Navigation – Plan du site

AccueilNuméros55ArticlesLes nouveaux modes de déplacement...

Articles

Les nouveaux modes de déplacement individuel doux basés sur l’électrique. Attractivité et insertion modale

Attractiveness and modal integration of Personal Electric Vehicles
Thibaud Pages, Adrien Lammoglia et Didier Josselin

Résumés

Cet article fait suite à un travail de recherche en collaboration avec le projet de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur (PACA) qui porte sur l’étude des pratiques de mobilités aux horizons 2030 et 2050. La région PACA veut préparer l’avenir en prenant le temps de réflexion nécessaire pour comprendre les besoins de mobilités et de transports pour 2030 et 2050. Le transport est un secteur en évolution permanente. L’essor des nouveaux véhicules électriques individuels (NVEI) depuis quelques années en est l’exemple. Ces engins s’inscrivent dans la mobilité d’aujourd’hui, et sûrement de demain, de par leurs caractéristiques électriques. Cela en fait des modes de déplacement attractifs dans un contexte de réduction de l’émission carbone dans les centres urbains.
Au printemps 2020 la France a connu un confinement lié à la crise sanitaire de la Covid-19. Le déconfinement considéré « à risque » face à la Covid-19 a obligé les politiques à aménager en urgence des pistes provisoires pour les vélos. Elles sont également utilisées par les NVEI. Ces modes semblent être les plus avantageux en termes de distanciation physique, à l’inverse des transports collectifs. Cette augmentation soudaine des aménagements provisoires, dont certains seront pérennisés, laisse à penser qu’elle va renforcer l’essor des NVEI en milieu urbain.
Afin de mieux cerner l’essor des NVEI une enquête en ligne a été partagée durant les mois d’avril et mai 2020. L’objectif de cette enquête est de permettre de mieux connaître les usagers et les usages de ces engins. L’enquête est également à destination des non usagers qui sont en contact direct avec les utilisateurs des NVEI. Parmi les questions, l’enquête interroge l’opinion sur des thèmes comme la préservation de l’environnement et les aménagements nécessaires au sujet de ces engins. Fin mai 2020 l’enquête possède 250 réponses dont 120 usagers de NVEI. En complément, des entretiens permettent d’obtenir de la donnée qualitative.
Les résultats de l’enquête permettent de dégager plusieurs enjeux en matière d’environnement et d’aménagement urbain. Par exemple, 68,3 % des usagers considèrent les NVEI comme écologiques. De plus, ils sont 84,2 % à les considérer comme pratiques en milieu urbain. Les questions ouvertes et les entretiens éclairent sur les pistes d’amélioration à apporter à ces nouveaux modes. En effet, de nombreux usagers et non usagers rapportent des difficultés pour les NVEI à circuler en milieu urbain. Ces engins ne trouvent pas encore un lieu de circulation approprié et se retrouvent à circuler sur les trottoirs, sur les pistes cyclables ou encore sur la voirie.

Haut de page

Texte intégral

1. Introduction

1.1. L’évolution des pratiques de mobilité urbaine

1Aujourd’hui, les modes de transports urbains évoluent dans deux directions notables. D’une part, ils se multiplient en quantité et en variété, créant un réseau urbain de plus en plus complexe en termes d’usage, où se combinent à la fois les routes, les voies réservées et les chemins piétonniers. D’autre part, ils s’individualisent. Le modèle passé de la dualité voiture personnelle versus transport en commun s’estompe de plus en plus, au profit de systèmes de transports partagés et flexibles, de dimension et de fonctionnement variables. Cela s’accompagne d’une organisation du travail de plus en plus souple en termes d’horaires et de lieux d’activité (espaces de coworking, télétravail, etc.) gommant partiellement les pics de trafic et amenant la ville à respirer de façon quasi-permanente. Un des indicateurs clés de cette évolution est la mobilité, puisqu’elle reste intimement liée aux activités humaines et économiques. En France, 465 000 emplois sont en lien avec la mobilité. De manière plus large, ce sont 2,5 millions de personnes qui travaillent dans le secteur des transports, ce qui représente 10 % de la population active (Raoul, 2018). En termes de budget, cela représente 14 % des dépenses des ménages (20 % en prenant en compte taxes et impôts). Loin d’être négligeable, cette donnée est probablement, parmi d’autres, comme la qualité de vie ou les temps de déplacement, une raison poussant les personnes à se tourner vers des modes de transport rapides, légers, efficaces et individuels. C’est sur ce segment que précisément se positionnent les véhicules électriques individuels.

2Par ailleurs, on accorde au déplacement, en moyenne, environ une heure par jour et par personne (conjecture de Zahavi, 1980, Marchetti, 1994). C’est ainsi que depuis plusieurs siècles, la distance moyenne se situe autour de 5 km entre le domicile et le travail. Conserve-t-on, d’une certaine façon, depuis l’antiquité, un mode de vie sédentaire ? C’est plus compliqué qu’il n’y paraît. D’un côté, la vitesse permet des déplacements plus conséquents dans la même contrainte horaire, en allongeant mécaniquement les distances, grâce à l’amélioration des infrastructures et de l’offre de transport. Les déplacements deviennent de plus en plus rapides. On s’éloigne en distance, mais on reste globalement à moins d’une heure du lieu de travail. Même si les lieux d’emploi sont de plus éloignés du domicile, cela ne concerne qu’une partie de la population, en tous les cas celle de la majorité des villes françaises, hormis en région parisienne. D’un autre côté, l’immense majorité des facilités se situe dans un périmètre limité autour de l’habitation, pour effectuer régulièrement des achats et régler les problèmes de la vie courante, et ce, même si l’on prend en compte les pérégrinations (Wiel, 1992). C’est précisément sur les courtes distances que l’usage des modes de transports électriques individualisés se développe.

1.2. Contexte de la recherche : la prospective urbaine régionale

3Dans leur schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires (SRADDET), la plupart des régions ambitionnent un développement des moyens de transports efficaces et respectueux de l’environnement. C’est le cas de la région Occitanie qui vise à développer l’intermodalité et les transports, dans le but de favoriser le développement de la promotion sociale, tout en devenant un territoire d’excellence attractif, durable et rayonnant, à énergie positive vis à vis de ses ressources.

