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Le tourisme à l'ère de la décolonisation

Le tourisme à l’ère de la décolonisation

Tourism in the era of decolonization
Alexandra Arellano

Full text

1Dans un des premiers recueils d’études sur le thème « tourisme et postcolonialisme », C. Michael Hall et Hazel Tucker (2004) établissaient la contribution évidente mais peu explorée de l’industrie des voyages d’agrément à la compréhension de l’expérience postcoloniale. En tant qu’idée conceptuelle ou à travers son mécanisme perceptuel, le tourisme international naissait d’une relation appuyée par le dispositif colonial (d’Hauteserre, 2004). Bien plus que renvoyer à une époque succédant aux systèmes coloniaux et aux anciens régimes, le postcolonialisme comme canon théorique envisage le renouvellement de structures de pouvoir et de régimes d’oppression, où l’universalité de la forme de pensée et de la domination de la modernité est démystifiée. Le postcolonialisme expose les processus de délégitimation et d’invisibilisation des systèmes de savoirs non occidentaux à travers des questions de représentation, d’analyse du discours, de subordination politique et d’hybridité culturelle. De son côté, la décolonisation ou décolonialité va bien au-delà des processus d’émancipation des territoires coloniaux et des indépendances nationales ; cette pensée vise à renouveler, à revaloriser et à rétablir une multiplicité de regards en dehors du régime hégémonique occidental. De la désobéissance épistémique (Mignolo, 2021) à la réparation-rapatriement territoriale (Tuck et Yang, 2012), la décolonisation/décolonialité lutte contre un processus de hiérarchisation et de naturalisation de catégories raciales et genrées (Lugones, 2010 ; Quijano, 2015) et cherche à restituer les pensées « frontalières » à travers des prises de positions épistémiques en marge de la modernité (Mignolo, 2021).

2Le présent numéro s’intéresse à la complexité et la pluridimensionnalité de la recherche en tourisme à l’ère de la décolonisation, à commencer par le postcolonialisme (maintien et renouvellement de structures de pouvoir néocoloniales) et la pensée décoloniale (valorisation et affirmation de l’hétérogénéité structurelle et historique, rejet d’un eurocentrisme épistémique, désobéissance épistémique, guérison). Après une brève révision du paradigme postcolonial, l’introduction à ce dossier thématique se concentrera sur des foyers de la pensée latino-américaine et autochtone du Nord pour une contribution décoloniale à la recherche en tourisme.

Vers une lecture postcoloniale du tourisme

3À partir de la fin des années 1990, le paradigme postcolonial appliqué à la recherche en tourisme émanait principalement des relations issues de l’Empire britannique. Influencées par l’œuvre marquante d’Edward W. Said, Orientalism (1979), ces analyses nous éclairent abondamment sur les problématiques identitaires et de représentation, mettant de l’avant le renouvellement des dualités et des relations inégales néocoloniales par le biais du tourisme (Aitchison, 2001 ; Hall et Tucker, 2004). Majoritairement employées dans le monde anglo-saxon, ces approches ont aussi dévoilé les systèmes et les discours occidentalo-centrés, remettant en question les fondements de la recherche « exotisant » les différences d’autrui (Urry 1990 ; Wearing et Wearing, 2006 ; Tucker et Akama, 2009) et la quête d’authenticité (MacCannell, 1976 ; Wels, 2004). Le tourist gaze et l’industrie naturalisent les lieux selon leurs désirs hédonistes en transformant les destinations en paradis (d’Hauteserre, 2004) à travers des « régimes de vérité » où l’imagination occidentale essentialise des relations de pouvoir, de genre, de race et de classe (Simmons, 2004).

