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Dossier

Le tourisme : atout durable du développement au Maroc ?

Fatima Arib
p. 37-41

Abstract

Le tourisme est aujourd’hui la première source de recettes d’exportations bien devant l’automobile, la chimie, l’alimentation, l’informatique ou encore le pétrole. Il met en jeu des investissements considérables de capitaux, génère des revenus substantiels et crée des emplois importants. Ainsi, pour de nombreux pays, il est une source indispensable de devises. Le secteur touristique occupe une place importante dans l’économie marocaine. Il est de plus en plus considéré par les hauts responsables comme un secteur stratégique pour accompagner le développement économique. Mais qu’en est-il des coûts pour l’environnement et le social ainsi que pour le développement durable ? Le développement d’un tourisme durable, qui offre des découvertes innovantes avec une implication de la population locale et une préservation de l’environnement, semble être vraiment judicieux et pouvoir répondre à des enjeux réels du développement durable au Maroc.

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Editor's notes

A l’époque de la publication de ce texte, Téoros était une revue de transfert. Plusieurs des textes présentés pour ce numéro n’ont pas été soumis à l’évaluation par les pairs.

Full text

1Le tourisme est aujourd’hui la première source de recettes d’exportations bien devant l’automobile, la chimie, l’alimentation, l’informatique ou encore le pétrole. Il met en jeu des investissements considérables de capitaux, génère des revenus substantiels et crée des emplois importants. Ainsi, pour de nombreux pays, il est une source indispensable de devises ; il en est même la première source pour 38 % des pays, selon un rapport de l’Organisation mondiale du tourisme sur le développement du tourisme dans le monde, publié en 2003.

2Une des destinations touristiques principales de la rive sud de la Méditerranée, le Maroc, séduit par ses merveilles naturelles, ses villes impériales, son climat, l’accueil et la générosité de ses habitants… Autant d’atouts pour que le Maroc devienne l’une des destinations méditerranéennes prisées des touristes étrangers.

3Le secteur touristique occupe une place importante dans l’économie marocaine. Une analyse du rapport annuel de la Banque centrale du Maroc publié en 2004 montre que sa part est trois fois supérieure à celle des produits de la mer, du textile ou de l’agriculture. Ainsi, un des secteurs les plus importants pour ce qui est de la croissance économique, des devises, des investissements et de la création d’emplois se révèle être le tourisme. En effet, en 2003, selon ce même rapport, le tourisme a représenté 6,9 % du PIB, créé 600 000 emplois directs, généré 5,9 milliards de dirhams de flux d’investissement, avec une capacité de 97 000 lits classés. Tout cela explique cette étroite corrélation qu’on suppose souvent entre tourisme et développement.

4L’apport économique de l’activité touristique au Maroc est certes important. Il est de plus en plus considéré par les hauts responsables comme un secteur stratégique pour accompagner le développement économique. Mais qu’en est-il des coûts pour l’environnement et le social ainsi que pour le développement durable ? L’objectif principal de cet article est d’explorer les aspects qui feront du tourisme une activité motrice du développement durable au Maroc.

5Nous commençons par traiter du tourisme au Maroc et surtout de la vision 2010, pour nous arrêter sur quelques problèmes qui handicapent sa réalisation. Comment conjuguer cette stratégie ambitieuse de développer et d’accroître quantitativement l’activité touristique avec celle de vouloir faire du tourisme une activité aux retombés durables et sans perte de son potentiel touristique diversifié ? Telle sera la question dont nous traiterons par la suite.

Le tourisme au Maroc

6Le Maroc a accordé, dans sa politique de développement, une place de choix à l’activité touristique dès la fin des années 1960. Pourtant, il n’a très souvent adopté que des politiques ponctuelles pour développer le secteur du tourisme. En effet, depuis son indépendance, les gouvernements successifs ont cherché à encourager le secteur sans y apporter la volonté politique nécessaire. Ce n’est qu’à partir de l’année 2001 que la décision fut prise au plus haut niveau de l’État de tracer une nouvelle stratégie impliquant les secteurs à la fois public et privé avec une nouvelle vision appelée « Vision 2010 ».