4En ce qui concerne la région Sud Provence-Alpes-Côte d’Azur (PACA), elle a entrepris depuis plusieurs années un travail approfondi de prospective territoriale, aux horizons 2030 et 2050. Il s’agit de préparer l’avenir en prenant le temps de réflexion nécessaire pour comprendre les besoins de mobilités et de transports. La Mission Prospective étudie les besoins de mobilités et de transports pour 2030 et 2050, et ses évolutions. Les scénarios envisagés par la région PACA sont les suivants : “Proximité” (une vie plus apaisée et résiliente), “Business as a model” (une économie à dominante capitaliste et une sphère publique en retrait), “Bas carbone” (une forte diminution des émissions de carbone), “Smart territoire” (les nouvelles technologies s’imposent dans le quotidien et la mobilité), “Crises sociales et environnementales” (le dérèglement climatique entraîne des crises sociales et environnementales). Concernant les mobilités douces, la métropole d’Aix Marseille Provence promeut un ambitieux plan vélo qui s’étale de 2019 à 2024, visant à doubler les usagers réguliers du vélo d’ici 2024, par la réalisation d’infrastructures dédiées et sécurisées et la mise en place d’une politique de sensibilisation et d’aide à l’acquisition de vélos électriques. À l’échelle régionale également, un plan vélos est développé en PACA, dans le cadre de son Schéma Régional 2017-2025 : amélioration des véloroutes, objectif de 2040 km de réseau cyclable (état d’avancement de 40 % en 2017). Le transport flexible, individuel ou collectif, revêt diverses dimensions qui l’insère finalement dans plusieurs des scénarios prospectifs de la région, de par les avancées technologiques qu’il produit, sa participation à l’essor du numérique, le déploiement des mobilités respectueuses de l’environnement via les véhicules électriques et les changements des comportements et des modes de vie qu’il induit. Ainsi, il est particulièrement intéressant de replacer les nouveaux véhicules électriques individuels (NVEI) au sein de l’offre de transport, en se focalisant notamment sur les reports modaux et sur les changements de comportement.

5Dans ce contexte, le développement des nouvelles formes de mobilité suscite grandement l’intérêt des décideurs de la région PACA, qui a financé l’enquête dont nous présentons ici certains résultats saillants, enquête diligentée pour commencer sur les villes de Marseille et de Montpellier, puis étendue à toute la France. Pour Montpellier, il s’agissait de déterminer les profils et les habitudes de déplacement des usagers des nouveaux véhicules électriques individuels. Pour la ville de Marseille, l’objectif était notamment d’étudier la récente offre de trottinette en libre-service.

1.3. L’exemple d’une innovation urbaine : les vélos en libre-service

6L’usage des vélos en libre-service (VLS) est en constante évolution depuis les années 2000. On trouve aujourd’hui des flottes importantes de vélos (dont la plupart sont électriques) sur l’espace public urbain. Il existe une histoire de cette innovation urbaine qui remonte aux années 1960 (Hure, 2018). Dans un premier temps, avant les “engins” électriques, ce sont des associations de défense du vélo qui ont développé des dispositifs, comme à Amsterdam avec les “White Bikes”, en 1965. Cette démarche avait pour objectif de réparer les vélos et de les peindre en blanc, pour ensuite les mettre en libre-service dans les rues de la ville. Dans un second temps, d’autres expériences ont vu le jour, comme par exemple à La Rochelle, en 1976. Cette ville, en pointe pour les innovations dans le domaine du partage des véhicules (une des premières villes françaises à avoir mis en place l’autopartage, avec l’entreprise Liselec, notamment) met alors à disposition une flotte de 300 vélos en libre-service. C’est également à La Rochelle où les premières publicités vont apparaître sur ces modes de déplacement, que ce soit sur les vélos eux-mêmes ou dans les stations de dépôt (Hure, 2018).

7Un grand changement se produit à la fin des années 1990, avec l’arrivée des grandes firmes spécialistes du mobilier urbain et de l’affichage publicitaire, qui proposent des services de VLS dans les grandes villes. La première ville concernée est Rennes en 1998. L’entreprise américaine Clear Channel Outdoor y déploie 350 vélos sur une vingtaine de stations. Depuis, la concurrence s’installe avec d’autres entreprises, comme JCDecaux (Vienne en 2003, Gijon en Espagne en 2004, Lyon 2005). Le modèle de Lyon nommé “Vélo’v” sera d’ailleurs le premier à passer à la grande échelle avec 4000 vélos sur 353 stations. Durant presque une décennie, il a constitué un exemple phare en Europe, face au modèle chinois (Orfeuil, 2018). Aujourd’hui, la très grande majorité des villes française de moyenne et grande taille s’est dotée de vélos en libre-service. C’est le cas des villes des régions Occitanie et PACA. Cet exemple prouve à la fois la durée nécessaire à l’installation d’une innovation dans les transports, et également la percée irrésistible, inéluctable semble-t-il, de ces nouveaux modes individuels, pour la plupart aujourd’hui respectueux de l’environnement, et donc en phase avec les politiques régionales.

1.4. Les Nouveaux Véhicules Électriques Individuels (NVEI) et leur insertion dans les modes de déplacements usuels

8Le vocable de “nouvelles mobilités” couvre un ensemble varié et complexe de modes doux. Pour certains, on parle d’EDP (Engins de Déplacements Personnels), terme qui regroupe les trottinettes, les rollers, les gyroroues, les gyropodes ou encore les hoverboards. Pour d’autres, on parle de véhicules légers électriques unipersonnels (VLEU), qui se limitent aux EDP électriques. Avec les Nouveaux Véhicules Électriques Individuels, on ajoute aux précédents systèmes les Vélos à Assistance Électrique (VAE) (Nouvelles Mobilités, 2019).

  • 1 Forme de mobilité partagée qui consiste à laisser à disposition du public un véhicule (vélo, trotti (...)

9En effet, le paysage des modes de déplacement individuel doux connaît une évolution notable avec l’arrivée de l’énergie électrique. Cette mobilité individuelle, électrique et légère, émerge depuis quelques années dans les centres urbains avec ces fameux “engins personnels” (trottinettes électriques, VAE, gyroroues, etc.). Récemment, on constate l’essor des compagnies de free-floating1 pour les NVEI, comme par exemple Lime avec ses flottes de trottinettes électriques en libre-service. Cependant, le free-floating accroît les dépenses, car il occupe un espace public qu’il faut entretenir, éclairer, sécuriser (caméras de surveillance) et nettoyer (Nouvelles Mobilités, 2019). À Marseille, on observe les effets du free-floating : occupation du sol mal maîtrisée, manque de soin dans l’usage des engins, pollution du port, incivilités (Rapport de suivi de l’Agenda de la mobilité métropolitaine Aix Marseille Provence 2018/2019).

10Il existe une multitude de NVEI (Nouveaux Véhicules Électriques Individuels) qui arborent des technicités et des performances différentes. La trottinette électrique, ainsi que le VAE, arrivent en tête des préférences, mais il y a également les gyropodes, les gyroroues, les hoverboards, dont l’attrait est aujourd’hui grandissant. Cela constitue une offre importante, chaque NVEI ayant ses avantages et ses inconvénients et répondant à une demande diversifiée des usagers, qu’elle concerne les déplacements domicile-travail, pour réaliser des achats ou encore pour pratiquer des loisirs.

