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Partie 1. Patrimoine, jeux d’acteurs et mobilisations

Des musées chinois dans Binondo : à la recherche d’un patrimoine perdu ?

Chinese Museums in Binondo: in search of a lost heritage? 
Catherine Guéguen

Résumés

La création de deux musées promouvant l’identité sino-philippine dans le quartier chinois de Manille : Binondo, nécessite d’interroger leurs expositions. Le contenu de ces deux musées rappelle le passé glorieux du vieux Manille associé au quartier chinois soit la période 1850 à 1950 comprenant la fin de période coloniale espagnole et la présence américaine. Pourtant, ces musées témoignent des évolutions d’un territoire. Les Sino-Philippins sont en minorité dans ce quartier et une vague migratoire de Chine continentale le transforme. L’influence grandissante de la Chine continentale se traduit par un marquage visuel ostentatoire. Ainsi, différentes échelles d’analyse : locale et internationale peuvent contribuer à comprendre la création de ces deux musées perpétuant le patrimoine de ce quartier sino-philippin.

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Texte intégral

Introduction

  • 1 Par l’association Kaisa composée de Sino-Philippins.

1Pour toute personne habitant l’agglomération-capitale des Philippines, Binondo est identifié comme étant le quartier chinois de Manille (Figures 1 et 2). C’est un lieu où les familles peuvent aimer se rendre, se perdre dans les rues spécialisées et les centres commerciaux proposant des ventes en gros et au détail. Ce quartier est bien sûr associé à la communauté chinoise des Philippines, qui a, depuis les années 1960, opéré une fuite vers d’autres communes résidentielles de la capitale tout en y maintenant une activité artisanale et commerciale. L’ouverture récente du Chinatown Museum dans le quartier n’est pas originale en soi, puisque de nombreux quartiers chinois dans les grandes villes du monde disposent d’un musée mettant en avant l’histoire et les espaces de la migration des populations chinoises qui ont bâti le quartier. Il existe dans Manille trois musées dédiés à la communauté chinoise des Philippines. Le premier fut établi dans un cadre associatif dans intramuros en 19961 et est associé au centre de documentation Chinben See et de publications centrées sur la communauté chinoise locale. Les deux autres musées sont plus récents et localisés dans Binondo. Le First United Building Community Museum ouvrit ses portes en 2015 et le Chinatown Museum démarra son activité en 2019. Interroger ces deux musées et leurs territoires constitue le point de départ de notre réflexion.

2Ces créations de musées peuvent être considérées comme banales dans le contexte contemporain : quel est le quartier chinois qui ne dispose pas d’un musée consacré à la communauté qui l’a façonné ? Cette multiplication des musées amenant la problématique mobilitaire internationale a été interrogée par L. Gouriédis (2014). Ainsi, à l’époque de la globalisation et de l’intensification des mobilités internationales, avec le développement des moyens de communication généralisés auprès du plus grand nombre, les musées doivent pouvoir refléter l’évolution de la société qui connait des mutations importantes.

3Ces structures récentes sont en revanche à interroger au vu de l’évolution du quartier chinois et de ses mutations en termes d’apports migratoires. Binondo constitue un repère fort pour les populations nouvellement arrivées de Chine continentale. Leur présence, à partir des années 1990, est à associer au renforcement des relations diplomatiques entre les Philippines et la Chine continentale. Le marquage visuel du quartier chinois s’en ressent par l’accentuation des sinogrammes et l’apport de mobilier urbain importé. Le matériel pédagogique pour l’enseignement du chinois vient exclusivement de Chine continentale, tout comme les enseignants. On assiste à une uniformisation des attributs de la culture chinoise dans ces quartiers, alors qu’ils avaient été jusqu’à une période récente des laboratoires préservant les caractéristiques provinciales des populations migrantes tant en termes de pratiques linguistiques que d’hybridation architecturale dans le contexte du vieux centre de Manille bâti sous la colonisation espagnole.

4Les musées consacrés aux populations chinoises outre-mer constituent un lieu de préservation du patrimoine des populations chinoises outre-mer et devient pour le gouvernement de Chine continentale un vecteur de diffusion de sa politique, voire de son soft-power. Un musée dédié aux communautés chinoises outre-mer a ouvert à Pékin en 2014. Cette localisation interroge puisqu’en Chine, ces musées ont généralement été créés dans les provinces de départ des migrants, à leurs initiatives, les autorités locales ont ensuite pris le relais pour leur gestion (on citera le plus ancien créé à Xiamen en 1959, ou encore ceux de Jiangmen, Zhuhai, Quanzhou parmi d’autres présents majoritairement dans les provinces du Guangdong et du Fujian). C. Wang (2021) conduit des travaux insistant sur le rôle de la Chine dans la construction de son lien avec les communautés chinoises outre-mer à travers les musées.

5Binondo, outre le fait d’être considéré comme le quartier chinois de Manille, fut aussi le centre économique de la capitale des Philippines jusqu’à la Seconde Guerre mondiale. Dans ce quartier ont émergé plusieurs des fleurons de la distribution, du service bancaire ou encore du secteur immobilier aux Philippines. Avec l’extension des zones de résidences dans les communes voisines de Manille, de nombreuses populations quittèrent le vieux centre. Le quartier se paupérisa. Le marquage visuel chinois est très présent dans certaines rues, mais le caractère international lié aux périodes de colonisations s’affiche encore dans des rues comme Escolta. Depuis une trentaine d’années, les nouveaux migrants de Chine continentale investissent le quartier et redynamisent l’habitat résidentiel et les espaces commerciaux. La question de l’identité chinoise du quartier est ainsi à questionner. Ces populations de Chine continentale travaillent aux Philippines et navettent fréquemment avec la Chine. Le contenu des deux musées témoigne de l’implication des Sino-Philippins dans la construction du quartier et de leur apport à la prospérité des Philippines.

6En quoi les supports patrimoniaux que sont les musées nous renseignent-ils sur l’évolution contemporaine de Binondo ? Peut-on considérer ces musées comme des réponses ou des actes de résistance face à la disparition de cette culture sino-philippine associée à Binondo face à l’influence grandissante, voire irréversible, de la Chine continentale à Manille ?

Fig. 1 : Binondo dans l’aglomération-capitale des Philippines et à l’échelle de la commune de Manille.

Fig. 1 : Binondo dans l’aglomération-capitale des Philippines et à l’échelle de la commune de Manille.

C. Guéguen, Nov. 2021.

Fig. 2 : Carte des musées chinois dans Binondo.

Fig. 2 : Carte des musées chinois dans Binondo.

