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Parc de loisirs et espaces thématisés

Parc de loisirs et espaces thématisés, des modèles mondialisés de loisir/tourisme ?

Leisure parks and themed spaces, globalized models of leisure/tourism?
Sophie Didier

Full text

1En coïncidant avec le trentième anniversaire de l’ouverture de Disneyland Paris inauguré à Marne-la-Vallée en 1992, le lancement de l’appel à articles préalable à l’élaboration de ce numéro souhaitait revenir, suivant une perspective critique, sur l’objet « Parc de loisirs » et sa place particulière dans la diffusion de modes mondialisés de production, de gestion, voire de pratique du loisir/tourisme, afin d’en interroger la diffusion ubiquiste. Avec le recul de trente ans, on attendait de ce numéro un état des lieux d’une certaine banalisation du modèle du parc de loisirs.

2La littérature étatsunienne et française sur les parcs de loisirs, abondante dans les années 1990, était largement dominée par les analyses des parcs Disney, en lien avec l’importance qu’ils avaient pris dans la structure économique de l’entreprise aux États-Unis durant les années 1980, et en lien en Europe avec l’annonce de l’ouverture de Disneyland Paris (Didier, 2000). Cette littérature a laissé la place en l’espace de vingt ans à une non moins abondante littérature centrée sur la croissance du nombre de parcs de loisirs thématisés sur le continent asiatique et principalement intéressée par la mesure de l’expérience des clients de ces nouveaux parcs (voir, pour une synthèse bibliographique des travaux produits depuis le début des années 2010, Li et al., 2020).

3L’histoire et l’origine de ces purs produits de la révolution industrielle qui ont coïncidé avec l’urbanisation de la fin du XIXe siècle sont bien connues pour le cas étatsunien (Kasson, 1978 ; Csergo, 1995 ; Marling, 1997). Les filiations entre les parcs de différentes générations techniques et organisationnelles sont d’ailleurs systématiquement évoquées dans les panoramas de la littérature sur le sujet. Les attractions inventées au XIXe siècle pour attirer les visiteurs dans les Luna Parks péri-urbains, représentant souvent des prouesses en termes d’ingénierie, reposaient sur quelques principes qui ont perduré aujourd’hui (expérience du vertige et cheminement narratif notamment). La création de Disneyland en Californie en 1955 a par la suite marqué, on le sait, un changement important dans l’assemblage de ce type d’attractions autour d’une certaine unité narrative (Clément, 2017) et dans un espace clos, caractéristique de l’invention du parc à thème à proprement parler (Findlay, 1992). Son principe s’est largement diffusé par imitation depuis les années 1990 hors de l’Europe et de l’Amérique du Nord, voire en dehors des parcs eux-mêmes en ce qui concerne les principes de thématisation appliqués à la production d’espaces publics ou de centres commerciaux (Sorkin, 1992).

4On a vu aussi depuis le début des années 2000 la consolidation de nouvelles entreprises très actives dans ce secteur du tourisme/loisir, tant nationalement qu’internationalement (la britannique Merlin Entertainments ou encore l’espagnole Parques Reunidos, œuvrant toutes deux dans leur pays d’origine mais aussi à l’international, notamment à Dubaï). La diffusion mondiale des parcs de loisirs a de fait accompagné aussi la montée en puissance des pays émergents sur la scène touristique (Ghimire, 2013), comme en atteste l’arrivée de grands voyagistes chinois dans le classement mondial des poids lourds du secteur des parcs de loisirs (Chimelong, OCT Parks…). En termes de fréquentation, si les grands parcs à thème étatsuniens « historiques » (Walt Disney World, Universal Studios Floride) dominent encore les classements mondiaux des parcs de loisirs, leurs équivalents asiatiques sont désormais proches. De la même manière, sur le créneau des parcs aquatiques, les premières places des classements mondiaux en termes de fréquentation renvoient à des parcs du Brésil, de Dubaï et de la Chine.

