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Analyses

Risques et tourisme : vers un modèle causal d’évaluation de l’impact des risques sur le comportement des touristes

Jean-Jacques Croutsche and Michel Roux
p. 63-70

Abstract

L’évaluation des risques et de l’impact de chaque type de risque dans le choix de la destination touristique préoccupe toutes les destinations qui vivent du tourisme. Le recul de certains sites préoccupe bon nombre d’investisseurs, de régions, voire d’États qui réalisent grâce au tourisme une part importante de leur produit national brut.

L’objectif premier de cette recherche est de montrer le poids des risques spécifiques en matière de tourisme. L’objectif second est de construire un «modèle de relations risques / fréquence de voyages » en montrant les liens de causalité qui unissent les variables étudiées. Cette réflexion montre que la prise en compte du risque est prépondérante en matière de choix touristique. L’univers actuel perturbé par les conflits militaires, terroristes et religieux n’est pas favorable au tourisme (exemple patent de l’Algérie). Nous observons ce recul dans bon nombre de pays au Moyen-Orient et il est permis de penser que ce phénomène ne peut que se développer dans les prochaines années. En contrepartie, les pays plus calmes connaîtront sans doute un regain d’activité touristique.

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1L’étude des relations entre les divers risques liés au tourisme présente un intérêt en termes de comportement du consommateur potentiel de tourisme. L’évaluation des risques et de l’impact de chaque type de risque dans le choix de la destination touristique préoccupe toutes les destinations qui vivent du tourisme. Le recul de certains sites préoccupe bon nombre d’investisseurs, de régions, voire d’États qui réalisent grâce au tourisme une part importante de leur produit national brut.

2L’objectif premier de cette recherche est de montrer le poids des risques spécifiques en matière de tourisme. Quels sont les risques les plus fortement ressentis par les consommateurs, quels sont ceux qui conditionnent leur choix en matière de destination ou quels sont les risques qui les obligent à abandonner des projets de voyages envisagés ?

3Pour mieux appréhender ces différents problèmes, nous avons interrogé un échantillon de plus de 400 personnes dans la région parisienne. Un tel échantillon permet d’obtenir des résultats avec un risque d’erreur de moins de 5 % en approche rigoureusement aléatoire (voir note méthodologique). Notre questionnaire a fait l’objet de traitements statistiques, de types univarié et multivarié.

4L’objectif second est de construire un «modèle de relations risques / fréquence de voyages » en montrant les liens de causalité qui unissent les variables étudiées. Sans aller jusqu’à la mise en place d’un modèle d’équations structurelles, nous procédons à la mise en forme d’un modèle préparatoire dont le traitement, à partir de LISREL, devrait nous permettre de progresser dans cette recherche (Croutsche, 2003).

5Cet article est traité en trois temps. Dans un premier temps, nous présentons les risques liés au tourisme ainsi que les conséquences économiques. Dans un deuxième temps, nous procédons à une analyse exploratoire des poids et des relations entre les différents risques repérés. Enfin, dans un troisième temps, nous étudions, dans une approche graphique, les liens de causalité qui existent entre les différentes variables étudiées.

Risques et tourisme : nouveaux risques, nouvelles économies, nouvelles stratégies !

La gestion des risques

6Comment définir le « risque » ? Ce mot est probablement apparu dans la langue française à la fin du seizième siècle, dérivé de l’italien risco ; mais son origine n’est pas clairement établie. Dans son édition de 1699, le Dictionnaire de l’Académie en fait un équivalent pur et simple de danger ou de péril. Pour Littré, au dix-neuvième siècle, « le risque est un péril dans lequel entre l’idée de hasard » et de poursuivre : « se dit aussi de chaque édifice, mobilier, navire ou cargaison que l’on assure ». Par ailleurs, deux origines possibles sont attribuées au terme italien risco : l’une proviendrait du verbe latin resecare ; formé de secare qui signifie couper, scier…, resecare a le sens de retirer, enlever en coupant, en supprimant. Le substantif dérivé du verbe semble avoir été utilisé dans le vocabulaire de la marine pour désigner l’écueil, d’où le sens du risque que court la marchandise en mer au seizième siècle, période de développement de la conquête des océans. L’autre origine du terme risco pourrait venir du grec byzantin rhizikon qui signifie la solde du soldat gagnée par chance.  Ce mot serait lui-même emprunté à l’arabe rizq qui indique la ration journalière.

