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Partie 2. Valeurs et représentations patrimoniales

Dynamique de renouvellement urbain à travers les transformations du patrimoine résidentiel dans les hautes plaines steppiques algériennes

Urban renewal dynamic and transformations of residential patrimony1 in algerian high steppic plains
Keira Bachar

Résumés

Le présent article s’intéresse à la problématique du renouvellement urbain à travers une analyse de l’évolution des modes d’habiter et des transformations successives, structurelles, formelles et fonctionnelles du patrimoine résidentiel à Djelfa, ancienne petite ville de garnison devenue l’une des plus importantes des hautes plaines algériennes. La ville connaît une urbanisation effrénée nourrie essentiellement par l’habitat et en particulier l’habitat individuel, produit de l’auto-construction qui, dans une société en pleine mutation, se transforme rapidement pour s’adapter. Il tend de plus en plus à devenir un « patrimoine » dans le sens de « capital » que l’on rentabilise confirmant la pertinence de l’hypothèse du double jeu (capitalisation ou bien commun) autour de la notion de patrimoine. L’analyse montre d’autre part que, dans un contexte d’augmentation de la valeur marchande du sol urbain, les anciennes bâtisses du centre-ville, témoins de savoir-faire en train de se perdre, se retrouvent au cœur d’un processus de démolition/reconstruction basé sur l’effacement de l’existant qui alimente une forme de renouvellement urbain accentuant certaines conséquences de la dynamique urbaine spéculative et rentière en cours.

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Texte intégral

Introduction

  • 1 Le terme de « patrimony » est utilisé ici, car il traduit le double sens du mot patrimoine : «inher (...)
  • 2 ONS : Office National des Statistiques

1Avec une superficie de 2 382 000 km², pour une population estimée à 43 millions d’habitants au 1er janvier 2019 (ONS2, 2019), le territoire algérien est partagé en trois ensembles géographiques très contrastés : l’ensemble tellien au nord représentant 4% du territoire national sur une bande de 100 à 150 km de large à partir du littoral, qui connaît un phénomène de concentration démographique avec plus de 60% de la population. Les hautes plaines qui représentent 9% du territoire, qui occupent l’espace compris entre l’Atlas tellien et l’Atlas saharien. Elles comportent une zone steppique dans leur partie sud et accueillent 28% de la population de l’Algérie. Enfin, sur plus de 1000 km en poursuivant vers le sud, se trouve le Sahara, qui représente 87% du territoire et accueille le reste de la population soit un total de 9% (RGHP 2008, PNAE-DD, 2002 ; MATE, 2011).

2L’Algérie, à l’instar des autres Pays du sud et de l’est de la Méditerranée (PSEM), connaît une urbanisation accélérée et une dégradation du patrimoine culturel bâti (Plan Bleu, 2012), alors que plus de la moitié de la population algérienne vit dans les villes (d’après le dernier RGHP de 2008, le taux d’urbanisation était de l’ordre de 66%). Les territoires urbains sont hérités en grande partie de la période coloniale puisqu’en 1830 la population urbaine de l’Algérie ne représentait que 5% du total des habitants. Le pays était alors moins urbanisé que le Maroc et la Tunisie. La plupart des agglomérations ont été créées, ou ont connu des transformations et/ou des extensions de leur noyau traditionnel arabo-mauresque (médina ou casbah), par les ingénieurs du Génie militaire, au cours du 19e siècle qui ont introduit les tracés géométriques en damier. À l’indépendance, en 1962, les centres urbains ont connu un afflux massif de populations rurales, suite au départ des colons, afflux également exacerbé par les retombées de la guerre de libération.

  • 3 Recensement général de la population et de l’habitat.

3Inexistante avant le milieu du 19e siècle, la ville de Djelfa est aujourd’hui l’une des villes les plus peuplées du pays (près de 300 000 habitants au dernier RGPH3 de 2008 et 341 248 en 2011 d’après l’ONS). Ville-carrefour par excellence, située au cœur de la frange sud des Hautes Plaines algéro-oranaises (qui sont la réplique, plus aérée et plus ouverte, des Hautes Plaines constantinoises), elle a vu le jour dans une région steppique au climat rigoureux et aux conditions naturelles rudes, caractérisées entre autres par le manque de ressources hydriques et la menace de la désertification.

4Comme la plupart des villes algériennes, Djelfa apparaît plus comme une concentration humaine, issue d’une croissance spatiale dont l’extension s’est faite par les activités, mais surtout par le logement, pour tenter de combler les besoins de la population. Elle est essentiellement le résultat d’une combinaison d’interventions « programmées » représentées par les logements publics collectifs standardisés (qui envahissent ses périphéries comme dans la quasi-totalité des villes algériennes) et de productions « spontanées » représentées par les habitations individuelles privées (dans leur grande majorité issues de l’auto-construction).

5Les dynamiques d’aménagement et de construction impliquent ainsi de nombreux acteurs, que ce soit dans les actions collectives publiques ou individuelles privées. Ces dernières sont plus particulièrement l’objet du présent article qui propose de se pencher sur un aspect du processus de fabrication urbaine relatif au renouvellement urbain à travers les transformations du patrimoine résidentiel, en prenant pour exemple la ville de Djelfa afin d’illustrer la situation à l’échelle nationale. Cette ville de l’intérieur du pays, bien que n’ayant pas une histoire ancienne comme celle d’autres villes en Algérie (à l’image des ksour de la vallée du Mzab fondés entre 1012 et 1347, ou de la Casbah d’Alger, fondée en 1516), possède néanmoins un héritage urbain matérialisé par l’habitat individuel remontant à la fin du 19e siècle qui, à défaut d’être reconnu comme patrimoine à sauvegarder, est largement exploité comme ressource à valoriser. D’où l’intérêt de prendre pour cas d’étude ce territoire, par ailleurs peu étudié par la littérature scientifique, afin d’enrichir la réflexion autour de la place attribuée au patrimoine dans les villes d’aujourd’hui, en s’intéressant à la problématique du renouvellement urbain à travers les opérations de transformations/démolition-reconstruction du patrimoine résidentiel et la dynamique urbaine engendrée, dans le sillage de travaux relatifs aux évolutions morphologiques et aux dynamiques urbaines (Driss, 2005 ; Belguidoum et Mouazziz, 2010 ; Souami, 2017, Bachar, 2015) et ceux relatifs aux transformations du patrimoine urbain et sa rentabilisation (Emelianoff et Carballo, 2002 ; Tomas, 2004 ; Veschambre, 2005 ; Boulbir, 2011 ; Kebir et Zeghiche, 2014).