7Conscients que les paysages attrayants et la richesse d’un patrimoine ne suffisent pas à assurer le succès du secteur touristique, en l’absence d’une politique véritable et adaptée aux besoins du marché, les professionnels insistaient sur l’importance de considérer ce secteur comme un « secteur exportateur », une industrie motrice permettant de déclencher la profonde dynamique de croissance économique et sociale que le Maroc recherche toujours après plusieurs années d’ajustements et de réformes structurelles.

8En effet, les potentialités à conquérir des marchés touristiques ont poussé les responsables marocains à élaborer, à l’intérieur d’un accord-cadre signé en janvier 2001 entre l’État et les opérateurs du secteur, une stratégie touristique ambitieuse permettant, à l’horizon 2010 : l’accueil de 10 millions de touristes, la réalisation de 160 000 nouveaux lits, la création de 600 000 nouveaux emplois, l’augmentation des recettes annuelles en devises de 20 à 80 milliards de dirhams et une contribution au PIB de l’ordre de 2 à 3 points par an. Le Maroc ambitionne donc de passer, en l’espace de dix ans, de la 39e à l’une des 20 premières destinations mondiales.

9Sous l’impulsion de cet accord-cadre le plan Azur a donc été lancé. Il s’agit de développer six nouvelles zones à haut potentiel, situées à proximité des aéroports : Khmis Sahel à Larache, Mogador à Essaouira, Saïda Ras El Ma dans la région d’Oujda, El Haouzia à El Jadida, Taghazout à Agadir et enfin la Plage blanche à Guelmim. La réalisation de ces sites permettra de doubler la capacité d’hébergement, pour aider à accueillir les 10 millions de touristes.

10Pourtant, et même si en effet le Maroc dispose d’atouts non négligeables qui peuvent favoriser la réalisation de cette vision 2010, il est avéré que ce pays n’est pas encore doté des infrastructures à la hauteur de ses ambitions et que ce secteur reste lourdement pénalisé par des problèmes tels que le foncier, la fiscalité, le financement et la formation professionnelle.

11Cependant, si certains problèmes liés à l’investissement, à savoir les réglementations foncières et fiscales, ont été résolus en grande partie au cours des trois dernières années, le financement en fonds propres et la formation professionnelle devraient constituer des priorités de tous les intervenants dans le secteur. Les professionnels s’interrogent surtout sur le côté financier proprement dit et sur la sécurité et la rentabilité des fonds mis à disposition par les investisseurs et les bailleurs de fonds.

12Pour passer du stade artisanal à l’intégration du monde du tourisme industriel, des investissements massifs sont nécessaires. En effet, la promotion du tourisme au Maroc suppose des investissements importants surtout sur les plans de l’hébergement et des infrastructures. Le plan prévoit un investissement global qui exige une mise de fonds de plus de 100 milliards de dirhams. Pour tranquilliser les bailleurs de fonds, il faudra que le Maroc puisse offrir un rendement interne de 12 % et un taux d’occupation de 60 % des hôtels.

13La problématique du financement des projets touristiques est complexe. Plusieurs volets restent liés notamment à la complexité du secteur, au risque de surcapacité, au risque lié à l’environnement, à l’intensité capitalistique, ainsi qu’au financement bancaire. Le principe de développement de ces zones adopté par l’État marocain consiste à confier à un organisme privé la charge d’aménager puis de vendre des zones foncières prêtes à l’emploi. L’État, pour sa part, se charge des infrastructures hors site, par exemple l’eau, l’électricité…, pour que, par la suite, « l’aménageur-développeur » se charge de la gestion de certains services communs. Pour le Maroc, « l’aménageur- développeur » est donc une idée nouvelle. L’aménageur-développeur idéal est un consortium qui réunit des investisseurs internationaux et un groupe local. Mais, apparemment, ce n’est pas une condition sine qua non, car l’important est de trouver l’aménageur-développeur qui doit investir, parfois, jusqu’à un milliard de dirhams pour préparer une zone selon un cahier de charges précis. La sélection de ces aménageurs- développeurs a débuté au premier trimestre 2003. Jusqu’à présent, l’effort du gouvernement marocain a surtout porté sur le soutien du plan Azur en participant et en soutenant les acquisitions des 3000hectares indispensables aux implantations des cités balnéaires et aux mesures d’accompagnement nécessaires.

14Le gouvernement marocain n’entend pas alourdir la charge de la dette extérieure du pays. En conséquence de quoi, l’appel à des fonds privés locaux est indispensable. La mobilisation de l’épargne et son orientation vers le secteur touristique par les institutions financières et le système bancaire sont devenues la clé de la réussite de toute la vision 2010.