1. Des musées récents pour rappeler un passé glorieux

1.1. le FUB community museum né d’une initiative familiale

7Un des deux musées dédiés à la communauté chinoise dans Binondo est celui localisé dans le FUB building (First United Building) localisé dans la rue Escolta qui fut jusqu’aux années 1960 à Manille la rue la plus prisée pour le commerce, restauration et cinémas. Escolta, au cœur du vieux Manille, constituait le cœur de l’activité économique de la capitale sous les périodes coloniales (espagnole et américaine à partir de 1898). Les propriétaires historiques du bâtiment sont les membres de la famille d’origine chinoise Sy Lian Teng. Le patriarche Sy Lian Teng était établi dans la rue Escolta et ouvrit le premier grand magasin de la ville : le Berg’s department Store. Le bâtiment fut réalisé par Andres Luna de San Pedro dans un style Art déco et achevé en 1928. Le musée est dédié à la prospérité passée de la rue Escolta et au passé florissant de Sy Lian Teng. Le musée « First United Community Museum » ouvrit ses portes en mai 2015. Ce petit musée est localisé dans la mezzanine du FUB. Il regroupe différents documents d’époque (coupures de presse, photos, etc.) ainsi du mobilier et équipements ayant appartenu à Sy Lian Teng (dont son bureau).

8L’autobiographie de Sy Lian Teng fait l’objet de plusieurs posters. Comme de nombreux Sino-Philippins, il naquit en 1904 et migra du Fujian vers les Philippines en 1918. Il put établir avec plusieurs membres de sa famille un établissement de commerce : le Cosmos Bazaar. Il fonda une famille et eut 9 enfants. Il fut dévasté à la mort de sa femme et d’une partie de ses enfants lors d’un bombardement japonais durant la Seconde Guerre mondiale. La famille de Sy est exposée sous forme d’arbre généalogique.

9La présence du bureau est très symbolique puisqu’elle témoigne du dur labeur de cet entrepreneur pour remettre son commerce sur pieds. Il refit sa vie et racheta partiellement le Perez Samarillo Building qui devint le First United Building et abritait déjà le Berg’s Department Store (géré par un expatrié allemand jusqu’à son départ aux États-Unis en 1951). Le nom de First United Building est lié à la présence de la banque United Bank dans le bâtiment. L’immeuble ne fut la propriété entière de la famille qu’en 1979. Le commerce ferma définitivement ses portes en 1982 et fut transformé en immeuble de bureaux. Le bâtiment abritait une succursale de la Philippine National Bank jusqu’en 1999, laquelle fut transférée sur le boulevard Roxas. Sy Lian Teng mourut en 2004.

10Preuve de l’évolution du quartier, le musée est intégré dans un dispositif de revitalisation de la rue Escolta sur l’initiative des autorités publiques (Metro Manila Development Authority) et d’un collectif de créatifs 98B COLLABoratory, lequel siège dans le bâtiment. Il s’agit d’un projet de revitalisation de cette portion du quartier chinois qui doit attirer de nouvelles activités. Les propriétaires du lieu adhérant complètement à cette démarche offrent plusieurs emplacements de bureaux pour ce type d’activités. Au rez-de-chaussée du bâtiment, un open space propose des emplacements aux créateurs locaux et un espace de restauration propose boissons et plats. Des manifestations célébrant Escolta (« Hola Escolta ») rythment l’année, mobilisant groupes de dance et associations du secteur. Ce musée s’inscrit donc dans une pratique mémorielle globale et familiale dans le vieux Manille. Il s’agit de rendre hommage à un entrepreneur de la rue Escolta lequel a contribué à la prospérité des Philippines. Il s’agit aussi d’associer l’ascendance chinoise de Sy Lian Teng à cette dynamique de prospérité philippine dans un contexte international heurté entre l’État philippin et la Chine continentale. Un autre petit musée localisé dans un bâtiment voisin « Calvo museum » retrace de manière générale avec de nombreuses maquettes l’architecture des bâtiments phares de la rue Escolta (Exposition permanente nommée « Heritage and some Kapuso history : the Calvo museum ». Ce dernier est aussi associé au mouvement créatif « Hola Escolta » contribuant à la revitalisation de la rue. Des expositions temporaires et participatives peuvent animer la rue : elles doivent contribuer « à rendre visible l’invisible » (le principal animateur du mouvement fut Carlos Celdran, décédé en 2019).

Image 1 : La couverture de la plaquette de présentation du First United Building Museum.

Image 1 : La couverture de la plaquette de présentation du First United Building Museum.

1.2. Manila Chinatown museum au cœur d’un complexe commercial et immobilier

11L’entreprise immobilière Megaworld a ouvert « le premier musée dédié à la plus ancienne Chinatown du monde », localisé au 4ème étage du centre commercial Lucky Chinatown de Binondo. Le musée offre dix-huit galeries présentant les différents aspects culturels, économiques et sociétaux du quartier chinois de ses débuts avec les Chinois christianisés, ciblant le centre-ville avec Escolta. Ce nouveau musée a été reconnu par le NHC (National Historical Commission) et le NCCA (National Commission for the Culture and the Arts). Le projet du musée présente l’espace de la communauté chinoise comme partie intégrante de la riche histoire de Binondo2.

12Le promoteur immobilier (Kevin L. Tan) précise qu’il a toujours été question de promouvoir les arts, la culture, l’histoire et le patrimoine dans les réalisations du groupe. Selon lui, Lucky Chinatown localisé au cœur de la communauté chinoise devait pouvoir bénéficier d’un tel outil qui pouvait également être intégré dans l’expérience du centre commercial et être une attractivité touristique supplémentaire pour Manille. Le Chinatown Museum est le deuxième qu’ouvre le groupe Megaworld après le musée d’art contemporain d’Iloilo (ILOMOCA), le premier du genre dans les Visayas. Le groupe s’investit désormais dans la gestion de plusieurs musées là où l’entreprise possède des projets immobiliers.

13Afin de construire l’exposition, l’entreprise a collaboré avec les spécialistes philippins du quartier chinois ; on retrouve des entretiens menés avec Richard Chu (historien) et Tessy Ang See (figure du monde associatif) dans les galeries. Il s’agit de rendre l’information abordable pour les visiteurs tout en ciblant un public de scolaires.

14L’organisation générale du musée cible clairement la période la plus florissante de Binondo c’est-à-dire la période 1850-1950 où les Chinois côtoyaient des populations très hétérogènes dans ce qui était le centre du commerce des Philippines à proximité de la zone portuaire. La première des approches cible l’évolution du quartier et de son architecture. Ensuite, ce sont les différentes activités et surtout celles héritées de la période coloniale espagnole qui sont mises en avant ; les galeries sont composées des boutiques et suscitent immanquablement une observation attentive. Les reproductions d’échoppes sont très soignées et les jeux de lumière les rendent réalistes. Il s’agit de « faire l’expérience de l’histoire de Binondo » (« Experience the story of Binondo »). Les points remarquables de Binondo sont donc intégrés dans le parcours du visiteur. Les éléments de périodisation sont illustrés par des objets exposés ou des scènes reproduites. Ainsi des journaux d’époque relatent la décennie 1870 et l’opposition montante à la colonisation. Le mouvement KKK (Katipunan) à l’origine de la révolution contre les Espagnols est mis en avant par le lieu de sa création : dans un endroit situé à l’angle des rues Azcarraga et Elcano. Les échoppes et différentes activités occupent la plus grande place (« Shophouses », « Alcaceira », « Taller de Carpenteria », « Botica de San Fernando », « Industries »). Les transports sont illustrés par une explication sur les esteros (cours d’eau), le tranvia : transport en commun d’abord tracté par des chevaux puis à moteur. Le rôle de l’Église est mis en avant dans la création des premières missions, tout comme son influence dans l’architecture (les églises fréquentées par les Chinois christianisés). Le rôle des Chinois est largement mis en avant que ce soit directement dans le visuel consacré aux « Sangleyes » (terme pour désigner les Chinois lors de la période coloniale espagnole), mais aussi dans les textes associés aux panneaux. « El 82 » : une boutique dédiée au matériel de peinture était la propriété de Tomas Ongpin, personnage éminent de la communauté chinoise lequel a participé au mouvement révolutionnaire contre l’Espagne.