4Au-delà de la dénonciation des récits réducteurs de l’Occident, la relecture d’une seconde et d’une troisième vagues du postcolonialisme misait sur la voix populaire des femmes, des citoyens, des travailleurs et autres groupes « subalternes » (Guha et Spivak, 1988), pour ensuite envisager les identités culturelles comme mouvantes, fluides, diasporiques, migratoires et hybrides (Appadurai, 1996 ; Canclini, 2001), n’étant plus circonscrites par une dichotomie émanant uniquement du regard de l’Europe sur les colonies. Le postcolonialisme féministe, par exemple, s’est intéressé à la complexité des relations de genre dans le tourisme, en mettant l’accent sur la construction symbolique, textuelle, discursive et performative de l’Autre, soulignant la nature contestée de la production et de la consommation du tourisme de façon à démontrer le caractère relationnel de rencontres culturelles et sociales ancrées dans le genre et le pouvoir colonial (Aitchison, 2001).

L’impérialisme économique sous la logique postcoloniale

5Que ce soit au sujet des Caraïbes, de l’Afrique du Sud, de Singapour, du Kenya ou de Hong Kong, ces analyses se sont étendues jusqu’à la mondialisation, l’expansion économique et les relations de dépendance centre–périphérie (Malecki, 1997 ; Lund et al., 2017). L’émancipation politique des États colonisés se poursuit tout de même avec une dépendance économique où plusieurs travaux ont soulevé le renouvellement d’une relation de servilité et d’infériorité (Husbands, 1983), par des théories de développement régional où, par exemple, dans la Barbade indépendante, le tourisme a remplacé la production de sucre « en accommodant et en intensifiant le sous-développement » ([traduction de l’auteure] Husbands, 1983 : 119). L’impérialisme, la traite des Noirs et l’esclavage, tout comme les guerres mondiales, se sont produits à l’échelle planétaire, mais ce qui caractérise la « mondialisation » a été perçu comme étant la rapidité et l’intensité des mobilités de capitaux, de main-d’œuvre et de technologies dans une relation temps–espace compressé, accentuant malgré tout la polarisation de la richesse et l’asymétrie de ces mobilités/échanges (Harvey, 1989). En l’occurrence, le tourisme émetteur correspond aux pays qui bénéficient le plus économiquement de l’industrie et qui, par ailleurs, continuent encore aujourd’hui de contrôler l’hôtellerie, les transports et les voyagistes des anciennes colonies (Jaakson, 2004). Le système capitaliste, au moyen de processus de privatisation, d’extraction des ressources naturelles et d’idéologie de la croissance à tout prix, s’est vu imposé dans le monde entier comme nouvelle forme d’impérialisme où la division riches/pauvres n’est plus seulement une question Nord–Sud, mais où les élites des pays émergents accumulent aussi les richesses de façon disproportionnée (Smith, 1997 ; Jaakson, 2004). Différents régimes historiques du néolibéralisme post-Seconde Guerre mondiale ont été analysés à travers les transformations de l’industrie du tourisme, démontrant ainsi la reproduction constante de ce système mondial occidental hégémonique (Lapointe et al., 2018). L’exemple du tourisme « durable » avec ses débats sur les impacts pour un meilleur futur a été récupéré, déterritorialisé et dépolitisé dans l’engrenage néolibéral, maintenant ainsi les échanges asymétriques de « l’Empire » (Lapointe et al., 2018 ; Hardt et Negri, 2000).