5Les exercices de définition de ce que sont les parcs de loisirs, avec toutes leurs limites, se rejouent également dans la littérature récente (voir notamment Liang et Li, 2023). Le parc de loisirs reste en effet un objet aux contours flous dont la définition fluctue en fonction de la nature des équipements de loisir/tourisme proposés dans son enceinte, et par extension en fonction de l’importance de son aire de chalandise : en France, par exemple, la catégorie mêle des parcs animaliers d’envergure touristique nationale parfois associés à des attractions foraines (Beauval, le Pal, Marineland d’Antibes…), des parcs à thème à visée ludique et à dimension internationale (Disneyland Paris, parc Astérix), des parcs à thème à vocation éducative à envergure là encore nationale (Futuroscope, Vulcania…) et des parcs d’attractions à l’attractivité locale (parcs aquatiques, parcs accueillant des manèges…). Cette diversité de formes reflète de fait l’hybridation systématique des modèles et des techniques associés aux différents parcs de loisirs, sous l’influence notamment des techniques de thématisation largement reprises de celles de la Walt Disney Company et qui se sont diffusées, de manière plus ou moins systématique, à toute cette branche particulière de l’industrie du tourisme et loisirs.

6Les huit articles qui composent ce numéro reflètent eux aussi la grande diversité des types de parcs de loisirs d’aujourd’hui, nous emmenant de l’ethnovillage indonésien de Sabah (Réau) à la République du Père Noël en Laponie finlandaise (Lunden), en passant par la Floride et Walt Disney World (Atwood), Cergy-Pontoise et Mirapolis (Marsac), Pyongyang et ses parcs de loisirs (Prud’homme), Ba Na Hills au Centre-Vietnam (Peyvel et al.) et la Chine de Thames Town à Shanghai et des concessions européennes de Tianjin (Minost ; Gravari-Barbas et al.). Au-delà des cas particuliers qui sont développés dans ces différents articles, trois grandes thématiques les rassemblent.

Les parcs de loisirs et les attributs de la « disneylandisation »

7Pour l’ensemble des auteur·es du présent numéro, la question de la thématisation reste au cœur de l’analyse, dans la droite ligne des études les plus récentes sur les parcs à thème. Considérés comme dominants dans le paysage des parcs de loisirs, ces parcs reprennent pour partie les critères de « disneylandisation » initialement proposés par Bill Bryman [disneyization en anglais dans son texte] dans les années 1990 pour caractériser l’infiltration de la culture Disneyland à l’ensemble de la société étatsunienne (Bryman, 1995 ; Clavé, 2007 ; Liang et Li, 2023). Les principes repris de Bryman permettent aujourd’hui de caractériser la spécificité des parcs à thème autour de quatre grands points, que l’on retrouve dans la plupart des objets décrits dans les articles du numéro : thématisation (unité paysagère et narrative), consommation hybride (manèges, restaurants, spectacles, etc.), clôture (qui contribue à l’unité intérieure comme à créer un espace de consommation particulier) et travail, parfois assimilé à la performance artistique (on pense évidemment aux personnages des dessins animés Disney). Les auteur·es réunis ici en reprennent les principales dimensions en fonction des problématiques qui les intéressent : ce peut être la thématisation poussée dans le détail autour des contes et de la littérature française, puis finalement autour du sport dans le cas historique de Mirapolis et de l’île de loisirs de Cergy (Marsac) ; ou encore dans la recréation du Grand Nord dans la République du Père Noël associé à l’hiver, à la neige et aux grands paysages (Lunden). Ce peut être aussi la piste de la consommation hybride, comme à Ba Na Hills qui propose de la restauration française et du karaoké de chansons populaires françaises en accord avec sa réinterprétation de l’histoire coloniale française au Vietnam (Peyvel et al.). Ce peut être enfin la question du travail entendu comme performance au service du récit national proposé, mis en évidence par l’enquête de type ethnographique de Bertrand Réau auprès des employés de l’ethnovillage de Sabah qui reproduisent un certain nombre de comportements attendus du groupe ethnique qu’ils et elles sont sensé·es représenter pour les visiteurs.

