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Partie 1. Habitants: se placer, être placé et prendre place

Être ou ne plus être à sa place au PSG ? Analyse des stratégies des indépendants de la tribune Boulogne du stade du Parc des Princes (Paris)

To be or not to be in his place at PSG? Analysis of independents strategies from Boulogne stand of Parc des Princes stadium (Paris)
Gaël Rannou

Résumés

Avant 2010, les supporters dits « indépendants » du club de football du Paris-Saint-Germain avaient territorialisé la tribune Boulogne du stade du Parc des Princes à Paris. En 2010, après la mort d’un supporter lors d’une bagarre, la présidence du club a pris la décision de disperser géographiquement ces supporters indépendants, empêchant leur regroupement dans le stade et remettant ainsi en question leurs dynamiques de territorialisation. Différentes attitudes et stratégies de supporters ont découlé de cette décision institutionnelle. En étudiant en insider et dans une démarche micro-géographique les pratiques de ces indépendants du PSG, cet article interroge la possibilité pour ces supporters de continuer à exister en tant que tels sans territoire.

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Texte intégral

Introduction

1Cet article traite des supporters du club de football du Paris Saint-Germain, dits « indépendants » et appartenant à la tribune Boulogne. Ces supporters se désignent comme tels car ils veulent pratiquer le stade et ses alentours le plus librement possible c’est-à-dire en n’étant pas encadrés par des structures (associations de supporters créées par le club, associations de supporters ultras) permettant de les identifier formellement. Une partie de ces indépendants « forment des bandes informelles, cultivant le secret et recherchant la violence à lencontre des supporters adverses ou des forces de lordre » (Hourcade, 2010 : 165). En cela, ils se distinguent des supporters dits « ultras » qui sont organisés en groupes structurés et associations de type loi 1901 et qui ont pour principal objectif d’animer la tribune même s’ils peuvent être violents pour défendre leur territoire face aux supporters adverses (Hourcade, 2010 : 165). Les indépendants, et particulièrement ceux du PSG, sont problématiques pour les acteurs institutionnels puisqu’ils sont les principaux protagonistes des affrontements, parfois tragiques, qui ont eu lieu au stade parisien du Parc des Princes, ses alentours mais aussi lors des déplacements des supporters du PSG. Pour le club, la police et plus généralement les pouvoirs publics, les supporters indépendants sont difficiles à identifier car ils sont constitués en de multiples bandes. Ces bandes ont pour point commun de se réunir en un même lieu le temps d’un match du PSG et d’appartenir à un même territoire : la tribune Boulogne. En s’attaquant directement à ce territoire, qui cimente leurs identités collectives et individuelles, les acteurs institutionnels cherchent à remettre en cause ces collectifs.

2Le territoire est ici considéré comme « lun des ciments les plus efficaces des groupes sociaux ; dans la mesure, notamment, où il leur confère une véritable consistance matérielle faite de signes et de symboles enchâssés dans des objets, des choses, des paysages et des lieux. » (Di Méo, 2002 : 175). Pour les supporters, ce territoire est symbolisé par des lieux (Debarbieux, 1995) qu’ils s’approprient et qui sont des référents de leur identité territoriale puisqu’ils s’y ancrent et s’y attachent (Debarbieux, 2014) en le pratiquant régulièrement. Concrètement, ces lieux peuvent être un stade, un secteur de celui-ci, des lieux aux alentours comme des parcs, parkings ou des bars ; mais aussi plus largement la ville à laquelle ils sont attachés (Ginhoux, 2011), un quartier, une place publique et divers établissements. De plus, appartenir à une bande d’indépendants implique d’y tenir une place, soit la relation, pour un individu donné, entre une position sociale, un ensemble de normes d’usages et un emplacement occupable (Lussault, 2009). Avoir une place dans une bande renverrait de fait à en faire partie (position sociale) et d’être reconnu (Honneth, [2000] 2013) comme y appartenant par les autres membres. Pour cela, il faut en respecter les règles et les codes pour faciliter l’acceptation des autres (normes d’usages). Mais, en appartenant socialement au collectif, le supporter s’assigne ou s’auto-assigne spatialement aux emplacements caractéristiques de ce dernier, les lieux fréquentés par le collectif dont certains symbolisent son territoire. En somme, le collectif se construit selon deux dimensions : une lutte des places pour l’insertion de l’individu dans le groupe et une lutte pour le territoire pour sa défense par le collectif face à d’autres acteurs (police, dirigeants des clubs, supporters rivaux...).

  • 1 Robin Leproux président du PSG de 2009 à 2011 a instauré ce plan en 2010 pour pacifier le stade du (...)
  • 2 Entendue comme la relation que tisse un collectif ou un individu à son territoire (Di Méo, 2003, 91 (...)

3Or, le territoire des indépendants de la tribune Boulogne a progressivement été remis en cause du fait d’événements violents qui ont accompagné la vie de cette tribune. Le point d’orgue et de non-retour pour les institutions fut le conflit du 28 février 2010 entre des supporters indépendants de la tribune Boulogne et des supporters ultras du virage Auteuil, tous supporters du PSG, ayant mené à la mort d’un supporter indépendant de Boulogne. Cet événement tragique, survenu quatre ans après la mort d’un premier supporter en 2006, entraîne une réponse institutionnelle sécuritaire avec la mise en place en 2010 du « plan Leproux »1. Ce plan de « pacification » vise à favoriser la « mixité sociale » (Hourcade, 2016) entre les tribunes Auteuil et Boulogne en instaurant le placement aléatoire au sein de celles-ci. Les supporters ultras et indépendants, très attachés au stade et à leurs tribunes, ne peuvent se placer où ils le veulent et sont assignés aléatoirement à une place dans l’un des deux virages. Ce placement coercitif casse alors la territorialité2 des collectifs de supporters situés en virage avant 2010, ce que ces derniers n’acceptent pas. Cela entraîne alors un mouvement de placement/déplacement/replacement pour retrouver un régime de territorialité propre au fonctionnement de ces collectifs par le biais d’actions contestataires qui ont accompagné la vie des supporters du PSG à partir de 2010. En effet, les indépendants de la tribune Boulogne et les ultras du virage Auteuil se sont auto-assignés à ne plus se rendre au Parc des Princes à partir de 2010 en raison de la mise en place de ce plan tout en organisant des actions collectives ponctuelles en son sein (en achetant des billets dans les tribunes latérales du stade), aux alentours (manifestations, sit-in) mais aussi lors des déplacements du PSG en France et en Europe. Certains ultras du virage Auteuil ont cependant pu reterritorialiser leur virage en 2016, à la demande de la direction du Paris-St-Germain favorable à ce retour pour retrouver une ambiance au stade.