11Les NVEI se révèlent intéressants dans l’approche distance-temps en milieu intra-urbain. Juste avant l’avènement des NVEI, ce sont les voitures électriques qui ont connu des progrès importants, sous l’impulsion de constructeurs innovants comme Tesla, Renault ou Nissan. Toutefois, en dépit des progrès technologiques et des enjeux environnementaux et mercatiques, l’autonomie des batteries et les temps de recharge de ces voitures électriques constituent encore un frein à leur diffusion et ne permettent pas un usage optimal et généralisé, comparé à la voiture classique, notamment pour de très longues distances. À l’inverse, dans un contexte intra-urbain, les NVEI permettent d’effectuer des trajets qui rivalisent avantageusement avec les modes conventionnels de déplacement (voiture personnelle, transport collectif, vélo classique) et les temps relativement rapides de recharge des batteries leur permettent d’apporter une réponse en adéquation avec les besoins et pratiques des mobilités locales. Comme nous le verrons, ils peuvent également constituer un segment valorisant l’ensemble de la chaîne intermodale (exemples de séquences : automobile personnelle, parking relais, NVEI ; NVEI et TER, marche à pied, etc.).

12Même si ces aspects ne seront pas abordés dans cet article, notons que l’arrivée des NVEI et notamment leur promiscuité avec les piétons sur les trottoirs, avec les voitures sur les rues et les routes, a entraîné des conséquences négatives indéniables (gênes, risques, accidents, Brenac, 2015), nécessitant une réponse adaptée des pouvoirs publics à cette évolution rapide. La Loi d’Orientation des Mobilités (LOM), publiée le 26 décembre 20192 a ainsi progressé sur ces questions, avec une réglementation qui a pour finalité d’encadrer ces nouvelles mobilités, en régulant mieux l’usage de ces nouveaux modes de transport doux et en protégeant les individus. Il en découle un questionnement sur le partage de l’espace commun en milieu urbain, relativement à la largeur des trottoirs, progressivement “grignotée” par l’emprise de l’automobile (Laurent, 2019), à la diffusion et à l’usage du code de la rue (Lebreton, 2019), au devenir des voies réservés initialement par les bus, en concurrence partielle avec ces nouveaux modes (Passalacqua, 2019) ou au développement des pistes cyclables exclusives (Lamblin, 2018), voire à double sens (Boulanger, 2018).

13Par ailleurs, la disponibilité des NVEI (“ne s’use que si l’on s’en sert”) nous rappelle quelque peu, de façon analogique, les transports à la demande, tentant de répondre aux enjeux de transport collectif individualisé et de temporalités éclatées (Josselin & Castex, 2007), d’ubiquité, d’immédiateté et d’instantanéité des déplacements (Dupuy, 1991). Les NVEI sont apparus à la faveur de l’accroissement des capacités de stockage énergétique des batteries et des besoins de mobilités rapides et à tout moment de la journée ou de la nuit, dans une ville en perpétuel mouvement (Gwiazdzinski, 2003). Dans une certaine mesure, les NVEI possèdent certains des avantages de l’automobile personnelle (disponibilité, possession) en améliorant grandement la capacité d’insertion dans la ville. Leurs inconvénients majeurs restent l’individualisation du transport, générant finalement, au-delà de l’énergie électrique utilisée, un impact positif environnemental relativement limité, et un sentiment de sécurité moindre sur des trajets comparables (courts).

  • 3 Mobility As A Service : dispositif numérique qui permet d’avoir un accès total à la mobilité en un (...)
  • 4 Smart City : la ville intelligente vise à promouvoir les technologies de l’information et de la com (...)

14Enfin, ces nouveaux modes de déplacement doux, au-delà de la gêne qu’ils peuvent occasionner, renvoient une image plutôt positive et attractive, voire “branchée”. Ils s’inscrivent dans la chaîne de mobilité offerte par les fameux MAAS3 (Karlsson et al., 2020) qui visent à faciliter les transports urbains intermodaux par l’usage de centrales de réservation uniques et mutualisées via internet. Ces systèmes participent globalement à la mise en place progressive de la “ville intelligente” et connectée4, qui constitue un enjeu essentiel de développement économique régional. Se pose alors la question de la place de ces NVEI dans le paysage des modes et des offres de transport, à la fois en termes de zones réservées ou restrictives.

15Dans ce contexte, les questions qui se posent pour aborder ces nouveaux véhicules électriques individuels sont nombreuses. Dans cet article, nous abordons le sujet sous l’angle des reports modaux et des changements de pratiques de mobilité suscités par les NVEI. Quelles sont les spécificités, les apports et les limites des nouveaux véhicules électriques individuels en matière de pratiques de mobilité, notamment par rapport à l’offre existante ?

2. Présentation des NVEI

Figure 1 - Types de Nouveaux Véhicules Électriques Individuels

Figure 1 - Types de Nouveaux Véhicules Électriques Individuels

2.1. Le Vélo à Assistance Électrique, premier NVEI à avoir connu un essor important

16L’usage du VAE (vélo à assistance électrique) progresse rapidement ces dernières années. En France, ses ventes sont passées de 338 000 ventes en 2018 à 514 672 ventes en 2020 ce qui représente une augmentation de 52 % (Union Sport & Cycle, 2020). Cette augmentation des ventes s’explique par l’évolution des batteries, ainsi que par la promotion d’une mobilité durable dans les grandes villes renforcée par le récent contexte sanitaire. La portée du VAE est de 4 à 10 km. Il possède plusieurs avantages, comme sa vitesse limitée (moins de danger), une absence de pollution sonore ou atmosphérique, un poids relativement léger, ainsi qu’un coût d’achat, d’entretien et de recharge modéré (6t-bureau de recherche, 2015).

17Le VAE combine pédalage et batterie. Son moteur assiste le pédalage, mais ne le remplace pas. Il a un impact positif sur la réduction de la pollution locale : silencieux (- de 40 décibels) et économiseur d’énergie (1 kilowatt dépensé pour 80 km à parcourir). Il existe une différence entre VAE avec assistance électrique à pédale et VAE rapide : la vitesse maximale de déplacement. Le premier est bridé à 25 km/h alors que le second n’est pas limité et s’apparente à un scooter avec le port d’un casque. Ce dernier n’emprunte pas les pistes cyclables et doit posséder une immatriculation, ainsi qu’une assurance (6t-bureau de recherche, 2015). Le VAE rapide, qui dépasse les 25 km/h, n’entre pas dans le cadre de notre étude.