6Il s’agit, d’une part, de vérifier la pertinence de l’hypothèse du double jeu autour de la notion de patrimoine, entendu au sens « d’une capitalisation » ou « d’un bien commun ». Et, d’autre part, de mettre en lumière certains enjeux et conséquences des opérations de démolition-reconstruction du vieux bâti (B. Kebir ; A. Zeghiche, 2014) dans un contexte de reconfiguration sociospatiale des villes (S. Belguidoum, N.Mouazziz, 2010), de croissance urbaine importante (K. Bachar, 2015 ; Plan bleu, 2012) et de hausse des prix du foncier (T. Souami, 2017).

7L’approche méthodologie, de type qualitative, basée sur l’analyse de l’évolution des modes d’habiter et des transformations architecturales et urbaines apportées dans le temps au patrimoine résidentiel du centre-ville, se fonde sur l’observation directe, appuyée et complétée par des photographies, des plans architecturaux et des relevés effectués sur le terrain (première partie de l’article).

  • 4 Le sens du mot « Héritage » décrit comme « bien acquis ou transmis par voie de succession » (Larous (...)

8Dans la deuxième partie de l’article, l’analyse montre que le patrimoine résidentiel est plus considéré comme un « capital » rentabilisable que comme un héritage4 commun à préserver, l’action de démolition-reconstruction n’étant pas forcément interprétée comme la disparition d’un patrimoine, mais plutôt comme la valorisation d’une ressource.

9Elle met en évidence, dans la troisième partie, qu’au-delà des enjeux patrimoniaux, ces transformations du patrimoine urbain ordinaire effectuées par les habitants eux-mêmes alimentent une forme de renouvellement urbain qui accentue certaines conséquences socio-environnementales de la dynamique urbaine spéculative et rentière en cours.

1. Évolution des modes d’habiter et transformations du patrimoine résidentiel individuel

1.1. Une ville entre tradition et modernité

  • 5 La tribu peut être définie très sommairement comme une entité sociale en perpétuel mouvement, const (...)
  • 6 Voir à ce propos l’article de Salah Bouchemal paru dans les Cahiers de Géographie du Québec, n°53, (...)

10Appartenant à une région de tradition pastorale, la ville de Djelfa est essentiellement peuplée par une population issue de pasteurs nomades qui se sont sédentarisés par vagues successives : très peu pendant la période coloniale, puis progressivement depuis l’indépendance. La nouvelle société urbaine issue de cette société nomade tribale doit composer avec des logiques d’organisation différentes, parfois opposées. Dans une société où se mêlent un désir profond d’accéder aux privilèges de la modernité et un intérêt croissant pour la culture originelle, les interférences de modèles concernent aussi bien les formes spatiales que les pratiques sociales (Driss, 2005). Ainsi, paradoxalement, malgré l’hétérogénéité croissante de la population et le nouvel ordre introduit par la construction de l’État par le haut, à Djelfa, capitale de la tribu5 (arch) des Ouled Nail, l’importance du sentiment d’appartenance tribale est aujourd’hui encore très vivace et régit en grande partie les comportements sociaux des habitants. Les réseaux tribaux demeurent très influents (cela est palpable sur le plan politique, lors des élections par exemple, et n’est pas propre à la ville de Djelfa6) et leurs valeurs prévalent encore souvent sur celles de la république.

  • 7 Le nouveau découpage territorial de 1974 a fait passer le nombre de wilayas à 31 tandis que celui d (...)
  • 8 Ces territoires étaient soumis à un régime d’exception et n’ont été intégrés au nord du pays, pour (...)

11Comparée à d’autres villes algériennes, la ville de Djelfa est de création relativement récente puisque ce n’est qu’en 1852 que la construction d’une fortification militaire fut amorcée, à l’emplacement de ce qui n’était alors qu’un lieu-dit dans cette région peuplée de pasteurs nomades. Ce fort sera à la base de la formation en 1861 du premier noyau urbain (créé par le décret de Napoléon III du 20 février 1861, instituant un groupement urbain sur une superficie de 1775 hectares 62 ares) et impulsera la création de la ville, caractéristique des petites villes de garnison construites par l’administration française à l’intérieur du pays où la population était essentiellement composée de militaires et de leurs familles et de quelques autochtones. Après la guerre de 1914-1918, la petite ville connut un nouvel essor qui s’est encore renforcé à l’indépendance par l’arrivée d’une population d’origine nomade, nouvellement sédentarisée. La ville ne changea vraiment de statut qu’à partir de 19747, date à laquelle elle fut érigée en chef-lieu de wilaya (département). Ce territoire, d’une superficie totale de 32 256 km², se trouve être l’un des plus vastes wilayas du nord du pays, alors qu’il avait appartenu aux Territoires du sud8 pendant la colonisation.

  • 9 D. Pumain et al., 2006 expliquent que le terme « rurbanisation » fut proposé par Gérard Bauer et Je (...)

12La plupart des habitants de la ville ont été attirés par le standard de « vie moderne » et/ou ont fui une situation économique difficile. Les sécheresses répétées et la dégradation des parcours ont en effet entrainé une paupérisation des agro-pasteurs qui se sont d'eux-mêmes sédentarisés, car même si la population de la steppe vit traditionnellement de l’élevage, le travail salarié apparaît comme une source plus sécurisante de revenus et comme la seule forme réelle de promotion sociale. La scolarisation des enfants explique et justifie également pour beaucoup cette tendance à la sédentarisation. Le rythme soutenu des fixations entamées lors de la création de la zone industrielle au milieu des années 1970 a connu un regain d’intensité pendant la crise sécuritaire des années 1990, entraînant la prolifération de cités d’habitat spontané à la périphérie de la ville, concentrant habitants ruraux et petits élevages, souvent dans des conditions de grande précarité (rares sont ceux qui occupent un emploi stable) et accentuant le caractère déjà très « rurbain » de la ville (le terme « rurbain »9 est employé ici pour exprimer les particularités d’adaptation au mode de vie urbain des populations rurales et nomades nouvellement arrivées et sédentarisées par vagues successives).

13L’attractivité de Djelfa s’explique également par sa situation au centre de la wilaya et par le fait qu’elle concentre un grand nombre d’équipements et d’infrastructures. Cependant, la pression démographique entraîne une demande importante en logements et la gestion non maitrisée des ressources foncières génère un étalement urbain qui repousse toujours plus loin les limites de la ville, qui se construit par l’habitat, et en particulier l’habitat individuel, produit de l’auto-construction qui constitue la forme urbaine dominante.