4Dans cet article, l’enjeu sera de montrer comment se construit la place des indépendants quand ceux-ci ont un territoire mais aussi de voir s’il est possible d’exister comme supporter indépendant sans ce territoire, comme c’est le cas depuis 2010 pour les indépendants de la tribune Boulogne. Il s’agit alors de mettre en visibilité l’évolution de leurs spatialités, évolution qui témoigne d’une volonté d’exister ou de ne plus exister en tant que supporters du PSG.

Enquête par immersion et analyse micro-géographique

  • 3 Dans cet article, comme dans la thèse dont il est issu, les enquêtés sont présentés de manière à ne (...)
  • 4 L’entretien avec Pierre a été réalisé en 2016 dans un bar de Lyon le lendemain matin d’un match Lyo (...)

Les données mobilisées dans cet article ont été recueillies dans le cadre d’une thèse de géographie (Rannou, 2020). L’appartenance du chercheur à la tribune Boulogne depuis 2009 a facilité l’entrée dans un terrain sensible et le recueil de données auprès d’enquêtés méfiants à l’égard des acteurs institutionnels. Si cette enquête par immersion permet de recourir à l’informel du fait de la proximité du chercheur avec les enquêtés, en ayant par exemple accès à leurs anecdotes (Renard, 2011) ; elle a aussi permis d’effectuer des entretiens biographiques (Demazière, 2008) avec des supporters indépendants de la tribune Boulogne ainsi que l’écriture de carnets de terrain (Baribeau, 2005) réalisés à partir d’une participation observante (Soulé, 2007). Appartenir à ce groupe a permis au chercheur de rendre compte des expériences et du vécu des supporters grâce à une posture d’aca-fan : être soi-même supporter tout en ayant en même temps une position académique (Cristofari et Guitton, 2015). D’autres travaux réalisés en immersion au sein de la tribune Boulogne seront également mobilisés dans le cadre de cet article (Broussard, [1990] 2011 ; Wittersheim, 2014).

L’analyse effectuée ici se veut microgéographique au sens où « elle s’appuie sur une unité de base la plus petite possible – ici à la fois l’objet et l’individu. Elle vise à faire surgir des processus voire des structures du fonctionnement plus global de la société. Mais surtout, elle ne cherche pas à faire émerger des significations qui seraient ignorées de ceux qui vivent ce monde » (Petit, 2012 : 52). D’une part, l’approche microgéographique employée ici puise son inspiration des microsociologies afin de « connaître ce que les acteurs eux-mêmes connaissent, à voir ce qu’ils voient, à comprendre ce qu’ils comprennent, à s’approprier leur vocabulaire, leur façon de regarder, leur manière d’établir ce qui, pour eux, est important et ce qui ne l’est pas. Il s’agit d’accéder aux significations accordées par les membres aux événements sociaux » (Lapassade, 1996 : 98). D’autre part, elle s’inspire des travaux de micro-histoire qui « prennent au sérieux une poussière d’informations et [qui cherchent] à comprendre comment ce détail individuel, ces bribes d’expériences, donnent accès à des logiques sociales et symboliques qui sont celles du groupe, voire celles d’ensembles beaucoup plus larges » (Revel, 1996, 12). L’analyse microgéographique mise en place ici ne prétend pas à l’exhaustivité, mais s’appuie sur des récits d’expériences de supporters que l’on peut considérer comme exemplaires des représentations qui coexistent au sein de la tribune Boulogne.

L’article s’appuie plus précisément sur trois expériences de supporters : Gilles (48 ans), Stéphane (49 ans) et Pierre (30 ans)3. Le choix de ces profils est motivé par le fait que ces supporters n’appartiennent ni aux mêmes générations ni aux mêmes mouvances présentes au sein de la tribune Boulogne. Gilles et Stéphane approchent tous deux de la cinquantaine, mais n’étaient pas situés dans les mêmes secteurs de la tribune du fait de leurs appartenances différentes. En effet, le premier s’est abonné au Parc des Princes au milieu des années 1980, est devenu supporter ultra avant de basculer dans l’hooliganisme en étant un des premiers acteurs de la mouvance indépendante au début des années 1990 alors que le second a fréquenté le Parc des Princes à partir de 1990, fortement influencé par la musique et la mouvance skinhead encore présente au stade. Pierre est trentenaire et a connu le Parc des Princes au milieu des années 2000 en devenant un supporter plus attiré par le côté festif des ultras que de la violence liée à l’hooliganisme4.

5L’article sera organisé en trois temps. Tout d’abord, il s’agira de montrer en quoi la tribune Boulogne est hétérogène en termes de cultures du supportérisme. Ensuite, le propos se recentrera sur une de ces cultures, à savoir la mouvance indépendante qui a eu une forte influence au sein de la tribune Boulogne. Enfin, l’analyse portera sur les différentes stratégies adoptées par les indépendants à la suite de leur de-territorialisation du Parc des Princes en 2010 dans le cadre du plan Leproux.

1. La tribune Boulogne, un lieu animé d’éléments composites

6La tribune Boulogne, un des virages du stade du Parc des Princes situés en direction de la commune de Boulogne, a vu le jour en 1978 lorsque le président du PSG, Francis Borelli, a attiré les jeunes au stade en mettant en place un tarif de 10 francs pour 10 matches (Broussard, [1990] 2011 : 193-194). Les premiers supporters bruyants territorialisent cette tribune dans un stade souvent acquis à la cause des supporters visiteurs au vu du peu d’intérêt qu’ont les Parisiens pour l’équipe du PSG. Ces supporters sont influencés par la culture du supportérisme anglais mêlant aussi la culture musicale punk qui fleurit dans la capitale française à la fin des années 1970. La mouvance skinhead emboîte le pas des punks aux alentours de 1982. Cette tribune a donc, dès sa naissance, des racines subculturelles libertaires puisque certains membres s’agrègent autour de valeurs, représentations et significations formant des identités collectives considérées comme non-normatives par rapport à celles promues par la culture "mainstream" (Gelder, 2005, 1). Cela favorise alors des comportements violents du fait de la présence de groupes minoritaires actifs et très visibles sur la scène sociale que représente une tribune. C’est en 1985 que les premiers groupes de supporters organisés dits « ultras » se forment avec la naissance du groupe Boulogne Boys puis des Firebirds. Un autre groupe leur emboîte le pas en 1986 du fait de divisions internes chez les Boulogne Boys. Il s’agit des Gavroches. Ces trois groupes de supporters à tendance ultras se partagent le haut de la tribune en animant Boulogne et organisent l’ambiance par des chants et des chorégraphies tout en ayant la volonté de dialoguer avec le club (Broussard, [1990] 2011, 202). Ces groupes cohabitent en tribune avec des groupes plus violents comme le Commando Pirate qui est tourné vers le hooliganisme et le Pittbull Kop abritant des éléments politisés comme les jeunesses nationalistes révolutionnaires (Broussard, [1990] 2011, 204).