18L’enquête exploratoire du bureau de recherche 6-t montre que le prix moyen d’achat d’un VAE est d’environ 1000 €, variant d’un pays à l’autre (1468 € aux Pays-Bas contre 626 € en Espagne). Cette différence de prix s’explique par le budget alloué à cet achat, qui influence la qualité du matériel. En effet, il existe des machines produites en Chine, ainsi que des produits de marque européenne, dont dépendent le coût de fabrication et le prix de vente. Les propriétaires d’un VAE dépensent en moyenne 22 € par mois en recharge, entretien et assurance du VAE. En comparaison, une voiture revient en moyenne à 340 € de budget mensuel. Il n’en reste pas moins, que, comme nous le verrons, selon le type d’utilisateur, le prix des NVEI peut avoir un effet limitant sur son acquisition et son usage.

19Les vélos électriques se vendent mieux que les voitures électriques. À partir de chiffres européens, on constate qu’entre 2010 et 2015, plus d’un million de vélos électriques se sont vendus alors que le nombre d’immatriculations de voitures électriques est d’environ 150 000. Nonobstant la différence d’utilité de ces deux modes, la raison principale de cet écart est probablement le coût d’acquisition et la différence d’utilité. Un vélo électrique s’acquiert pour 500 € à 2000 €, alors qu’une voiture électrique, comme, par exemple, la Renault Zoé, coûte entre 20 000 et 25 000 €.

20En France, on a atteint la barre des 3 millions de ventes de vélos en 2016, mais la part du vélo électrique n’est que de 130 000 ce qui représente seulement 4,5 % des ventes. À l’échelle européenne, ce marché pèse 10 % dans celui du cycle. Il devrait donc progresser en France, si l’État et les collectivités locales continuent de donner des aides (Lamblin, 2018).

2.2. La trottinette électrique, nouveau/nouvelle mode

21Une trottinette électrique possède un moteur et une batterie, à l’inverse des trottinettes classiques. L’accélération est régulée par une gâchette sur la partie droite du guidon. Le freinage se situe à gauche du guidon ou sur la roue arrière avec un appui sur le carter avec le pied (INC, 2017). Le confort de la trottinette est rudimentaire. L’utilisateur circule debout, avec un système de suspension limité (Nouvelles Mobilités, 2019).

22Certains modèles de trottinette possèdent un régulateur ou un limiteur de vitesse. Cette fonction permet d’adapter l’appareil à l’usage qu’on souhaite en faire : un mode 6 km/h pour circuler sur les trottoirs, un mode économique pour augmenter l’autonomie, ou encore un mode sport pour avoir plus de nervosité dans les déplacements (INC, 2017). Généralement, le régulateur se trouve sur un écran LCD ou sur une application smartphone. On retrouve ici le positionnement numérique de ce type de matériel.

23Le système de freinage est obligatoire pour des engins qui peuvent rouler jusqu’à 25 km/h. Il doit donc être performant. Il se décline en plusieurs accessoires : le frein au pied (système simple et efficace, avec un appui sur le carter de la roue arrière), le frein à tambour (freinage maîtrisé et performant, grâce à une fixation sur une roue et sa régulation par gâchette), le frein électrique (ou frein moteur, activé par gâchette mais toutefois moins performant) ou le frein d’urgence (insuffisant, car permet seulement de réguler la vitesse) (INC, 2017).

24Dans l’enquête de satisfaction des usagers ObSoCo, en fonction des différents modes de transport, on constate que la trottinette et les autres objets de glisse urbaine se situent en fin de peloton. Ils représentent une satisfaction de 4,7/10 pour la trottinette et de 4,5/10 pour les autres objets de glisse urbaine. À titre de comparaison, la voiture personnelle présente une satisfaction de 7,7/10 (ObSoCo, 2017). Le vélo se rapproche de ces scores avec 6,5/10 et le vélo en libre-service encore plus (7/10), ce qui semble prometteur.

2.3. Les autres modes de déplacement individuels électriques

25La monoroue (ou gyroroue) est constituée d’un moteur électrique, d’une batterie, d’une roue et d’un repose-pied. Le fonctionnement de la gyroroue dépend de l’inclinaison (analyse de l’assiette) du plateau. Si l’usager se penche vers l’avant, il va avancer, s’il se penche vers l’arrière, il va freiner. La gyroroue adapte la vitesse suivant l’inclinaison en continu. Les moteurs et leurs batteries sont du même type que pour une trottinette électrique (INC, 2017).

26L’hoverboard est composé d’un plateau et de deux roues. L’usager est positionné sur le plateau, mais n’a pas la possibilité de maintenir l’équilibre en se tenant à un manche. Des capteurs sont positionnés au niveau des pieds et permettent de faire avancer ou reculer l’hoverboard. C’est un mode considéré comme ayant un confort médiocre et une faible sécurité (Heran, 2018).

27Le gyropode (Segway), le plus ancien du groupe, ajoute un guidon à l’hoverboard. L’accélération et le freinage se font en inclinant l’engin. Pour les déplacements latéraux, l’usager doit pousser le manche de direction vers la gauche ou la droite. Ce matériel est lourd (45 kilos en moyenne) et possède un confort plus sécurisant que l’hoverboard. Son prix est un frein à son développement : certains modèles coûtent jusqu’à 6 700 € (Heran, 2018). Cet engin est principalement utilisé pour le tourisme en centre-ville, ainsi que par les forces de police.

28L’ensemble de ces modèles de NVEI demande un apprentissage de l’équilibre pour une pratique sécurisée, ce qui est moins le cas pour les trottinettes ou les vélos électriques, davantage entrés dans les mœurs et les pratiques depuis de nombreuses années sous leur forme conventionnelle, et dont l’ajout de la partie électrique (batterie et circuits) n’a que peu modifié l’usage initial en deux-roues, même s’il en a élargi le spectre, grâce à l’assistance au déplacement.

3. Enquête sur les nouveaux véhicules électriques individuels

3.1. Constitution de l’échantillon

29Dans le cadre de la Fabrique des Connaissances et de la Mission Prospective de la Région PACA 2020, une étude sur les NVEI a été réalisée (Pages, 2020). Elle a connu deux étapes : l’une pendant le confinement du printemps et l’autre à l’été 2020, qui a permis une extension nationale de l’enquête. L’enquête a été initialement dessinée pour permettre une comparaison sur le terrain entre Marseille et Montpellier : Marseille, capitale régionale très étendue, avec des besoins et des enjeux en matière de mobilité très importants, bénéficiant d’ores et déjà d’un service de trottinette en free floating ; Montpellier, grande ville étudiante, bénéficiant d’un réseau de transport en commun (notamment tramway) assez développé, de plus en plus tournée vers les mobilités douces et actives dans son centre-ville. Rapidement, en raison du contexte sanitaire, des limites territoriales et de marché imposées par ces deux capitales régionales et de notre souhait de généralisation à l’espace français, nous avons opté pour ouvrir à tous les français potentiellement intéressés par ces nouveaux modes de transport (utilisateurs ou non).