Images 2 & 3 : plaquette du Chinatown museum, Lucky Chinatown mall.

Images 2 & 3 : plaquette du Chinatown museum, Lucky Chinatown mall.

1.3. Le point commun entre les deux musées : le patrimoine chinois intégré dans une ville espagnole

15Binondo est le nom généralement donné au quartier chinois de Manille, bien que ce dernier corresponde précisément à une unité administrative : le district du même nom. Les limites de la Chinatown de Manille correspondent à quatre districts où les Chinois ont une activité reconnue et une implantation au moins depuis le XVIème siècle. Le quartier chinois recoupe les districts de San Nicolas, Santa Cruz, Tondo et Binondo et la partie occidentale de Quiapo.

16Les Chinois, quelle que soit l’époque, ont bâti un espace propre qui leur a d’abord été imposé par le colonisateur espagnol. Au fil du temps, les Chinois ont modifié et créé des espaces dont ils sont les principaux acteurs en tant que fournisseurs d’emplois ou résidants. L’extension de la ville et de ses fonctions au-delà du cadre municipal de Manille a permis la multiplication des centres et le développement de toute une série d’activités liées au commerce. La présence chinoise de ce fait s’est étendue et adaptée au contexte de l’étalement urbain en créant de nouveaux espaces d’activités et de résidence.

17À Manille, la localisation du quartier chinois n’a pas résulté d’un choix de cette communauté, mais des Espagnols qui, à la fin du XVIème siècle, ont imposé son emplacement. Le parian situé tout d’abord à proximité de la ville espagnole fortifiée Intramuros a été transposé sur l’autre rive de la Pasig. Les Chinois ont alors au fil des années, et plus particulièrement dans la période contemporaine, exploité et aménagé cet espace, le valorisant par rapport à la topographie existante en attribuant aux lieux des valeurs symboliques tirées du Feng-shui.

18Le fait de nommer les lieux introduit la notion d’appropriation de l’espace. Cette nomination est spécifique à une communauté. En analysant la toponymie des rues de Binondo, peu de choses laissent transparaître une occupation chinoise. Dans le district où la population chinoise est la plus importante, San Nicolas, les noms de rues sont hérités de la colonisation espagnole ou émanent des héros nationalistes philippins. Cette trace écrite relatant encore aujourd’hui la présence espagnole dans ce quartier nous montre que les Chinois n’ont pas un pouvoir ou la volonté de vouloir changer les noms des rues (Ongpin était auparavant Calle Sacristia, Ongpin est le nom d’un nationaliste philippin d’origine chinoise, en 2004-05 ; calle Nueva est devenue calle Yuchengco du nom de l’homme d’affaires sino-philippin devenu homme d’État).

19Le marquage de l’espace identifiable à première vue se traduit par des arches (elles sont au nombre de cinq dans le quartier). Elles font office de portes d’entrée dans ce quartier chinois (deux sur Ongpin, 2 sur Quintin Paredes, 1 sur Del Pan), leurs constructions avaient donné lieu à des cérémonies menées par la Mairie de Manille et la Chambre de Commerce. Celles-ci sont de construction récente (dans les années soixante-dix, quatre-vingt et 2015 pour la dernière). Les maires de Manille, quelle que soit l’époque, ont souhaité « s’attacher » la communauté chinoise en lui attribuant symboliquement un espace bien délimité, accentuant aussi volontairement le caractère chinois de cet espace par un mobilier urbain spécifique (les panneaux indiquant le nom des rues sont verts et dotés de petits dragons, les toponymes peuvent être écrits en sinogrammes et en alphabet romain).

20Dans le centre ancien d’implantation des Chinois, le marquage de l’espace au niveau des bâtiments est avant tout religieux. On se repère dans ce quartier par rapport aux églises, aux places, et aux rues commerçantes, toute personne du lieu signifie quelque chose ou saura s’y rendre. Ce n’est donc pas une architecture typiquement chinoise qui est visible dans Binondo. Pour trouver « des formes en pagode », il faut s’intéresser aux toits des immeubles résidentiels qui supplantent les anciennes shophouses ou immeubles plus anciens.

21Le mobilier urbain hérité des années 1980 participe à « l’empreinte chinoise » du lieu. En effet, le marquage visuel avait été renforcé dans le but d’accentuer l’attractivité touristique du lieu ; quelques panneaux aux alentours de la rue Ongpin sont agrémentés d’un dragon. Des temples taoïstes ou bouddhistes occupent parfois un ou deux étages d’un immeuble, leur présence n’est indiquée que par un panneau à l’entrée du bâtiment. En revanche, la présence chinoise est clairement perceptible au niveau du marquage visuel de certaines rues comme c’est le cas dans les rues Ongpin, Benavidez, et Gandara ou dans les rues adjacentes par les enseignes des magasins ou des échoppes en sinogrammes. Le marquage de la boutique en écriture chinoise est couplé à l’anglais ou parfois au tagalog. Ce bilinguisme traduit deux faits simples. Tout d’abord, Binondo est réputé être « le quartier chinois » autrement dit le quartier du commerce de Manille ! La fréquentation de ce quartier commerçant n’est donc pas exclusivement chinoise. L’autre fait pouvant expliquer le bilinguisme est la non-pratique du chinois écrit par les Chinois nés aux Philippines. Ils ne maîtrisent souvent que leur langue régionale, le Fukien, une langue du Fujian dont sont issus leurs aïeux. La pratique d’une seule langue dans cette communauté où les Chinois du Fujian sont largement majoritaires les a dispensés d’apprendre l’écriture, vecteur de compréhension de toutes les autres langues chinoises (Figure 1). Dans Binondo, la présence des panneaux en chinois disparaît progressivement lorsqu’on s’éloigne des rues principales. Seuls quelques restaurants spécialisés maintiennent le double affichage (President Tea House dans la rue Salazar ou Wan Chai Tea House dans la rue Benavidez).

  • 3 Quelques exemples d’après la liste des associations composant la Grand Family Association fournie e (...)

