologiques de détection et d’alerte en cas de chute,

  3. apporter des améliorations aux solutions actuelles.

Accompagner la prise de conscience des enjeux liés à la chute !

20Face au déni du risque de chute, les acteurs jugent des campagnes d’information nécessaires pour aider à comprendre les enjeux, les causes, les conséquences, les actions de préventions, les acteurs… et ceci par tous les canaux de communication complémentaires, accessibles au grand public, et réguliers.

21Ils souhaitent également des aides pour accompagner le diagnostic de la situation et la prise de conscience du risque.

22Pour laisser du temps à la réflexion des usagers et des aidants, et ainsi faciliter l’acceptation du risque et des aides proposées, une progressivité des actions de soutien permettrait d’instaurer, étape par étape, un plan d’aide avec la bonne combinaison des aides humaines et technologiques, permettant de conserver ou recouvrir le maximum d’autonomie.

23Enfin, le « bon niveau » d’information doit être trouvé sans effrayer ni submerger pour respecter ce que chacun est prêt à entendre, le libre choix, le droit au risque et les priorités de vie de chacun.

Accompagner la diffusion et la mise en œuvre des technologies de détection et alerte en cas de chute !

24Il est important de pouvoir accéder à la diversité de l’offre, par différents supports complémentaires : Web, papier, vitrine, vitrine ambulante, conférence, ateliers ; via les structures d’information existantes (CG, CLIC, mairies, etc.), des relais auprès de revendeurs de matériels médicaux ou de professionnels du soin, voire un lieu « ressource » de conseil et d’information sur ces offres, indépendant (non commerçant) et transparent.

25Pour favoriser l’usage des technologies, il est essentiel d’en faciliter l’accès dans des magasins « ordinaires » (« je suis vieux, pas malade ! ») et de s’adresser à des vendeurs compétents dans le champ du soutien à domicile.

26Très attendue, la mise à disposition temporaire des matériels permettrait de s’en faire une idée avant de les accepter.

27Des outils d’aide aux choix, à l’attention du professionnel, du proche aidant et/ou de l’usager lui-même, favoriseraient un accompagnement adapté s’ils respectent les principes éthiques et d’indépendance. Ainsi sont utiles des récapitulatifs des offres décrivant les besoins couverts, les caractéristiques techniques et économiques, les lieux de distribution et les aides financières possibles. Des systèmes de partage d’astuces ou des forums d’échanges et de retour d’expérience aideraient à établir son propre « cahier des charges » et à cibler le bon produit. Une plateforme ressource, lieu d’information et de documentation sur ces offres, pourrait également servir pour informer ou former différents publics, particuliers ou professionnels

28Enfin, sans en faire des experts, il est nécessaire de former les professionnels du soutien à domicile aux principales fonctions et limites des matériels. En effet, sans être obligatoirement prescripteurs, qu’ils interviennent au domicile ponctuellement (par exemple, l’ergothérapeute ou l’assistante sociale) ou au quotidien, ils sont un vecteur essentiel du recueil d’informations sur les besoins et la situation de la personne aidée, et favorisent la sensibilisation, l’appropriation et l’usage des solutions technologiques. Cette formation peut se faire lors de l’installation du matériel par le service de téléalarme avec l’aidant professionnel, l’usager et la famille, ou lors de session dédiée, complétée par des fiches techniques, des sites Web, des rappels périodiques (par exemple, exercices de simulation ou passage régulier d’un référent pour tester le matériel avec l’usager), etc.

Apporter des améliorations aux solutions actuelles

29Les principales critiques des produits actuels concernent l’esthétique, le design, leur encombrement et leur personnalisation (par exemple, la possibilité de modifier le bracelet d’un dispositif). En effet, un objet susceptible d’être porté au quotidien et visible par d’autres personnes doit être discret, agréable et non stigmatisant, tout en étant efficace. Ensuite, un effort est souhaité sur le ciblage des solutions afin d’adapter le matériel à son utilisateur selon le degré d’autonomie, le handicap, la pathologie chronique, les capacités cognitives, langagières, visuelles, auditives, gestuelles, de préhension, etc., mais cela pose le problème du coût d’un produit trop spécifique. Son évolutivité serait appréciée afin de ne pas être confronté à la difficulté d’une nouvelle appropriation d’un autre produit selon le changement de ses besoins : des systèmes de plus en plus simples mais avec le même design, voire le même objet qui s’adapte à cette évolution.

30Concernant la diffusion, il est important d’argumenter sur la valeur ajoutée et sur la complémentarité avec l’aide humaine que la solution technologique doit compléter et non remplacer, ce qui constitue un risque souvent mal vécu par le personnel, alors même qu’il peut être faible, voire inexistant.