La production du savoir sous la loupe décoloniale

6Le « critical turn » en tourisme (Ateljevic et al., 2007) établissait l’hégémonie de la production de savoirs dans les approches, les théories et les méthodologies de recherche et lançait un appel à la production d’une recherche en tourisme plus inclusive (Pritchard et al., 2011), autoréflexive, émancipatrice (Chambers et Buzinde, 2015) et activiste (Bianchi, 2009). Sarah Wijesinghe, Paolo Mura et Frederic Bouchon (2019) ont analysé la production subséquente de travaux plus critiques, notant que la grande production de recherche anglophone combinée à des standards d’excellence contraignants reproduit une connaissance en tourisme qui continue de parler au nom de l’Autre : « tourism knowledge is yet observed as being subjugated to globalized neocolonial structures of power that are very much centralized on Western-centric thought » (Wijesinghe et al., 2019 : 1275). L’ère de la décolonisation s’affaire donc à déstabiliser les sources « géopolitiques » de production de la connaissance en imposant une imputabilité aux institutions fondées sur la reproduction d’un statu quo colonial et épistémologique (Alfred, 2005 ; Mignolo, 2021). Le processus de décolonisation épistémique requiert par ailleurs un travail d’autoréflexion et d’autocritique qui exige une ouverture à d’autres visions du monde (Grimwood et al., 2019), à une reconsidération spatio-temporelle de l’historicisme linéaire (Mencé-Caster et Bertin-Elisabeth, 2018), à un constant dialogue visant le désapprentissage (unlearning) de l’histoire à travers ses paradigmes dominants et intégrés dans nos identités profondes de chercheurs (Wijesinghe, 2020). Donna Chambers et Christine Buzinde (2015 : 13) rappellent donc l’importance de penser « from a subaltern epistemological location », ce qui demeure problématique dans un système de production du savoir officiel et contraignant, aux modes de validation, de diffusion et de structuration limités aux fondements épistémiques du système universitaire. La grande faiblesse ou l’illusion même émanant des remises en cause épistémologiques de la pensée décoloniale est son foyer de production marqué au sceau de la colonialité et de la langue normée (Mencé-Caster et Bertin-Elisabeth, 2018). En fait, tandis que du haut de la hiérarchisation des langues, l’anglais nord-américaniste donne naissance au postcolonialisme, l’espagnol, au territoire géopolitique latino-américain et caribéen, propose une décolonisation rapidement récupérée par le noyau angloaméricain du Nord (Boidin, 2009). Cela n’empêche pas que cette pensée novatrice du décentrement mérite une attention particulière grâce à un dialogue éclairé.

Vues des Amériques décentrées

7Bien que ce soit équivoque et largement métaphorique dans les études engagées pour la justice sociale et les luttes contre les inégalités (Tuck et Yang, 2012), plusieurs contributions d’auteurs latino-américains (Aníbal Quijano, Walter Mignolo et María Lugones), caribéens (Malcom Ferdinand, Frantz Fanon) et autochtones du Nord (Eve Tuck, Glen Coutlhard, Leanne Betasamosake Simpson, Taiaiake Alfred) ont approfondi la pensée et opérationnalisé les concepts de décolonisation et de décolonialité. La vue latino-américaine est intéressante en ce qu’elle met l’accent sur la Conquête des Amériques comme point tournant drastique et violent d’un processus de dépossession territoriale ayant subjugué et exterminé des populations entières en imposant ce régime de « progrès », développement et modernité, à vocation universaliste. La Conquête comme événement fondateur de ce continuum contrôlant ou « colonialité » visait l’enrichissement des métropoles par un extractivisme sauvage de la nature reconfigurée comme « ressource », procédant ainsi à l’instauration d’une relation à la terre instrumentale à l’enrichissement et régie par l’instauration du capitalisme et de régimes politico-économiques et juridiques associés (Quijano, 2015). Pour ce groupe de penseurs latino-américains des années 1990-2000 (Maldonado Torres, 2007 ; Quijano, 2015 ; Mignolo, 2021), un point central dans cette nouvelle forme d’exploitation et de domination se trouve dans le processus de hiérarchisation raciale qui s’opère au nom de l’Europe blanche et « civilisée » disposant d’une main-d’œuvre racisée « inférieure » et « infidèle ». Quatre cents ans de traite transatlantique d’esclaves africains et de décimation de populations natives sous cette restructuration ont favorisé et justifié la prise de contrôle de la nature et du travail, en établissant une nouvelle façon d’habiter la terre, « où humains et non-humains furent confondus en ressources alimentant un même projet colonial » (Ferdinand, 2019 : 52). La colonialidad del poder (colonialité du pouvoir) d’Aníbal Quijano renvoie donc à ce moment où le colonialisme met au monde le racisme et où l’imaginaire colonial accélère son processus de conquête mondiale (Da Silva, 2007). Cette transformation profonde imposée explique aussi le temps présent en tant que prolongement de cette logique, où l’humanité a été remise en question par des ontologies raciales incarnées en « essentialisations discriminantes » (Ferdinand, 2019).