22Le marquage visuel est accentué dans certaines rues de Binondo et de Santa Cruz par la présence des associations de clans qui ont pour la plupart leurs sièges dans le quartier. En effet, sur les façades de bâtiment apparaissent souvent en hauteur les noms de ces dernières. Elles sont surtout présentes dans les rues Salazar, Masangkai et Tomas Mapua, Juan Luna…3

23Ces musées tentent de renforcer le caractère sino-philippin de ce quartier en mutation démographique et économique. En effet, les Philippins d’origine chinoise sont en minorité numérique dans les districts compris dans le quartier chinois.

2. Des musées chinois dans un quartier en mutation

24La création du FUB Community Museum répond à une évolution tant humaine que des activités dans Binondo et témoigne d’une volonté de redonner de l’attractivité dans le quartier et dans ce cas de figure dans la rue Escolta. Mettre en avant la vie et l’action de Sy Lan Tieng dans un espace du bâtiment qu’il acquit en fin de carrière nous invite à intégrer les mutations territoriales du quartier dans notre analyse.

2.1. Créer des musées chinois dans un contexte de minorité numérique

25Les musées mettent en avant la contribution des populations chinoises installées à Manille dans la construction du quartier alors que la population d’origine chinoise est minoritaire et décroît depuis une cinquantaine d’années.

26À l’échelle de Manille, la population chinoise décroît indéniablement entre 1960 et 2000. Pourtant, le critère retenu pour le recensement de 2010 axé sur "l’ascendance chinoise" accentue la présence chinoise dans la ville puisqu’on dénombre alors 22 273 individus. Manille comptait 69 337 Chinois en 1960 contre 17 779 sinophones en 2000. La perte d’environ 50% de la population chinoise de Manille entre 1960 et 1970 est principalement due au phénomène de périurbanisation ; les Chinois les plus aisés s’installent dans les communes périphériques accueillant des « villages » ou lotissements résidentiels. Au niveau des districts de Manille, la perte la plus importante concerne Binondo qui accuse une baisse de plus de 50%, Ermita perd 75 % de sa population chinoise, Malate : 50% comme Santa Cruz. Le départ vers les périphéries s’est accompagné d’une mutation des activités, une redistribution des fonctions de ces espaces qui, à la base ne pouvaient être que résidentiels comme Malate ou Ermita et qui se sont progressivement transformés en espaces de loisirs axés sur la restauration et les bars. Les Chinois ont souvent conservé une activité de restauration ou autre dans ces quartiers et ont transféré leur résidence ailleurs (périphéries ou condominium construits aux alentours).

  • 4 Table 6 : Pilipino, Chinese, American and others by sex, by district, 1960, NSO.

27La supériorité numérique des Philippins par rapport aux Chinois ou sinophones a toujours été de mise, des nuances doivent être apportées à l’échelle des districts. En effet, en 19604, à l’échelle de Manille, la supériorité numérique des Philippins est indéniable : on dénombre 69 810 Chinois pour 1 065 810 Philippins. Ils ne sont majoritaires qu’à Binondo où ils occupent environ 60% de la population du district, mais c’est un des districts de Manille les moins peuplés puisque sa fonction est dédiée au commerce et plus généralement aux services (banques, hôtels, restaurations…). Il sera plus difficile dans les recensements suivants de les évaluer puisque le critère utilisé pour déterminer l’ethnicité d’une personne est la langue. En 2010, l’évaluation du critère d’ethnicité basé sur "l’ascendance chinoise" a permis d’accentuer leur nombre.

28À l’échelle du vieux Manille, les données ne sont qu’indicatives puisque les critères utilisés pour le recensement ont varié entre 2000 et 2010. Cependant, la forte chute d’effectif amorcée depuis les années 1960 semble freinée. Ces quatre districts considérés comme faisant partie du quartier chinois concentrent en 2010 17473 personnes d’ascendance chinoise sur les 22 273 que compte la commune de Manille.

29Quatre districts font partie de ce qui est communément associé à Binondo et au quartier chinois.

Districts du quartier chinois

2000 (Recensement basé sur la pratique de la langue chinoise)

2010 (Recensement basé sur « l’ascendance chinoise »)

San Nicolas

3828

4668

Santa Cruz

2831

2761

Tondo

4998

5268

Binondo

2830

4776

Total

14 484

17 473

Sources : NOS, PSA (2013).

30Ce maintien d’une forte proportion de population d’origine chinoise dans cette partie de la ville est lié aux transformations de l’habitat et des activités. San Nicolas a connu d’importantes transformations paysagères ; les accessorias : bâtisses héritées de la colonisation espagnole ont pratiquement toutes disparu pour laisser la place à des espaces résidentiels de type condominiums (les immeubles résidentiels telle la « China Steel Tower » construite au début des 1990s dans la rue Asuncion). Ils accueillent des familles sino-philippines, mais aussi originaires de Chine continentale ou de Taïwan, lesquelles ont des activités de commerce à Divisoria ou sont établies dans des immeubles de commerce ou dans de petits bâtiments privatifs destinés au préalable à l’habitat, mais qui accessoirement servent de bureaux de vente. De nombreux immeubles épousent parfaitement l’emplacement d’anciennes accessorias témoignant de la transformation d’une propriété familiale, tandis que les groupes immobiliers "rassemblent" en général plusieurs accessorias pour disposer d’une plus grande superficie au sol. À plus grande échelle, la qualité du bâti diffère, mais est moins flagrante qu’il y a une dizaine d’années. On retrouve des accessorias malheureusement en taudification, louées par leurs propriétaires à des familles pauvres. Certaines d’entre-elles, très dégradées sont en attente de destruction, certaines inhabitées servent d’entrepôts (bodegas), ou d’ateliers. Certaines d’entre-elles, squattées, mais classées "monuments historiques" par le National Historic Administration, ont été victimes d’incendies dont les causes ont été opaques ; la destruction du bâtiment patrimonial laisse alors les mains libres au propriétaire d’utiliser l’espace à sa guise. Les dents creuses sont légion et de nombreux terrains vides, déblayés de leurs habitations, sont dans l’attente d’une construction. Le district de Binondo voit progressivement disparaître ses shophouses (habitat d’origine chinoise combinant résidence et lieu de travail) remplacés par des condominiums de plusieurs dizaines d’étages. C’est aussi le cas dans la partie méridionale de Santa Cruz et de Tondo.

31La présence des populations chinoises dans la commune de Manille dépend d’une part de la démographie de cette population, mais surtout de la dynamique urbaine propre à l’agglomération capitale des Philippines. La mobilité des populations chinoises est à prendre en considération. En effet, Manille est cernée par des communes disposant de pôles attractifs à l’image de Makati ou de Mandaluyong. Certains de ces districts sont des espaces de résidences souvent modestes pour les populations qui travaillent dans les communes périphériques de Manille. Le bâti dans des districts comme Santa Ana, Sampaloc, etc. est de qualité très moyenne et parfois très dense. À la voirie nette des plans se surimpose parfois la réalité du terrain : des bidonvilles sont enkystés dans les espaces non bâtis en dur ou les terrains vagues, la taudification… Aux statistiques démographiques, s’ajoutent les signes de la vitalité de micro communautés chinoises autour de Binondo, par la présence d’écoles, mais aussi d’associations qui affirment une action locale.