31Il est utile également d’évaluer le côté anxiogène des dispositifs, ceux-ci pouvant être perçus comme intrusifs ou au contraire rassurants : par exemple, une vidéovigilance peut rassurer l’usager handicapé, éviter une énième présence et ainsi préserver un peu de vie privée, ou permettre au proche de prendre du temps pour souffler, faire des courses et ainsi diminuer son fardeau. Enfin, les solutions favorisant la prévention et la stimulation semblent essentielles, sinon pour recouvrir une autonomie, au moins pour retarder l’entrée en dépendance et améliorer l’espérance de vie en bonne santé.

32Le matériel à bouton déclencheur est souvent jugé simple, robuste, facile à utiliser, mais stigmatisant ou trop « médical ». Une difficulté reste de trouver le bon compromis pour un bouton non stigmatisant mais visible, compréhensible et bien placé, exercice d’autant plus ardu si l’on doit tenir compte de troubles cognitifs : un bouton intégré à une montre peut être esthétique, mais n’est plus pertinent si on oublie sa fonction d’appel. Certains bracelets sont trop difficiles à mettre, mais la recharge sans branchement (par induction) est un plus. De même, l’usage de boutons différents pour distinguer l’urgence de toute autre demande limite la peur de déranger. Si des numéros de téléphone de proches ou d’aidants sont nécessaires, il faut envisager qu’il n’y en ait pas (cas de l’isolement). Enfin, pour un système mobile, le principe d’un « vrai » téléphone avec bouton d’alarme est apprécié.

33De nombreuses questions se posent sur les détecteurs automatiques de chute. Quelle en est l’efficacité réelle (selon le type de chute, la prise en compte du malaise ou de l’évanouissement) ? comment éviter les déclenchements intempestifs (déjà constatés en se lavant les dents par exemple) ? comment faciliter la bonne compréhension du retour d’information indiquant la prise en compte de la chute et de l’action à effectuer (ou non) pour valider/invalider l’alerte ? quelle attention doit être apportée à la compatibilité du détecteur avec d’autres dispositifs (pacemaker, autres matériels domotiques) ?

34Enfin, il est conseillé de limiter le nombre de matériels et les travaux d’installations synonymes d’intrusion et de contrainte d’aménagement (par exemple, pour un locataire), de penser à l’interopérabilité des systèmes (détecteur de chute relayé par un smartphone) et de proposer une maintenance simple ou assurée par un professionnel.

Premiers résultats de l’évaluation qualité

35Sur dossier et avec des professionnels du soutien à domicile, trois produits ont été sélectionnés, disponibles en Isère, permettant la détection automatique et autorisant une utilisation continue (notamment la nuit et sous la douche) : un bracelet, un pendentif et une caméra. Des tests en laboratoire ont évalué la sensibilité (capacité à détecter une chute) et la spécificité (capacité à ne pas détecter comme chute ce qui n’en est pas) des capteurs. Quinze personnes ont effectué cent trente-deux essais de : dix types de chute classique, deux types de chute lente, quatre types de récupération de chute et dix-sept situations de la vie quotidienne. Les premiers résultats montrent, outre le peu d’offres commercialisées réellement disponibles, une spécificité globalement plutôt bonne et des capteurs portés de sensibilité plutôt faible.

Discussion

36Les méthodes de référence en gestion de l’innovation préconisent une approche de co-conception avec les différents utilisateurs et prescripteurs du produit nouveau. Dans le champ des aides technologiques pour le soutien à domicile, cette méthode est d’autant plus pertinente que la chaîne de valeur est complexe, avec une grande diversité d’acteurs qui peuvent être des prescripteurs, des conseils, des relais, des financeurs, des soutiens, etc.

37Au stade actuel du développement du marché des NTIC pour la santé à domicile, nous faisons le constat que :

  • des produits sont proposés par le marché, sans que cette approche de co-conception n’ait été suivie, il en résulte des écarts entre les attendus et les offres de services ;

  • la majorité des professionnels médico-sociaux et des usagers ne connaissent pas les produits et leurs potentialités, il en résulte une posture plutôt réticente vis-à-vis de NTIC encore très peu répandues ;

  • le cadre institutionnel des NTIC n’existe pas, il en résulte un grand nombre de questions sur la position des institutions sur ce type d’aide.

38Ainsi, bien qu’elle porte sur les produits proposés par le marché, la démarche BiVACS® permet de traiter des points clés sur l’appropriation par les professionnels et les usagers, la compréhension fine de la chaine de valeur, des évolutions à apporter au cadre institutionnel pour intégrer les NTIC, le développement de référentiels partagés sur l’intérêt des technologies (les critères de ciblages des produits selon la personne et sa situation pour une réelle efficience des aides technologiques), la capitalisation de cas d’usages des produits pour leur amélioration ou l’innovation, etc.