7Par ailleurs, dans son numéro 11 de septembre 1983 consacré aux risques, la revue Culture technique précisait qu’en français le risque a d’abord été associé au mot fortune qui signifiait un hasard, heureux ou malheureux. Les deux termes étaient synonymes, comme le souligne, aujourd’hui, l’analogie en droit maritime des expressions « fortune de mer » et « risque de mer », pour désigner les périls susceptibles d’atteindre un navire ou sa cargaison. Le verbe risquer formé par le nom était alors synonyme de « courir fortune », fortune dans le sens actuel de chance ou de hasard heureux. Face à ce caractère positif du mot fortune, risque s’est mis à assumer les emplois négatifs, désignant le hasard malheureux. Ce sens sera conforté par un communiqué de l’Académie française du 17 février 1965 pour préciser son emploi en réaction à certains abus : « risquer, c’est courir un danger. […] Ce verbe est impropre s’il s’agit d’un événement heureux à moins qu’il ne s’agisse d’un emploi ironique ; on risque d’échouer et non d’être reçu. » Depuis son apparition en France au seizième siècle, le mot risque changera peu de sens, mais présentera des connotations variées, selon le contexte et l’utilisateur.

8Après avoir dominé la finance, le concept de risque s’est largement étendu au domaine sociétal. La pression réglementaire souvent évoquée par les entreprises en tant que frein à la croissance répond en réalité à une pression sociale. La crise de la vache folle, la légionellose, le 11 septembre… l’épidémie du SRAS (syndrome respiratoire aigu sévère), la guerre en Iraq, la crise économique ont focalisé l’attention de l’opinion publique sur les risques. Le gouvernement sait qu’il doit anticiper les climats de phobie collective. On est progressivement passé d’une logique de prévoyance et de prévention à une logique de précaution qui est aujourd’hui une valeur cardinale des politiques publiques. Les entreprises du tourisme doivent, aussi, répondre à cette nouvelle demande sociale de bien-être et de sécurité. C’est indispensable  pour leur notoriété et leur image de marque  dans un contexte de concurrence exacerbée. Aux emplois préexistants d’hygiène, de sécurité et de qualité doivent s’ajouter les dimensions environnementales et sociétales.

Quel modèle économique pour une industrie européenne du tourisme durable ?

9L’industrie du tourisme en Europe doit gérer l’imprévisible : la concentration liée à la course à la taille critique. Comment, dans de telles conditions, gérer la croissance et la multiplicité des risques ? Pour la profession, il n’existe pas d’assurance tous risques contre l’oubli de ses clients et la façon dont ils vivent et financent leurs projets de vie de plus en plus hétérogènes à l’image de la montée des individualismes. Les projets de vie se sont accélérés tant chez les particuliers que chez les entreprises. En France, on gagne un trimestre de vie chaque année ; une jeune fille sur deux qui naît en ce début de vingt et unième siècle sera centenaire ; de nouveaux modèles de progrès social fondés sur l’accumulation et la gestion des patrimoines apparaissent.

  • 1  Responsabilité sociale des entreprises.