30La méthode a activé trois leviers complémentaires pour acquérir des informations : une enquête ouverte en ligne sous Google Forms, le recours aux réseaux sociaux et aux influenceurs en avril 2020 (Twitter et Facebook) et des entretiens directs sur le terrain avec les utilisateurs (mai 2020). L’étude a été, dans un premier temps, ciblée sur Montpellier et Marseille, en activant les réseaux d’utilisateurs des NVEI. Jusqu’à 25 questions étaient posées, portant sur l’usage et les pratiques, le report modal, la perception de ces modes, le profil des usagers, notamment. La plupart des questions touchent aux préférences révélées et quelques-unes abordent les préférences déclarées, ce qui permet de toucher les usagers et les non (ou futurs ?) usagers de ces nouveaux modes de déplacement. Une partie du questionnaire est spécifique (identification du trajet effectué) à Montpellier et à Marseille (free-floating). En seconde phase, l’enquête s’est enrichie des réponses d’utilisateurs d’autres grandes villes (Lyon) ou de lieux de la France entière.

31Constituer un échantillon statistique sur la question des NVEI est une démarche délicate. D’une part, le marché, encore faible et difficile à cerner, fait qu’il est quasiment impossible d’obtenir des classes représentatives de profils avec suffisamment d’effectifs. D’autre part, ces modes étant en émergence, leur évolution est rapide et dynamique, relativisant d’autant la validité d’un questionnaire stratifié à une date donnée. Enfin, au sein des NVEI, existent deux grandes familles d’engins : les vélos et les trottinettes, relativement accessibles, et les autres systèmes, d’un usage plus confidentiel. Cette dichotomie ajoute une difficulté supplémentaire à notre enquête, puisque toucher ces deux types d’utilisateurs (généralistes ou spécialisés) reste assez incertain.

32En conséquence, nous avons choisi d’utiliser le support internet pour “rechercher” activement les utilisateurs ou les candidats à l’utilisation de NVEI, mais également pour permettre une certaine permanence temporelle de l’enquête. L’objectif est en effet de conserver le support d’enquête et d’étudier ses modifications sur le moyen terme. Sur la période d’étude considérée dans cet article, la communication via internet a relativement bien fonctionné et a permis de produire environ 280 questionnaires, dont 140 sont des usagers réguliers. Au vu de la méthode de collecte des informations en ligne et sur le terrain, il nous est impossible de prétendre que notre modèle est statistiquement représentatif. Avec des retours plus nombreux, nous aurions pu redresser l’échantillon, mais pour cette première étude nous avons choisi de garder l’échantillon tel quel. De fait, sa taille reste suffisante pour pouvoir raisonnablement étudier les tendances dans les réponses de notre échantillon, sans pour autant donner des statistiques précises et totalement généralisables sur la population dans son ensemble.

3.2. Présentation du questionnaire

33L’enquête est principalement destinée aux usagers des nouveaux véhicules électriques individuels. Cependant, les non-usagers ont été invités à répondre à l’enquête avec une section dédiée. Une première question filtre permet de trier les usagers et les non-usagers (cf. Figure 2). Ces derniers sont invités à répondre à trois questions sur le potentiel achat d’un NVEI, ainsi que sur leur opinion quant au public cible de ces modes de transport. Les usagers des NVEI accèdent à la section 1 composée de 11 questions : des questions qui interrogent sur l’usage des NVEI et sur le report modal effectué. Par la suite, une question filtre permet d’isoler les usagers des villes de Montpellier et de Marseille dans la section 2. Pour rappel, l’objectif initial était de comparer les deux métropoles mais la crise sanitaire de la Covid19 nous a amené à élargir l’enquête à toute la France. Si l’enquêté réside dans la métropole de Montpellier ou de Marseille, 7 à 8 questions sont spécifiquement posées. Ces questions concernent l’utilisation des NVEI en fonction des distance-temps ou encore des problèmes rencontrés à l’usage (stationnement, infrastructures…). Pour finir, une section « Renseignements personnels » permet de recueillir des précisions sur le profil des répondants (âge, CSP, département de résidence…).

Figure 2 - Structure du questionnaire

Figure 2 - Structure du questionnaire

3.3. Profil des usagers

34Notre enquête se base sur 160 répondants usagers d’un NVEI et 79 répondants non usagers, suffisamment intéressés pour répondre à l’enquête. Comme le montre la figure 2, ceux-ci sont inégalement répartis sur le territoire français, avec une forte représentation de Montpellier et l’Île de France et de nombreux départements sans répondant. Cette distribution résulte de la diffusion par internet sur laquelle nous n’avons pas de contrôle en matière de répartition spatiale. Pour autant, nous avons réussi à toucher les départements français avec les principales villes, ce qui donne finalement un panel assez riche avec, pour certains départements, des réponses d’usagers habitant en milieu urbain ou rural, comme l’indique la figure 3. Notre enquête ne concerne donc pas que la population urbaine et nous verrons que cela fait apparaître des résultats intéressants.

Figure 3 - Répartition des enquêtés sur le territoire français métropolitain selon leur milieu de résidence

Figure 3 - Répartition des enquêtés sur le territoire français métropolitain selon leur milieu de résidence

35Autre donnée clé : l’enquête affiche une surreprésentation masculine assez nette avec moins de 23 % de femmes ayant répondu au questionnaire. Concernant les tranches d’âge, notre enquête a touché un panel assez large de répondants, sauf pour la population de plus de 60 ans, qui est largement sous représentée. Cela s’explique naturellement par la condition physique que nécessite l’utilisation de ces engins. Nous avons aussi questionné la population sur leur CSP. Nous constatons que la catégorie dominante est celle des cadres et professions intellectuelles avec près de 40 %, suivis par les employés (22 %). Les étudiants ne représentent que 9,4 %, bien que ce soit une population relativement facile à toucher par nos canaux de diffusion (réseaux sociaux, mails et pages étudiantes…). Les retraités, ouvriers, militaires, agriculteurs et exploitants demeurent les CSP les moins représentées dans l’enquête (moins de 3 %). Enfin, nous constatons que plus de 19 % des répondants habitent en milieu rural, ce qui nous semble être une piste très intéressante que nous allons approfondir dans l’analyse des données. In fine, nous pouvons dire que le type de répondant dominant dans notre échantillon est plutôt un actif masculin résidant en milieu urbain, ce qui correspond assez bien à l’image que l’on peut avoir d’un utilisateur de NVEI.

Figure 4 - Typologie des 160 répondants

Figure 4 - Typologie des 160 répondants

36Concernant les modes utilisés (Figure 4), nous constatons que les gyroroues sont très représentées. Il faut être prudent avec ce résultat, car nous savons que nous avons touché, malgré nous, une communauté d’utilisateurs “branchés” sur Twitter. En revanche, les proportions entre les vélos électriques et les trottinettes électriques doivent être soulignées, notamment parce que nous savons que ce sont deux engins de plus en plus prisés, pour différentes raisons : la trottinette par son prix abordable, sa simplicité d’utilisation et sa souplesse ; le VAE par son confort et son utilité, pour des déplacements de courte et moyenne distances, mais aussi sa capacité à toucher un public féminin, comme nous l’avons noté lors des entretiens semi-directifs.