Le Machu Picchu ferme ses portes

8Janvier 2023, la citadelle inca de Machu Picchu, symbole par excellence des peuples autochtones d’Amérique du Sud et destination touristique des plus prisées des Amériques, ferme ses portes pour la première fois depuis des décennies. La grève générale des travailleurs du secteur touristique régional fait suite à l’endommagement volontaire du chemin de fer, principal accès et porte d’entrée à la cité perdue des Incas. Les démonstrations des habitants de Cusco sont menées en solidarité avec un mouvement plus généralisé au Pérou, dénonçant le ras-le-bol d’un clivage national en pleine ébullition. Le prétexte de ce soulèvement est l’éviction et l’emprisonnement du président de gauche Pedro Castillo, le 7 décembre 2022. Castillo avait hérité d’un système politique fracturé où ont défilé, au cours des mandats, les accusations pour corruption et les incarcérations de présidents et de membres. Amplement supporté par le sud péruvien autochtone, Castillo était une rare voix de la ruralité andine historiquement marginalisée.

9La crise politique avec l’état d’urgence qui secoue le Pérou est indéniablement raciale. Les peuples quechua et aymara affrontent l’élite urbaine blanche et métissée de la capitale au service du néolibéralisme prédateur qui siphonne les ressources naturelles du pays, tout en maintenant les régions rurales andines dans des seuils de pauvreté extrême. La ruralité des peuples andins des hautes terres de la Cordillère confronte la mégapole de Lima où se concentrent les richesses, les services et les infrastructures. Ce fossé ne date pas d’hier et n’est pas unique au pays des Incas. En fait, le sud andin partage sa culture avec ses voisins de la Bolivie à haute densité autochtone et ayant exprimé sa volonté décoloniale, notamment par des refondations ontologiques du droit intégrant la notion de Vivir Bien dans les textes constitutionnels andins (Audubert, 2017). Bien que ces efforts aient tout au plus engendré une « réactualisation post-moderne de l’État-providence européen » (ibid. : 105), ces textes témoignent d’une pensée critique vis-à-vis cette modernité extractiviste et centrent la terre-mère/nourricière ou Pachamama en solidarité et complémentarité avec les humains. La Bolivie sous l’influence de la pensée indigéniste est donc pointée du doigt comme pays agitateur du soulèvement péruvien, avec des tactiques telles que les barrages routiers, la « prise de Lima » ou les accusations de génocide après l’exécution d’une cinquantaine de manifestants lors de ripostes violentes démesurées des autorités policières.

10Pour Quijano et ces penseurs latino-américains, cette logique de maintien des hiérarchies raciales est à la base de l’hégémonie occidentale et son instrument par excellence de domination. Le panorama du tourisme au Machu Picchu illustre aussi cette colonialité où ce site du Patrimoine mondial de l’humanité de l’UNESCO reçoit des millions de visiteurs et transforme Cuzco, la ville hôte, en laboratoire de classifications raciales (Aguilar Díaz, 2011). La mise en tourisme ressemble ici à une appropriation occidentale du patrimoine (Oehmichen-Bazán, 2020) : les travailleurs locaux de l’industrie du tourisme se plaignent de la monopolisation des services principaux (transport, hôtellerie, entre autres), des miettes que l’industrie locale – formelle et informelle – réussit à recueillir ; et du fait que les bénéfices de la mise en tourisme se concentrent à l’étranger et enrichissent une poignée de l’élite liménienne (Steel, 2008). Par exemple, les paysans quechuas des hauts plateaux andins, pourtant les ancêtres les plus légitimes du patrimoine inca, sont porteurs de bagages et d’équipement touristique pour la randonnée de quatre jours dans les montagnes menant à la citadelle inca. Encore aujourd’hui, cet emploi s’effectue dans des conditions de travail frôlant l’esclavage (Arellano, 2011).