7Dans un entretien réalisé en 2018, Gilles, 48 ans, proche de la mouvance skinhead et indépendant qui fréquente la tribune depuis 1990, dévoile comment cohabite cette pluralité de tendances et surtout ce qu’il y a de commun entre elles en termes identitaires.

« Est-ce-que vous arriviez à faire un ?
Oui ça arrivait, des gros matches où tout le monde est ensemble... oui après ça fonctionnait quand-même. Après c’était la physionomie, plusieurs bandes... une multitude de bandes, on arrivait à se réunir pour les gros matches mais y’avait quand même des petites familles un peu partout avec ses différentes composantes.

Quest-ce que tu appelles composantes ?
Certains c’était pour le côté politique qu’ils étaient ensemble, d’autres c’était musical, y avait des liens communs entre les gens qui faisait l’identité des bandes quoi. Des bandes... des groupes d’amis on va dire. Bande c’est un grand mot ! Des affinités quoi, des affinités entre les gens.

Mais quel était le lien qui peut vous réunir tous ?
Bah c’était le PSG. C’était le côté fan du PSG. Ça faisait l’unité voilà. Après c’est plutôt le Kop Of Boulogne (K.O.B), c’est plutôt être pensionnaire du K.O.B. Ça faisait aussi une identité, un lien. Après le PSG aussi, mais on n’a pas toujours été d’accord avec les trucs de la direction. À la base on va dire que c’était le PSG et dans l’étage en dessous c’était le K.O.B. Après, on va dire qu’on était peut-être plus supporters entre guillemets du K.O.B que du PSG. C’est le lieu qui nous rassemblait quoi, le lien commun. »

8Ces propos montrent que la tribune Boulogne, « au-delà du problème de la violence et de la récupération politique […] constitue une fascinante microsociété […] Déjà, du point de vue géographique, elle était subdivisée en secteurs. Chaque clan évoluait sur un territoire bien déterminé […] Au-delà dun désordre de façade, il existait donc bel et bien un rigoureux partage de la scène, de ces marches de béton quils avaient fini par considérer comme leurs. Par-delà une apparente anarchie, les personnages semblaient sy mouvoir dans un ordonnancement parfait, respectueux dune hiérarchie tantôt officielle tantôt officieuse. » (Broussard, [1990] 2011, 210-211). Le socle du supportérisme au sein de la tribune Boulogne s’est donc bâti sur une pluralité de tendances où se côtoient, parfois violemment, des passionnés du PSG, des ultras, des hooligans, des punks et des skinheads.

2. Le développement d’un esprit indépendant qui perdure au sein de la tribune Boulogne

9Un esprit se dégage globalement à la fin des années 1980. Il s’agit de l’indépendance autoproclamée d’une génération de supporters accentuée par un changement de direction du club et des rapports difficiles avec celui-ci. Il faut ajouter à cela une volonté de ne plus être encarté dans les associations de supporters ultras jugées trop structurantes. Pour appuyer cette idée, trois trajectoires individuelles de supporters de la tribune Boulogne sont convoquées ici. Tout d’abord, Stéphane, 49 ans, membre de la tribune Boulogne depuis le milieu des années 1980 et indépendant à partir de 1991, explique comment est né le mouvement indépendant à Paris dans un entretien réalisé en 2016.

« Beh au départ tu avais « Maxwell » qui voulait racheter le PSG et en fait comme ils étaient pas de très bons potes avec Chirac qui était maire de Paris, Chirac est intervenu et a plus ou moins forcé la main pour que ce soit Canal+ qui reprenne le PSG. Tu vois des mecs arriver qui voient des mecs dans leur stade mais ils savent même pas qui c’est et ils s’en carrent quoi. Donc c’est pas que ça crée une distorsion, c’est que nous on s’en fout en plus donc on a décidé de faire notre life comme on voulait quoi. Et puis en plus on est dans les années 90 en pleine explosion des mouvances partout en Europe et là on commençait tous à avoir quelques années d’expérience sur les déplacements et il était temps de passer l’étape d’après qui était alors de commencer à s’envoler un peu plus loin quoi. »

10Ici Stéphane met en visibilité le mépris que semblait avoir la nouvelle direction du club (Canal +) pour les supporters à leur arrivée en 1991. La trajectoire de Stéphane est représentative d’une partie des jeunes qui étaient abonnés et encartés dans des groupes ultras depuis le milieu des années 1980 et qui commencent à faire évoluer leur manière de supporter le club par des influences culturelles venues d’Angleterre ou des Pays Bas qui sont en vogue du fait de la réputation violente des hooligans anglais ou hollandais. Ainsi, les codes changent et beaucoup d’anciens ultras se détachent peu à peu du groupe auquel ils appartenaient pour devenir indépendants dans la manière de se déplacer pour les matches à l’extérieur (pour ne pas être encadré par la police) mais aussi au Parc des Princes où ils se placent en retrait des associations qui sont les plus visibles donc contrôlées par les forces de l’ordre. Stéphane devient alors adepte d’un modèle tourné vers le hooliganisme et l’appartenance à une bande d’indépendants appelée Firm en anglais ou Side en Belgique et aux Pays Bas. Ces bandes sont très organisées pour mettre en œuvre des actions violentes contre des hooligans rivaux. En effet, ceux-ci tentent de passer inaperçus dans l’espace du stade et de ses alentours grâce à l’usage de codes vestimentaires plus discrets que les supporters ultras munis de signes d’appartenance à leur groupe ou leur club donc plus facilement identifiables par les pouvoirs publics. Même si se détacher d’un groupe ultras pour en constituer un nouveau peut paraître paradoxal, être dans une bande d’indépendants semble différent aux yeux de Stéphane.

« Après voilà tu évolues et puis, voilà, moi je ne suis pas une personne qui souhaite avoir un mec derrière son cul qui lui dit voilà « faut que tu fasses ça » et donc encore pire avec le club et les stewards, on a décidé de faire ce qu’on voulait quand on voulait. On est au-delà de... on n’est pas dans le recrutement. Déjà tu payes ta cotis’ donc tu es dans un groupe, tu te dois de faire ça comme ça, machin... et puis surtout faut que tu chantes ça comme ça... là t’es dans des firms et les firms c’est avant tout des amis. Donc ce lien là il est plus fort qu’un côté hiérarchie et obligations « droits et devoirs ». Quelque part, tu en as toujours un peu mais c’est des gens que tu côtoies en permanence dans ta vie de tous les jours donc t’es plus sur ces rapports-là. Et les délires t’en fais tellement que c’est pas parce que tu vas pas à un match que le mec il va passer pour ce qu’il n’est pas. ».