1.2. L’habitat individuel : forme urbaine dominante, produit de l’auto-construction

14L’habitat individuel constitue la forme urbaine dominante, encouragé depuis les années 1980, par la politique des lotissements réservés à l’auto-construction, ayant pour but de répondre à la demande en logements. Si dans 98% des cas, l’habitat individuel est le produit de l’auto-construction, cela ne signifie pas forcément que les habitants construisent ou transforment eux-mêmes l’espace dans lequel ils vivent, mais plutôt qu’ils font appellent à l’aide de proches ou de personnes sollicitées de manière informelle.

15La plupart du temps, il s’agit d’une main-d’œuvre non déclarée, rémunérée sans facture avec des prix fixés à l’amiable : on pratique les barèmes officieux dictés par les lois du marché informel puisque la production de l’acte de bâtir en auto-construction est presque entièrement informelle, même lorsque l’achat du terrain est légal. Cette main-d’œuvre est souvent sous-qualifiée et la qualité des constructions est médiocre, avec beaucoup de malfaçons et peu de respect des règles de la construction.

  • 10 En réalité, l’habitat traditionnel est plutôt la tente, tissée en poils de chameaux, puisqu’autrefo (...)

16Pourtant, les maisons dites « traditionnelles »10, c'est-à-dire la quasi-totalité des anciennes bâtisses du centre-ville (qui était autrefois la ville intra-muros) sont les témoins d’un savoir-faire aujourd’hui quasiment oublié, bien que remontant à moins de deux siècles. Les caractéristiques de ce premier noyau sont celles de l’urbanisme militaire colonial : plan en damier et régularité du tracé. Les constructions basses (essentiellement RDC) sont constituées de murs porteurs en pierres et couvertes d’une charpente en bois, recouverte de tuiles rouges en terre cuite, des matériaux locaux et écologiques. Ce mode de construire qui fut utilisé à Djelfa dès la création de la ville, est considéré comme traditionnel et prévaudra jusqu’au milieu des années 1970, soit pendant environ un siècle. Dans la maison « traditionnelle », plutôt introvertie, la distribution des pièces s’établit autour d’une cour centrale ou « haouch » apportant éclairage et aération, seuls le salon et/ou une autre pièce possèdent des fenêtres donnant sur l’extérieur (plan 1). Ce type de maison avec ses caractéristiques, tant formelles que techniques, a rapidement été dépassé et délaissé, car il ne répondait plus ni aux standards de la vie moderne ni aux nouvelles normes de constructions.

1.3. Généralisation du béton armé et adaptation à un nouveau confort

  • 11 Le programme du plan de Constantine a été décrété par le Général de Gaulle à la veille de l’indépen (...)
  • 12 L’Ordonnance instituait une limitation de la propriété foncière et la nationalisation de tout excéd (...)

17À Djelfa, les premières réalisations en béton armé sont celles des logements sociaux, construits dans le cadre du plan de Constantine11 (1959-1963), suivis par d’autres projets d’habitat collectif. Depuis, ce mode de construire n’a cessé de s’imposer et le début des années 1980 a vu la généralisation de son utilisation dans la construction des maisons individuelles. De nombreux lots de terrain pour auto-construction ont été distribués à la faveur de l’ordonnance de 1974 sur les réserves foncières12 puis dans le cadre des lotissements et des coopératives immobilières au cours des années 1980. Le béton armé s’est imposé comme mode constructif, puisque les matériaux comme le ciment et l’acier étaient disponibles auprès d’organismes publics qui les cédaient à des prix avantageux, parce que subventionnés par l’État (Bachar, 2015).

18Dans les années 1980, la typologie des maisons demeure uniquement dédiée à la fonction résidentielle, mais la structure en béton armé permet l’extension en hauteur, avec le rajout de chambres et d’une terrasse à l’étage ou, ultérieurement, grâce aux ferraillages souvent laissés en attente. La cour n’est plus l’élément central distributeur, ce qui constitue une adaptation par rapport aux conditions climatiques (rigoureuses en hiver) de la région et au nouveau mode de chauffage. En effet l’introduction du gaz naturel, à cette période, en lieu et place des anciens poêles à mazout (fuel) et des cheminées au bois, comme nouveau combustible dans les foyers a littéralement changé les mentalités et l’agencement des espaces.

19La découverte d’un confort nouveau, en même temps que les frais du chauffage réglables par facture trimestrielle, impulse une dynamique de préservation de cette chaleur et engendre de nouveaux réflexes d’économie d’énergie. C’est pourquoi la tendance est alors à l’encastrement des espaces pour éviter les déperditions de chaleur et la cour, bien qu’omniprésente, car indispensable dans la vie quotidienne des habitants de la région, devient un espace indépendant (plan 2). En même temps, la présence de l’eau courante est de plus en plus convoitée : salle de bains et cuisines modernes se généralisent et les installations de stockage de l’eau (moteurs électriques, citernes enterrées ou en terrasse) se multiplient, étant données les fréquentes pénuries d’eau.

20Les changements techniques introduits dans la construction (béton armé, gaz naturel, moyens de stockage de l’eau) ont entraîné des mutations au niveau des espaces habitables et dans les modes de vie, des modes de vie qui ont également été bouleversés par les réformes politiques des années 1990 et l’importante crise économique et sécuritaire qu’a connue le pays.

1.4. Mixité fonctionnelle, quête de rentabilité et souci de l’esthétique

21Coïncidant avec les bouleversements politico-législatifs des années 1990 – passage brutal à l’économie de marché, réformes politiques, crises sécuritaire et économique – d’autres changements apparaissent dans la société et dans le mode d’habiter. La typologie des maisons s’apparente désormais à des « blocs » de béton, les parcelles sont presque entièrement construites, avec de grands garages au rez-de-chaussée destinés à être loués ou utilisés pour diverses activités commerciales. De très nombreux habitants, même ceux des quartiers plus modestes, associent à leurs maisons des locaux abritant des petits commerces ou des ateliers en tous genres qui sont exploités soit par les propriétaires eux-mêmes, soit loués à des tiers. La maison devient « rentable » et le revenu apporté par ces locaux est substantiel pour les familles qui habitent dans des maisons qui leur sont contigües si le lot est grand, mais logeant le plus souvent à l’étage ou dans les différents étages (plan 3). En effet, la pénurie de logements pousse également à occuper les étages par des appartements pour loger des membres de la famille, pas forcément les enfants. Ces maisons, individuelles au départ, s’apparentent en réalité souvent à du semi-collectif privé.