15Les Marocains sont ainsi appelés à investir dans le développement touristique de leur pays. Pour mobiliser l’épargne publique, il faut d’abord modifier et adapter les réglementations locales en la matière.

16En outre, il ne faut pas oublier la formation, la restructuration de l’offre culturelle, le renforcement des budgets de promotion et de publicité, le financement de la restructuration du secteur aérien, les investissements en infrastructures routières et sanitaires, en sécurité…

17Outre ces différents problèmes, le tourisme au Maroc pose fortement la question de ses effets sur l’environnement et le social. En effet, au Maroc, pour plusieurs analystes, cette ambition d’atteindre l’objectif de 10 millions de touristes en 2010 s’inscrit dans le développement d’un tourisme de masse. Ils se demandent si le Maroc, avec son plan Azur, ne sera pas amené à pratiquer avec un certain retard une politique déjà expérimentée ailleurs, laquelle aujourd’hui pose de graves problèmes de toutes sortes, en particulier environnementaux et sociaux. Aujourd’hui, la réalité impose de promouvoir un développement durable du tourisme.

18Aucun projet de développement véritable ne peut ignorer les caractéristiques essentielles du milieu naturel et culturel, les besoins, les aspirations et les valeurs mobilisatrices des populations concernées. Le Maroc possède des potentialités touristiques nombreuses qui restent à mettre en valeur. Le tourisme durable dans son sens le plus large en est une. Il est aujourd’hui au stade embryonnaire ; cela demande la mise en place d’une stratégie de développement d’un tourisme durable pour répondre à une demande potentielle importante appréciée à l’horizon 2010.

19En effet, le développement du tourisme est une préoccupation bien légitime dans un pays qui dispose de plusieurs atouts comme le Maroc, mais il doit être conduit avec précaution, dans le cadre d’un tourisme durable, dans le temps et dans l’espace. Eu égard à l’importance de cette activité, vu ses enjeux économiques, sociaux et environnementaux, la question de la durabilité de l’activité touristique devrait donc constituer un sujet de préoccupation majeur.

20Le tourisme est-il un facteur de développement durable ? Cette activité n’en demeure pas moins « à double visage, structurante et déstructurante, productive et dégradante, facteur de liberté et instrument de différence » (Bensahel et Donsimoni, 2000). Que faut-il alors pour que le tourisme joue le rôle essentiel qu’on lui accorde pour constituer un atout durable du développement au Maroc ? Comment intégrer la question de durabilité dans la vision globale apportée par le contrat-programme 2010 ? Tel sera l’objet de la deuxième partie de notre article.

Stratégie de développement du tourisme durable au Maroc

21La notion de « développement durable » a été officiellement introduite en 1987 dans le rapport Brundtland pour les Nations unies, lequel définit que, pour être durable, le développement doit « répondre aux besoins du présent, sans compromettre la capacité des générations futures à répondre à leurs propres besoins », une des plus célèbres définitions, publiée en 1987 dans le rapport de la Commission des Nations unies sur l’Environnement et le Développement, communément appelé « rapport Bruntland ».

22La recherche de la durabilité se place au carrefour d’une triple préoccupation, économique, sociale et environnementale : la poursuite d’un développement économique sans lequel rien n’est possible, la recherche d’une plus grande justice sociale, enfin, le souci de protection et de renouvellement des ressources naturelles non indéfiniment extensibles… Le vingtième siècle s’est donc achevé avec une prise de conscience planétaire où l’environnement et le social constituent des thèmes majeurs des stratégies de développement. Le concept de développement durable s’applique au tourisme. Ainsi, les différentes branches du tourisme international se mobilisent pour respecter les principes du développement durable, introduire ainsi les notions de gestion et d’audits environnementaux et sociaux, mettre en œuvre des codes de bonnes pratiques, travailler sur des labels de qualité qui influent sur le choix des destinations, promouvoir le tourisme durable…

23Le tourisme durable désigne « toute forme de développement, d’aménagement ou d’activité touristique qui respecte et préserve à long terme les ressources naturelles, culturelles et sociales, et contribue de manière positive et équitable au développement économique et à l’épanouissement des individus qui vivent, travaillent ou séjournent dans ces espaces ». Cette définition de l’Organisation mondiale du tourisme, publiée sur son site Internet, reprend les grands principes de la Déclaration de Rio de 1992 concernant le Développement durable, en les adaptant au secteur du tourisme. Le concept de tourisme durable incite à placer l’homme et l’environnement au centre de toute réflexion sur les stratégies de développement de l’activité touristique. Adopter le tourisme durable, c’est aussi et d’abord affirmer la volonté politique de maîtriser son développement en répondant aux différents besoins des acteurs qui vivent sur le territoire concerné.