32L’attractivité a été parfois ravivée ou effacée par la création de voies de communication. Par exemple, les lignes de métro à l’échelle de l’agglomération génèrent la création de commerces à proximité des stations de métro par le passage des usagers. Un exemple significatif peut être avancé : celui de la revitalisation d’un tronçon de CM Recto à la jonction avec l’avenue Rizal. La combinaison entre le projet de métro aérien et la réhabilitation de l’avenue Rizal a accentué le passage piéton et redynamisé le commerce dans une zone qui perdait son attractivité entre les zones très commerçantes de Binondo et de Quiapo.

  • 5 Population and Housing, Census 2020. À ce jour, les données démographiques générales sont disponibl (...)

33La croissance démographique de Manille est continue et n’est pas uniquement due aux projets immobiliers. Après une chute de la population d’environ 200 000 habitants sur la période 1990-2000 (1,58 million d’habitants), cette dernière atteint 1,65 million de personnes en 2010. En 2020, la population de Manille atteint 1,8 million5. Les districts "centraux", les plus anciennement bâtis de la commune ont des effectifs stables voire en légère baisse alors que les districts situés aux marges se peuplent de manière plus ou moins organisée. Ce gain démographique est lié à l’arrivée de populations pauvres des campagnes et à leur croît démographique.

2.2. Un quartier soumis à une nouvelle vague migratoire de Chine continentale

34Le choix de resserrer les expositions de ces musées et en particulier le Chinatown Museum sur une identité sino-philippine construite lors des périodes fastes de la colonisation écarte la nouvelle vague de migrants très visible et qui contribue à redynamiser le quartier chinois depuis le milieu des années 1990.

35L’arrivée de migrants de Chine continentale a bouleversé le quartier de Binondo en perte de vitesse au cœur des années 1990. Cette zone de commerce est traditionnellement investie par des populations chinoises installées de longue date, voire depuis plusieurs générations, aux Philippines. Les commerçants d’origine chinoise davantage orientés vers la vente de biens manufacturés ont pu subir la concurrence directe de ses populations et de leurs produits importés à bas coût, les contraignant à importer à leur tour.

  • 6 Les sièges de ces associations sont au coeur de Binondo, surtout dans les rues Salazar, Masangkai, (...)

36La présence chinoise ancienne dans ces lieux est la raison principale de la présence des nouveaux migrants de Chine continentale. En effet, le vieux quartier chinois présente des aspects familiers propices à une certaine intégration, et ce notamment grâce à la pratique de la langue chinoise de la province dont ils sont originaires (le Fukien). La localisation des sièges des associations traditionnelles de clans6 (dont la plupart sont regroupées dans la Grand Family Association) dans lesquelles sont investies les personnes âgées procure aussi des conditions d’accueil favorables pour ces nouveaux venus. Dans Binondo, d’autres éléments rappellent la Chine continentale ; les journaux en chinois, les lieux de restauration, mais aussi les temples dédiés aux dieux originaires du Fujian comme Mazu (dans la rue Masangkai).

  • 7 The Entrepreneur, Mai 2005, p 47.
  • 8 Vocabulaire péjoratif employé dans l’article de The Entrepreneur, NB : ces dénominations n’ont pas (...)

37À partir de la présidence de Joseph Estrada (1998-2001), de nouvelles vagues de migrants atteignirent les Philippines. Les Filipinos les appellent T.D.K. : tai diok ka, ou GI : Genuine Intsik7. Dès lors, ils concurrencèrent les commerçants du lieu avec leur « dirt-cheap merchandise »8. Depuis 2003, la souplesse d’obtention des visas pour les Philippines a été étendue aux Chinois de Chine continentale. Les Chinois du continent peuvent simplement, munis d’un passeport, obtenir comme tout autre voyageur un visa touristique de trois semaines, qu’ils peuvent prolonger moyennant quelques milliers de pesos au bureau de l’immigration localisé dans Intramuros. L’ouverture de la zone Asie aux « touristes » de Chine continentale fait s’interroger de nombreux pays (Malaisie notamment) sur les facilités de circulation, et surtout de résidence illégale de ces nouvelles populations migrantes.

  • 9 Bureau de l’immigration.

38Certaines migrations peuvent s’apparenter à des migrations économiques dans le sens où le migrant est originaire d’une zone plus pauvre que celle de sa terre d’accueil. Ces migrations prennent un ton particulier dans la capitale philippine. En effet, lors des visites de Sino-Philippins dans leur région d’origine au Fujian, les réseaux claniques se réactivent et des « services » sont demandés aux visiteurs. Les estimations de ces nouveaux migrants de Chine continentale oscillent de 60 000 à 100 0009 en 2005, ce qui est un chiffre important au vu du nombre de personnes d’origine chinoise dans la capitale philippine, estimé aux alentours de 400 000 personnes. Les estimations pour 2017-2018 sont largement supérieures ; le chiffre d’un million de migrants de Chine continentale est avancé. Mais le profil des nouveaux arrivants est différent et ces derniers, faute de pouvoir utiliser des structures et filières d’accueil officielles, ont réactivé les anciens réseaux migratoires et d’entraide que constituent les associations de clans. Les activités de ces petits entrepreneurs sont, dans l’ensemble, à la limite de l’informalité, bien qu’ils doivent se conformer aux lois régissant le commerce et s’acquitter des taxes locales. Ces nouveaux migrants entrent en contact, par obligation, avec les Chinois vivant aux Philippines, pour s’intégrer économiquement sur place. On se doit d’ajouter que le profil des "nouveaux" migrants est différent des années 2000 à ceux de 2016-18. Le seul point commun relève d’une opportunité économique à saisir aux Philippines amenée par des facilités d’obtention de visas. De migrants principalement investis dans le commerce de gros ou de détail au tournant des années 2000, les derniers arrivants sont recrutés pour des compétences en informatiques pour gérer les plateformes de jeux de jeux en ligne implantées "off-shore" aux Philippines (car l’activité de jeux est proscrite en Chine continentale). Les joueurs bénéficient aussi de visas et peuvent rester jusqu’à six mois sur place, beaucoup d’entre eux investissent dans l’immobilier et bénéficient ainsi d’un pied à terre sur place. Les implantations spatiales de ces nouveaux migrants sont donc très différentes de la vague migratoire précédente laquelle préféra le vieux Manille, les migrants récemment implantés habitent et travaillent sur la commune de Makati et évoluent dans un périmètre restreint.

39La présence de ces populations chinoises nouvellement arrivées sur le sol philippin interroge. La légalité de leur séjour est souvent remise en question. Leurs activités, qu’il s’agisse de vente de produits manufacturés ou autres, font l’objet fréquemment de contrôle du service des douanes (vente de produits contrefaits) ou du travail (suspicion de travail dissimulé). D’autres sont appréhendés pour prostitution ou fabrication et trafic de drogue (méthamphétamines, shabu). Ces contacts négatifs avec les autorités administratives du pays ont des répercussions sur toute la communauté chinoise ; les Sino-Philippins devant systématiquement se justifier. Les tensions géopolitiques récentes avec la Chine continentale accentuent de manière négative le regard porté par une partie de l’opinion publique sur la population chinoise, quelle qu’elle soit.