22Les modifications apportées par les habitants dans leur espace de vie reflètent une exigence d’espace et un souci de sécurisation matérielle. C’est une forme d’adaptation à l’économie de marché qui se met en place.

23Les permis de construire qui exigent 40% d’espace libre sur la parcelle ne sont pas respectés, ils constituent un simple acte administratif, une autorisation. Rares sont les propriétaires qui s’y conforment, chacun construisant à sa guise. Il est fréquent de voir une maison partagée entre deux familles ou plus, chacune « s’adapte » en y ajoutant cuisine et autres commodités (plan 4). « Construire » est un maître mot dans cette ville, tout le monde « construit » à un moment ou un autre, qu’il soit riche ou pauvre, et les quartiers sont toujours en chantier. Les constructions sont inachevées, faute de moyens financiers et en prévision de probables extensions futures, la maison étant édifiée au fur et à mesure, en fonction des disponibilités financières et des nouveaux projets de la famille, et cela prend souvent toute une vie. La loi de 2008, relative à l’achèvement et à la mise en conformité des constructions (cette loi n°08-15 du 20 juillet 2008 fixe les règles de mise en conformité des constructions et leur achèvement et permet de régulariser les constructions non conformes aux permis de construire) n’a rien changé, en particulier dans les villes de l’intérieur du pays comme Djelfa, sauf peut-être pour les constructions très exposées, au niveau des grands boulevards, qui sont plus ou moins contrôlées.

  • 13 Une enquête de l’ONS (Office National des Statistiques), datant du quatrième trimestre 2010, révèle (...)

24Ainsi, avec des travaux rarement exécutés dans les règles de l’art, les problèmes sont nombreux en particulier pour l’assainissement, les habitants se chargeant eux-mêmes des travaux de branchement au réseau. C’est l’une des raisons pour lesquelles les voiries sont toujours endommagées, non seulement dans les quartiers les plus défavorisés, mais dans tous les autres, de même que pour les carences de gestion des infrastructures et services collectifs. Par exemple, il est toujours nécessaire de prévoir une bâche à eau enterrée ou tout autre système de stockage de l’eau, car l’alimentation en eau n’est toujours pas assurée quotidiennement, même dans les nouveaux quartiers « résidentiels » ou dans le centre-ville. Ainsi, les pratiques d’auto-construction se répètent et reprennent les mêmes fonctionnements depuis plusieurs décennies, en continuant à s’appuyer sur les filières informelles pour construire, aussi bien en ce qui concerne la main-d’œuvre13 que pour l’achat des matériaux. Remplacer un garage ou une ou plusieurs pièces par un local commercial est devenu une pratique tout à fait ordinaire, perçue comme légale. Il en va de même pour les stratégies résidentielles qui se traduisent par des constructions inachevées, dans l’idée de rajouter un ou plusieurs étages ou une extension horizontale ultérieurement, pour agrandir la propriété, en faisant fi des règles de l’urbanisme et de la construction. Aujourd’hui comme hier, les opérations privées d’auto-construction effectuées par les habitants ne sont quasiment pas contrôlées.

25Pourtant, depuis le début des années 2000, avec l’amélioration de la situation économique et sécuritaire, une autre tendance se profile : un habitat individuel qui semble s’orienter petit à petit vers un style « villa », la recherche de plus d’esthétique et de meilleures finitions, dans des lotissements privés (puisque les réserves foncières communales sont réduites et réservées en priorité aux projets publics), proposant des lots à des prix élevés, à une catégorie plus aisée de la population qui exprime son désir de rompre avec « les garages au RDC ». Cependant, le souci de la rentabilité est toujours présent, en particulier au niveau des tissus à forte valeur ajoutée, tels que le centre-ville, et le long des grandes artères et des rues commerçantes, où le prix du foncier atteint son paroxysme.

Planche 1 : Évolution morphologique du patrimoine résidentiel individuel à Djelfa

Planche 1 : Évolution morphologique du patrimoine résidentiel individuel à Djelfa

Source : l’auteur (relevés et traitement)

2. Démolir pour reconstruire : disparition d’un patrimoine ou valorisation d’une ressource ?

2.1. Le patrimoine « résidentiel », un patrimoine « ordinaire »

26« La plupart des spécialistes s’accordent aujourd’hui sur le fait que le concept de patrimoine a été généralisé à l’échelle planétaire au long des trois dernières décennies » (F. Tomas, 2004). Si « le “patrimoine” regroupe tous les trésors du passé que l’on admire » (Pumain D., Paquot T., Kleinschmager R., 2006), désormais, « la notion de patrimoine ne se limite plus à un édifice pour la beauté de son architecture ou pour les souvenirs historiques qui y sont attachés, mais s’étend à son environnement et vaut même pour des secteurs plus vastes parfois dépourvus de monuments remarquables qui, toutefois, pris globalement, font partie de l’identité collective des populations » (F. Tomas, 2004 ; B. Bret et N. Commerçon, 2004). La notion, aujourd’hui, ne cesse de s’étendre, elle désigne aussi bien le « “patrimoine” entendu comme ensemble des biens qu’une personne peut vendre ou transmettre » (J. Davallon, 2010) que « le “ patrimoine” conçu comme les choses culturelles ou naturelles qui appartiennent à la totalité d’une communauté » (J. Davallon, 2010). Sans entrer dans une discussion autour des définitions et des différents types de patrimoines, ce qui n’est pas le propos du présent article, le patrimoine « résidentiel » visé ici fait référence aux bâtiments réservés à l’usage d’habitation et aux infrastructures qui l’accompagnent. Il fait partie du patrimoine bâti, c'est-à-dire « celui qui est l’objet et le résultat des processus de production de l’espace » (A. Alvarez Mora, 2013) qui inclut aussi bien le cadre bâti de la vie quotidienne, à l’architecture banale ou modeste, représentant un patrimoine urbain « ordinaire » plus ou moins ancien selon les contextes, que les édifices remarquables ou les monuments et quartiers historiques reconnus comme devant être conservés ou protégés.

27À Djelfa, comme déjà expliqué, il n’existe pas d’héritage urbain vraiment ancien considéré comme faisant partie du patrimoine à sauvegarder (tissus traditionnels : casbah, ksour, médinas) ni de vieux bâti dégradé (vieux immeubles coloniaux à étages, menaçant ruine) qui peuvent faire l’objet de décision de sauvegarde ou de démolition, comme cela est le cas dans plusieurs grandes villes du pays (Alger, Oran, Constantine, par exemple). D’ailleurs, « la reconnaissance de cet héritage de la période coloniale, en tant que patrimoine, semble être davantage l’apanage des scientifiques ; il est en effet moins considéré en tant que tel par les pouvoirs publics ou par les habitants, ce qui rend plus complexes et plus controversés les enjeux qui accompagnent sa prise en charge » (B. Kebir, A. Zeghiche, 2014).