10Comment répondre aux nouveaux risques et aux nouveaux acteurs ? Les investissements ont vu, eux aussi, ces dernières années, leur démarche d’analyse et de sélection des titres enrichie de ce que l’on appelle maintenant l’investissement éthique ou socialement responsable fondé sur des critères financiers et extra financiers. L’analyse s’est progressivement systématisée et modélisée, des Quakers de 1920 qui refusaient d’investir dans les manufactures d’armes, d’alcool ou de tabac, en passant par des motifs politiques (apartheid, Vietnam…) pour refuser l’investissement, à partir de 1980, l’entreprise est abordée sous l’angle des relations qu’elle peut entretenir avec ses parties prenantes (salariés, clients, fournisseurs, actionnaires, environnement). Trois grands types de facteurs ont favorisé cette évolution : d’abord la prise de conscience de la nécessité d’une saine gestion des ressources de la planète (« Nous n’hériterons pas de la Terre de nos parents, nous l’emprunterons à nos enfants » – saint Exupéry). En deuxième lieu, les entreprises sont de plus en plus observées par une multitude d’instances de la société civile. Troisièmement, les législations nationales se sont faites les amplificateurs de cette pression (les États-Unis par la loi Sarbanes Oxley de juillet 2002 sur la transparence et la responsabilité ; l’Union européenne par son Livre vert et par une résolution de son Conseil qui demande aux États membres de promouvoir le développement durable ; la France par sa Loi de 2001 sur les Nouvelles Régulations économiques qui fait obligation aux sociétés cotées de publier un rapport de gestion ; la France toujours, fin 2002, par la mise en place du Conseil national du Développement Durable – CNDD…). Ces investissements éthiques ne constituent, encore, que 3% à 4% de la masse globale des placements réalisés en France, mais ils progressent ! Dans ce contexte brièvement esquissé, quel pourrait être le rôle de la responsabilité sociale de l’industrie du tourisme et des entreprises qui, au demeurant, ne se sentaient pas pollueuses, mais qui vont devoir affronter la dimension transversale de ce « nouveau concept vieux de plus de trente ans » qu’est la « RSE1» ?

11Assisterions-nous à un retour en force de la « nouvelle économie » ? Pour le cas de la France, l’événement est patent. Après avoir confondu chiffres d’affaires et résultats, croissance parallèle de la téléphonie mobile avec celle d’Internet, alors que seule la seconde constituait une véritable nouvelle technologie, il convient d’admettre que les fondamentaux du « net » (aspect pratique, flux d’information considérables, comparaisons en matière de prix…, gain de temps) ont perduré avec l’évolution positive des taux d’équipement des foyers en matériel informatique. Des nouveaux comportements d’achats sont nés et, curieusement, en France, le site le plus utilisé est celui de la vente des titres de transport de la Société Nationale des Chemins de Fer Français. Le fait de pouvoir imprimer son billet sur son imprimante personnelle est incontestablement un point très apprécié. La médiatisation extrême du phénomène avait déformé la réalité et valorisé à prix d’or des affaires qui ne le méritaient pas. En a-t-on tiré des leçons ? Les décors de vacances de rêve « packagés » proposés par les tours opérateurs riment-ils toujours avec nouvelle économie, responsabilité sociale, logistique, personnalisation, yield management…? Les affaires des vacances à forfait estimées à 52 milliards d’euros en Europe et concentrées entre les mains d’une poignée d’acteurs (TUI, propriétaire de Nouvelles Frontières, et Thomas Cook, maison-mère de Havas Voyages en France, deux géants, se partagent respectivement 42 % des 52 milliards européens) qui ont fait naître une véritable industrie du tourisme de masse dès la décennie 1990 en absorbant des opérateurs nationaux et en pratiquant une intégration  verticale (réseau d’agences, flottes aériennes et capacités hôtelières sont associées dans le cadre d’un véritable management industriel où les faibles marges sont compensées par l’effet de volume).

12Devant les attentats, les épidémies et les crises économiques, les tours opérateurs ont à gérer, de façon concomitante, un endettement croissant, la baisse des marges et des chiffres d’affaires, les changements de comportement des touristes (préférence pour les courts séjours multiples), les succès des nouveaux acteurs (compagnies low cost et agences de voyages en ligne qui offrent du « sur mesure » au prix de forfaits standardisés). « Après le règne du package, la tendance est au dépackaging. » Pour les géants précités, cela exige d’introduire flexibilité et personnalisation là où ils n’avaient cessé de standardiser. Comment, désormais, gérer les surcapacités  en hôtellerie et en places d’avion et réinventer un modèle stratégique rentable dans un tel climat d’incertitudes ?