8Le consensus est toutefois que parcs à thème et parcs de loisirs doivent être compris comme des voisins très proches sur un large spectre de thématisation (Clavé, 2007), spectre qui peut s’étendre à l’extrême jusqu’à la production d’espaces contrôlés libres d’accès (espaces publics urbains notamment) répondant à ces caractéristiques. La clôture de l’enceinte paraît donc moins importante pour caractériser la place des parcs à thème dans l’organisation des loisirs des sociétés d’aujourd’hui que la diffusion spatiale de ses principes de thématisation. Cette remarque est importante, et rejoint la composition de ce numéro : si l’essentiel des contributions porte sur des parcs en tant que tels, deux d’entre elles interrogent directement la thématisation de morceaux entiers d’espaces urbains et, ce faisant, le glissement des techniques de thématisation hors de l’espace clos des parcs de loisirs, réouvrant ainsi une discussion critique entamée dans les années 1990 sur la disneylandisation de la ville tout entière (Zukin, 1991 ; Sorkin, 1992). Ainsi, l’article de Martin Minost reprend le fil historique du quartier thématisé de Thames Town, quartier résidentiel d’inspiration britannique inauguré en 2006 dans la banlieue de Shanghai, et montre la critique forte dans les revues d’architecture chinoises de ce simulacre ainsi que les changements de stratégie politique au plus haut niveau de l’État qui l’ont suivie dans le courant des années 2010. L’article de Maria Gravari-Barbas, Sandra Guinand et Yue Lu revient sur le lien étroit entre patrimonialisation, thématisation et mise en tourisme pour les quartiers bien identifiés dans la ville de Tianjin des anciennes concessions étrangères et qui, paradoxalement, du fait de la thématisation, désamorce la critique politique chinoise de ce passé semi-colonisé. Ils évoquent ainsi la consigne donnée par la municipalité de Tianjin à la société étrangère chargée de la réhabilitation de la concession italienne de suivre le « style italien », que les auteur·es qualifient finalement de « sur-italianisation » et qui participe de ce désamorçage politique.

9La référence critique à la Disneylandisation entendue comme Bryman n’est toutefois jamais loin, ainsi que le montre Martin Minost dans son analyse de la réception de Thames Town. De même pour Aapo Lunden, l’épure de la Nature du Grand Nord proposée dans le projet de République du Père Noël, finalement proche des ressorts de simplification liés à la mise en valeur touristique en général, s’apparente au concept d’« arctification » qui nie la réalité sociale et environnementale fragile ainsi que la diversité des territoires du cercle polaire. De la même manière, le message transmis par la thématisation peut se retourner contre l’entreprise chargée de le transmettre dans les parcs : Caroline Atwood montre ainsi que la représentation des minorités dans les parcs Disney, écartées de la scène comme de l’accès aux emplois, fait aujourd’hui l’objet d’une révision au sein de l’entreprise, révision motivée essentiellement par la nécessité de fidéliser une clientèle jeune qui a aujourd’hui profondément changé sur le plan social.

Le parc de loisirs indissociable de la montée en puissance des classes moyennes

10Second thème important porté dans ce numéro, quatre articles sur les huit renvoient directement, en lien avec la question centrale de la diffusion du modèle du parc, à une interrogation sur la transformation des façons de consommer des visiteurs et, in fine, sur la place du loisir et du tourisme dans des sociétés (essentiellement ici d’Asie) connaissant depuis une quinzaine d’années l’émergence d’une certaine classe moyenne susceptible de fréquenter les parcs.