2.2. Un patrimoine que l’on cherche à rentabiliser

28Les constructions les plus anciennes sont contemporaines (fin 19e et début 20e siècle) et si un intérêt patrimonial se manifeste (faiblement) pour quelques rares édifices publics (mairie, poste, ancienne gare ferroviaire …), en revanche, le patrimoine résidentiel est constitué de maisons individuelles qui ne sont pas reconnues comme patrimoine à protéger ou à sauvegarder et sont plutôt considérées comme obsolètes parce que dépassées et ne répondant plus aux exigences et aux nouveaux standards de la vie « moderne ». De plus, ces constructions peuvent s’avérer très rentables et constituent un capital économique très appréciable, étant donné que la consommation excessive et rapide de terrain urbanisable et la libéralisation du marché foncier ont entraîné la raréfaction et l’augmentation de la valeur marchande du sol urbain, aggravés par le phénomène de la spéculation foncière qui s’est progressivement installé, en particulier au niveau des espaces centraux où l’on profite de l’augmentation spéculative de la valeur des terrains en général et de ceux des espaces centraux en particulier. « Ce rôle du foncier, et par extension de l’immobilier, se vérifie en particulier dans les pays comme l’Algérie, où les autres espaces sont fortement monopolisés par des entités publiques. Le foncier-immobilier serait alors le lieu principal de constitution d’un patrimoine pour les ménages, car les marges de manœuvre y sont plus grandes, les négociations possibles, les décisions moins enserrées dans le formalisme des procédures » (Souami T., 2017).

29La maison représente le patrimoine, mais le patrimoine « dans ce sens très contemporain, est le capital que l’on constitue et fait travailler au cours d’une vie ou d’une période de vie » (C. Emelianoff, C. Carballo, 2002). Les demeures les plus anciennes sont transformées de fond en comble. Ces maisons, qui représentent l’habitat populaire du centre-ville, sont démolies les unes après les autres, alors qu’elles constituent un héritage, témoin d’un passé qui, bien que récent, reste le plus ancien de la ville. Les parcelles, en général petites, sont (re)construites sur toute la surface. Les bâtisses sont souvent rachetées par des promoteurs immobiliers privés et remplacées par des immeubles flambant neufs dans les quartiers à forte valeur spéculative. Le phénomène s’étend à de nombreuses régions du pays (pour ne pas dire toutes), en particulier au niveau des boulevards et des quartiers centraux des grandes villes, objets de toutes les convoitises.

« Le parc immobilier existant longtemps délaissé par les politiques publiques va, petit à petit, subir un processus de rénovation ponctuelle, touchant bâtisse par bâtisse, parcelle par parcelle et manifester la nouvelle forme du capitalisme urbain national » (L. Boulbir, 2012).

30À l’emplacement de ce qui fut autrefois une maison « traditionnelle » ou même une fraction de celle-ci, s’élèvent aujourd’hui des immeubles privés de quatre voire cinq niveaux (photos 1 et 2). Leurs façades rivalisent d’éléments architecturaux aux références éclectiques, dans un mariage plus ou moins heureux de styles, des arcades arabo-mauresques aux grands panneaux entièrement vitrés, en passant par des pastiches néo-classiques... Ces immeubles sont souvent dédiés uniquement à des activités économiques. En effet, de plus en plus d’investisseurs/propriétaires prévoient, en plus des locaux commerciaux du RDC, une série d’espaces à louer, aménagés en logements, bureaux, hôtels, petites cliniques privées ou même en petits centres commerciaux, composés de plusieurs boutiques, sur plusieurs étages. La propriété immobilière est un investissement jugé très rentable et un placement réputé sûr.

31Cependant, à Djelfa, le processus de démolition/reconstruction touche même des quartiers modestes où les habitants aspirent à « refaire » leur maison tout simplement pour la mettre au « goût du jour », même si celle-ci n’est pas dans un état de vétusté important (photos 3. 4). Ainsi, d’anciennes habitations basses avec structure en murs porteurs en pierres et couverture en tuiles, encore en bon état, ne répondent plus aux normes d’esthétique, de confort et de rentabilité recherchées aujourd’hui par leurs habitants. Ces derniers considèrent les habitations non renouvelées (non « refaites » comme on dit dans le langage courant) comme inhabitables ou du moins inadaptées, non conformes à « ce qui se fait ». Elles sont d’ailleurs de moindre valeur sur le marché immobilier par rapport à celles qui ont été « refaites ».

32En l’absence d’informations et de moyens adéquats, c’est la logique de « la table rase » qui est appliquée et l’analyse de V. Veschambre, bien qu’élaborée dans un autre contexte, est éclairante pour un cas comme Djelfa : « Même si l’on parle beaucoup de patrimoine aujourd’hui, une démolition/reconstruction apparaît bien souvent plus rentable qu’une restauration avec remise aux normes » (V. Veschambre, 2005). Cela se vérifie dans le cas de constructions publiques et se généralise également dans le cas de maisons individuelles privées.

33Les habitants, au lieu d’avoir recours à la rénovation, à la restauration ou à la réhabilitation qui nécessitent des études, une prise en charge et des savoir-faire particuliers (peu développés en Algérie, voire pas du tout) privilégient le plus souvent une solution rapide et radicale : les anciennes demeures sont, dans l’indifférence générale, entièrement ou partiellement détruites, rasées, quel que soit leur état (photos 5, 6 et 7). Elles sont remplacées par des constructions « neuves » et « modernes », en béton armé, plébiscitées malgré toutes les malfaçons résultant des pratiques informelles de l’auto-construction et du manque de contrôle lors de l’exécution des travaux.

34C’est ainsi que progressivement toute la main-d’œuvre du bâtiment s’est détournée des techniques de constructions « traditionnelles » utilisées précédemment, malgré leur meilleur confort thermique (grâce aux murs en pierre larges de 40 à 50 cm, dans une ville steppique où les hivers sont particulièrement rigoureux), au point que les savoir-faire constructifs se perdent et s’uniformisent. Il est très difficile aujourd’hui de trouver des techniciens ou des ouvriers maîtrisant d’autres techniques que celles relatives aux monostructures en béton armé. Ceci est d’autant plus vrai à l’heure actuelle, avec la mondialisation et l’internationalisation des modes de construire.