24Le Maroc peut fort probablement tirer profit du tourisme pour son développement pas uniquement économique, mais durable. La prise de conscience de ce fait est un préalable indispensable. Cependant, l’une des questions qui se posent fréquemment est de savoir comment trouver des réponses au développement du tourisme durable.

25Cela suppose d’abord que les notions de développement et de progrès ne soient pas seulement évaluées dans une logique économique et professionnelle ; elles méritent d’être redéfinies en relativisant les indicateurs quantitatifs traditionnels de l’économie du tourisme. On pourrait éventuellement introduire des éléments tels que : le nombre de visiteurs, le multiplicateur de dépenses, les emplois créés, les recettes en devises, la rentabilité… en essayant de prendre en compte l’ensemble des coûts (environnementaux, culturels et sociaux) de l’activité touristique sur le long terme, la répartition des richesses induites, la qualité de vie des populations concernées… un ensemble d’objectifs auxquels le tourisme n’a pas toujours l’habitude de se confronter.

26Une autre condition primordiale pour relever le défi du développement au Maroc est l’implication de la majorité des acteurs, aux intérêts sûrement contradictoires, dans l’élaboration de stratégies réalisables de développement durable du tourisme. Travailler avec la diversité des acteurs, c’est reconnaître qu’il existe des logiques différentes. La prise en compte des logiques territoriales d’une part, des logiques entreprenariales d’autre part, est également fondamentale. Le processus est certes long, car il demande un important travail de mobilisation et d’animation des acteurs pris dans leur diversité.

27Le tourisme, secteur générateur d’emplois et de devises, pourrait aussi offrir l’occasion au Maroc de se doter d’une ressource clé pour son développement et pour la lutte contre la pauvreté. Pourtant, les acteurs touristiques au Maroc semblent encore peu mobilisés sur des projets concrets de tourisme durable. En effet, la durabilité économique l’emporte encore. Il est vrai qu’un certain nombre de responsables et d’acteurs du tourisme s’efforcent de proposer des produits plus respectueux de l’homme et de son environnement. Cependant, le fossé entre le discours et la réalité reste énorme ; le combler est d’une importance fondamentale.

28Le tourisme, priorité nationale au Maroc, ne peut devenir « une stratégie gagnante » que si l’option « Tourisme Durable » est choisie et poursuivie largement et par tous. Toute la stratégie qui gère les investissements, les professions et la promotion doit se fonder sur une approche systémique durable adaptée aux réalités. Les tarifications et la mise en place d’un label de qualité doivent aboutir au meilleur rapport qualité/prix. Pour toutes les branches de l’activité touristique, un suivi régulier, une surveillance et un contrôle doivent se mettre rapidement en place.

29Nous pensons qu’il faut tout d’abord que « l’environnement et le social » s’inscrivent parmi les fondements de tous les produits touristiques «Maroc ». Il est urgent d’entreprendre une véritable réflexion sur les produits pour introduire dans les produits « traditionnels » balnéaires et « culturels » la touche « d’émotions » et « d’authenticité » qui leur manque très souvent. La recherche d’une véritable adéquation entre l’offre et la demande est essentielle. Il faut savoir que le touriste souhaite aujourd’hui se tourner vers de nouvelles formes de tourisme davantage interactives et authentiques.