11La logique de la colonialité semble réussir à maintenir ces hiérarchisations discriminatoires au fil du temps. Plusieurs travaux ont par ailleurs documenté le nationalisme des nouveaux États latino-américains, par exemple dans un processus de réaffirmation de l’identité péruvienne (De La Cadena, 2000 ; Arellano, 2008). À travers ce mouvement, les « Incas », dont la langue était le quechua, ont été complètement dissociés de « l’ethnicité » quechua contemporaine, où l’identité andine des peuples d’aujourd’hui a été remodelée par un processus de métissage racial, où le « mestizo » devient héritier du passé préhispanique et des traits glorieux de la « civilisation » inca, célébrés et intégrés dans l’identité nationale (De La Cadena, 2001). En l’occurrence, les politiciens, les artistes et les intellectuels de l’élite péruvienne s’approprient le passé inca sous cette version « culturaliste » de la race, en glorifiant « notre » histoire, « notre » passé inca national. En mettant l’accent sur la culture et en rejetant le fait biologique, ce courant de l’indigenismo a naturalisé la différence, en « désindianisant » l’identité en faveur de l’élite, tout « en préservant son autorité dans une rhétorique d’exclusion, de discrimination et de domination fondée sur l’apparence d’une discussion égalitarienne sur la culture » ([traduction de l’auteure] De La Cadena, 2001 : 23).

12Cette même logique a été soulignée en Amérique du Nord, où le Playing Indian est conceptualisé par Vin Deloria (1988). L’occupant ou le settler maintient une relation de fascination (adoption/appropriation de traits culturels, affinités et, en l’occurrence, assimilation) et de répulsion (mise en réserve, en pensionnat) envers l’autochtone, cherchant à résoudre la situation coloniale ou le « problème de l’indien » afin de justifier la dépossession territoriale aux fins extractivistes (Alfred, 2005 ; Tuck et Yang, 2012). Cette perspective du colonialisme de peuplement (settler colonialism) encourage une réflexion autocritique sur les « shape shifting relations of power » (Alfred et Corntassel, 2005) structurant le privilège de l’occupant.

13Le cas d’étude du gigantesque monolithe Uluru du Parc national Uluru-Kata Tjuta en Australie qui a fermé ses portes aux grimpeurs après presque 70 ans dans l’offre écotouristique suggère peut-être que la fin de l’industrie est la fatalité d’un tourisme décolonisé. Pour le peuple gardien Anangu, le monolithe est profondément sacré et revêt une grande importance spirituelle. La prise de conscience d’un tourisme établi dans la map-making expansion de l’Australie et ancré dans l’approche binaire et anthropocentrique de la pensée coloniale occidentale concluait en l’(im)possibilité d’un tourisme décolonial (Everingham et al., 2021). À travers ce cas d’étude, Phoebe Everingham, Andrew Peters et Freya Higgins-Desbiolles (2021) présentent le « désapprentissage » favorisant la reconnexion des humains avec la nature et en libérant le sacré en tant que réalité et guérison décoloniale. Ce cas pourrait représenter ce que Leanne Betasamosake Simpson (2017) nomme la résurgence radicale où des systèmes de savoirs autochtones réémergent en tant que « extensive, rigorous, and profound reorganizing of things… it has always been about bringing forth a new reality » (Simpson, 2018).