11C’est ici la question centrale du transfert et de l’adaptation du modèle du parc de loisirs aux sociétés urbaines mondialisées qui est entendue : cette thématique du transfert était déjà en germe dans les années 1990 à propos de la diffusion des parcs de la Walt Disney Company, la question de l’adaptation culturelle subtile opérée dans les Disneyland s’insérant à la problématique plus générale de la mondialisation culturelle (Raz, 1999). Elle faisait écho à la polémique française des années 1980 qualifiant la Walt Disney Company d’« envahisseur » et voyant dans le projet de Disneyland Paris une menace réelle de « coca-colonisation » culturelle de la France (Cazes, 1988). Également, la question de l’adaptation culturelle rencontrait une critique forte de l’uniformisation mondiale et de l’anomie, exemplifiée là encore à travers le concept de disneylandisation repris par les anthropologues de la modernité (Augé, 1992). Cette dernière interprétation coïncidait finalement avec celle qui plus généralement, avec le développement des parcs à thème, remettait en question l’avènement d’une nouvelle forme de capitalisme mondialisé associée à un secteur d’activité, le loisir/tourisme, sous une forme alors inédite dans son genre et dans la puissance des entreprises exploitantes de parcs (Zukin, 1991 ; The Project on Disney, 1995).

12Trente ans après la mise en place de Disneyland Paris, plus personne ne s’élève en France contre Disney l’envahisseur, et les parcs de loisirs en général font partie intégrante du paysage des pratiques de loisirs des Français : c’est en tous les cas le constat du récent ouvrage grand public La France sous nos yeux. Économie, paysages, nouveaux modes de vie (Fourquet et Cassely, 2021), qui revient également sur le succès des parcs animaliers de Beauval ou du Pal. Ce glissement remet en question aussi, d’un point de vue méthodologique, la capacité des chercheur·es à saisir la transformation des modes de consommation des clientèles et sa traduction par les entreprises de loisir/tourisme. Au Sud, si le lien semble facile à établir entre montée en puissance des classes moyennes urbaines et diffusion du modèle du parc de loisirs, rien ne permet de présager a priori une uniformisation en termes de pratiques. Le cas du Caire et de ses parcs de loisirs développé par Bénédicte Florin (2005) au milieu des années 2000 est de ce point de vue éclairant, puisqu’il montrait que les parcs de loisirs associés à la production urbaine périphérique des nouveaux compounds contribuaient à l’offre d’espaces de liberté pour la jeunesse de la classe moyenne par rapport aux espaces publics urbains traditionnels. À l’inverse toutefois, pour le cas vietnamien des complexes privatisés de loisirs, Emmanuelle Peyvel et Marie Gibert (2012) ont parlé d’une forme de contrôle de l’urbanité de la clientèle, à travers la mise en ordre spatial et social des usages de la ville que ces complexes représentent…

13Dans les textes réunis pour ce numéro, les auteur·es sont là encore nuancés dans leurs affirmations. Ils et elles engagent directement la question de la transformation des modes de consommation en utilisant des méthodes d’inspiration ethnographique pour mesurer cette diffusion et ce qu’elle signifie en termes de généralisation du goût pour les environnements contrôlés, parfois avec des difficultés méthodologiques évidentes (voir Manon Prud’homme à Pyongyang). Ainsi, dans leur article, Emmanuelle Peyvel, Cẩm Thi Trần, Thị Thanh Nga Nguyễn et Ngọc Thắng Dương interprètent cette transformation des goûts de la classe moyenne vietnamienne qui constitue la principale clientèle du complexe de Ba Na Hills comme une forme d’hybridation, en relevant dans leur enquête ce que les clients attendent de leur séjour, ainsi que ce qui les a marqués. Les principes de Ba Na Hills reposent sur un savant mélange de monuments et d’infrastructures spectaculaires, d’espaces de cultes pour la population kinh qui visite le parc, de formes de thématisation liées à la période coloniale française et d’adaptation à des pratiques sociales émergentes comme celle du mariage en robe blanche au parc. L’artificialité n’est pas considérée par eux comme un problème, à rebours de certaines critiques formulées contre le projet qui lisent l’hybridation du parc comme un symptôme de son inauthenticité. Cela rejoint les remarques de Gravari-Barbas et ses collègues sur la thématisation des concessions historiques de Tianjin, là aussi susceptible de cristalliser la critique, notamment des associations de valorisation des mémoires des quartiers de concession : le débat sur l’inauthenticité pèse finalement fort peu pour la municipalité au regard de l’opportunité de réaliser une opération de régénération de ces quartiers dans un projet de valorisation touristique. Pour Minost également, les appropriations au quotidien de Thames Town par les résidents sont bien loin de cadrer avec l’interprétation de coca-colonisation qui est dénoncée dans les revues d’architecture : il en montre ainsi tout le décalage, à travers une évocation des gestes et des pratiques ordinaires (dans les espaces verts et la pratique sportive du petit matin).