11Ici, le côté humain et affectif semble être prépondérant dans le choix de quitter un groupe structuré avec d’autres amis pour créer sa propre bande regroupée par affinités. Les choix de place tant sur le plan social (être indépendant de toute structure) que spatial (être dans telle ou telle partie de tribune) est motivé par l’envie de pratiquer le stade de la manière la plus libre possible et en co-présence immédiates des supporters avec qui l’on a le plus d’affinités. Même s’il ne fait pas partie d’une Firm à proprement parler, Gilles qui est skinhead a sensiblement la même trajectoire que Stéphane dans son envie d’indépendance.

« J’ai dû faire deux ou trois ans aux Boys parce que j’avais des potes, toujours le côté humain (rires), j’avais des potes par rapport à la zik « viens on est aux Boys » donc bon on va monter aux Boys. Après les Boys ça m’a un peu soûlé. Le côté ultras, tu rentres, tu vas à ta place, tu chantes... C’était un peu chiant. Ça avait l’air trop organisé pour moi quoi. Tout en respectant ce qu’ils faisaient mais c’était chiant... trop carré. Trop organisé, suivre tout ça, puis la place... les mecs c’était un peu « ouais c’est ma place » ... après je suis allé en bas, en tribune R2 (étage inférieur gauche de la tribune). On arrivait quand on arrivait, on suivait quand même le match mais là-haut je trouvais que ça manquait de liberté. C’était un peu trop encadré. En bas, c’était plus cool, plus sympa. Après il y avait des limites, on faisait pas n’importe quoi non plus mais c’était plus fun en bas. »

12Ces témoignages rejoignent les analyses d’Éric Wittersheim à ce sujet. Durant les années 1990, l’auteur avait montré que « le refus dadhérer à un groupe souligne aussi une réticence à se voir dicter ce quil faut faire par qui que ce soit » (Wittersheim, 2014 : 122). Cette imposition d’une position sociale et d’une occupation de l’espace (assignation) propre aux groupes ultras entraîne alors un dé-placement de certains supporters qui ne sont pas en accord avec ce régime de placement (désignation) pour en choisir un plus conforme à leurs attentes (auto-assignation). Ce nouveau placement est, selon eux (auto-désignation), plus libre. Cependant ces jeux de place peuvent-être paradoxaux car, finalement, appartenir à une Firm ou être situé dans les parties basses de la tribune Boulogne peuvent être, pour d’autres supporters, contraignant car ces espaces sont aussi régis par des règles et une violence plus prononcée que chez les supporters ultras. En somme, si le supporter qui a choisi la voie de l’indépendance en quittant les groupes organisés pense ne plus être « déterminé par cette cage, il se détermine pour autant lui-même à travers le monde qu’il forme. Et cette détermination peut être parfois plus limitative que la cage elle-même. Seulement, il semble garder espoir et utopie dans sa liberté ainsi conquise. La liberté individuelle et collective de s’enfermer dans son propre monde, dans sa propre réalité et d’agir en conséquence de cette réalité ou par anticipation de la réalité voulue comme déterminante des actions désirées » (Hoyaux, 2015, 374). Ces jeux de places dévoilent aussi la complexité à pouvoir catégoriser la tribune Boulogne comme étant une et indivisible tant au niveau social que spatial. L’illustration n°1 ci-dessous montre que le dé-placement des collectifs est aussi lié à la sectorisation du haut de la tribune en 1993 et du bas en 1996.

Illustration n°1 : répartition des entités au sein de la tribune Boulogne entre 1991 et 2008

Illustration n°1 : répartition des entités au sein de la tribune Boulogne entre 1991 et 2008

Source : Gaël Rannou, 2019

13Au-delà des matchs à domicile, la particularité des indépendants est leur manière de se déplacer pour les matchs du PSG à l’extérieur. En effet, ceux-ci se déplacent par leurs propres moyens et non par les transports affrétés par le club ou les associations de supporters ce qui les rend plus difficilement identifiables par les autorités. Au-delà de ça, Pierre, 30 ans et jeune indépendant de la tribune Boulogne depuis la fin des années 2000, parle de cet esprit qui a perduré chez certains membres de la tribune dans un entretien réalisé en 2016.

« Juste pour souligner l’esprit et le côté indep, le côté indep et le... disons... la passion liée à l’amitié. C’est à dire que, beh le côté indep aussi, encore différent du côté ultras, c’est qu’on bouge quand on veut avec ses propres moyens certes, mais on se retrouve avec ses potes dans un pub, on va boire des bières, on rigole, jusqu’au... jusqu’au moment du match. Enfin c’est le côté convivial de la chose aussi. Faut pas voir le football comme faire 1000km, aller voir un match et repartir. C’est pas ça non plus, c’est aussi visiter la ville, c’est aussi nouer des liens avec des gens qu’on connaît peu ou qu’on connaît bien mais justement entretenir ces liens et puis aussi c’est une partie de plaisir surtout. Donc à travers ce qui se passe et au-delà de ce qui peut se passer après, qu’il y ait des heurts entre supporters, ce qui peut arriver tout à fait mais y a ce côté... ce côté festif au déplacement... au déplacement en général, qu’on soit en France ou en Europe. »

14Or, malgré le côté festif qui est prépondérant chez les supporters, l’émergence du hooliganisme et de comportements individuels violents font que cette tribune s’est vite acquise une réputation violente au cours de son histoire et, en particulier, depuis le début des années 1990 avec l’émergence des indépendants et ce jusqu’à 2010. Durant ces vingt années, des incidents, dont la liste exhaustive serait trop longue, ont entraîné une remise en cause institutionnelle et une remise en ordre de la tribune Boulogne pour enrayer la violence. Le point d’orgue de cette remise en cause a lieu en 2010 à la suite d’incidents entre certains ultras du virage Auteuil et des indépendants de la tribune Boulogne (voir l’illustration 2 ci-dessous), tous supporters du PSG mais en conflits durant les années 2000 pour des raisons territoriales mais aussi d’idéologies politiques. Depuis août 2010 et la mise en place d’un plan de sécurité, les supporters indépendants de la tribune Boulogne boycottent alors le Parc des Princes car ils ne sont pas en accord avec la direction du Paris-St-Germain et les conditions imposées par ce plan.