13La volonté d’occuper toute la chaîne de valeur touristique (un véritable atout en période de croissance du marché, mais une source de coûts fixes énormes en cas de contraction) s’est longtemps justifiée pour des raisons économiques liées à la maîtrise du développement et, surtout, au fait que 80 % du prix des forfaits proposés représente le billet d’avion, l’hôtellerie et l’accueil. Cette rente de situation brisée par les attentats et les crises a fait que les assembleurs (ceux qui s’en tiennent uniquement à l’assemblage du billet d’avion avec l’hôtellerie, sans posséder de compagnie aérienne ni de réseau d’agences particulières) traversent plus facilement les périodes risquées. L’industrialisation du tourisme qui, dans un contexte de mondialisation, escomptait une standardisation des « goûts et des coûts », s’est trompée. Le choix des vacances relève d’une addition d’exceptions culturelles : chaque pays a ses destinations préférées et il devient impossible d’atteindre une véritable synergie des achats et donc des offres.

14Par ailleurs, si l’informatique avait bouleversé l’organisation des entreprises, Internet affecte les comportements d’achat des touristes. Chacun compose son forfait en dernière minute, privant le tour opérateur d’une trésorerie pléthorique et de la flexibilité de son offre : dans sept cas sur dix le book-it-yourself est moins élevé que le tarif des catalogues. De ce fait, l’industrie du tourisme est peut-être au bord d’un déclin structurel. Loin de la culture du forfait standardisé, une gestion de « trading » s’impose pour redéployer le chiffre d’affaires et les marges. La réflexion passe par le lancement de marques en ligne avec des forfaits plus flexibles et réinventées chaque jour et l’utilisation de nouvelles plates-formes de ventes (Web, centre d’appels…). Dans les entreprises du tourisme, comme ailleurs, il existe un effet d’affichage des concepts de développement durable et de responsabilité sociale. Pour s’en convaincre, il suffit d’observer les campagnes de publicité : beaucoup insistent sur le respect de l’environnement, l’efficacité énergétique, le respect des populations locales…, mais, au-delà des effets d’annonces, l’activité économique reste la priorité pour la firme, quelle qu’elle soit, pour qui développement durable consiste prioritairement à faire durer la croissance de son chiffre d’affaires. En cas de mauvais résultats, elle va penser à produire plutôt qu’à respecter, coûte que coûte, l’environnement et le sociétal.

De façon plus précise, quels risques suscitent le plus d’inquiétude chez les consommateurs potentiels de tourisme ?

15Plusieurs types de risques peuvent inquiéter le consommateur potentiel. Les risques immédiats concernent les guerres, les attentats, les épidémies, l’hygiène et toute forme de terrorisme. Les risques environnementaux constituent un des défis du tourisme pour le prochain siècle. Ils nécessitent la mise en place d’un tourisme durable qui permettrait de ralentir la dégradation des espaces par le tourisme.

16Les risques socioculturels découlent des comportements collectifs et sociaux. Les risques géopolitiques qui prennent en considération les régions à risque et la crise internationale, l’influence des gouvernements sur le tourisme, l’impact de l’instabilité politique nationale sont autant de facteurs qui pèsent sur le développement du tourisme à l’échelle locale. Les risques économiques concernent les enjeux économiques, les dévaluations monétaires…

17Ces différents risques induisent des freins en matière de développement touristique. Les consommateurs potentiels recherchent pour une grande part le dépaysement, les grands espaces et la nouveauté. Certains pays tels l’Égypte, l’Asie mineure, les pays d’Extrême-Orient répondaient à ces attentes. Les turbulences géopolitiques, les attentats, les épidémies ont éloigné les touristes de ces sites encore très recherchés il y a quelques années.