40Le Chinatown Museum présente la contribution des populations chinoises implantées de longue date aux Philippines et se désolidarise des migrants arrivés plus récemment. Il n’y a d’ailleurs aucun panneau relayant les liens diplomatiques entre les Philippines e la Chine continentale.

2.3. Face à un marquage visuel venant de Chine continentale, des musées promouvant la communauté chinoise philippine

41Pour A.-M. Broudehoux (2001), les quartiers chinois relèvent d’abord d’une inscription superficielle puisque les premières implantations avaient lieu dans des quartiers d’architecture locale. Actuellement, une "re-sinisation" appelée aussi "chinatownisation" voire "orientalisation" s’effectue dans les quartiers chinois. Cette sinisation se matérialise par la mise en symbole du quartier chinois. Il s’agit réellement d’une réinterprétation d’un quartier, qui peut faire table rase des éléments antérieurs et de ses particularités pour adopter une architecture monumentaliste chinoise laquelle est d’ailleurs utilisée en Chine continentale dans les quartiers touristiques (à Pékin par exemple). Cette réinterprétation du quartier est planifiée et sert principalement des intérêts symboliques ou identitaires et ce dans un contexte d’expansion de la Chine continentale en Asie. A.-M. Broudehoux (2001) a travaillé sur les chinatowns nord-américaines où la sinisation a été précoce. Cette transformation et l’attractivité des quartiers chinois en Asie est récente et témoigne d’une plus grande variété des réseaux à l’oeuvre pour ériger arches ou autres réalisations de type chinois. Ces transformations ont impliqué un réseau associatif dense, il semble que dans certains cas les associations chinoises soient peu ou pas sollicitées pour transformer leur quartier. Une uniformisation des quartiers chinois tend à se diffuser bien que les quartiers chinois dans le monde ne suivent pas tous la même évolution et la dernière phase de sinisation semble être associée à une touristification qui se matérialise désormais grâce aux arches comme un lieu défini avec des limites et des entrées commerciales claires. Son caractère chinois se veut "authentique" avec omniprésence d’artefacts, d’odeurs et de décorations typiques...pour alimenter un imaginaire collectif chinois commun à tous.

42À n’en pas douter, et c’est ce que nous pouvons démontrer aux Philippines, la sinisation est aussi liée à une présence chinoise renouvelée, issue de Chine continentale qui contribue à transformer les quartiers chinois traditionnels qu’elle a aussi investis. Certains parlent d’une re-ethnicisation des quartiers chinois et une volonté venue des habitants (nouveaux ou non) de se différencier. La communauté chinoise se serait mise en situation de frontière afin de marquer sa présence territoriale, quitte à avoir recours aux éléments traditionnels recréant une image stéréotypée devenant une attraction touristique. Cette quête d’une visibilité dans la ville rend le quartier attractif (et aussi vulnérable au vu des risques associés à la communauté chinoise), mais pour les autorités urbaines, ce quartier est un des attributs, invariants qui peuvent inscrire l’agglomération à une autre échelle de visibilité. Les quartiers chinois fonctionnaient il y a peu comme une association des fonctions résidentielle et de travail, dans lesquels les arches n’étaient pas forcément intégrées. La multiplication des arches dans une période récente en Asie peut être associée à une certaine uniformisation de la "culture" chinoise issue Chine continentale, effaçant de fait le particularisme chinois outre-mer propre à chaque implantation. Pourtant, la présence des arches ne relève pas d’un processus identique et l’approche territoriale permet d’éclairer largement la complexité des formes de présence et des relais mis en place pour matérialiser cette monumentalité "à la chinoise".

43Il s’agit aussi d’interroger les vecteurs de cette sinisation. La présence des migrants chinois outre-mer est généralement avancée dans les écrits sur les "Chinois de la diaspora" comme un des vecteurs de la puissance chinoise outre-mer sans pour autant que des études fines décrivant le processus associant concrètement chinois outre-mer et institutions politiques ne soit explicité ou simplement décrit. Il peut s’agir d’une volonté politique chinoise dépassant les communautés chinoises implantées à l’étranger, quel que soit leur statut. Le territoire, ses populations et sa gouvernance sont au cœur de la compréhension des vecteurs de transformation des Chinatowns.

44Ces musées promouvant les actions des Sino-Philippins dans Binondo sont associés à des bâtiments clés et des stratégies pour renforcer l’attractivité du quartier axée sur les services et les activités culturelles.

3. Le musée : un invariant intégré dans la circulation des modèles architecturaux

3.1. La rue Escolta : rue métropolitaine patrimoniale en quête de renouveau

  • 10 Ira L.B., Medina I.R., 1977, pp 45-62 Les auteurs citent Robert Mc Micking un employé britannique « (...)

45La rue maîtresse de Binondo était Escolta, qui partait de Puente de España (Pont Jones). C’était le centre commercial de Manille à l’architecture hétéroclite. Dans les années 1880, Escolta était aussi chinoise comme le montrent certains témoignages d’époque. Des commerçants de toutes origines s’y côtoyaient ; les magasins Kairuz et Muri témoignaient de l’origine indienne de ses propriétaires, ils sont surnommés les « Bombays » par les Filipinos. Les grandes enseignes étaient toutes européennes : Estrella del Norte, la puerta del Sol, Rui Hermanos10 Les premiers cinémas y ouvrirent : le Lyric et le Capitol. On pouvait atteindre les bords de la rivière Pasig par une petite rue appelée « soda » et ainsi accéder au port : muelle de Banco Nacional. Dans les années 1950, un projet tenta de développer le commerce en direction de cet ancien quai puisque des hommes d’affaires l’empruntaient pour accéder aux cafés près de la rivière. Le commerce dans Escolta était aussi symbolisé par la Crystal Arcade avec ses lignes art déco des années 1930. Il abritait le Manila Stock Exchange. Crystal Arcade fut détruite pendant la Seconde Guerre mondiale (cette galerie commerciale servait aussi de lieu de réception pour la communauté aisée de la ville). La bourse ne retrouva pas sa place après le conflit. Makati (commune limitrophe) accueillit le Makati Stock Exchange en 1963, puis l’entité intégrant les deux systèmes boursiers dans le Philippine Stock Exchange en 1995.