Illustration n°2 : Répartition des groupes ultras et indépendants au Parc des Princes en 2009

Illustration n°2 : Répartition des groupes ultras et indépendants au Parc des Princes en 2009

Source : Gaël Rannou, 2019

3. Le plan Leproux et la perte du lieu : des stratégies différentes opérées par les indépendants

15En cassant la territorialité des supporters des deux virages abritant des ultras et des indépendants, ceux-ci (virage Auteuil et tribune Boulogne confondus) se sont auto-assignés à ne plus se rendre au stade car le placement y est jugé trop coercitif. Cela entraîne la perte du lieu porteur de leur identité de supporters du PSG. Concernant Boulogne, les différentes bandes d’indépendants se retrouvent sans structure spatiale avec la perte du lieu qui permettait le rassemblement et le partage d’une identité commune de supporters du PSG et de membre de la tribune Boulogne. C’est ce que montre, ci-dessous, l’extrait d’entretien réalisé avec Gilles en 2018.

Tu as une nostalgie du temps où tu étais en tribune ?
Oui, c’est clair ! On a passé des bons moments, on s’est quand-même bien marré ! Le côté humain tout ça, c’était marrant. Tu avais ce rendez-vous toutes les deux semaines voire plus avec la coupe d’Europe et tout. C’était un lieu, tu te retrouvais.... Ouais c’est la nostalgie du K.O.B quoi. Ça faisait un lien... tu vois quelqu’un « ah t’es à Boulogne toi aussi... » voilà. Tu faisais partie entre guillemets d’une même famille. T’appartenais à un truc quoi même si ça avait mauvaise réputation.

Quest ce qui a changé du coup ?
Bah du coup ça a pété des liens pour revenir sur le côté humain. C’est des gens qu’on voyait au Parc, à Boulogne, et qu’après tu as plus vu...c’est ça quoi, c’était le point de ralliement. Puis c’était un peu un repère, tu savais qu’à telle ou telle date t’allais au Parc, tu as des repères... »

16Cette perte du territoire (le lieu de la tribune et les alentours du stade qui ne sont plus fréquentés) tend les relations entre le club et les supporters. Une relation d’amour/désamour s’est progressivement instaurée au point où certains supporters comparent leur club à une ex-compagne qu’ils ont tant aimé mais qu’ils détestent désormais. Ce sentiment métaphorique qui peut prêter à sourire a cependant des conséquences sur les spatialités des supporters, en particulier celles des indépendants qui ont toujours eu des relations ambiguës avec le club et le football en général. Trois trajectoires de supporters se dégagent alors :

  • ceux qui ont totalement arrêté de supporter le PSG,

  • ceux qui continuent à se déplacer pour le PSG et la tribune Boulogne,

  • ceux qui se re-placent dans d’autres contextes du fait de leurs réseaux d’amitiés avec des supporters d’autres clubs français ou européens mais aussi par la pratique du groundhooping5.

17Tout d’abord, la première trajectoire est celle des supporters qui ne vont plus au stade (à domicile comme en déplacement) et qui regardent tout cela de loin. Pour certains, ils ont tout abandonné, que ce soit leur passion pour le PSG, leur tribune et la culture du supportérisme à laquelle ils ont appartenues. Pour d’autres, ils ne renient pas leur passé d’indépendant et entretiennent leurs relations amicales puisque, pour beaucoup, faire partie d’une bande d’indépendants reste une histoire d’amitiés. Dans chacun des cas, ils s’auto-assignent à ne plus avoir de place au sein du PSG comme c’est le cas pour Stéphane.

« Pourquoi cet arrêt ?
L’évolution du football, les priorités. Mais surtout l’évolution du football où aujourd’hui pour avoir un ticket, vu nos antécédents à tous et la main mise des pouvoirs publics dans le football actuel font qu’on est plus éloignés des stades que présents. […]

Pour toi cest le contexte actuel...
Bah on aura mis longtemps à américaniser le football. On l’américanise comme les Américains font pour le basket ou le foot américain. Je veux dire c’est des produits télé, de spectacle. Avant c’était parce que c’était ancré dans la vieille Europe comme un truc particulier. Mais aujourd’hui l’argent fait que tu en fais un sport business comme les autres. »

18Ici, la critique de la modernité et de la financiarisation du football est présente chez Stéphane qui a coupé ses liens avec le PSG depuis que le club a été racheté par le Qatar en 2011, prenant ainsi une nouvelle dimension économique. De plus, l’aspect sécuritaire entourant le contexte du PSG est aussi prépondérant dans son choix d’arrêter d’être actif au stade en tant que supporter du PSG. Malgré ce contexte, d’autres supporters continuent toujours à se rendre aux matches du PSG en déplacement.

19En effet, la deuxième trajectoire montre que les matches à domicile ne constituent pas les seuls référents identitaires des supporters indépendants puisque ceux-ci sont aussi connus pour se déplacer lors des matches de leur équipe à l’extérieur. Or ils ne leur restent désormais plus que ces déplacements pour exister en tant que supporters indépendants de la tribune Boulogne. Le supporter indépendant, avec le plan Leproux, se « retrouve donc déplacé, tant du point de vue des endroits quil occupait que des positions sociales quil tenait. Dune certaine manière, il semble être assigné à de nouveaux emplacements et désigné à de nouveaux statuts dans la société [le monde des supporters]. Il se confronte alors au double jeu des mobilités spatiales et sociales [...] un jeu de mobilités (aller vers des espaces par la pratique physique) et de mobilisations (aller vers des espaces par la pratique mentale) sengage alors, qui permet à lêtre humain de se dé-placer, cest-à-dire dêtre re-positionné (par désignation) ou de se re-positionner (par auto-désignation) socialement à travers lassignation ou lauto-assignation à de nouveaux emplacements. » (Hoyaux, 2015, 374-375). De ce fait, sans d’autre choix possible pour faire vivre la tribune Boulogne, ses membres doivent faire le choix de se dé-placer par le déplacement (au sens de mobilités, de mouvements dans l’espace) comme l’explique Pierre.