18Nous tentons dans cette recherche de mesurer le niveau de perception de ces risques par les consommateurs de tourisme. Une étude sur échantillon nous permet de mieux cerner le problème et d’évaluer l’impact des risques sur le comportement des consommateurs.

Étude de l’impact des risques ressentis par les consommateurs potentiels

Caractéristiques de l’échantillon retenu

  • 2  Chi2 = 35,71, ddl = 4, 1-p => 99,99 %.

19L’échantillon sélectionné regroupe des individus plutôt jeunes. La population interrogée se situe dans l’intervalle de 20 à 60 ans, la moyenne étant de 46 ans. Ces individus sont socialement favorisés et d’un niveau culturel plutôt élevé. Cette population est d’ailleurs plus attirée par les voyages que la population globale. Les éléments de l’échantillon sont tirés de façon aléatoire dans la population cible définie à l’origine. La taille de cet échantillon est acceptable puisque le risque d’erreur est inférieur à 5% avec 95 % de chances (voir note méthodologique) (Croutsche, 1997a et 1997b). La question est à réponse unique sur une échelle. Les paramètres sont établis sur une notation de 1 (sans importance) à 5 (très important). Les calculs sont effectués sans tenir compte des non-réponses. La différence avec la répartition de référence est très significative2. L’intervalle de confiance à 95 % est donné pour chaque modalité. Cette première constatation nécessite quelques approfondissements sur les risques fondamentaux perçus en matière de tourisme.

Mesure du poids des risques fondamentaux ressentis

20Un classement des risques perçus par les interviewés permet d’établir le tableau suivant.

Tableau 1 - Types de risques ou niveau d’exigence attendu

Notation moyenne

élaborée sur une échelle de 1 (faible perception)

 à 5 (perception élevée)

Guerres

4,24

Terrorisme

4,09

Hygiène

4

Epidémie

3,93

Sécurité, vols

3,92

Insécurité générale

3,7

Enlèvement

3,63

Risque transport

3,42

Catastrophe naturelle

3,3

Pollution

2,99

Risque lié au logement

2,97

Drogue

2,96

Risques sociaux

2,81

Risques économiques

2,54

21Cette analyse montre que les risques liés à la guerre, au terrorisme, à l’hygiène et à la maladie s’imposent en priorité dans l’esprit du consommateur. Nous insistons sur les tris plats les plus significatifs car ils permettront, dans la suite de notre recherche, de mieux appréhender les relations qui existent entre les différentes variables risques liées au tourisme. Dans une approche comportementale du consommateur, nous nous sommes intéressés aux motivations et aux freins en matière de consommation touristique. Nous ajoutons que l’optimisme des individus est une variable qu’il faudrait pouvoir mesurer dans l’analyse  perceptuelle de consommateur de tourisme. Les anxieux, les pessimistes ne font pas partie des voyageurs au long cours ; ils préfèrent des vacances sur des lieux sécurisés, connus et souvent proches de leur domicile. Ils écartent ainsi bon nombre de risques liés au tourisme.

22Une question relative aux risques possibles de guerre montre l’importance du poids de cette variable dans le comportement du consommateur de voyage : 62 % de la population interrogée est très sensible à ce risque.

23Aucune ambiguïté en ce qui concerne la perception du risque d’attentats. Près de 80%  de la population interrogée accorde la note 4 ou 5 à cette variable ; 63 % des effectifs de la population interrogée accordent la note 5.

24La signification de la variable étude du poids de l’insécurité est prise au sens général du terme insécurité. Elle couvre toutes les formes possibles d’insécurité. On observe que les touristes sont très sensibles à l’insécurité : également 63 % des effectifs de la population interrogée accordent la note 4 ou 5.

25L’analyse de la perception des risques de transport représente toutes les formes de risques, qu’ils soient traditionnels (accidents de la route) ou spécifiques (accidents d’avions). Cette question montre à l’évidence que les risques liés au transport sont perçus de façon très importante par l’ensemble des interviewés. Plus de 50 % de la population interrogée accorde la note 4 ou 5 à cette variable. Les attentats ne sont pas étrangers à ce type de réponse.

