L’accessibilité au tourisme:Une conquête inachevée!
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1Plusieurs facteurs ont contribué à l’explosion du tourisme de masse au XXe siècle : l’octroi des congés payés dans les pays industrialisés, l’essor de la société de consommation, les modifications en profondeur des valeurs et des habitudes de vie, mais aussi et surtout le développement sans précédent des moyens de transport, dont l’automobile et le transport aérien. Autrefois réservé à une élite, le tourisme peut être pratiqué par l’ensemble de la population dans les pays industrialisés. Le tourisme serait donc une activité largement accessible à tous et les chiffres de l’Organisation mondiale du tourisme sont à cet égard sans équivoque.
2Et pourtant, tout n’est pas joué encore… Les populations de certains pays commencent à peine à goûter aux plaisirs du tourisme et, dans les pays les plus pauvres de la planète, le tourisme reste une activité illusoire pour les habitants qui se contentent d’accueillir les visiteurs du Nord ! En outre, même au sein des pays les plus riches, de larges pans de la population ont un accès limité aux vacances et au tourisme pour des raisons économiques certes, mais aussi pour divers autres motifs liés aux obligations familiales, à l’état de santé de la population, à la culture, à divers types de handicaps, etc.
3Le présent dossier cherche à donner un certain éclairage sur cette question de l’accessibilité au tourisme qui ne date pas d’hier, mais qui conserve néanmoins toute son actualité.
4Afin de bien camper la toile de fond sur le plan international, Bruno Sarrasin et Guy-Joffroy Lord, respectivement directeur et adjoint à la rédaction de Téoros, proposent une analyse prospective des arrivées de touristes internationaux à l’horizon 2010 ainsi qu’une lecture démographique, sociopolitique et socioéconomique du tourisme dans le but de mettre en perspective la notion d’accessibilité. Cette analyse révèle que le tourisme reste un phénomène régional avant d’être mondial et que les pays de l’OCDE continueront à constituer la principale zone émettrice de touristes, bien que l’Asie de l’Est et du Pacifique affichera une forte croissance. Pour ces auteurs, la forte augmentation des déplacements prévus à partir de quelques pays émergents ne doit pas occulter l’exclusion de plusieurs secteurs de la société qui n’accèderont pas au travail et encore moins aux vacances et au tourisme.
5D’où la nécessité (maintes fois réclamée par les groupes sociaux) de mesures sociales, et même de politiques sociales, qui permettraient de faciliter le départ en vacances et l’accès au tourisme. Plusieurs gouvernements, en Europe surtout, mais aussi, plus modestement, dans d’autres continents comme les Amériques, ont mis en place diverses mesures. Mon propre article présente un bref inventaire de ces mesures tout en soulevant la question de l’avenir des politiques sociales du tourisme. Les mesures sociales – car il y a peu de véritables politiques sociales – ont connu au cours des dernières années une stagnation, voire une réduction sensible ou, à tout le moins, une réorientation significative. Comment relancer les mesures sociales dans le secteur du tourisme et des vacances ? Ne faudrait-il pas les inclure de manière bien affirmée au sein de politiques sociales générales portant sur l’inclusion sociale, la cohésion sociale et la solidarité ?
6Quand on parle d’accessibilité, on pense spontanément aux personnes à capacité physique restreinte. ElizaBeth Foggin, consultante en tourisme, œuvre depuis plusieurs années pour le développement d’un tourisme sans barrières, c’est-à-dire sans les obstacles qui pourraient nuire aux expériences et aux activités touristiques des personnes à capacité physique restreinte. Son article relate les objectifs, la méthodologie et les conclusions d’une importante recherche à laquelle elle a été associée et qui a été commandée par la Commission économique et sociale pour l’Asie et le Pacifique (CESAP) des Nations unies. Faisant suite à la Déclaration de Bali (septembre 2002) qui demande aux gouvernements des actions concrètes pour intégrer les personnes à capacité physique restreinte dans divers secteurs de l’industrie touristique, la recherche visait à identifier les principales barrières que l’on trouve dans les pays de la région Asie-Pacifique, à présenter quelques exemples de bonnes pratiques et à soumettre diverses recommandations pour accroître l’accessibilité de l’activité touristique.