Planche 2 : Exemples de démolition/ reconstruction

Planche 2 : Exemples de démolition/ reconstruction

Source : l’auteur

35Les transformations de ces maisons répondent à des logiques sociales et économiques et la sauvegarde patrimoniale de ces habitations « ordinaires », même les plus anciennes, n’est une priorité ni pour les habitants ni pour les pouvoirs publics. Il semble ici que « la conception du patrimoine comme ensemble de biens dont on dispose » prenne le pas sur « la conception d’un bien commun à garder » (Devallon J., 2010). D’ailleurs, le permis de démolir, préalable à toute opération de démolition, est octroyé en général sans difficulté par les services de l’urbanisme, de même que le permis de construire (ou devrait-on dire, dans ce cas précis, « permis de REconstruire »). À travers la délivrance facilitée des permis de démolir et de construire, les pouvoirs publics semblent encourager des stratégies habitantes qui sont à l’origine d’une certaine forme de « renouvellement urbain ».

3. Au-delà des enjeux patrimoniaux : une forme de renouvellement urbain accentuant certaines préoccupations socio-environnementales

36Ce processus de « renouvellement urbain » s’effectue progressivement non par une politique initiée par les pouvoirs publics, mais par la participation volontaire des habitants (souvent inconscients de ce qui est en train de se jouer) à ces opérations de transformations de leurs maisons et de démolitions /reconstructions qui font partie de la dynamique urbaine et donnent un nouveau visage au centre-ville.

  • 14 L’inscription sur l’inventaire supplémentaire est l’un des régimes de protection prévu par la loi 9 (...)

37Dans cette dynamique basée sur l’effacement préalable de l’existant, « le classement des biens “remarquables” légitime la destruction des patrimoines ordinaires » (Carballo et Emelianoff, 2002) et « la question de la mémoire, de l’identité collective et de la légitimité » ne semble pas se poser (Veschambre, 2005). En effet, ces bâtisses humbles et anonymes font partie d’une ville de création récente, ni connue ni reconnue pour la valeur symbolique ou historique de son patrimoine urbain à sauvegarder et donc pas concernée par les dispositions de la loi 98-04 du 15/06/1998 relative à la protection du patrimoine culturel qui stipule que le propriétaire d'un bien culturel immobilier inscrit sur la liste de l'inventaire supplémentaire14 ne peut procéder à aucune modification de ce bien sans avoir obtenu l'autorisation préalable (article 15).

38Ainsi, la question des enjeux patrimoniaux liés à la reconnaissance et la protection de cet héritage se posera peut-être lorsque la quasi-totalité des maisons aura été détruite, ce qui ne saurait tarder étant donné le rythme effréné des démolitions. En effet, « lorsque la raréfaction est admise, advient un sursaut et un classement : du patrimoine l'on conservera quelques exemplaires, échantillons et spécimens dans des conservatoires prévus à cet usage ou dans des lieux convertis à la fonction conservatoire » (Carballo, Emelianoff, 2002).

39Au-delà des enjeux patrimoniaux, ces opérations peuvent être vues comme une forme de recyclage urbain (Veschambre, 2005), de reconstruction de la ville sur elle-même. En effet, « bien qu’il n’existe pas (ou pas encore) de politique de renouvellement urbain à proprement dire en Algérie, on assiste néanmoins à l’émergence d’un intérêt nouveau des pouvoirs publics pour la prise en charge d’un vieux bâti dont l’entretien est resté longtemps négligé. Cette vision, en état de gestation, est cependant largement devancée par l’action privée, laquelle, depuis la transition économique du pays, dans les années 1990, trouve dans la ville algérienne des opportunités économiques s’exprimant par une intense activité » (Kebir, Zeghiche, 2014).

40Alors que la question de la participation des citadins dans la gestion urbaine et/ou le développement local des villes maghrébines, et la forme que pourrait prendre cette participation, demeure posée, on peut même « penser que le patrimoine est simplement transformé par les générations présentes, que le legs porte aujourd'hui sur le nouveau plutôt que sur l'ancien » (Carballo, Emelianoff, 2002). Ainsi, à Djelfa, l’évolution des mutations morphologiques dans l’habitat individuel montre bien comment les habitants le transforment, s’adaptent aux techniques constructives et intègrent ou éliminent spontanément les espaces et les éléments qui leur semblent répondre ou pas à leurs aspirations, à leur confort ou à leur mode de vie.

41Cependant, les propriétaires des maisons « traditionnelles » du centre-ville n’hésitent pas à en tirer profit, quitte à ce qu’elles soient détruites sans laisser de traces, alors que ces bâtisses sont le témoin d’un savoir-faire dont la transmission présente un intérêt certain à l’heure où les questions relatives à l’utilisation des matériaux locaux et écologiques (ici la pierre, le bois …) dans la construction se posent à la faveur du débat sur la transition énergétique dans le bâtiment.

42Il apparaît évident que cette forme de renouvellement urbain, cette manière de (re)construire l’urbain « ordinaire », portée par les habitants, fait partie intégrante d’un processus de fabrication urbaine marqué par de nombreuses contradictions, et porteur de multiples interrogations.

43D’un point de vue social, la dynamique spéculative engendrée interroge et fait craindre de nouvelles formes de ségrégation sociale (voire d’exclusion), puisque les bâtisses dans les espaces centraux de la ville sont cédées à des prix dont la croissance est exponentielle et ne sont accessibles qu’aux promoteurs privés et aux catégories aisées qui convoitent les biens immobiliers les plus attractifs pour investir dans des projets très rentables. Aujourd’hui, les promoteurs immobiliers privés, dont l’activité instituée au milieu des années 1980 était plutôt timide, s’imposent de plus en plus. Ils sont encouragés aussi bien pour la construction d’équipements à travers les opérations de démolition-reconstruction dans les tissus existants à forte valeur spéculative, que pour « la réalisation d’immeubles de logements promotionnels qui s’inscrivent dans la logique constructive impulsée par les pouvoirs publics avec qui ils entretiennent des relations qui leur permettent d’obtenir maints avantages » (Belguidoum, Mouazziz, 2011).