De la rupture humain/nature : vers une décolonisation écologique

14La Conquête n’a pas simplement entrepris de dominer l’économie mondiale par la force militaire, mais a aussi imposé un savoir universel en rendant les savoirs autochtones « épistémologiquement déficients » et « ontologiquement inférieurs » (Mignolo, 2021 : 728). La transformation épistémologique opérée pendant les Lumières et le règne de la raison finalement bien établi au XIXe siècle ont maintenu l’invisibilité d’une hétérogénéité historique et structurelle des peuples premiers des Amériques en séparant définitivement la nature de l’humain et de la société (Seth, 2020). La sécularisation de la connaissance compartimentait la science en instances décisives et disciplinaires inscrivant la « supériorité » du savoir occidental. L’invention de la nature se présentait comme découverte d’une vérité ontologique émanant d’une conception du savoir ancrée dans une relation sujet-objet à la base de la division sciences naturelles/humaines. Les sciences de la nature se positionnent donc en quête de causes et d’explications rationnelles et exactes, tandis que les sciences humaines et les disciplines connexes s’attardent dès lors à la quête de sens et de compréhension du monde (ibid.). À partir du point de vue caribéen, Malcom Ferdinand (2019) effectue une relecture décoloniale de l’écologie en déconstruisant cette rupture fondamentale héritée dans les discours et les analyses du postcolonialisme d’un côté et de l’environnementalisme de l’autre. Conceptualisés distinctement par ce binôme société-nature, sujet-objet, la crise climatique et environnementale actuelle invisibilise l’histoire de la colonisation. De la même façon, l’histoire coloniale, de son côté, omet l’analyse du traitement de la terre et le matricide opéré en son nom. Pour Ferdinand, la colonialité ne devrait pas s’attarder simplement à comprendre comment un régime s’approprie la souveraineté d’un peuple et avec quelles structures de domination, mais devrait aussi considérer le pillage résultant qui a entamé la décimation des terres et des cultures vivrières instaurées par ces manières destructrices d’habiter la terre. L’analyse de la crise écologique efface et rend invisible le fait colonial, tout comme la colonialité a anéanti le rôle protecteur des humains envers la biodiversité (Ferdinand, 2019).

15La notion de tourisme « régénérateur » a servi la réflexion vers un tourisme plus inspiré de l’idée d’une écologie décoloniale et donc fondé sur une perspective régénérative de systèmes socioécologiques ancrés dans cette revitalisation et cette résurgence des savoirs, des épistémologies et des méthodologies autochtones (Bellato et al., 2023). Loretta Bellato et ses collègues (2023) se basent sur trois principes de la conceptualisation en innovation sociale d’Abid Mehmood et ses collègues (2020) afin de guider la recherche pour un tourisme régénérateur. Premièrement, la recherche est conduite sous la loupe d’un apprentissage transformatif engagé de façon intellectuelle mais aussi expérientielle, ancré dans les pratiques et l’essence même des lieux concernés. Deuxièmement, cette approche positionne la relation humains/nature des lieux à travers ses manifestations sociales et matérielles, tout en maintenant une imputabilité envers les peuples autochtones et envers la nature, et en respectant leur vision de souveraineté (Matunga et al., 2020). Le troisième principe est l’action régénératrice, où le(s) chercheur(s) s’engage(nt) de façon réflexive dans une décolonisation épistémologique éthique en faisant l’effort d’intégrer les systèmes de connaissances alternatifs à la recherche, à partir d’auteurs, de leaders des communautés autochtones, de praticiens et d’autres parties prenantes (Höckert et al., 2021).