26La variable des risques économiques concerne tous les risques liés à des difficultés d’ordre économique telles des déficiences de services (fermetures des banques ou grèves d’institutions financières…), chutes de monnaie locale ou hausses de prix ou pénuries économiques… À cette question, les réponses sont plus nuancées. La moyenne de 2,54 / 5 montre que la variable « risque économique » n’est pas fondamentale chez le touriste. En d’autres termes, il ne voit pas d’inconvénient majeur dans ce type de situation ou ne se sent pas concerné en priorité par ce type de risque. Ce risque ne peut donc pas être considéré comme un risque majeur.

27Après avoir traité les risques de façon individuelle, nous étudions les relations prises deux à deux entre les variables. Cette première analyse bivariée est complétée par une analyse multivariée, laquelle s’appuie sur des analyses en composantes principales ainsi que sur l’élaboration d’un modèle de régressions multiples.

Étude des relations entre les risques perçus

Matrice des corrélations

28La matrice des corrélations entre variables (tableau 2), permet de procéder à une analyse des variables deux à deux. La liaison « guerres-attentats » est évidemment la plus importante avec un coefficient de corrélation linéaire de 0,82.

29Pour compléter l’analyse bivariée, nous procédons à une représentation globale des variables. Selon une analyse en composantes principales à partir du premier plan factoriel, toutes les variables se regroupent sur la partie droite du graphique. Cette représentation montre à l’évidence les liaisons entre l’ensemble des variables risques. En revanche, nous observons un phénomène d’orthogonalité entre les variables économiques, juridiques, sociales… et les variables liées aux guerres et aux attentats… Rappelons que l’orthogonalité dans une analyse de ce type exprime l’indépendance des variables.

30Nous constatons par ailleurs que cette analyse explique à 34,5 % + 14,2 % = 48,7 % la variance.

Tableau 2 - Matrice des relations entre les risques perçus

Tableau 2 - Matrice des relations entre les risques perçus

Régression multiple expliquant les freins à la décision

31La variable « freins à la décision » présente un intérêt majeur en matière de consommation touristique. Elle a des répercussions économiques importantes ; nous tentons de l’expliquer à l’aide d’un ensemble des variables explicatives suivantes : sensibilité risque, logement, épidémie, drogue, insécurité, tourisme sexuel, risque social, risque juridique, catastrophe naturelle, pollution, non-respect des sites, risques de transport, guerres, attentats, risques économiques, annulation de départ, hygiène.

32Nous utilisons une méthode pas à pas, laquelle nous permet de sélectionner les variables les plus significatives. L’équation de régression retenue grâce à cette méthode se présente de la façon suivante :

  • 3  Coefficient de corrélation multiple : R = 0,78 ; coefficient de Fisher : F = 6,62.

33Le calcul est fait selon la méthode « pas à pas ascendante ». Les termes sont classés dans l’ordre de leur importance pour l’explication de freins à la décision. Les cinq variables expliquent 46,7 % de la variance de freins à la décision3.

34Cette première analyse permet d’expliquer la variable « freins à la décision ». Cette variable présente un intérêt spécifique lié à la consommation immédiate de tourisme. Le coefficient de corrélation multiple n’est pas très élevé, mais il suffit dans l’explication du modèle.

Schéma 1- Carte factorielle d’analyse en composantes principales

Schéma 1- Carte factorielle d’analyse en composantes principales

Étude des liens de causalité entre les variables risques et fréquence des voyages

Analyse relationnelle des différents risques ; représentation et liens de causalité

35Le schéma 3 permet d’apprécier toutes les relations entre les variables étudiées. Lorsque les variables croisées sont quantitatives, elles sont corrélées. Lorsque les variables sont qualitatives, un test de chi 2 permet de valider la relation. Les coefficients r 2 et les chi 2 sont choisis à raison de 0,4 et 5 %. Ils permettent des appréciations et des interprétations de qualité suffisante. Le test r de Fisher permet quant à lui de valider sans difficulté la valeur minimale de 0,4 du coefficient de corrélation linéaire accepté, compte tenu de la taille de l’échantillon. Ce schéma permet de montrer l’ensemble des relations existantes entre les  différentes variables étudiées. Les symboles affichés sur les relations ont les significations suivantes : +TS : très significatif ; +S : significatif ; +PS : peu significatif. Plus les traits entre les relations sont forts, plus la relation entre les variables est significative. Ce schéma fait ressortir les relations les plus significatives entre les variables (les liaisons notées +TS sont très significatives).