44Dans un contexte de manque de réserve foncière, les prix de l’immobilier flambent et la logique constructive préconisée par les pouvoirs publics pour répondre à un accroissement démographique et à des revendications sociales en augmentation, nourrissent un phénomène d’urbanisation périphérique programmée toujours plus important (Bachar, 2015). Sous l’effet de la spéculation foncière faisant bondir les prix des terrains centraux et péricentraux, les cités de logements et les lotissements sociaux ainsi que les équipements publics, sont relégués sur des terrains périphériques relevant du domaine public, de plus en plus éloignés du centre de l’aire urbaine, engendrant un étalement urbain source d’inégalités sociales et spatiales. Ces inégalités se manifestent, entre autres, à travers les difficultés d’accessibilité et de déplacement dues au faible développement des réseaux de transports en commun, tout comme le manque d’infrastructures, d’équipements et de services collectifs dans les nouvelles extensions urbaines. Cette situation s’accompagne de nombreux problèmes environnementaux tels que la diminution et la dégradation des espaces naturels et agricoles, la saturation des routes et l’augmentation de la pollution due au trafic automobile et aux mobilités pendulaires quotidiennes, aux difficultés de prise en charge des déchets et à la surconsommation d’énergie et de matériaux pour la mise en œuvre des réseaux d’alimentation en eau, de gaz, d’assainissement, etc. Ces problèmes viennent s’ajouter à d’autres, propres à l’écosystème steppique, à l’image de la rareté des ressources en eau, de la sécheresse, de l’érosion des sols ou de la menace de la désertification.

45Ainsi, au-delà de l’intérêt pour la préservation du vieux bâti, la problématique de la démolition-reconstruction du patrimoine résidentiel ancien à Djelfa intègre certaines préoccupations socio-environnementales. Si, d’une part, la reconstruction de la ville sur elle-même peut apparaitre comme un élément positif eu égard à la réutilisation de la ressource non renouvelable qu’est le sol urbain, d’autre part, se posent les questions relatives aux choix d’occupation des sols et celles des inégalités et difficultés d’accès au centre-ville. En effet, ce dernier, autrefois occupé par des maisons simples et modestes, tend désormais à intégrer en priorité des activités tertiaires privées ciblant des catégories sociales aisées, tandis que les lotissements, les cités d’habitat social et les équipements publics sont repoussés vers la périphérie. Cette situation contribue à étendre les limites de la ville en consommant toujours plus de terrain et à renforcer les fractures sociales et territoriales dues à l’éloignement.

46Ces questions, qui ne sont pas exhaustives, sont indissociables de la réflexion pour un développement qui se voudrait durable, explicitement mis en avant dans les discours officiels et à travers tout l’arsenal législatif depuis 2001 (entre autres la loi relative à l’aménagement et au développement durable du territoire promulguée en 2001, celle de 2003 relativement à la préservation de l’environnement dans le cadre du développement durable ou encore la loi de 2006 portant orientation de la ville et qui vise à définir la politique de la ville dans le cadre de la politique de l’aménagement du territoire et du développement durable).

47Ici comme ailleurs, « sur le terrain, on observe une hausse des prix immobiliers et un rejet des populations défavorisées en périphérie lointaine » (Emelianoff, Carballo, 2002). Étant donné les prix spéculatifs du foncier, à Djelfa et dans les autres villes en Algérie, les projets publics sensés profiter au plus grand nombre ne peuvent être construits en centre-ville ou sur les terrains proches récupérés des opérations de démolition-reconstruction du vieux bâti, qui sont trop coûteuses. Les conséquences sont à la fois sociales avec le renforcement des inégalités socio-spatiales dues, entre autres, au manque de transport en commun et d’infrastructures, environnementales à travers la dynamique de consommation foncière, le sol étant une ressource naturelle à préserver et économique avec l’augmentation du coût des infrastructures routières et des réseaux divers par multiplication des linéaires de voiries et de réseaux dus à l’éloignement.

Conclusion

48Dans une société en pleine mutation où l’investissement dans l’immobilier est le placement qui paraît le plus sûr, le « patrimoine résidentiel » devient un « capital » rentabilisable, en particulier dans une ville comme Djelfa, dont la création récente remonte à moins de deux siècles, mais qui connaît aujourd’hui un développement urbain très important et où les modes d’habiter s’adaptent et évoluent rapidement, au rythme des changements dans les modes de vie et de construire et des bouleversements politico-législatifs. Les habitants poursuivent des objectifs à la fois économiques et sociaux et participent à la production du cadre bâti en recourant à l’auto-construction qui produit, à travers des filières informelles, des bâtis de qualité variable, souvent médiocres et inachevés, objets de multiples et profondes transformations.

49Étant donné l’augmentation spéculative de la valeur marchande du sol urbain, la démolition des anciennes maisons du centre-ville, considérées comme dépassées, se généralise dans l’indifférence générale, aussi bien de la part des habitants que des pouvoirs publics qui ne reconnaissent pas ces constructions comme faisant partie du patrimoine à sauvegarder, bien qu’elles représentent l’héritage urbain le plus ancien de l’histoire de la ville. Pourtant, même si elles sont modestes et anonymes, ces bâtisses qui témoignent du passé de ce territoire sont d’une qualité architecturale et technique relevant d’un savoir-faire à sauvegarder pour être transmis.

50Au-delà des enjeux patrimoniaux et de la question de la reconnaissance et de la protection de cet héritage qui finira (peut-être) par se poser lorsque la raréfaction sera admise et que la menace de l’effacement de toutes les traces du passé sera imminente, cette manière de (re)construire la ville sur elle-même peut être vue comme une forme de renouvellement urbain « ordinaire », portée par la participation des habitants, faisant partie du processus de fabrication de la ville. Cependant, les terrains récupérés des opérations de démolition-reconstruction sont réservés à des projets privés à forte valeur ajoutée, tandis que les projets publics sont relégués en périphérie, à l’image des projets de logements sociaux. Cette situation interpelle et nourrit, d’une certaine manière, le débat sur les contradictions entre le discours prônant un développement urbain se préoccupant de réduire les inégalités sociales et de respecter l’environnement, et des pratiques urbaines rentières et spéculatives qui ignorent ces préoccupations.

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Bibliographie

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Notes

1 Le terme de « patrimony » est utilisé ici, car il traduit le double sens du mot patrimoine : «inheritance » qui désigne le « patrimoine » entendu comme ensemble des biens qu’une personne peut vendre ou transmettre et « heritage » qui désigne le « patrimoine » conçu comme les choses culturelles ou naturelles qui appartiennent à la totalité d’une communauté ; comme le propose J. Davallon (2010).

2 ONS : Office National des Statistiques

3 Recensement général de la population et de l’habitat.

4 Le sens du mot « Héritage » décrit comme « bien acquis ou transmis par voie de succession » (Larousse), désigne ici un patrimoine laissé par les générations précédentes et légué aux générations actuelles, qui soit le préservent, soit le transforment ou le démolissent.