Figure 5 - Lequel de ces engins utilisez-vous principalement ?

Figure 5 - Lequel de ces engins utilisez-vous principalement ?

37Pour finir, nous savons que les utilisateurs touchés par l’enquête utilisent fréquemment leur NVEI : 54 % des usagers utilisent leur engin quotidiennement et 88 % l’utilisent plusieurs fois par semaine. Sans être exclusifs, nous pensons que la majorité des répondants considèrent leur NVEI comme leur mode de déplacement privilégié et l’utilisent largement pour leurs déplacements domicile - travail.

38Nous avons extrait de l’enquête deux séries de questions qui nous paraissent particulièrement intéressantes en termes de résultats : les relations des NVEI avec les autres modes (reports modaux, concurrence, intermodalité) et l’attractivité des NVEI (attractivité, raison de leur acquisition).

3.4. Relations des NVEI avec les autres modes

39Un premier angle d’analyse concerne les formes et les impacts du report modal induit par l’arrivée des NVEI sur le marché des mobilités douces et flexibles.

40Le graphique de la figure 5 permet d’analyser l’impact des NVEI sur l’utilisation des autres modes de déplacement. C’est donc la question du potentiel de report modal qui est posée. Depuis leur transfert modal, les usagers affirment moins utiliser le véhicule personnel motorisé, mais aussi les transports en commun. Si le premier report modal est évidemment une satisfaction face aux enjeux de réduction de l’autosolisme, le second pose un problème important quant aux politiques de développement des transports en commun. De plus, on constate que les mobilités actives sont globalement moins impactées par l’utilisation des NVEI. Voire même, les NVEI s’inscrivent dans une certaine continuité d’usage des personnes qui utilisent les mobilités actives, les deux modes étant dans la même lignée. Se pose alors la question des priorités en matière d’aménagement : faut-il prôner la construction de nouveaux axes de transport collectifs réguliers (tramway, BHNS…) ou bien le développement des pistes cyclables ? Comment évaluer le rapport entre le coût de réalisation, d’entretien et les services rendus ? Comment concilier les deux ?

Figure 6 - Depuis que vous utilisez votre NVEI et quel est l’impact sur l’utilisation des autres modes de déplacement ?

Figure 6 - Depuis que vous utilisez votre NVEI et quel est l’impact sur l’utilisation des autres modes de déplacement ?

41Pour approfondir la question du report modal, nous avons demandé aux usagers quel mode de transport ils privilégiaient, lorsque leur NVEI était indisponible ou si les conditions ne permettaient pas son utilisation (Figure 6). Nous observons logiquement que les mobilités actives se situent au premier rang (37,5 %). Nous constatons que les TC arrivent en second plan (33,1 %) puis le VP avec 26,3 %. Ce résultat est donc plutôt encourageant dans une optique de réduction de l’autosolisme.

Figure 7 - Si votre NVEI n’est pas utilisable, quel autre mode allez-vous privilégier ?

Figure 7 - Si votre NVEI n’est pas utilisable, quel autre mode allez-vous privilégier ?

42Le graphique de la figure 7 est un croisement entre deux variables issues du questionnaire. Nous cherchons à expliquer le report modal réalisé grâce à l’acquisition du NVEI en fonction du lieu d’habitation des usagers (milieu urbain ou rural). Concernant les populations urbaines, le constat est similaire au graphique de la figure 6 : c’est bien le transport en commun qui est délaissé (36 %), puis le VP (34 %). En revanche, pour les habitants des espaces ruraux, c’est le VP (56 %) qui est nettement impacté par le NVEI, même si le TC affiche tout de même 21 % de report modal, ce qui témoigne d’ailleurs de la présence et de l’usage d’une offre de TC disponible pour ces habitants. Ce résultat peut paraître surprenant, dans la mesure où les distances parcourues dans les espaces ruraux et périurbains sont généralement plus importantes qu’en ville et que les NVEI sont utilisés, a priori, pour des déplacements de courte distance.

Figure 8 - Mode de transport utilisé pour un déplacement équivalent avant l’acquisition du NVEI en fonction de la zone de résidence

Figure 8 - Mode de transport utilisé pour un déplacement équivalent avant l’acquisition du NVEI en fonction de la zone de résidence

43Au-delà de la compétition entre les modes, nous nous sommes aussi intéressés au potentiel d’intermodalité que pouvaient favoriser les NVEI (figure 8). Bien que 37 % des usagers déclarent ne pas utiliser de mode complémentaire, ce qui signifie que leur engin leur permet un déplacement en porte à porte, il faut noter que 30 % d’entre eux affirment utiliser les transports en commun et 17 % l’automobile. Ce constat peut être interprété comme une utilisation du NVEI pour “le dernier kilomètre”. Cette information est à mettre en relation avec les utilisateurs de NVEI en milieu rural et périurbain, qui peuvent potentiellement utiliser leur engin pour les déplacements en ville, après avoir effectué une partie du trajet en voiture par exemple. Encore une fois, la mobilité active arrive en troisième position. Pour autant, nous retenons qu’en plus de sa capacité à remplacer un mode de déplacement, le NVEI peut tout à fait s’insérer dans une logique de déplacement multimodal.

Figure 9 - Utilisez-vous d’autres modes de déplacement en combinaison avec votre NVEI ?

Figure 9 - Utilisez-vous d’autres modes de déplacement en combinaison avec votre NVEI ?

3.5. Attractivité des NVEI

44La dimension qualitative occupe une place importante dans notre enquête. La perception des NVEI par leurs usagers actuels et futurs en constitue un éclairage singulier.

45Nous avons questionné les usagers sur leur ressenti quant aux avantages et aux inconvénients de ces modes. Parmi les résultats importants, le graphique de la figure 9 montre que les NVEI se distinguent par leur souplesse et leur simplicité, autrement dit, leur efficacité. La dimension écologique apparaît également. Parmi les inconvénients, la sécurité est un point très sensible pour les usagers, ce qui est parfaitement compréhensible, vu le relativement faible encadrement à l’heure actuelle de cette pratique de mobilité par les pouvoirs publics et l’État. Enfin, il est intéressant de constater que le gain financier n’est pas forcément un avantage prégnant aux yeux des répondants, bien qu’une utilisation quotidienne de ce mode de transport coûte objectivement bien moins cher qu’une automobile. Cependant, il faut nuancer ce résultat, car le coût et l’entretien dépendent beaucoup du type d’engin et de la qualité souhaitée (on peut acheter une trottinette électrique pour moins de 100 € comme un VAE à plus de 2 000 €). Ces deux inconvénients seront potentiellement réduits, à court et moyen termes, avec la démocratisation de l’usage de ces engins sur le marché et grâce aux mesures incitatives et à la volonté croissante des autorités de promouvoir les mobilités actives et décarbonées (construction de pistes cyclables et de réseaux express vélo, rues piétonnes…).