46Escolta comme Manille et son agglomération furent bouleversées bien évidemment par la destruction de la ville pendant la Seconde Guerre mondiale, ce qui perturba longuement la vie économique. Dans les années soixante, les populations habitant les quartiers jusque-là considérés comme des banlieues (Malate, Ermita) les quittèrent pour des espaces plus grands et verdoyants comme Makati, Mandaluyong ou Quezon City. Avec elles disparaissent les magasins et les affaires, le vieux Manille n’est plus le seul centre de commerce, puisque des espaces de vente sont créés un peu partout dans la nouvelle agglomération. Des centres commerciaux intégrés à Makati ou le centre commercial de Greenhills à San Juan sont beaucoup plus accessibles pour les habitants de Quezon City ou de Mandaluyong. L’utilisation de plus en plus importante de la voiture individuelle accentue la désertion du vieux Manille où la circulation est malaisée. L’achat d’une voiture correspond aussi à la période de relocalisation des populations vers les banlieues résidentielles.

47Escolta est une rue désormais considérée comme en marge des activités dominantes de l’agglomération. Toutefois, ses pourtours sont résidentiels ; en témoignent la multiplication des constructions d’immeubles de standing aux abords de la Pasig depuis une vingtaine d’années. Les populations y résidant sont majoritairement sino-philippines, issues de la classe moyenne supérieure dont les activités sont très diversifiées et éclatées dans la ville. Les appartements, mais aussi les bureaux loués dans les bâtiments d’Escolta, à proximité réduite de la zone portuaire abritent un grand nombre d’entreprises d’import-export. Certes, les activités de commerce « sur rue » sont en perte de vitesse, mais les activités économiques y sont toujours présentes. Les propriétaires du First United Building ont aussi misé sur le phénomène de gentrification, le renouvellement progressif des populations ainsi que l’introduction de nouvelles activités à portée culturelle dans le vieux Manille. La rue Escolta voit depuis une petite dizaine d’années le regroupement d’entrepreneurs créatifs. Le FUB leur cède à moindre coût des espaces pour créer et animer leurs activités dans le cadre du 98B COLLABoratory, un collectif d’artistes philippins. Les propriétaires des différents bâtiments de cette rue participent à des évènements temporaires pour rendre cette rue plus visible et susciter son attractivité. Le collectif organise des « fêtes de quartier » appelées « block parties » en lien avec l’association des commerçants, l’école du secteur et les autorités publiques lesquelles permettent la piétonnisation complète de la rue lors de l’évènement. La démarche n’est pas anodine, il s’agit de s’approprier la rue par la marche chose qui était la norme jusqu’aux années quatre-vingt. Avec la multiplication des centres commerciaux, le rapport à la rue des populations s’est considérablement appauvri. Le musée de la famille Sy s’inscrit dans une dynamique patrimoniale plus large, participative et créative.

3.2. À la recherche d’une modernité perdue ?

  • 11 Guéguen C., 2017.

48Dans Binondo, les initiatives du secteur privé se multiplient pour rendre le quartier attractif. Elles laissent aussi entrevoir l’influence singapourienne, synonyme d’une "modernité chinoise outre-mer"11. Alors que le dynamisme démographique du quartier ne se dément pas, plusieurs formes de bâti sont désormais importées, inspirées d’un autre environnement chinois. Le Lucky Chinatown est un ensemble intégrant différentes influences et fonctions. Il se compose d’un immeuble résidentiel de standing, d’un centre commercial de gros et de détail, mais également du Mall Lucky Chinatown. Ce centre commercial et les aménagements réalisés aux alentours tranchent avec l’environnement de la rue Soler majoritairement composé d’immeubles défraichis, des années soixante-dix qui rassemblent une forme plus moderne de la shophouse chinoise incluant simplement la boutique et l’espace de stockage. Quelques vieilles accessorias sont encore présentes et semblent résister dans ce quartier en pleine mutation. Le Lucky Chinatown est un centre commercial assez luxueux, comprenant des enseignes occidentales et philippines de textile, la traditionnelle food-court des malls philippins a disparu pour laisser la place à des restaurants de standings différents, mais excluant les traditionnelles enseignes de fast-food de type Jollibee ou McDonald’s. Ce qui interpelle ici c’est l’architecture de la façade qui reproduit les compartiments multicolores rescapés de la Chinatown de Singapour. Autre signe de l’influence de Singapour dans ce projet est la présentation dans le hall du mall d’un rickshaw, archétype du transport à bras dans l’ancienne colonie britannique. Les aménagements aux alentours du mall sont soignés et intègrent un passage protégé abritant toute une série de kiosques alimentaires dotée de tables et de bancs. Ce type d’espace public où les gens déjeunent en plein air n’est pas commun dans ce quartier chinois, en revanche, ce type d’espaces dotés de kiosques alimentaires proches des immeubles d’habitation est très courant à Singapour. C’est cette réalisation du groupe Megaworld qui abrite le Chinatown museum. Comme décrit précédemment, le passé glorieux de Binondo et des Sino-Philippins y est largement mis en avant. Le paradoxe repose alors sur le choix architectural d’ensemble du centre commercial qui n’a pas épousé les ressorts de l’architecture locale. L’entreprise travaille aussi beaucoup avec les populations chinoises venues du continent et semble proposer le musée comme une version « exotique » du passé glorieux du quartier chinois.

Images 4 & 5 : Lucky Chinatown mall, Manille, 2019 & 2018.

Images 4 & 5 : Lucky Chinatown mall, Manille, 2019 & 2018.

49Ces quelques constatations sur l’importation du modèle de quartier chinois de Singapour à l’échelle de ce projet amènent réflexion. On peut s’interroger sur la portée du modèle de quartier chinois de Singapour et plus généralement sur l’image qu’apporte Singapour pour les Chinois de Manille. La ville de Singapour est porteuse depuis les années quatre-vingt d’une image de modernité largement réalisée à coups de grands projets de rénovation urbaine associée à des équipements de transport performants (aéroport, MRT, routes) ; ces aménagements ont effacé les traces de la pauvreté et de l’image désolante du Singapour des années 1960. Certains quartiers ont été identifiés comme faisant partie du patrimoine urbain et protégé ; ainsi le quartier chinois de Singapour constitue un des identifiants urbains de cette cité-État moderne.

  • 12 La plus petite des unités administratives aux Philippines intégrée aux municipalités.

50Cette modernité alliant certains éléments « traditionnels » issus bien souvent de la période coloniale et appropriés par les résidents chinois se retrouve transposée dans le contexte philippin. Des compartiments de ce type sont également visibles en Malaisie ou au Vietnam, mais absolument pas aux Philippines puisque les Chinois avaient créé leurs propres modèles de shophouse inspiré des réalisations espagnoles. Les Philippins ont leur propre mode de transport dans le quartier : la calèche locale (kalesa) est toujours usitée. On importe alors ce qui est considéré comme étant un modèle d’urbanisation chinoise, le compartiment muséifié de la rue Pagoda. Il s’agit aussi d’apporter une autre modernité asiatique, celle de Singapour, la ville-vitrine d’Asie du Sud-Est et du développement efficace dont elle se revendique. À cela, on pourrait ajouter une distinction souhaitée par le promoteur immobilier pour attirer des clients fortunés dans ce nouvel espace de Metro-Manila qui contribue sans nul doute à renforcer la centralité de ce quartier de la ville souvent perçu comme une de ses marges populaires. Ces projets tentent de redorer ce quartier en diffusant une image de quartier salubre. Cette réalisation intègre un changement d’image du quartier chinois de Manille, lequel doit être plus visible à l’échelle internationale et doit proposer un visage plus accueillant. À l’échelle de ce projet, on perçoit l’importance de la notoriété de Singapour à l’échelle de l’Asie du Sud-Est et aussi à l’échelle de toute l’Asie orientale puisque les principaux clients de ce complexe immobilier sont des migrants originaires de Chine continentale. Les transformations urbaines du quartier ne sont pas seulement menées par les acteurs issus du secteur privé, mais aussi par les autorités urbaines qu’il s’agisse de la mairie de Manille ou des barangays12. Depuis quelques années, les abords de la Pasig font l’objet d’aménagements ; les abords ont été dégagés pour créer une promenade. Des projets d’immeubles urbains résidentiels voient le jour sur ce qui pourrait devenir un « waterfront ».

