Texte intégral
- 1 Malgré les travaux des chercheurs, cette confusion persiste actuellement pour des raisons autres (C (...)
1En France, le moment généralement retenu pour la prise en compte du paysage dans les projets et opérations d’aménagement est celui de la deuxième moitié des années 1970. À partir de la fin des années 1960, en effet, la qualité du cadre de vie est une préoccupation croissante. Des exigences nouvelles émergent dans la société et se déclinent en différentes approches, le plus souvent entremêlées : architecturales et urbaines, environnementales ou écologiques, mais aussi paysagères (Barraqué, 1985). Les travaux des chercheurs ont montré depuis que le paysage, s’il suppose un environnement préalable (Roger, 1994 ; Berque, 1999), ne peut se réduire à des données scientifiques ou, du moins, objectives parce qu’il est de nature esthétique, et qu’il résulte d’une relation entre un sujet, l’observateur, et une portion de pays. Mais dans les décennies 1960-1970, les notions de paysage et d’environnement se superposent parfois confusément1, dans les demandes, comme dans les pratiques : les paysagistes alors en activité ont reçu une formation initiale, horticole et technique, qui les sensibilise au rapport entre l’homme et son milieu. Inspirés des pratiques de planification paysagère de l’Europe du Nord, plus pragmatiques (Donadieu, 2005), leurs travaux combinent avec humanisme la gestion des ressources naturelles, la prévention des risques et la recherche d’un certain « bien-être » social (Sgard, 1981).
- 2 Élie Mauret et Pierre Pillet, paysagistes issus de la « Section du paysage et de l’art des jardins (...)
- 3 Au Vaudreuil, à Marne-la-Vallée, à Cergy-Pontoise ou à l’Étang-de-Berre, par exemple, l’apport des (...)
- 4 Durant la période allant de l’après-guerre à la fin des années 1960, la profession, discrète, a fai (...)
2Dès 1966, la politique des métropoles d’équilibre offre à quelques paysagistes pionniers une occasion d’intégrer des équipes pluridisciplinaires et d’œuvrer pour la prise en compte du paysage à l’échelle de l’aménagement du territoire ; la création des missions interministérielles d’aménagement touristique du territoire2, puis des villes nouvelles3 est pour eux une autre occasion. La fondation, en 1976, de l’Ecole nationale supérieure du paysage de Versailles (ENSP) est symbolique de cette montée en puissance du paysage. Mais elle offre surtout, du fait des nouvelles orientations données à l’enseignement, les conditions de développement et de mutation d’une profession, restée jusque-là confidentielle4 (Champy, 2000). Alors que la profession des architectes paysagistes ne regroupait qu’une cinquantaine de personnes avant-guerre, l’ENSP forme chaque année une trentaine de paysagistes DPLG jusque 1995, 45 depuis lors (Donadieu, 2005).
- 5 Cet article est rédigé dans le cadre d’une thèse, en cours, à l’université de Lille 1 sous la direc (...)
- 6 Dans la métropole lilloise, il s’agit de Didier Larue, François-Xavier Mousquet, Philippe Thomas ou (...)
3Dans la région Nord - Pas-de-Calais, la prise en compte du paysage serait plus tardive : selon les témoins interrogés, il faut attendre le début des années 1980 pour que la question apparaisse5. Deux facteurs décisifs sont cités pour justifier cette évolution : l’importance nouvelle accordée à l’image du territoire après la mise en place des lois de décentralisation et l’arrivée, dans la région, d’une première génération de paysagistes formés à l’ENSP6. En réalité, la question de l’image entre en jeu bien avant cette date : dès le début des années 1960, quelques-uns entrevoient l’importance du marketing urbain dans la compétition entre territoires. Et, si la mémoire collective semble l’avoir oublié, des paysagistes ont travaillé avant cette période sur le territoire de la région Nord - Pas-de-Calais.
- 7 La quatrième et dernière section de ce document, consacrée au « cadre de vie », comporte deux chapi (...)
- 8 Le séminaire organisé à Lille le 9 novembre 2006 par Isabelle Estienne et Maryvonne Prévot a permis (...)
- 9 Jacques Simon participe à la réflexion des techniciens de la Mission d’études et d’Aménagement de l (...)
4La place accordée au paysage dans le schéma d’aménagement proposé en 1971 pour la région Nord-Pas-de-Calais (OREAM-Nord, 1971)7 révèle combien la présence de deux paysagistes au sein de l’Oream-Nord, Jean Challet et Pierre Mas, a été décisive pour l’équipe comme pour l’orientation de ses réflexions8. Par ailleurs, le parti d’aménagement de la ville nouvelle de Lille-Est nait de la volonté de construire une « ville à la campagne » et s’organise autour d’un système de parcs et de plans d’eau. Ce parti, essentiellement porté par les architectes-urbanistes de l’EPALE, a suscité l’intervention d’ingénieurs spécialistes, mais aussi de paysagistes extérieurs9 pour des missions d’étude ou de maîtrise d’œuvre (Estienne, 2008). Cette préoccupation s’est-elle aussi traduite dans la composition et le travail des premières agences d’urbanisme ? Les deux agglomérations de Lille et de Dunkerque qui se sont rapidement dotées d’une communauté urbaine et d’une agence d’urbanisme permettent une première approche de cette question en analysant comment, dans un contexte national identique, elles ont su - ou non - mobiliser ces deux outils pour promouvoir et mettre en œuvre la qualité environnementale et paysagère dans leurs politiques d’aménagement urbain.