Figure 10 - Êtes-vous d’accord avec ces adjectifs qualifiant votre NVEI ?

Figure 10 - Êtes-vous d’accord avec ces adjectifs qualifiant votre NVEI ?

46En complément, la question posée dans la figure 10 était une question ouverte, que nous avons synthétisée en 6 catégories de réponses. Elle nous apprend que 27 % des usagers ont voulu réaliser un changement de mode de déplacement, sans pour autant en préciser les raisons. Nous pouvons simplement l’interpréter comme une volonté de rupture avec le mode utilisé auparavant. Par contre, 18 % ont fait ce choix pour gagner du temps et plus de 15 % pour changer les conditions de déplacement (profiter d’un déplacement en étant à l’extérieur, ne pas s’inquiéter de la distanciation sociale imposée par la pandémie, être plus libre et autonome…). Au quatrième rang vient la dimension écologique qui, bien que n’étant jamais dominante, est finalement toujours présente en filigrane dans les réponses. Contrairement à ce que montrait la figure précédente, 12 % affirment avoir choisi ce mode pour faire des économies : même si ces engins permettent globalement de faire des économies, ils sont quand même encore perçus comme relativement coûteux. Enfin, 9 % ont répondu vouloir plus de souplesse dans le choix de l’itinéraire. Finalement, parmi les 6 catégories, 4 concernent les conditions de déplacement que ces engins offrent. Les caractéristiques de souplesse, de liberté et d’autonomie résument bien ces réponses.

Figure 11 - Pour quelle(s) raison(s) préférez-vous votre NVEI aux autres modes ?

Figure 11 - Pour quelle(s) raison(s) préférez-vous votre NVEI aux autres modes ?

47Enfin, une question concernait les personnes enquêtées ne possédant pas de NVEI, soit 79 réponses à la question (Figure 11) : pour quelles raisons seriez-vous intéressés par cet achat ? Plus de 30 % des personnes seraient intéressées. Même si l’on connaît les limites des préférences déclarées, les résultats restent intéressants à observer. À parts à peu près égales, les raisons d’une potentielle adhésion à ces nouveaux modes de déplacement résiderait dans le gain de temps octroyé, la réduction de l’effort physique à produire et la conviction écologique déclarée. Le choix volontaire de changement de mode et la contrainte du dernier kilomètre (probablement délicate à exprimer) se placeraient légèrement au second plan. Cela renvoie une image valorisante du NVEI, mêlant efficacité et respect de l’environnement.

Figure 12 - Pour quelle(s) raison(s) seriez-vous intéressé par cet achat ?

Figure 12 - Pour quelle(s) raison(s) seriez-vous intéressé par cet achat ?

4. Conclusion et perspectives

48La concurrence entre les NVEI et les transports en commun, notamment en milieu urbain, est révélée par notre étude. Cette question est en effet importante, car la place que les collectivités locales laisseront à ces modes individuels dans un espace urbain contraint, se fera partiellement au détriment des transports en commun, dont le développement représente toujours, aujourd’hui, un enjeu majeur de la ville durable, dans sa composante socio-environnementale. Autre point saillant : les NVEI peuvent constituer une réponse viable à la problématique du dernier kilomètre, dans un cadre d’usage individuel comme professionnel. D’un autre côté, les NVEI ont un effet potentiellement significatif sur l’usage du véhicule personnel, via le report modal, notamment en milieu rural. Le développement des NVEI pourrait donc très concrètement réduire l’autosolisme, et ce peu importe le lieu de résidence. Globalement, nous retenons que les enquêtés, qu’ils soient usagers ou non, ont plutôt une bonne image de ces nouveaux modes de déplacement : ce mode émergent est attractif et prometteur pour les décennies à venir.

49En complément, des recherches pourront être menées. Nous n’avons, à ce stade, pas d’information sur les vitesses, distances et les temps de parcours en NVEI, ni sur les conditions précises de leur usage (part de marche à pied et de transport de l’engin, comparaison aux temps de déplacement des modes précédemment utilisés...). Un approfondissement des connaissances serait pertinent pour aller plus loin dans la réflexion sur la concurrence et la complémentarité avec les autres modes. Les questions de l’intermodalité et de pluri-modalité devront donc être globalement approfondies. Par ailleurs, la pratique des NVEI en milieu rural revêt des formes très intéressantes, puisque ceux-ci semblent en concurrence avec les transports publics sur de plus longues distances qu’en milieu urbain. Cette hypothèse mériterait d’être étudiée plus en profondeur. Un autre point qui apparaît dans l’enquête et qui mérite une investigation plus poussée est la relation entre l’usage du NVEI et les infrastructures, en lien avec la question de la sécurité. Une étude à partir de parcours géoréférencés et commentés serait très intéressante à développer, à l’image des méthodes développées dans le projet Véléval5 et Vélotactique6 sur la mobilité cyclable.

Haut de page

Bibliographie

6t-bureau de recherche, 2015 : Le vélo à assistance électrique : un nouveau mode métropolitain ? 44 p.

BOULANGER A., 2018 : Nouvelles mobilités et mutation de l’espace public parisien, Le nouveau monde de la mobilité, pp. 179-192

BRENAC T., 2015 : Sécurité et nouvelles pratiques de l’espace public : le cas des trottinettes, skateboards et autres engins à roulettes, Carnets d’accidentologie, pp. 15-31

DUPUY G., 1991 : L’urbanisme des réseaux, théories et méthodes, Paris, A. Colin, 198 p.

Editorial de la rédaction, 2019 : Nouvelles mobilités : Et si on réfléchissait avant de s’emballer ? Groupement pour l’Etude des Transports Urbains Modernes - Transports Urbains, 2019/1 N° 134. 1 p.

GWIAZDZINSKI L., 2003 : La ville 24 heures sur 24, Paris, la Tour d’Aigues, Éd. de l’Aube, Datar, 253 p

HERAN F., 2018 : Les nouvelles formes de la mobilité : trottinettes électriques, hoverboards, bicyclettes électriques, Annales des Mines - Réalités industrielles, 2018/2 Mai 2018, pp. 36-40

Institut National de la Consommation, 2017 : Comment fonctionnent une trottinette et une monoroue électrique ?, Date publication : 18/11/2017 - Automobile / 2 roues

JOSSELIN D., CASTEX E., 2007 : Temporalités éclatées : la réponse des transports à la demande aux nouvelles formes de mobilité, Espace Populations Sociétés, vol. 2-3, pp. 433-447.