7Jean-François Lavoie de Kéroul aborde la même problématique. Tout en soulignant l’action de Kéroul en matière de promotion de l’accessibilité au tourisme des personnes à capacité physique restreinte, au Québec et dans l’ensemble du Canada, il rappelle qu’il y a encore beaucoup à faire même si plusieurs établissements sont soit totalement adaptés, soit partiellement accessibles. Dans un contexte économique peu favorable aux investissements sociaux, il prône la concentration des investissements et expose le projet de Kéroul de développer une « Route accessible » qui permettrait, entre autres objectifs, aux personnes à capacité physique restreinte de voyager d’une manière autonome en utilisant un réseau reconnu et certifié d’établissements adaptés.
8Cet enjeu de l’accessibilité se décline localement et internationalement. S’il existe un organisme qui en a fait sa raison d’être, c’est bien le Bureau international du tourisme social (BITS) qui fête en 2003 ses quarante ans d’existence, quarante ans au service du droit aux vacances et au tourisme ! Charles-Étienne Bélanger, directeur du BITS, rappelle les actions de l’organisme qui ont contribué à l’essor du tourisme social dans le monde entier. Il mentionne aussi que les bouleversements qu’a connus le monde ces vingt dernières années (chute du mur de Berlin, triomphe de l’idéologie néolibérale, mondialisation) ont affecté le secteur du tourisme social. Mais, pour le BITS, la lutte pour un tourisme accessible à tous et solidaire conserve sa pertinence, même si l’on a révisé le concept même de tourisme social pour l’adapter aux nouvelles réalités.
9Face à un phénomène relativement nouveau comme l’écotourisme, le BITS a dû, en 2002 lors du Sommet mondial sur l’écotourisme (organisé conjointement par l’OMT et le Programme des Nations unies pour l’environnement), rappeler l’importance d’assurer l’accessibilité à l’écotourisme pour tous, sans discrimination, dans le respect de l’environnement naturel, ce qui est tout le contraire d’un tourisme de masse spoliateur de l’environnement naturel. L’accessibilité à l’écotourisme est aussi le thème de l’article écrit par Marie Lequin et Jean-Bernard Carrière, professeurs à l’Université du Québec à Trois- Rivières. Pour eux, la planification d’une expérience écotouristique nécessite de concevoir une accessibilité globale à cette expérience et non seulement du point de vue physique. La planification, selon ces auteurs, devrait porter sur six dimensions d’accessibilité : l’équilibre nature / culture, le niveau de confort physique des infrastructures, l’étendue de l’autonomie des visiteurs sous plusieurs aspects, le degré de responsabilisation environnementale et culturelle, le niveau d’apprentissage recherché ainsi que l’intensité de l’expérience. Chaque dimension peut être planifiée à des seuils différents, ce qui ne sera pas sans conséquence sur le plan de l’accessibilité globale.
10Enfin, le dossier se termine sur un autre registre – qui n’est pas sans rapport avec la question de l’accessibilité – avec une incursion dans les stratégies développées par certaines entreprises touristiques pour conquérir de nouveaux segments de consommateurs. Ces entreprises que sont les hôtels économiques, les restaurants bon marché et les compagnies aériennes « low cost » accordent la plus haute importance à cette variable du marketing-mix qu’est le prix. Philippe Callot, professeur à l’ESCEM de Tours (France), met l’accent sur l’effet des prix bas dans des secteurs très concurrentiels à partir de deux modèles de Porter : le modèle des trois stratégies de base et celui de la chaîne de valeur. Pour le professeur Callot, le couple prix / service autour des deux modèles de Porter s’impose plus que jamais ! Si la gestion des coûts permet aux entreprises de tirer les marrons du feu dans un marché fortement concurrentiel, elle se répercute en bénéfices pratiques pour le consommateur et contribue, elle aussi, à l’accessibilité des services touristiques.
References
Bibliographical reference
Louis Jolin, “L’accessibilité au tourisme:Une conquête inachevée!”, Téoros, 22-3 | 2003, 3-4.
Electronic reference
Louis Jolin, “L’accessibilité au tourisme:Une conquête inachevée!”, Téoros [Online], 22-3 | 2003, Online since 01 April 2012, connection on 21 March 2025. URL: http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/teoros/1657
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