Hillali, Mimoun (2004), « Risque politique et tourisme au Maghreb », Téoros, vol. 23, no 1, p.38.
Le tourisme au Maroc : entre le temps et les événements
Abstract
L’industrie touristique au Maroc est un secteur économique important ; bon an mal an, il représente de 8% à 10 % du PIB du pays. Sur le plan touristique, le Maroc dispose d’atouts remarquables : son climat, sa culture spécifique, ses villes impériales et sa position géographique. Malgré ces avantages concurrentiels, le secteur du tourisme connaît de profondes fluctuations dans les dernières années. L’industrie touristique marocaine est touchée par de fortes fluctuations ; ces fluctuations sont provoquées par des causes internes et externes : la faible rentabilité et les problèmes de financement dans le secteur de l’hôtellerie, les contraintes exercées par la concurrence internationale, les troubles économiques et politiques mondiaux. Il faut aussi souligner la forte dépendance du tourisme marocain vis-à-vis cinq grands pays européens. Enfin, une bonne nouvelle, il semble y avoir une certaine atténuation du risque politique associé à la destination marocaine pour les touristes français, anglais et espagnols ; les touristes en provenance de l’Allemagne et de l’Italie demeurent sensibles face à ce phénomène.
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A l’époque de la publication de ce texte, Téoros était une revue de transfert. Plusieurs des textes présentés pour ce numéro n’ont pas été soumis à l’évaluation par les pairs.
Full text
1L’industrie touristique au Maroc est un secteur économique important ; bon an mal an, il représente de 8% à 10 % du PIB du pays. Sur le plan touristique, le Maroc dispose d’atouts remarquables : son climat, sa culture spécifique, ses villes impériales et sa position géographique. Malgré ces avantages concurrentiels, le secteur du tourisme connaît de profondes fluctuations dans les dernières années. Dans ce court article, nous allons analyser l’évolution récente du tourisme étranger de séjour, les nuitées dans la ville phare de Marrakech et les effets divergents des deux guerres du Golfe sur le tourisme marocain.
Le tourisme au Maroc dans les quinze dernières années
- 1 Il s’agit du taux d’accroissement annuel moyen calculé avec une moyenne géométrique.
2Le tableau 1 montre les taux d’accroissement annuel moyen1pour « les touristes internationaux de séjour » par blocs de cinq années, de 1998 à 2002. La croissance des touristes, sur l’ensemble de la période, a été seulement de 0,8 %. De 1988 à 1992, la croissance annuelle a été remarquablement forte (avec 13,1 %). Cette période forte a été suivie d’un fléchissement très accentué dans les années 1993-1997 (une baisse annuelle de –11,3 %). Enfin, la période plus récente, de 1998 à 2002, connaît une croissance modeste de 2,6 % annuellement. Ces données montrent que l’industrie touristique marocaine est durement touchée par des cycles de courtes périodes qui nuisent grandement à son développement. Ces cycles dépendent, à la fois, de facteurs politiques et économiques ; comme le signale Mimoun Hillali : « Le tourisme, secteur vital pour le Maroc et la Tunisie, ne s’est pas remis des conséquences d’une décennie de chocs économiques et de conflits militaires qui ont secoué (et continuent d’ailleurs de le faire) les pays arabes, en particulier, et le monde en général. » (Hillali, 2004 : 38)
Tableau 1 – Les taux d’accroissement annuel moyen (moyenne géométrique) des « touristes internationaux de séjour » au Maroc, par blocs de cinq années, de 1988 à 2002
Années |
Taux d’accroissement annuel moyen |
1988-1992 |
13,1 % |
1993-1997 |
-11,3 % |
1998-2002 |
2,65 % |
1988-2002 |
0,8 % |
Source : Nos calculs à partir des données du ministère du Tourisme, Royaume du Maroc.
Les nuitées à Marrakech
3Marrakech est le plus beau fleuron des villes impériales marocaines ; à elle seule, Marrakech compte pour le tiers des nuitées de l’ensemble du pays ; elle est un microcosme qui permet d’analyser la situation du tourisme. Cinq pays européens constituent les principales clientèles du tourisme, à la fois pour « les touristes internationaux de séjour » et pour les nuitées à l’hôtel. Ces cinq pays, la France, l’Espagne, l’Angleterre, l’Allemagne et l’Italie, représentent 68 % de l’ensemble des clientèles touristiques étrangères.
4Le tableau 2 présente les taux d’accroissement annuel moyen des nuitées à Marrakech pour ces cinq pays, pour la période 1999-2003. La croissance des nuitées des touristes français est faible (1 % par année) ; on constate une baisse très forte des nuitées des touristes espagnols (-18,2 %), allemands (-27,5 %) et italiens (-16,9 %) ; seuls les touristes anglais représentent une clientèle en véritable croissance (7,6 %).
- 2 Nous rappelons que le total des nuitées est formé des cinq principaux pays nommés plus haut.
5Les parts de marché2de ces diverses clientèles ont beaucoup évolué dans les dix dernières années : en 1993, les touristes français représentaient 59 % des nuitées ; ce pourcentage est passé à 73 % en 1999 et à 83% en 2003. Marrakech, ce joyau du Royaume, est devenu une véritable attraction touristique pour les élites françaises des mass média, du monde du spectacle et même des ténors de la politique. L’industrie du tourisme à Marrakech est de plus en plus dépendante de la venue des touristes français.