« Pour moi disons que le parc, il est, de toute façon il est... comme dit le slogan il est mort. Et... il n’y a plus que ce côté indep, rejoindre ses potes, faire les déplacements, de toute façon, ce côté-là prime depuis 2010... Tu rejoins des potes à toi qui sont dans un bar lors d’un déplacement, et quelque part ça casse aussi une certaine... ça casse aussi, faut se le dire, la routine de la semaine où tu as ton train-train quotidien et justement c’est une sorte d’adrénaline, une sorte de plaisir que tu as d’être avec tes potes et donc de casser cette routine. »

Mais tes obligé de changer tes pratiques ?
Oui exactement. Beh par rapport aux interdictions, de toute façon maintenant je me considère plus comme, enfin, on est plus assimilé à des indeps de toute façon parce qu’on est toujours obligé de mener cette vie un peu de nomade. Enfin, de vagabonder un peu tout en sachant qu’on peut se faire prendre à n’importe quel moment. Donc t’es obligé de, beh tu prends le train, ça te coûte de l’argent, il te faut tout le temps une chambre d’hôtel quelque chose comme ça et puis tout en sachant que le match c’est possible que tu ne le vois pas non plus. Donc y a une partie frustrante aussi car le but aussi c’est de venir pour ton équipe. ».

20Plusieurs éléments intéressants ressortent de cet extrait. Ici, il n’y a pas qu’au Parc des Princes que les supporters ont été ciblés par les institutions mais aussi en déplacement. De nombreux arrêtés préfectoraux en France voire inter-ministériels en Europe ont interdit aux supporters de se rendre dans les villes qui reçoivent le PSG. Pierre relate alors le fait qu’il faille obligatoirement être un indépendant aujourd’hui pour pouvoir se déplacer et passer entre les mailles du filet institutionnel. Face à un contexte où les supporters se voient fréquemment interdits de déplacements, ceux-ci ont dû mettre en œuvre des actions demandant des compétences spatiales notamment en termes de placement et de franchissement pour se rendre dans les villes et les stades hôtes des matches. En effet, il a fallu se dé-placer de manière individuelle afin de se regrouper collectivement dans ces lieux ce qui constitue une offense spatiale pour les institutions du fait de l’intrusion de supporters indésirables. Ce dé-placement passe par des compétences de franchissement impliquant une connaissance « de lespace et de la spatialité en général, mais aussi de lespace particulier de la situation dexpérience quil a à vivre et des registres de spatialité quelle impose ou suggère. » (Lussault, 2009, 93). Ainsi, les déplacements sont de plus en plus planifiés dans le choix des lieux et impliquent de se mobiliser mentalement (vers le lieu où le supporter se rendra) pour anticiper les situations en vue de se rendre au stade et/ou d’organiser la violence. L’extrait de carnet qui suit et dans lequel le chercheur est protagoniste montre comment les indépendants s’organisent pour parvenir à se rassembler dans un contexte où la ville et la présence au match leur sont interdits.

Ajax Amsterdam/Paris St-Germain : 16-17/09/2014

Un arrêté municipal émis par la ville d’Amsterdam interdit la venue de tout supporter du PSG du mardi soir au mercredi soir (jour du match). Ce match est classé à haut risque car les supporters des deux camps abritent des franges violentes pouvant en découdre. Comme je suis habitué à ce genre d’arrêtés, je me déplace quand même dans l’espoir de trouver un ticket, mais cela est impossible du fait de ma nationalité. De plus, je me dois d’être discret car je suis rejoint par un ami de ma tribune en fin d’après-midi et que nous sommes censés être interdits de ville en tant que supporters du PSG. Or, nous ne portons pas de signe distinctif ce qui évite d’éveiller des soupçons. En effet, de nombreux touristes français peuvent aussi être présents à Amsterdam sans être supporters du PSG. Nous passons la soirée dans un bar du centre-ville discret et peu fréquenté un mardi soir. Nous croisons aussi une trentaine d’anciens indépendants de Boulogne qui ont aussi bravé l’interdit en se regroupant sans être encadrés par un dispositif policier dans le centre-ville.

Arrive le jour du match. Je suis rejoint le matin par deux jeunes indépendants qui viennent d’arriver. Nous allons dans un bar qui borde un canal non-loin de la gare pour prendre la température. Une information nous parvient comme quoi il faut se rendre à Utrecht où les indépendants de Boulogne doivent se regrouper afin de respecter l’arrêté et d’éviter les problèmes avec la police. Nous prenons un train et arrivons à Utrecht. Nous sommes entre soixante et quatre-vingt répartis sur deux bars. Un rendez-vous a été proposé aux hooligans d’Amsterdam que ceux-ci déclinent car c’est trop éloigné de leur ville. Cependant, des hooligans d’Utrecht viennent à notre rencontre pour fixer un rendez-vous également. Il y a un antécédent entre les deux camps et l’on peut considérer les hooligans d’Utrecht comme des rivaux d’où le choix de cette ville pour se rassembler. Nous sommes dans l’attente d’un éventuel affrontement toute l’après-midi mais les hooligans d’Utrecht sont devancés de très peu par la police qui charge en notre direction. Nous sommes nombreux à penser qu’il s’agissait de hooligans mais une fois les brassards sortis le doute fut levé. Nous sommes près d’une soixantaine à être arrêtés et mis en garde à vue sous le regard de badauds, journalistes mais aussi des hooligans d’Utrecht qui commençaient à entourer le bar où nous étions. Après six heures de garde à vue nous sommes relâchés et réexpédiés à l’endroit de l’interpellation. Certains retournent en France tandis que je retourne à Amsterdam avec quelques indépendants. Encore un déplacement de plus sans pouvoir aller dans la ville hôte de l’événement et sans pouvoir assister au match. La question est de savoir que si nous avions été autorisés à aller au match, la violence n’aurait peut-être pas été le motif principal du rassemblement de certains indépendants et il n’y aurait pas eu toutes ces stratégies de contournement pour seulement voir un match dans un bar et/ou se battre avec des supporters locaux.

Extrait de carnet de terrain. Source : Gaël Rannou, 2014

21Ici, cette préparation est le fait des supporters indépendants puisque la plupart des supporters ne se déplacent pas en cas d’interdiction car la vente de billet leur est, en général, interdite pour les matches à risque. Le motif du déplacement est alors de se rassembler pour partager des moments d’amitiés puisque les déplacements européens sont l’occasion pour les indépendants de se retrouver (ce qu’ils ne peuvent plus faire à domicile ou alors en dehors des matchs). Un bar est ensuite choisi ce qui permet de voir le match à la télévision, même si pour certains indépendants la principale motivation est l’affrontement avec les supporters rivaux. Dans le cas relaté ci-dessus, la stratégie de contournement n’a pas fonctionné car malgré le respect des règles imposées par les autorités, les indépendants du PSG se sont fait interpeller préventivement et massivement sans avoir, à ce moment-là, commis d’actes répréhensibles. Or, la plupart des déplacements effectués par les indépendants depuis 2010 ont été anticipés de la sorte par les pouvoirs publics, comme en témoignent les exemples du tableau ci-dessous.