Ce dossier thématique

16L’appel de ce dossier thématique sur le tourisme à l’ère de la décolonisation a recueilli trois articles bien différents qui reflètent la diversité des études sur cette thématique. Le texte de Vichitra Godamunne s’intéresse à l’application de l’imagination britannique coloniale essentialisant le Sri Lanka (ou Ceylan) dans un processus de différenciation de l’imagerie de l’Inde. Grâce à cette déconstruction saïdienne des récits du Western gaze, l’auteure établit l’histoire socioéconomique et coloniale ayant imaginé Ceylan comme jardin et jungle paradisiaques. Ces représentations orientalistes formulées dans le passé colonial ont certainement influencé le tourisme contemporain local, mais les industries culturelles, les nouvelles formes de communications et les technologies participent maintenant à la création d’un imaginaire plus « dilué » du subaltern gaze. De son côté, Stephen W. Sheps répond à l’appel visant l’autoréflexivité en recherche. Selon la perspective du colonialisme de peuplement (settler colonialism), il envisage le chercheur comme touriste dans l’occupation de la Palestine par Israël. À travers cette autoethnographie, Sheps réfléchit à son positionnement en tant qu’étudiant-chercheur-canado-juif à la rigueur « légitime » de conventions en recherche, et rumine sur la façon dont la décolonisation de la recherche eurocentrée peut provoquer le (un)learning et le (un)settling. L’article de David Arias-Hidalgo et Sylvie Blangy adopte une approche de la colonialité de genre qui lie la construction des idéaux de race à ceux de genre, où la décolonialité est envisagée comme lutte contre l’exclusion et négation des femmes racisées au pouvoir. Les auteurs présentent Stibrawpa, une entreprise de tourisme rural communautaire du territoire autochtone bribri de Talamanca au Costa Rica. Cette initiative, fondée et gérée par des femmes autochtones bribris, nous renseigne sur la compréhension de ce que pourrait être un féminisme décolonial bribri. Les valeurs et les façons de faire de ces femmes démontrent la valorisation d’une économie axée sur la famille ; elles visent le développement d’activités qui revitalisent la langue et la culture bribris sans valorisation de l’accumulation matérielle, le tout à travers une épistémologie holistique aux valeurs d’entraide et d’interconnectivité avec la nature.

17Ce dossier comprend en outre deux comptes rendus d’ouvrages clés dans le domaine de la décolonisation. Le livre de Glen S. Couthard, Red Skin, White Masks: Rejecting the Colonial Politics of Recognition, inspiré de l’œuvre de Frantz Fanon, a été publié en 2014 et est rapidement devenu un classique et une référence incontournable pour les études autochtones et le colonialisme de peuplement. Le compte rendu écrit par Britta Peterson et Joseph Friis nous offre un récit détaillé de l’approche théorique proposée par Coulthard et les auteurs s’aventurent même dans l’application et les leçons tirées de cette approche pour les études en tourisme autochtone. De son côté, Precious Ndukauba nous présente l’œuvre d’Antoinette T. Jackson, Heritage, Tourism, and Race: The Other Side of Leisure, qui examine le patrimoine, le tourisme et la race par le biais de la sous-représentation des Afro-Américains dans les expériences de loisir. Y sont expliqués les rouages d’un système aux hiérarchies raciales et limitations structurelles du racisme tel qu’imposé par des institutions exerçant un contrôle social dans une Amérique ségrégationniste. Cet ouvrage aborde par ailleurs un autre champ de recherche en tourisme et décolonisation où le Green Book, développé pendant l’apartheid racial des lois Jim Crow aux États-Unis, a inspiré le Black Travel Movement d’aujourd’hui (Benjamin et Dillette, 2021 ; Dillette, 2021), ou des initiatives comme le Black Paris Project (Boukhris, 2017). Finalement, le dossier se boucle sur un entretien avec Brian McDougall, fondateur d’une entreprise de visites guidées anticoloniales œuvrant dans le cœur de la capitale du Canada. Ce sociologue et fonctionnaire d’État retraité nous donne un aperçu des possibilités pratiques d’une entreprise militante de tourisme décolonisateur.

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References

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Alexandra Arellano, Le tourisme à l’ère de la décolonisationTéoros [Online], 42-2 | 2023, Online since 13 December 2024, connection on 25 March 2025. URL: http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/teoros/12863

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