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Bloc-notes

Conversations secrètes sous l’Occupation

Alain Monchablon
Référence(s) :

Conversations secrètes sous l’Occupation, Antoine Lefébure, Tallandier, 2018, 380p.

Texte intégral

1Antoine Lefébure est un historien de la communication ; Il a publié naguère L’Affaire Snowden et reprend ici son ancienne étude sur le contrôle des communications sous l’Occupation, renouvelée grâce à l’ouverture de nouvelles archives publiques en 2015, principalement celles du ministère de l’Intérieur. Il a trié trois cent mille lettres, télégrammes et appels téléphoniques, et retenu trente mille pour son étude. Il en cite un certain nombre, sans indiquer les critères de son choix, ni la représentativité de ces extraits. Cela donne un ensemble parfois brouillon et bavard, mais aussi des informations intéressantes.

2Reprenant la tradition du Contrôle Postal militaire qui fonctionna pendant la 1ère guerre mondiale, l’autorité militaire crée secrètement en 1939 le SCT (Service des Contrôles Techniques)  qui a trois fonctions : traquer les indiscrétions menaçant la sécurité du pays, débusquer les activités d’espionnage, informer les gouvernants de l’état de l’opinion. Le service se décompose en trois éléments : le contrôle postal, les écoutes téléphoniques, les interceptions de télégrammes. Le contrôle postal semble reposer sur un tri aléatoire, tandis que les écoutes s’appliquent à des cibles préétablies. Le personnel est militaire.

3La fin de l’état de guerre ôtait au SCT l’essentiel de sa raison d’être. Pourtant, le gouvernement maintient le Service en le transférant aux autorités civiles pour éviter qu’il passe sous contrôle direct allemand ; de la même façon que le service cartographique de l’armée est alors devenu l’Institut Géographique national. Mais le personnel demeure essentiellement fait d’officiers et sous-officiers mis en congé. Bientôt installé à Vichy (où fonctionne le principal poste d’écoutes), placé sous l’autorité directe du vice-président du Conseil (Darlan puis Flandin, puis Laval), il n’opère qu’en zone non occupée, installé dans les divers locaux des PTT. Il dispose de services déconcentrés dans chaque département. Par ailleurs une autre commission surveille le courrier des prisonniers de guerre.

4Une différence de technique exprime la différence avec le système en vigueur en 1914-1918 : à cette époque en effet, le courrier ouvert était présenté comme tel et réexpédié avec une bande notifiant le passage à la censure ; sous Vichy, le courrier est ouvert à la vapeur et refermé sans laisser de trace de l’interception. Le fonctionnement du SCT est donc secret, et ses objectifs sont différents : Outre les rapports de synthèse sur « l’état de l’opinion » (évoqués mais non reproduits dans l’étude) il s’agit de surveillance policière, permettant des arrestations. C’est en effet la police qui est le principal destinataire des données découvertes. Secret du service oblige, les dossiers policiers ou judiciaires ont interdiction d’indiquer la provenance des informations qui justifient les poursuites. Sont visés divers types de délits, dont ceux liés au marché noir, mais aussi les sentiments pro-anglais (Sont interceptés des courriers naïvement adressés à la BBC !). Les juifs, dont beaucoup se cachent en zone Sud, sont également surveillés, nombre d’interceptions sont transmises au Commissariat Général aux Questions Juives ; mais le SCT se désole de l’interdiction faite par Vichy aux juifs de posséder un téléphone : cela ne permet plus de les écouter !

5Le retour au pouvoir de Laval (mai 1942) correspond à un renforcement du SCT qui emploie 1500 personnes, géré personnellement par René Bousquet, secrétaire général chargé de la police. Sont interceptés en moyenne deux millions de courriers, plus d’un million de télégrammes, plusieurs dizaines de milliers de conversations téléphoniques par mois. On n’a pas de données d’ensemble sur l’efficacité du dispositif, sinon « une interception postale ayant entraîné l’arrestation de plusieurs membres importants de la Résistance » sans précision (p.329).

6Les rapports avec l’occupant sont complexes. Celui-ci installe d’emblée son propre réseau de transmissions, qui utilise les réseaux PTT et intercepte secrètement les communications de Vichy. Il est vrai que le SCT de son côté intercepte diverses communications de l’occupant, ce qui prend fin sur intervention directe de Laval soucieux de plaire à l’occupant. Avec l’occupation de la zone Sud (novembre 1942) les services allemands pratiquent les écoutes conjointement avec le SCT, et procèdent eux-mêmes à des saisies de courrier. En octobre 1943 les Allemands exigent de prendre seuls le contrôle des interceptions télégraphiques et téléphoniques, laissant au SCT celui du courrier dont ils reçoivent les résultats. Ils obtiennent satisfaction en mars 1944.

7L’après Libération est évoquée rapidement, et on ne sait pas trop si le nouveau régime conserve ou transforme l’instrument SCT.

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Pour citer cet article

Référence électronique

Alain Monchablon, « Conversations secrètes sous l’Occupation »Terminal [En ligne], 122 | 2018, mis en ligne le 20 juin 2018, consulté le 19 mars 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/terminal/2254 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/terminal.2254

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Auteur

Alain Monchablon

Historien, alain.monchablon079@orange.fr

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Droits d’auteur

Le texte et les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés), sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.

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