Exemples de déplacements européens interdits pour les supporters indépendants entre 2010 et 2015 :

Destination/Date

Nombre

Conséquences

Bratislava 2011

150-200

Bloqués devant le stade

Salzbourg 2011

60-80

Bloqués en ville

Porto 2012

Environ 80

Seule une petite délégation d’une dizaine d’indépendants a pu entrer au stade

Zaghreb 2012

70- 80

Arrêtés à la frontière croate

Bruxelles 2013

Environ 150

Garde à vue massive la veille du match dans un quartier périphérique de la ville avant une bagarre planifiée.

Malmö 2015

40-50

Bagarres et une vingtaine d’indépendants en garde à vue.

Source : Gaël Rannou, 2018

22Ces quelques événements (non-exhaustifs) montrent qu’il est de plus en plus difficile pour les supporters indépendants de se déplacer sans se confronter aux pouvoirs publics. Ce tableau montre également que la plupart des déplacements sont effectués en Europe car les affiches sont plus propices à des bagarres entre hooligans. L’impossibilité et la non-volonté de ne pas avoir accès au Parc des Princes couplée à des échecs lors des déplacements entrepris essoufflent les activités des indépendants de la tribune Boulogne.

23Enfin, une autre trajectoire type est celle des indépendants du PSG qui se re-placent au sein d’autres contextes où ils ont tissé des amitiés personnelles avec des supporters d’autres clubs français ou étrangers. En effet, nombreuses sont les relations individuelles entre des indépendants de la tribune Boulogne et des supporters d’autres clubs sans pour autant créer de jumelages officiels comme le font les supporters ultras adeptes de cette pratique. Gilles incarne cette trajectoire, car il a toujours entretenu des amitiés avec d’autres supporters européens ce qui lui permet de continuer à vivre sa culture de supporter.

« Et maintenant comment vis-tu ta passion de supporter ? As-tu totalement abandonné ?
Bah disons qu’à l’époque du PSG, déjà on allait à droite à gauche au niveau du foot... on essayait de voir d’autres lieux que, enfin d’autres clubs que le PSG. Donc là ça a été l’occaz’ de... après toujours en rapport avec des rencontres, de découvrir d’autres endroits. Par exemple avec la Lazio, l’Italie. Découvrir l’Italie au niveau du foot c’était l’occasion... avant c’était plus l’Angleterre, les vingt années précédentes. Là on redescend sur le sud, découvrir l’Italie, enfin pour ma part.

Comment se construit ce réseau ?
Bah comme je te disais, ça reste de l’humain. C’est des rencontres, tu vas à tel endroit, untel connaît untel... on peut appeler ça l’européenne connerie (rires). Après c’est ça ouais, tu connais des gens d’un club, tu y vas, tu vois... après toujours en rapport avec le même type de tribune qui soit un peu ultras, ce délire-là quoi. Pas le côté groundhopping, c’est plus le côté tu vas en tribune car tu connais des gens. Après c’est différent, le PSG c’était notre club, notre ville. Après c’est sûr, tu vas un peu à droite à gauche, c’est un palliatif mais bon t’as pas la même attache mais c’est le foot populaire comme on dit... l’attache c’était ça. Quand tu regardes actuellement à Paris, si tu vois la photo des tribunes et tu vois les fumis machin, tu te dis tiens dans un sens c’est bien pour Paris mais bon après quand tu creuses et que tu vois ce qu’il y a vraiment derrière bon bah, les restrictions les machins... les mecs ils entrent en tribune, ils sont accompagnés par la sécurité pour mettre des bâches ou quoi, tu te dis que c’est loin de ce qu’on connaissait nous en tribune, le côté un peu autonome. Là c’est même les déplacements encadrés, ils peuvent rien foutre, aller de villes en villes faire des déplacements en bus... tu arrives dans le parcage, tu ressors, tu es dans le bus, t’as rien vu de la ville... pour moi c’est pas comme ça que je vois le football. Moi ma vision du foot, c’est le côté humain, les potes puis après tu bouges, tu découvres des endroits. Tu vas au stade mais après en même temps tu échanges des contacts avec d’autres personnes d’autres clubs, ça se crée au fil du temps quoi. Je pense pas que tu puisses rester bloqué à connaître que des mecs de Paris... c’est pas trop ma mentalité. Le foot tu as des échanges, on le faisait avant qu’il y ait internet et ainsi de suite... on arrivait à avoir des contacts maintenant ça doit être encore plus pratique. »

24En se justifiant de ses choix par la désignation de l’autre et son assignation à une place, Gilles se re-place dans des contextes qui correspondent plus à son imaginaire en termes de supportérisme et des valeurs qu’il accorde au football qui se doit d’être populaire pour lui. Cependant, sa passion de tribune passe par des liens d’amitiés et des contacts sur place lui permettant d’être intégré au sein du contexte local. Ainsi, en se re-plaçant, il compose de nouveaux territoires qui lui permettent d’entretenir sa culture de supporter ce qui le différencie des « groundhoppers ».

25En effet, les amateurs de groundhopping ont pour but d’aller voir des matches dans des stades inédits pour profiter de l’ambiance proposée par les supporters locaux. En ce sens, ils sont des touristes des stades et connaisseurs des gradins. Cette mouvance qui vient d’Allemagne permet à certains indépendants de Boulogne de garder un pied dans la culture de tribune en multipliant les matches en Europe sans avoir d’attaches particulières avec les supporters des clubs qu’ils vont voir. En ce sens, ils ne cherchent pas à se construire une place de manière durable au sein de ces contextes comme c’est le cas de Pierre adepte de cette pratique.

« Cette passion elle consiste à aller visiter... pour moi, avant de faire de nouveaux stades, c’est avant tout de découvrir de nouvelles cultures ultras, de voir comment, à l’extérieur, dans d’autres pays, ils pratiquent, et comment ils vivent leur culture. Ça déjà, pour moi, c’est le plus intéressant. Ensuite vient s’ajouter à ça la visite d’une nouvelle ville même s’il y a des villes qui ne sont pas très glamours, y a des pays que je préfère à d’autres [...] À savoir que ce qui est le plus intéressant ce n’est pas d’aller à Bernabeu ou au Camp Nou ou dans des gros stades. Le plus intéressant quand tu commences à avoir pas mal de stades c’est justement d’aller dans les petites divisions […] Ce qui est intéressant c’est d’aller voir en 3ième, 4ième division qui est encore professionnelle en Angleterre pour voir et sentir une réelle ambiance. Pareil pour l’Italie, aller à l’Inter ça peut être sympa parce que ça reste l’Italie et que ça reste des grosses chorégraphies, aller au Milan AC pareil... maintenant en allant rien que dans des clubs de série D, série C, tu te rends compte de l’investissement des personnes, tu te rends compte de ce que c’est réellement que le mouvement ultras […] Du dévouement à leur club et de leur passion pour le football. La base de tout, ce qui nous réunit c’est le ballon et donc de la passion pour le football. »

26Ici, Pierre privilégie certaines destinations et zones géographiques. En ce sens, il convoque des imaginaires géographiques qui deviennent des référents et qu’il compare au supportérisme français. Ces référents se construisent toujours dans une quête du vrai et de l’authentique et en opposition au faux et au frelaté qui est lié, selon lui, au football business et à la modernité. C’est donc à partir d’un imaginaire social (les attentes qu’il a d’un match, d’un stade, des supporters etc...) qu’il reconfigure ses spatialités.