14Mais Peyvel et ses collègues montrent aussi, en rapport avec cette question des pratiques, que la visite au parc peut également être interprétée dans le rapport que les citoyens vietnamiens entretiennent avec l’État, rapport pour lequel la perspective de la visite touristique au parc semble conçue à la fois comme une récompense individuelle et un moyen de contrôle. Cette conclusion rejoint les observations de Prud’homme dans les parcs de loisirs de Pyongyang : si les plus anciens datant des années 1980 sont essentiellement des monuments à la gloire du régime de Kim Il Sung, les plus récents, délibérément conçus par le régime de Kim Jung Un, n’ont plus la même fonction et doivent servir de soupape pour une société qui se complexifie socialement. Au fil de ses observations des types de clientèles dans les parcs de Pyongyang, Prud’homme montre que ce type de loisirs semble privilégié par les couches les plus aisées de la ville, qui sont aussi celles qui font montre de la plus grande ouverture vers l’international.

Les parcs de loisirs dans leur articulation aux territoires d’accueil

15Le thème certainement le plus travaillé jusqu’à présent dans la littérature avait trait à l’articulation parfois ambiguë des parcs de loisirs, objets insulaires par excellence, avec leurs territoires d’accueil (Didier, 2000 ; Baron et Clavé, 2014 ; Picon-Lefebvre, 2015). La question des limites, matérialisées par la clôture des parcs, en est un élément important garantissant l’intégrité du thème à l’intérieur, et plusieurs auteur·es dans ce numéro évoquent à ce propos la figure de l’hétérotopie pour caractériser l’insularité et la distance existant entre intérieur et extérieur des parcs (voir Peyvel et al. et Lunden). Lunden souligne surtout les contradictions que cette insularité porte, qu’il renvoie au projet même du capitalisme : la République du Père Noël (dont le projet a finalement été abandonné), visant à attirer les classes moyennes du monde entier en Laponie, est promue comme « décarbonisée » dans son fonctionnement… mais jusqu’aux limites du parc seulement, son accessibilité pour les touristes se faisant en avion uniquement !

16Cette articulation entre parc et territoire engage aussi des réflexions en termes de développement local et d’urbanisme autour des pivots touristiques que sont les parcs. Les stratégies de développement régional dans les cas de Ba Na Hill, du Sabah village ou de la thématisation à visée touristique des concessions de Tianjin en donnent de bons exemples dans ce numéro. Mais la question de l’articulation entre parc et territoire se pose aussi en termes de redistribution de la manne touristique de plus en plus mise en doute depuis les années 2000 dans les mouvements de contestation des projets de parcs ou de leurs potentielles extensions. Dans son article, Atwood montre ainsi que c’est à partir de la controverse autour d’un projet de loi de l’État de Floride anti-LGBT+ que s’est mise en place une série de rétorsions de nature politico-territoriale vis-à-vis des parcs Disney d’Orlando, avec l’abrogation par le gouverneur du district spécial de Reedy Creek qui avait permis à la Walt Disney Company d’échapper au contrôle public pendant ses quarante ans d’existence.