Tableau 2 – Les taux d’accroissement annuel moyen (moyenne géométrique) des nuitées à Marrakech, de 1999 à 2003
Pays |
Taux d’accroissement annuel moyen |
France |
1 % |
Espagne |
-18,2 % |
Angleterre |
7,6 % |
Allemagne |
-27,5 % |
Italie |
-16,9 % |
Source : Nos calculs à partir des données du ministère du Tourisme, Royaume du Maroc.
Les effets des deux guerres du Golfe
6Dans cette partie, nous allons traiter des effets sur le tourisme marocain des deux guerres du Golfe.
Les effets sur « les touristes internationaux de séjour »
- 3 La première guerre du Golfe – la guerre du Koweit – a été déclenchée le 16 janvier 1991.
- 4 La deuxième guerre du Golfe – la guerre en Iraq – a été déclenchée le 20 mars 2003.
7Le tableau 3 présente les taux d’accroissement annuel moyen pour la période 1991/19903et les taux d’accroissement annuel moyen pour la période 2003/20024. Nous pouvons constater que, pour certains pays, les comportements touristiques diffèrent de façon importante entre les deux périodes de guerre. Lors de la première guerre du Golfe, en 1991, la baisse des arrivées des touristes a été très forte dans tous les pays étudiés. En 2003, la situation est bien différente : les arrivées des touristes français augmentent de 3,1 %, celles des touristes espagnols de 11,2%; la baisse des entrées des touristes anglais est beaucoup plus faible en 2003, par contre la décroissance des arrivées des touristes allemands et italiens reste assez importante lors de la deuxième guerre du Golfe.
Tableau 3 – Les taux d’accroissement annuel moyen (moyenne géométrique) des « touristes internationaux de séjour » au Maroc, pour les périodes 1991/1990 et 2003/2002
Pays |
Taux d’accroissement annuel moyen 1e guerre du Golfe (Koweit) 1990/1991 |
Taux d’accroissement annuel moyen 2e guerre du Golfe(Iraq) 2003/2002 |
France |
-35,7 % |
3,1 % |
Espagne |
-8,3 % |
11,2 % |
Angleterre |
-34,6 % |
-4,8% |
Allemagne |
-32,7 % |
-26,8 % |
Italie |
-16 % |
-13,1 % |
Source : Nos calculs à partir des données du ministère du Tourisme, Royaume du Maroc.
Les effets sur les nuitées à Marrakech
8Nous constatons à Marrakech (voir le tableau 4) une baisse moins dramatique des nuitées en 2003 (par rapport à 1991) ; dans le cas de la France, la décroissance est nulle alors qu’elle était de -60 % en 1991 ; chez les touristes anglais, il y a même une croissance des nuitées de 2,2 %. Les nuitées des touristes espagnols connaissent une baisse de 10,4% en 2003 (la baisse était de -21,1 % en 1991). Chez les touristes en provenance de l’Allemagne et de l’Italie, la décroissance des nuitées à Marrakech en 2003 reste assez forte.
Tableau 4 – Les taux d’accroissement annuel moyen (moyenne géométrique) des nuitées à Marrakech, pour les périodes 1991/1990 et 2003/2002
Pays |
Taux d’accroissement annuel moyen 1e guerre du Golfe (Koweit) 1990/1991 |
Taux d’accroissement annuel moyen 2e guerre du Golfe(Iraq) 2003/2002 |
France |
- 60,5 % |
0,0% |
Espagne |
-21,1 % |
-10,4% |
Angleterre |
-65,6 % |
2,2% |
Allemagne |
-47,1 % |
-39,7% |
Italie |
-32,2 % |
-21,4% |
Source : : Nos calculs à partir des données du ministère du Tourisme, Royaume du Maroc.
Les leçons du passé
9L’industrie touristique marocaine est touchée par de fortes fluctuations ; ces fluctuations sont provoquées par des causes internes et externes : la faible rentabilité et les problèmes de financement dans le secteur de l’hôtellerie, les contraintes exercées par la concurrence inter- nationale, les troubles économiques et politiques mondiaux. Il faut aussi souligner la forte dépendance du tourisme marocain vis-à-vis cinq grands pays européens. Enfin, une bonne nouvelle, il semble y avoir une certaine atténuation du risque politique associé à la destination marocaine pour les touristes français, anglais et espagnols ; les touristes en provenance de l’Allemagne et de l’Italie demeurent sensibles face à ce phénomène.
Notes
1 Il s’agit du taux d’accroissement annuel moyen calculé avec une moyenne géométrique.
2 Nous rappelons que le total des nuitées est formé des cinq principaux pays nommés plus haut.
3 La première guerre du Golfe – la guerre du Koweit – a été déclenchée le 16 janvier 1991.
4 La deuxième guerre du Golfe – la guerre en Iraq – a été déclenchée le 20 mars 2003.
Top of pageReferences
Bibliographical reference
Jean Stafford, “Le tourisme au Maroc : entre le temps et les événements”, Téoros, 24-1 | 2005, 53-54.
Electronic reference
Jean Stafford, “Le tourisme au Maroc : entre le temps et les événements”, Téoros [Online], 24-1 | 2005, Online since 01 October 2011, connection on 04 December 2024. URL: http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/teoros/1516
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