51Les différents types de projets et réalisations qui dominent le quartier chinois s’inscrivent dans la construction d’un changement d’image de Binondo. Désormais les promoteurs immobiliers misent sur la proximité des universités et des commerces pour valoriser ce lieu auprès des familles. Binondo doit pouvoir attirer à nouveau des Philippins d’origine chinoise, mais aussi des Chinois du continent aisés qui souhaiteraient avoir un pied à terre à Manille (pour affaire ou pour réaliser un cursus universitaire « à l’occidentale »).

52Le Chinatown museum interroge sur sa localisation, son contenu et l’aspect figé des représentations. Pour le groupe Megaworld, il s’agit de jouer sur le côté local et « exotique » de Binondo pour les visiteurs venant de l’extérieur. Le musée semble anachronique puisque les éléments d’architecture montrés dans ce musée sont encore visibles actuellement dans un environnement urbain qui ne correspond pas forcément aux attentes des touristes. Des accessorias sont encore visibles à quelques centaines de mètres de là. Le musée présente un quartier chinois du passé « lisse » alors que les structures architecturales sont encore présentes et vivantes, car elles sont intégrées aux activités de commerce du quartier de Divisoria.

Conclusion

53Interpréter la présence de ces deux musées promouvant la culture chinoise des Philippines relève de plusieurs axes. La première des réponses s’inscrit dans les contextes de création de ces musées. Les deux musées cités dans ce texte sont des initiatives privées et témoignent de l’importance de laisser une trace dans la ville pour ces deux entrepreneurs. Toutefois, les échelles de promotions et les publics ciblés sont différents. : l’une misant sur un projet global associé à la gentrification et la revitalisation du quartier, l’autre misant sur une activité promotionnelle pour un grand groupe immobilier et complémentaire pour le centre commercial assimilé à la modernité. Les accès à ces deux musées témoignent aussi de démarches différentes : l’un des musées est accessible par la rue et l’autre est intégré dans un centre commercial. Ainsi pour accéder au First United Museum, la démarche du visiteur est individuelle et hors d’un parcours associé à du commerce, mais davantage à une sortie culturelle contrairement au Chinatown museum.

54Un deuxième angle relevant d’une interprétation géopolitique interroge ces musées dans la période contemporaine d’expansion de l’influence de la Chine continentale dans les quartiers chinois, dont celui de Manille. Jouant de son influence, le marquage visuel de Chine continentale a pu s’imposer à Manille par la réalisation d’arches, mais aussi par des projets d’infrastructures récents touchant Binondo dans le cadre de financement de la BRI (Belt and Road Initiative). Le choix des expositions promouvant la culture et l’entrepreneuriat sino-philippin s’inscrit à contre-courant de cette influence de la Chine continentale.

55Loin d’être un espace figé dans le temps, la recomposition du quartier chinois de Manille s’opère face à des influences multiples liées à la mobilité des habitants, l’évolution de la centralité dans l’agglomération et des marques de culture chinoise philippine désormais thésaurisées dans des musées.

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Notes

1 Par l’association Kaisa composée de Sino-Philippins.

2 https://www.megaworldcorp.com/news-and-updates/megaworld-opens-chinatown-museum-binondo

3 Quelques exemples d’après la liste des associations composant la Grand Family Association fournie en 2003.

4 Table 6 : Pilipino, Chinese, American and others by sex, by district, 1960, NSO.

5 Population and Housing, Census 2020. À ce jour, les données démographiques générales sont disponibles et non celles relevant de la langue maternelle.

6 Les sièges de ces associations sont au coeur de Binondo, surtout dans les rues Salazar, Masangkai, Tomas Mapua ou Juan Luna…cf Grand Family Association, 2003.

7 The Entrepreneur, Mai 2005, p 47.

8 Vocabulaire péjoratif employé dans l’article de The Entrepreneur, NB : ces dénominations n’ont pas été employées en ma présence pour désigner les Chinois du continent, « Intsik » a une connotation péjorative).

9 Bureau de l’immigration.

10 Ira L.B., Medina I.R., 1977, pp 45-62 Les auteurs citent Robert Mc Micking un employé britannique « nearly all the best chinamen’s manufacturers, the produce of Manchester, Glasgow, Birmingham and of many other european and chinese manufactury market… ».

11 Guéguen C., 2017.

12 La plus petite des unités administratives aux Philippines intégrée aux municipalités.

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Table des illustrations

Titre Fig. 1 : Binondo dans l’aglomération-capitale des Philippines et à l’échelle de la commune de Manille.
Crédits C. Guéguen, Nov. 2021.
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/tem/docannexe/image/9642/img-1.png
Fichier image/png, 98k
Titre Fig. 2 : Carte des musées chinois dans Binondo.
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/tem/docannexe/image/9642/img-2.png
Fichier image/png, 574k
Titre Image 1 : La couverture de la plaquette de présentation du First United Building Museum.
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/tem/docannexe/image/9642/img-3.jpg
Fichier image/jpeg, 292k
Titre Images 2 & 3 : plaquette du Chinatown museum, Lucky Chinatown mall.
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/tem/docannexe/image/9642/img-4.jpg
Fichier image/jpeg, 280k
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/tem/docannexe/image/9642/img-5.jpg
Fichier image/jpeg, 772k
Titre Images 4 & 5 : Lucky Chinatown mall, Manille, 2019 & 2018.
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/tem/docannexe/image/9642/img-6.jpg
Fichier image/jpeg, 460k
Crédits C. Guéguen.
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/tem/docannexe/image/9642/img-7.jpg
Fichier image/jpeg, 523k
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Pour citer cet article

Référence électronique

Catherine Guéguen, « Des musées chinois dans Binondo : à la recherche d’un patrimoine perdu ? »Territoire en mouvement Revue de géographie et aménagement [En ligne], 53-54 | 2022, mis en ligne le 22 novembre 2022, consulté le 13 janvier 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/tem/9642 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/tem.9642

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Auteur

Catherine Guéguen

Géographe associée à PRODIG
Intervenante en géographie à l’UBO.
catherinegueguen@hotmail.com

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