17Le cas des parcs Disney, forcément spectaculaire (et médiatique) dans ses implications politiques, a toutefois tendance à écraser la perspective, notamment quand l’analyse de l’articulation est au service d’une critique de l’influence de la Walt Disney Company dans les affaires publiques locales (Fogelsong, 1999 ; Didier, 2000 ; et Atwood, ce numéro). On sait finalement peu de choses des autres parcs de loisirs et de la manière dont ils participent de l’aménagement local, en Europe ou ailleurs. Antoine Marsac dans son texte rappelle l’histoire du défunt parc Mirapolis et celle de l’île de loisirs de Cergy-Pontoise, dont on peut identifier, malgré leur destin différent, le rôle dans la construction d’une identité territoriale forte pour Cergy par le biais notamment de la promotion du sport. D’une manière finalement assez proche, dans le cadre des pays émergents, des exemples égyptien (Le Caire) et, plus récemment, vietnamien (Florin, 2005 ; Peyvel et Gibert, 2012), ont pu être développés pour montrer le rôle déterminant des parcs dans les processus d’urbanisation, rejoignant ainsi les anciens principes de localisation péri-urbaine des Luna Parks du tournant du siècle. Dans ce numéro, Prud’homme revient également sur la manière donc les parcs de loisirs et les parcs à thème ont été constitutifs de l’expansion urbaine de Pyongyang à partir de l’arrivée au pouvoir de Kim Jung Un, dans des stratégies qui réfléchissent aussi à la place des loisirs dans cette société.

Et pour clore ce numéro…

18Pour compléter ce très riche dossier d’articles, deux conte-rendus de lecture sont proposés par Steven Damerval et Sophie Didier, l’un sur Le Puy du Faux. Enquête sur un parc qui déforme l’histoire (Besson, Ducret, Lancereau et Larrère, publié par Les Arènes en 2022), l’autre sur Three Years in Wonderland. The Disney Brothers, C.V. Wood, and the Making of the Great American Theme Park (Pierce, publié par The University Press of Mississippi en 2016). Les deux comptes rendus nous renvoient à l’histoire, l’une (l’histoire nationale et régionale française) largement reconstruite comme au Puy du Fou et par conséquent très largement critiquée par les historiens auteurs et autrices, l’autre (celle de C.V. Woods, premier manager de Disneyland) restée longtemps invisible par l’effacement des archives le concernant.

19Enfin, Steven Damerval propose pour clore ce numéro un entretien avec Jean-Frédéric Vaudry, superviseur logistique aux manèges pour le parc de La Ronde à Montréal. Il revient avec lui sur l’historique du parc depuis son inauguration en 1967 à l’occasion de l’exposition universelle et sur les différentes transformations qu’il a connues. Ils discutent ensemble des enjeux de saisonnalité, de gestion du nombre de visiteurs, du changement de propriétaire qui a entraîné des changements importants dans la gestion du parc passé aux mains d’un grand groupe étatsunien, mais aussi, et c’est plus inattendu, des effets de nostalgie qui créent une pression sur les gestionnaires du parc, entretenue par les fans mais aussi par les pouvoirs publics, pour patrimonialiser certains manèges.

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Bibliography

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References

Electronic reference

Sophie Didier, Parc de loisirs et espaces thématisés, des modèles mondialisés de loisir/tourisme ?Téoros [Online], 43-1 | 2024, Online since 23 December 2024, connection on 23 March 2025. URL: http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/teoros/12974

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About the author

Sophie Didier

Professeure en Aménagement-Urbanisme, Iglobes (CNRS, ENS-PSL,University of Arizona), Tucson, Arizona, États-Unis, sophie.didier@univ-eiffel.fr

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