KARLSSON I.C.M., MUKHTAR-LANDGREN D., SMITH G., KOGLIN T., KRONSELL A., LUND E., SARASINI S., SOCHOR J., 2020: Development and implementation of Mobility-as-a-Service – A qualitative study of barriers and enabling factors. Transportation Research Part A, Vol 131, pp. 283-295

LAMBLIN V., 2018 : Panorama des véhicules routiers électriques, Futuribles, 2018/2 N° 423, pp. 27-37

LAURENT S. MURATET A. RIOU D., 2019 : Mobilité et biodiversité, un espace commun : Le Trottoir, Groupement pour l’Etude des Transports Urbains Modernes - Transports Urbains, 2019/2 N° 135, pp. 10-12

LE BRETON E., 2019 : Comment la mobilité fracture les villes, Editions de l’Attribut - DARD / DARD, 2019/1 N° 1, pp. 50-57

MARCHETTI, 1994 : Anthropological invariants in travel behavior, Technological Forecasting and Social Change, vol. 47, no 1, septembre 1994, p. 75-88

Métropole Aix Marseille Provence, 2019 : Mobilité Métropolitaine, L’Agenda : Rapport du suivi 2018/2019, Marseille, un ambitieu plan vélo, pp. 10-11

ObSoCo, 2017 : L’observatoire des mobilités émergentes : partages, multimodalité, report modal, connexion généralisée… Comment les Français réinventent-ils leurs pratiques de mobilité ?, Deuxième édition - Mai 2017. 23 p.

ORFEUIL J-P., 2018 : Mobilités : De l’âge des possibles à un nouveau monde de la mobilité ?, Le nouveau monde de la mobilité, pp. 19-28

PASSALACQUA A. , dans HURE M., 2019 : Le trottoir, espace partagé ?, Les mobilités partagées : Régulation politique et capitalisme urbain (nouvelle édition mise à jour), Édition de la Sorbonne, 163 pages

RAOUL J-C., 2018 : Pour une nouvelle approche de la mobilité, Annales des Mines - Réalités industrielles, 2018/2 Mai 2018, pp. 6-11

Région Provence-Alpes-Côte d’Azur, 2017 : Schéma régional 2017-2025 : Mobilité durable ; Tourisme actif ; Itinérance, 5 p.

WIEL M., 1992 : La pérégrination, mobilité et organisation de l’espace à Brest, Rapport PREDIT, 77 p.

ZAHAVI Y., TALVITIE A., 1980: Regularities in travel time and money expenditures, Transportation Research Record, vol. 750, pp. 13-19.

Haut de page

Annexe

Lien de l’enquête en ligne (PAGES, 2020) : https://forms.gle/​zctLuVmBxRDknjvM7

Haut de page

Notes

1 Forme de mobilité partagée qui consiste à laisser à disposition du public un véhicule (vélo, trottinette, voire automobile).

2 https://www.vie-publique.fr/loi/20809-loi-du-24-decembre-2019-dorientation-des-mobilites-lom

3 Mobility As A Service : dispositif numérique qui permet d’avoir un accès total à la mobilité en un seul clic. Il permet d’avoir l’offre complète des offres de transports sur le téléphone pour favoriser l’intermodalité.

4 Smart City : la ville intelligente vise à promouvoir les technologies de l’information et de la communication pour améliorer la qualité des services urbains ou réduire leurs coûts.

5 https://imu.universite-lyon.fr/projet/veleval-evaluation-de-la-praticabilite-a-velo-des-espaces-urbains-2017/

6 https://www.entpe.fr/velotactique-de-lurbanisme-tactique-cyclable-au-changement-durable

Haut de page

Table des illustrations

Titre Figure 1 - Types de Nouveaux Véhicules Électriques Individuels
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/tem/docannexe/image/8135/img-1.png
Fichier image/png, 73k
Titre Figure 2 - Structure du questionnaire
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/tem/docannexe/image/8135/img-2.png
Fichier image/png, 55k
Titre Figure 3 - Répartition des enquêtés sur le territoire français métropolitain selon leur milieu de résidence
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/tem/docannexe/image/8135/img-3.png
Fichier image/png, 328k
Titre Figure 4 - Typologie des 160 répondants
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/tem/docannexe/image/8135/img-4.png
Fichier image/png, 69k
Titre Figure 5 - Lequel de ces engins utilisez-vous principalement ?
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/tem/docannexe/image/8135/img-5.png
Fichier image/png, 81k
Titre Figure 6 - Depuis que vous utilisez votre NVEI et quel est l’impact sur l’utilisation des autres modes de déplacement ?
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/tem/docannexe/image/8135/img-6.png
Fichier image/png, 48k
Titre Figure 7 - Si votre NVEI n’est pas utilisable, quel autre mode allez-vous privilégier ?
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/tem/docannexe/image/8135/img-7.png
Fichier image/png, 71k
Titre Figure 8 - Mode de transport utilisé pour un déplacement équivalent avant l’acquisition du NVEI en fonction de la zone de résidence
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/tem/docannexe/image/8135/img-8.png
Fichier image/png, 49k
Titre Figure 9 - Utilisez-vous d’autres modes de déplacement en combinaison avec votre NVEI ?
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/tem/docannexe/image/8135/img-9.png
Fichier image/png, 68k
Titre Figure 10 - Êtes-vous d’accord avec ces adjectifs qualifiant votre NVEI ?
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/tem/docannexe/image/8135/img-10.png
Fichier image/png, 39k
Titre Figure 11 - Pour quelle(s) raison(s) préférez-vous votre NVEI aux autres modes ?
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/tem/docannexe/image/8135/img-11.png
Fichier image/png, 66k
Titre Figure 12 - Pour quelle(s) raison(s) seriez-vous intéressé par cet achat ?
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/tem/docannexe/image/8135/img-12.png
Fichier image/png, 79k
Haut de page

Pour citer cet article

Référence électronique

Thibaud Pages, Adrien Lammoglia et Didier Josselin, « Les nouveaux modes de déplacement individuel doux basés sur l’électrique. Attractivité et insertion modale »Territoire en mouvement Revue de géographie et aménagement [En ligne], 55 | 2022, mis en ligne le 10 décembre 2021, consulté le 17 janvier 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/tem/8135 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/tem.8135

Haut de page

Auteurs

Thibaud Pages

LAGAM, Université Paul-Valéry Montpellier 3

Adrien Lammoglia

LAGAM, Université Paul-Valéry Montpellier 3

Didier Josselin

UMR ESPACE 7300, CNRS, Avignon Université

Haut de page

Droits d’auteur

CC-BY-4.0

Le texte seul est utilisable sous licence CC BY 4.0. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.

Haut de page
Rechercher dans OpenEdition Search

Vous allez être redirigé vers OpenEdition Search