Conclusion

27Cet article a montré l’existence de plusieurs niveaux dans les jeux de place concernant les supporters indépendants. Les indépendants sont apparus au Parc des Princes au début des années 1990 dans une stratégie de distinction vis à vis du club qui voulait encadrer les supporters mais aussi vis à vis des groupes de supporters ultras qui représentent une structure avec ses hiérarchies, ses règles et ses codes qui ne correspondent plus à l’esprit de certains supporters. Les indépendants se dé-placent vis-à-vis de ces groupes et se re-placent pour se réunir en bandes ou en groupes d’amis afin de pratiquer le stade différemment et plus librement selon eux. La tribune est alors composée d’une multitude d’entités plus ou moins unies selon les circonstances. En somme, le seul lien qui semble unir les différents membres de la tribune est l’appartenance au lieu (la tribune Boulogne) qui est considéré comme un territoire auquel ils sont attachés.

28Cet attachement se manifeste d’autant plus par la perte du lieu engendré par une pléiade d’incidents qui ont pour conséquence la mise en place d’un plan de sécurité qui vise à casser la territorialité des groupes de supporters. Face à ce plan, les supporters décident de boycotter le stade donc leur tribune pourtant porteuse de leur identité collective. Cette déterritorialisation entraîne un dé-placement des supporters à l’échelle individuelle mais aussi un sentiment de nostalgie qui peut produire un désarroi identitaire (Di Méo, 2016). En effet, le lien entre le territoire et la place, la territorialité et la spatialité, le collectif et l’individu est indispensable pour comprendre les mécanismes identitaires des supporters. Ici, ils tentent de se re-placer individuellement dans le but de retrouver une territorialité et donc de reterritorialiser collectivement des lieux qui, par leur pratique, construisent l’identité collective mais aussi individuelle des indépendants. En continuant à se mobiliser lors des déplacements de leur équipe à l’extérieur, ces supporters ont tenté de faire perdurer l’histoire de la tribune Boulogne et une identité finalement très labile. Cependant, au bout de huit années sans leur territoire, les effectifs s’amenuisent avec un manque de renouvellement générationnel et un manque de motivation au vu des risques encourus dans un contexte où les supporters sont souvent interdits de déplacement. Face à ce constat, certains supporters continuent à supporter le PSG en se déplaçant régulièrement, d’autres arrêtent totalement. Chacun de ces choix est motivé par des questions ayant trait à des valeurs et une quête prétendue d’authenticité entre ceux qui veulent faire perdurer 40 ans d’histoire et d’autres qui se refusent à « collaborer » avec un club qui les a bannis.

29En outre, ce travail a montré un autre type de trajectoire qui est une sorte d’entre-deux. Il s’agit des supporters qui entretiennent leur culture de tribune en se re-plaçant dans un ailleurs qui correspondrait à leur manière de vivre leur passion du football et du supportérisme. Cela met en visibilité la capacité qu’ont les supporters indépendants à s’adapter ou se désadapter de leur condition dans une quête identitaire et d’authenticité en mobilisant des imaginaires géographiques plus conformes à leurs dîtes valeurs et en essayant de se re-placer en leur sein. Cependant, la construction de la place des supporters dans un ailleurs se fait de la même manière avec des jeux de désignations, d’auto-désignations, d’assignations, d’auto-assignations qui sont le propre de l’humain. Ces re-placements peuvent paraître paradoxaux puisque se dé-placer d’un contexte coercitif ou sécuritaire peut entraîner un re-placement dans un autre contexte parfois plus coercitif, notamment en Italie et en Angleterre, où la place des supporters aux tendances ultras ou hooligans sont remises en cause. Enfin, d’autres contextes offrent ce que les supporters désignent comme étant la liberté mais pour combien de temps encore dans un monde du football globalisé où le supporter occupe, finalement, peu de place ?

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Notes

1 Robin Leproux président du PSG de 2009 à 2011 a instauré ce plan en 2010 pour pacifier le stade du Parc des Princes.

2 Entendue comme la relation que tisse un collectif ou un individu à son territoire (Di Méo, 2003, 919).

3 Dans cet article, comme dans la thèse dont il est issu, les enquêtés sont présentés de manière à ne pas être reconnaissables dans le microcosme du hooliganisme. Leurs caractéristiques se limitent donc ici volontairement à une présentation restreinte de leur vie de stade.

4 L’entretien avec Pierre a été réalisé en 2016 dans un bar de Lyon le lendemain matin d’un match Lyon/PSG (28 février 2016). L’entretien avec Stéphane a été effectué à son domicile en 2016 et l’entretien avec Gilles s’est déroulé à Catane, en 2018, lors d’un déplacement du PSG pour un match en Italie.

5 Le groundhooping désigne le tourisme des stades. Voir : http://www.slate.fr/story/101005/profession-groundhopper

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Table des illustrations

Titre Illustration n°1 : répartition des entités au sein de la tribune Boulogne entre 1991 et 2008
Crédits Source : Gaël Rannou, 2019
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/tem/docannexe/image/7148/img-1.png
Fichier image/png, 116k
Titre Illustration n°2 : Répartition des groupes ultras et indépendants au Parc des Princes en 2009
Crédits Source : Gaël Rannou, 2019
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/tem/docannexe/image/7148/img-2.png
Fichier image/png, 195k
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Pour citer cet article

Référence électronique

Gaël Rannou, « Être ou ne plus être à sa place au PSG ? Analyse des stratégies des indépendants de la tribune Boulogne du stade du Parc des Princes (Paris) »Territoire en mouvement Revue de géographie et aménagement [En ligne], 48-49 | 2021, mis en ligne le 25 mars 2021, consulté le 20 mars 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/tem/7148 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/tem.7148

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Auteur

Gaël Rannou

Docteur en géographie humaine
Université Bordeaux-Montaigne
Mail : roublon47@gmail.com

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Droits d’auteur

CC-BY-4.0

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