30Le Maroc dispose d’atouts touristiques très variés liés à la diversité de ses climats, de son relief, de ses sols, de ses cultures… On remarque que, malgré cette diversité des possibilités, la répartition est inégale ; la concentration de la fréquentation induit une concentration des impacts sur des territoires dont il importe d’apprécier la fragilité ; la structure économique n’est pas suffisamment diversifiée pour absorber les crises…

31Aujourd’hui, il y a un décalage important entre une demande forte qui émane tant de touristes étrangers et de populations urbaines nationales que de marocains qui résident à l’étranger et, en contrepartie, une offre inorganisée. Il s’agit donc de valoriser et de structurer cette offre pour qu’elle réponde aux attentes, ce qui nécessite d’associer à la volonté nationale, déjà affirmée dans le contrat-programme 2010, toutes les initiatives locales qui sont certes nombreuses, mais qui ne sont pas bien mises en valeur. L’évaluation des effets positifs de l’existant dans les activités touristiques, mais également la prévision et l’anticipation des effets négatifs et leur gestion s’imposent. Le rôle de chaque intervenant, qu’il soit public, privé, collectivité locale, association, université… se doit d’être clairement identifié et les synergies doivent se définir soigneusement et rapidement. Nous pensons également que les filières de l’éducation doivent créer et renforcer les formations liées aux métiers du tourisme durable.

32Au Maroc et lors des quatrièmes assises de tourisme tenues à Casablanca en février 2004, on a envisagé d’ouvrir davantage les régions rurales au tourisme. Avant de le faire, il est indispensable de se préoccuper de la capacité de charge des milieux, de la mise en place d’une réglementation de zonage pour l’occupation des sols, de prévoir des campagnes de sensibilisation, de réglementation et de surveillance, d’accepter l’éventuelle décision d’orienter les visiteurs vers d’autres zones ou centres d’intérêts si les caractéristiques d’un espace exigent de trop forts investissements par rapport aux retombées possibles de l’activité touristique…

33Au sein des organisations professionnelles, il est nécessaire d’envisager la mise en place de « fonds spéciaux » destinés à garantir la pérennité des produits et à créer les moyens de protection et de préservation des sites et du patrimoine naturel et culturel et ce, dans l’immédiat. Des formules spéciales de financement pour la création des aménagements et des hébergements spécifiques devront aussi être mises en oeuvre.

34Une des questions posées – surtout par les professionnels – est celle de la rentabilité. Le calcul de rentabilité de toute activité économique ne peut se faire uniquement en termes monétaires et financiers. Forcément, il prend en considération l’ensemble des gains et des coûts à long terme (réduction de coûts liés aux économies d’énergie par exemple) et touche ainsi l’ensemble de la société (impacts sur les autres secteurs économiques, sur la qualité de vie des habitants…). Le tourisme durable pourrait probablement être surtout le gage d’une rentabilité durable, de reproduction de l’activité elle-même, car il pourrait permettre de préserver l’attractivité et donc le succès d’une destination.

35Dès lors, l’application des critères du tourisme durable constituerait vraisemblablement une occasion de conserver une proportion accrue des recettes. Celles-ci pourraient être réinvesties dans le tourisme et la protection des sites et l’amélioration de ceux-ci pour les générations futures, facilitant ainsi la création de petites entreprises et d’emplois. Le tourisme durable peut également  constituer un levier pour la diffusion des techniques, l’artisanat, le développement du réseau d’adduction et de traitement de l’eau, des communications, de l’agriculture et des services publics de santé et d’éducation. De plus, il constitue une occasion de promotion d’un processus participatif de la communauté dans son propre développement humain et d’une conscience collective du respect.

36Quand on aborde la question de développement durable et, en ce qui nous intéresse ici, de tourisme durable, un élément s’impose : l’innovation. Pour l’ensemble des acteurs du secteur touristique et face à la nouvelle configuration de la demande touristique mondiale, l’innovation apparaît en effet comme un des éléments moteurs du développement du tourisme durable. Cela revient à innover, tout en maîtrisant le développement de nouvelles prestations par l’exploitation de nouveaux marchés, en veillant au maintien du produit offert, au respect de l’environnement et des populations… aux principes du développement durable du tourisme.

37« Dans les dix années à venir, le monde du tourisme changera plus qu’au cours des dernières décennies. » Cette citation empruntée au président de Microsoft, Bill Gates, traduit parfaitement l’ampleur des changements qui s’annoncent dans le secteur touristique. L’innovation est donc l’unique et le plus important moteur de la compétitivité, de la croissance et de l’emploi à long terme.