5 La tribu peut être définie très sommairement comme une entité sociale en perpétuel mouvement, constituée principalement de descendants d’un ancêtre éponyme réel ou mythique, unis par une histoire et des intérêts communs, disposant d’un territoire et de ressources propres exploités selon des normes précises et admises par tous... Celle-ci se construit à partir de la base, les familles se regroupant en fractions (ferka), dont l’agrégation progressive forme la tribu (arch), (Y. Guillermou, 1999).

6 Voir à ce propos l’article de Salah Bouchemal paru dans les Cahiers de Géographie du Québec, n°53, 2009, ou encore Mansour Margouma (2004), article disponible sur internet : https://www.persee.fr/doc/onoma_0755-7752_2004_num_43_1_1476

7 Le nouveau découpage territorial de 1974 a fait passer le nombre de wilayas à 31 tandis que celui de 1984 le portait à 48, puis, tout récemment à 58, à la faveur du découpage de 2020, avec 10 nouvelles wilayas sahariennes. La promotion administrative a permis à de petites agglomérations d'accéder au statut de chef-lieu de wilaya et de daira avec, à la clé, un programme important d'équipements et de développement économique et social que l'État injectait systématiquement.

8 Ces territoires étaient soumis à un régime d’exception et n’ont été intégrés au nord du pays, pour former l’actuelle Algérie, qu’à la faveur de la guerre d’indépendance. La ville de Djelfa, qui comptait 10 070 habitants au recensement de 1954, fut d’abord le chef-lieu d’une commune mixte dépendant du territoire de Ghardaïa (commandement militaire, avec pour chef-lieu la ville de Laghouat et non celle de Ghardaïa) puis, en 1958, fut érigée en chef-lieu d’arrondissement relevant du département de Médéa, devenu wilaya du même nom.

9 D. Pumain et al., 2006 expliquent que le terme « rurbanisation » fut proposé par Gérard Bauer et Jean-Michel Roux (La rurbanisation ou la ville éparpillée, Seuil, 1976) pour désigner une forme nouvelle d’urbanisation des communes rurales dans la grande périphérie des villes ; mais ils rappellent qu’il faut reconnaître la paternité de l’expression à des géographes : George Chabot, dans l’introduction de son vocabulaire franco-anglo-allemand de géographie urbaine (Publications de la Faculté des Lettres de l’Université de Strasbourg, Ophrys, 1970) signale n’avoir pas jugé utile de traduire, parmi d’autres termes qui « s’entendent d’eux-mêmes », « rurban, rural allant travailler dans un centre urbain ».

10 En réalité, l’habitat traditionnel est plutôt la tente, tissée en poils de chameaux, puisqu’autrefois la région était peuplée de pasteurs nomades et que la notion d’habitat « sédentaire » est très récente.

11 Le programme du plan de Constantine a été décrété par le Général de Gaulle à la veille de l’indépendance et visait à mieux intégrer la population algérienne dans le système colonial. D’un point de vue urbanistique, il correspond à l’introduction de l’urbanisme fonctionnaliste dont les principes sont définis par la Charte d’Athènes qui privilégie le zoning, le grand ensemble, l’équipement, la table rase et l’architecture clé en main.

12 L’Ordonnance instituait une limitation de la propriété foncière et la nationalisation de tout excédent de terrain calculé sur une base administrative unique pour l’ensemble du territoire (400m² en moyenne par famille) et une interdiction de toute transaction entre tiers, celle-ci s’effectuant obligatoirement entre la commune et les tiers. Elle instituait également une administration des prix du foncier et un régime d’expropriation pour cause d’utilité publique favorable, tandis que des circulaires appuyant l’Ordonnance de 1974 vont obliger les communes à dégager systématiquement 200 lots par an pour l’habitat individuel, entre autre, sous forme de lotissements sociaux réservés à l’auto-construction ayant pour but de répondre à la demande en logements.
A partir de 1990, la Loi n°90-25, du 18/11/1990, portant orientation foncière, engagea une profonde réforme sur le foncier puisqu’elle mit fin au monopole de la commune sur les transactions foncières. Elle introduisit la liberté des transactions sur les terrains urbanisés et urbanisables, transactions qui ne furent plus soumises à aucunes conditions si ce n’est leur caractère légal.

13 Une enquête de l’ONS (Office National des Statistiques), datant du quatrième trimestre 2010, révèle que 45.6% de la main-d’œuvre totale non agricole déclare ne pas être affiliée à la sécurité sociale. L’évolution entre 2001 et 2010 du secteur informel fait ressortir une progression nettement plus importante de ce type d’emploi par rapport à l’emploi structuré. En effet, l’effectif des emplois informels est passé à plus de 3 900 000 en 2010 contre 1,6 millions en 2001. Le nombre a quasiment doublé en une décennie où la situation sécuritaire était plus au moins stable et où des projets importants ont été lancés. Par ailleurs, la répartition selon le secteur d’activité fait ressortir que 45.3% de l’emploi informel relève du secteur du commerce et service, 37.4 % de l’emploi informel relève du secteur du bâtiment et des travaux publics, et 17.3% de l’industrie.

14 L’inscription sur l’inventaire supplémentaire est l’un des régimes de protection prévu par la loi 98-04 du 15/06/1998 relative à la protection du patrimoine culturel (avec le « classement » et la « création en secteurs sauvegardés »). L'inscription sur la liste de l'inventaire supplémentaire est prononcée, par arrêté du ministre charge de la Culture, ou par arrêté du wali, après avis de la Commission des biens culturels de la wilaya concernée.

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Table des illustrations

Titre Planche 1 : Évolution morphologique du patrimoine résidentiel individuel à Djelfa
Crédits Source : l’auteur (relevés et traitement)
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Titre Planche 2 : Exemples de démolition/ reconstruction
Crédits Source : l’auteur
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Pour citer cet article

Référence électronique

Keira Bachar, « Dynamique de renouvellement urbain à travers les transformations du patrimoine résidentiel dans les hautes plaines steppiques algériennes »Territoire en mouvement Revue de géographie et aménagement [En ligne], 53-54 | 2022, mis en ligne le 12 juillet 2022, consulté le 18 janvier 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/tem/8794 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/tem.8794

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Auteur

Keira Bachar

Enseignante-chercheuse
Université Ziane Achour de Djelfa (Algérie) – Faculté des Sciences de la Nature et de la Vie
Département des Sciences de la Terre et de l’Univers
kebachar@yahoo.fr

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