36On observe dans ce schéma deux agrégats de liaisons.

37- L’agrégat « épidémie – guerres – insécurité – freins à la décision » montre bien une liaison entre des risques et la décision de partir. Une première analyse pré-causale permet de dire que les variables directement liées à la décision tiennent à la maladie possible, aux perturbations causées par les guerres et à l’insécurité. - Le deuxième agrégat « Terrorisme – Enlèvement – Vols » n’est pas directement lié à la décision, bien que, si l’on se réfère au schéma précédent, les liaisons apparaissent mais ne sont pas forcément significatives.

38Les équations linéaires qui font la liaison entre les variables étudiées confirment l’analyse.

Schéma 2 – Représentation et liens de causalité

Schéma 2 – Représentation et liens de causalité

Schéma 3 – Représentation et liens de causalité incluant la variable « fréquence voyage »

Schéma 3 – Représentation et liens de causalité incluant la variable « fréquence voyage »

Étude de l’impact des risques sur les fréquences de voyages : vers l’élaboration d’un modèle de causalité

39Par rapport au schéma précédent, nous situons au centre du schéma 3 la variable « fréquence voyages » : Combien de voyages de plus d’une semaine effectuez-vous par an ? Cette question montre que 70 % de la population interrogée voyage sur une durée moyenne estimée à 15 jours. Elle conforte notre proposition d’ébauche d’un modèle impliquant la fréquence des voyages.

Élaboration d’une structure pré-causale des risques sur les fréquences de voyages

40Reprenant les schémas précédents, nous construisons deux modèles de structure. Le premier modèle est simplifié ; il présente les  liaisons fondamentales entre les variables. Ce modèle découle de l’approche exploratoire que nous avons réalisée dans l’analyse. Le sens des relations que nous proposons devrait pouvoir être enrichi par l’élaboration de variables de synthèses, variables latentes qui permettraient de présenter un réel modèle d’équations structurelles validées à l’aide du modèle LISREL (Croutsche, 2003).

41Le schéma 4 présente les liaisons entre les variables les plus influentes qui bénéficient d’un poids primordial dans le choix de la décision. Toutes les liaisons entre les variables sont très significatives. Les liaisons sont organisées graphiquement de la gauche vers la droite, convergeant dans cette direction vers la pratique de voyage. Les enchaînements se font logiquement de la gauche vers la droite, la variable expliquée étant située à droite. Cette représentation est une première approche d’une analyse causale. Les variables non liées ont été mises à l’écart ; elles présentent moins d’intérêt dans un modèle synthétique.

42Ce modèle présente bien l’enchaînement des risques liés qui convergent vers la décision finale en termes de consommation de voyages. Ce modèle est réalisé sur une population plutôt jeune dont la moyenne d’âge est de 30-35 ans. Il faudrait pouvoir approfondir par tranche d’âge et par catégorie socioprofessionnelle. De fait, l’étude montre que les tranches d’âge les plus élevées attachent beaucoup d’importance aux risques.

Schéma 4 – Liaisons entre les variables les plus influentes

Schéma 4 – Liaisons entre les variables les plus influentes

Conclusion

43Cette réflexion montre que la prise en compte du risque est prépondérante en matière de choix touristique. L’univers actuel perturbé par les conflits militaires, terroristes et religieux n’est pas favorable au tourisme (exemple patent de l’Algérie). Nous observons ce recul dans bon nombre de pays au Moyen-Orient et il est permis de penser que ce phénomène ne peut que se développer dans les prochaines années. En contrepartie, les pays plus calmes connaîtront sans doute un regain d’activité touristique.