Conclusion

39Située entre une approche Living Lab de co-conception et une évaluation de produits, cette démarche permet d’aboutir à de nombreuses recommandations de la part de professionnels de terrain et d’usagers. Les résultats de l’évaluation en laboratoire permettront de mieux accompagner les usagers dans leur choix « éclairé ». L’évaluation de l’usage et l’appropriation à domicile est en cours pour préciser les cas d’usage pertinents et adapter l’accompagnement des solutions. Les travaux du Tasda ont abouti également à divers outils pour concrétiser les recommandations : un catalogue (état des lieux des produits), un support informatique et papier d’aide au choix parmi ceux proposés, une vitrine technologique mobile de démonstration regroupant une sélection représentative du catalogue afin de les manipuler et de les apprécier, soi-même ou avec l’aide d’un proche ou d’un professionnel. Ils sont testés par les professionnels afin d’être finalisés et diffusés.

40La démarche BiVACS® se poursuit désormais sur d’autres thèmes : lien social, domotique, géolocalisation, jeux sérieux, actimétrie, etc. Les travaux sont en cours à différents degrés d’avancement et permettront d’aboutir à une meilleure information sur l’ensemble des technologies pour la santé et l’autonomie à domicile.

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Bibliographie

[AFRATA 2014] Site Web de l’AFRATA (Association FRAnçaise de TéléAssistance) : http://afrata.org/-La-Teleassistance-

[Agirc-Arrco 2010] Agirc-Arrco, Préserver l’équilibre pour prévenir les chutes, Évaluation et perception des personnes accueillies dans les centres de prévention Agirc-Arrco, Étude nationale des centres de prévention Agirc-Arrco, 2010.

[Agirc-Arrco 2012] Agirc-Arrco, Rapport final de l’étude "Sécurité-Habitat", Paris : Médialis, 2012, 79 p.

[Alcimed 2007] Alcimed, étude prospective des technologies pour la santé et l’autonomie, commanditée par l’ANR et la CNSA, 190p, octobre 2007.

[AsipSanté & FIEEC 2011] Etude sur la télésanté & télémédecine en Europe, commanditée par l’AsipSanté et la FIEEC, mars 2011.

[Boulmier 2010] Muriel Boulmier, Bien vieillir à domicile : Enjeux d’habitat, enjeux de territoires, Rapport remis au Secrétaire d’État au Logement et à l’Urbanisme, juin 2010.

[Bourdessol & Pin 2005] H. Bourdessol & S. Pin, Prévention des chutes chez les personnes âgées à domicile, Référentiel de bonnes pratiques, INPES, mai 2005.

[Broussy 2013] Luc Broussy, L’adaptation de la société au vieillissement de sa population. Rapport à Mme Michèle DELAUNAY, Ministre déléguée aux personnes âgées et à l’autonomie, 202 p., janvier 2013.

[Dantoine et al. 2010] T. Dantoine, V. Rialle, A. Roquejoffre, M. Caillaud, F. Lachal, A. Tchalla, Y. Fouquet, Expérimentation de domotique et téléassistance avancée chez des personnes âgées en perte d’autonomie sur le département de la Corrèze : « projet Esoppe », 113 p., octobre 2010.

[Dargent-Molina & Bréart 1995] P. Dargent-Molina & G. Bréart, Epidémiologie des chutes et des traumatismes liés aux chutes chez les personnes âgées, Revue d’épidémiologie et de santé publique, 43(1): 72-83, 1995.

[Dreyer 2012] P. Dreyer, Nouvelles technologies et sécurité dans l’habitat, Gérontologie et Sociéte n° 141, juin 2012, pp. 57-62.

[Franco 2010] Alain Franco, Vivre Chez soi, Rapport à Mme Nora Berra, Secrétaire d’État en charge des Aînés, 95p, juin 2010.

[Giard & Tinel 2004] J. Giard, A.L. Tinel, L’innovation technologique au service du maintien à domicile des personnes âgées, rapport de la Mission Personnes âgées commandité par le conseil général de l’Isère et la Ville de Grenoble, 206p, septembre 2004.

[Picard 2012] Robert Picard, Rapport « Bien vivre grâce au numérique », CGEIET, 73 p., février 2012.

[Serrière 2012] Frédéric Serrière, Guide du Marché des 50 ans et plus, Senior Strategic, 231 p., 2012.

[Tasda 2014] Fiches produits sur http://www.tasda.fr/tasda_documents.php?cat_id%20=3.

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Table des illustrations

Titre Figure 1. Présentation globale de la démarche BiVACS®
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Pour citer cet article

Référence électronique

Yannick Fouquet, Anne-Claire Marmilloud et Véronique Chirié, « Technologies pour la détection et l’alerte en cas de chute : état des lieux, limites et recommandations pour leur accompagnement et amélioration »Terminal [En ligne], 116 | 2015, mis en ligne le 25 décembre 2014, consulté le 11 décembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/terminal/623 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/terminal.623

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Auteurs

Yannick Fouquet

Technopôle Alpes Santé à Domicile et Autonomie (TASDA), Grenoble. Mél : yannick.fouquet@tasda.fr.

Anne-Claire Marmilloud

Technopôle Alpes Santé à Domicile et Autonomie (TASDA), Grenoble.

Véronique Chirié

Technopôle Alpes Santé à Domicile et Autonomie (TASDA), Grenoble.

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Droits d’auteur

Le texte et les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés), sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.

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