38En effet, dans un environnement de plus en plus difficile, les acteurs du secteur touristique, au Maroc et ailleurs, sont contraints à innover sans cesse. Innover revient à proposer de nouvelles idées, de nouvelles méthodes, de nouveaux produits, pour aider le secteur du tourisme à mieux résister aux différentes crises économiques, politiques, socioculturelles… Les nouveaux mécanismes de promotion de l’innovation et de coopération dans le domaine touristique devraient s’appuyer sur une stratégie clairement définie et être encadrés par des lignes directrices adaptées pour faire en sorte qu’ils favorisent un marché concurrentiel, qui laisse jouer librement les forces en présence, dans le respect des principes du développement durable du tourisme.

39Ainsi, l’analyse et la compréhension du processus d’innovation touristique s’avèrent plus urgentes que jamais. Au Maroc, et pour plusieurs professionnels et responsables, l’innovation se limite aux nouvelles technologies de communication et à l’ouverture d’un site Internet, alors que l’innovation concerne toutes les fonctions de l’entreprise : dont la conception globale du produit, le management, l’ingénierie financière, le marketing, l’animation, la gestion du personnel… Bref, les innovations immatérielles dans l’organisation et les services participent aussi largement à l’évolution de l’offre… « L’innovation représente un processus et non pas un ‘effet’ direct et immédiat d’une nouvelle donne sur le tissu économique et social d’un milieu donné. » (Alter, 2002)

40L’innovation, facteur clé du développement économique et social, est devenue un outil incontournable des stratégies de développement, de croissance et de création d’emplois. Pour réussir ce processus dans le secteur du tourisme, il faut bien évidemment prendre en considération les nouvelles données de la mondialisation, les nouvelles exigences du développement durable du tourisme, les nouveaux comportements des touristes qui déterminent des habitudes de consommation nouvelles par rapport auxquelles l’offre touristique doit s’adapter. Mais, aussi, l’apport des nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC).

41En effet, le tourisme fait partie des activités de service par excellence qui requièrent, d’une part, des structures des et infrastructures physiques adéquates (hôtels, restaurants, transporteurs…) et, d’autre part, un traitement de l’information efficace. La place que doivent occuper les NTIC, apparaît alors essentielle pour faire du tourisme un véritable levier de développement.

42Ces exemples d’actions doivent aussi susciter l’engouement et la prise de conscience nécessaires pour atteindre les objectifs du contrat-programme à l’horizon 2010.

Conclusion

43Le développement d’un tourisme durable, qui offre des découvertes innovantes avec une implication de la population locale et une préservation de l’environnement, semble être vraiment judicieux et pouvoir répondre à des enjeux réels du développement durable au Maroc. Cependant, il faut être conscient que le tourisme, même durable, n’est pas la « panacée universelle » aux problèmes de développement. Il ne doit surtout pas devenir une « monoactivité » qui pourrait conduire à une dépendance quasitotale, sachant que le tourisme du Sud a déjà beaucoup de mal à s’affranchir de la domination des multinationales du Nord, notamment dans les domaines de la diffusion de l’information et de la commercialisation des destinations.

44Le tourisme n’est pas forcément le secteur le plus porteur de développement au Maroc, mais la durabilité est certes une nécessité pour le tourisme, comme pour ce pays, ses différentes richesses et son développement.

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Bibliography

Alter, Norbert (2002), « L’innovation : un processus collectif ambigu », dans Norbert Alter (dir.) Les logiques de l’innovation : approche pluridisciplinaire, Paris, La Découverte.

Bensahel, Liliane, et Myriam Donsimoni (dir.) (1999), Le tourisme : facteur de développement local, Collection Débats, Presse de l’Université de Grenoble, Grenoble, France.

Marette, Catherine, Jean Paul Teyssandier, et Jacques Perret (2001), Piloter le tourisme durable dans les territoires et les entreprises, édition de l’Agence française de l’Ingénierie touristique.

OCDE (2003), Conférence sur l’innovation et la croissance dans le secteur du tourisme, Lugano, Suisse, 18-19 septembre.

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References

Bibliographical reference

Fatima Arib, “Le tourisme : atout durable du développement au Maroc ?”Téoros, 24-1 | 2005, 37-41.

Electronic reference

Fatima Arib, “Le tourisme : atout durable du développement au Maroc ?”Téoros [Online], 24-1 | 2005, Online since 01 October 2011, connection on 12 December 2024. URL: http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/teoros/1482

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About the author

Fatima Arib

Professeure à la Faculté de droit de l’Université Cadi Ayyad de Marrakech, consultante en développement durable

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