44Ce travail devrait pouvoir être prolongé grâce à des études statistiques approfondies et on devrait pouvoir élargir l’échantillon à des populations davantage diversifiées. Par ailleurs, une étude plus fine des strates en termes d’âge, de catégorie socioprofessionnelle, d’attentes devrait aboutir à la mise en place d’un modèle de consommation touristique en fonction du risque. En matière de traitement statistique, la création de variables composites latentes et l’utilisation des équations structurelles devraient faciliter l’élaboration de ce modèle dont avons réalisé la première ébauche.

Note méthodologique

45Pour dimensionner la taille de l’échantillon, nous utilisons la formule suivante :

46n= 4p(1-p)/ 2

47sachant que p = 0,5, ce qui nous situe dans le cas le plus défavorable si nous nous en tenons à la proportion p. Cette formulation nous est donnée pour un risque à 5%, qui correspond au risque maximal accepté dans le cas d’une étude quantitative.

48La formule généralisée de la taille de l’échantillon avec p = 0,5 peut s’écrire de la façon suivante :  

49n=1/_

50Si = 5 %, l’échantillon minimal est de 400 personnes. Notre échantillon dépassant cette valeur seuil, sa taille est acceptable.

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Sites Internet

Le site de l’Organisation Mondiale du Tourisme (OMT).

Le site du Bureau Internationale du Travail (B.I.T).

Le site de l’Organisation Mondiale de la santé (OMS).

[www.tourisme-21.org], [www.oivo-crioc.org],

[www.unesco.org], [www.econovateur.com],

[www.afric-éco.com].

Terrorisme

[www.chez.com], [http://site.voilà.fr],

[www.lemagchallenges.nouvelobs.com],

[www.worldtourism.org].

Climat

Document de référence de l’OMT sur le tourisme et

le changement climatique, document préparé

pour le compte de l’OMT par M. Graham Todd,

Travel Research International Limited.

[http://perso.club-internet.fr], [http://membres.lycos.fr],

[www.environnement.gouv.fr], [www.routard.com],

[www.mairie-avignon.fr].

Économie

[www.worldtourism.org],

[www.ltht-nice.com/tourisme_durable.htmv

[www.ecofac.org], [www.sommets_tourisme.org],

[www.tns.sofres.com], [www.insula.org],

[www.ont-tourisme.com], [www.billy-globe.org].

Santé

[www.who.int/fr].

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Notes

1  Responsabilité sociale des entreprises.

2  Chi2 = 35,71, ddl = 4, 1-p => 99,99 %.

3  Coefficient de corrélation multiple : R = 0,78 ; coefficient de Fisher : F = 6,62.

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List of illustrations

Title Tableau 2 - Matrice des relations entre les risques perçus
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Title Schéma 1- Carte factorielle d’analyse en composantes principales
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Title Schéma 2 – Représentation et liens de causalité
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Title Schéma 3 – Représentation et liens de causalité incluant la variable « fréquence voyage »
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Title Schéma 4 – Liaisons entre les variables les plus influentes
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References

Bibliographical reference

Jean-Jacques Croutsche and Michel Roux, “Risques et tourisme : vers un modèle causal d’évaluation de l’impact des risques sur le comportement des touristes”Téoros, 24-1 | 2005, 63-70.

Electronic reference

Jean-Jacques Croutsche and Michel Roux, “Risques et tourisme : vers un modèle causal d’évaluation de l’impact des risques sur le comportement des touristes”Téoros [Online], 24-1 | 2005, Online since 01 October 2011, connection on 06 December 2024. URL: http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/teoros/1531

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About the authors

Jean-Jacques Croutsche

Maître de conférences,  Université de Paris-Nord

By this author

Michel Roux

Vice-doyen de la Faculté de sciences économiques et de gestion,  directeur de l’IUP « Industrie et finance internationales »,  Université de Paris-Nord

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