- 10 Créée par le décret du 22 mars 1967, la CUDL est mise en place le 22 décembre 1967. Augustin Lauren (...)
- 11 La CUD est créée le 21 octobre 1968 et mise en place le 1er janvier 1969. Réunissant à l’origine 12 (...)
- 12 Albert Denvers (1905-2006), ancien instituteur, député socialiste du Nord, maire de Gravelines, pré (...)
- 13 Des travaux existent cependant : la thèse d’Olivier Ratouis notamment (1997), ainsi qu’une maîtrise (...)
5Deux communautés urbaines sont créées à la fin des années 1960 dans la région Nord-Pas-de-Calais. Imposée par la loi du 31 décembre 1966, comme celles de Bordeaux, Lyon et Strasbourg, la première10 - celle de Lille - s’inscrit dans un processus de métropolisation de l’agglomération de Lille-Roubaix- Tourcoing engagé depuis 1964. La seconde11, à Dunkerque, émane de la volonté des élus locaux qui, sous la conduite d’Albert Denvers12, ont su saisir opportunément cette possibilité de renforcer un pouvoir local qui n’était pas à la mesure du gigantesque chantier initié par l’Etat et Usinor. Si la mise en place de ces communautés urbaines, notamment lilloise, a fait l’objet d’une thèse récente et remarquée (Desage, 2005), la genèse des deux agences d’urbanisme est un phénomène plus complexe à retracer13. En effet, des équipes d’urbanistes œuvraient déjà sur le terrain, préfigurant la création officielle d’une agence d’urbanisme, l’AUAM à Lille et l’AGUR à Dunkerque.
- 14 Gérard Deldique, architecte DPLG en 1955, formé à l’Institut d’urbanisme de Paris, est l’architecte (...)
- 15 L’Oream-Nord est mise en place en 1966 après la désignation, en 1964, de l’agglomération de Lille-R (...)
6Une équipe pluridisciplinaire animée par Gérard Deldique14, architecte-urbaniste, est mise en place à Lille dès janvier 1965 ; elle conçoit des plans d’aménagement pour la métropole à partir du schéma proposé par Henry Bernard en novembre 1964. En 1967, faisant suite à la création de la Communauté Urbaine de Lille (CUDL), l’atelier d’urbanisme de la Métropole-nord devient l’Agence d'Urbanisme de l’Agglomération Métropolitaine (AUAM), sous la responsabilité de Marcel Darré, urbaniste en chef de l’Etat, détaché du service régional de l’Equipement. Peu de temps après, en avril 1968, la DDE installe à Dunkerque un noyau d’hommes émanant de son groupe d’études et de programmation (GEP). Sous la direction de Jean-Serge Torrès, urbaniste, ils sont, rappelle Philippe Nouveau (Galmiche et Rodriguez, 2004), à l’origine de la création de l’AGUR en mai 1972. Entre temps, l’équipe de l’OREAM-Nord15, créée en 1966 pour réfléchir à l’avenir de la métropole d’équilibre, a vu sa mission élargie à l’ensemble du territoire régional.
- 16 Il fait suite à une première version publiée en juin 1968 par l’AUAM.
- 17 Les deux agences d’urbanisme souhaitent travailler « en dialogue permanent avec l’extérieur. » (AUA (...)
- 18 Le terme « écologiste » apparaît en 1964 en France (Histoire générale des sciences, t. 3, vol. 2, p (...)
7Entre 1968 et 1970, trois « livres blancs » de l’aménagement présentent successivement au public une vision d’avenir. Le premier, au titre éponyme, expose en février 1968 les principes définis par l’OREAM-Nord pour une politique d’aménagement régional. En mai 196916, paraît le deuxième, Construire une métropole. Proposé par l’AUAM, il prépare l’élaboration du schéma directeur d’aménagement et d’urbanisme (SDAU) de l’agglomération Lille-Roubaix-Tourcoing. Enfin, le livre blanc de l’AGUR, Dunkerque 2000, sort en novembre 1970. Ces documents pédagogiques, amplement diffusés, veulent susciter un large débat au sein de la population, marquant ainsi la volonté de rompre avec les procédures centralisatrices utilisées jusqu’alors17. Face au défi d’un futur à dessiner, Albert Denvers, président de la CUD et de la Commission locale d’aménagement et d’urbanisme (CLAU) qui prépare le schéma directeur, appelle les lecteurs du livre blanc dunkerquois à s’emparer de façon critique des propositions élaborées. Échanger et partager les points de vue et les idées est en effet devenu une nécessité pour ces équipes. Leur pluridisciplinarité, effective, découle de la nature même de leur champ d’action : l’urbanisme (AUAM, 1969 : 14). Ainsi, l’AUAM se compose d’architectes, d’économistes, de géographes, d’ingénieurs, de juristes, de sociologues et de dessinateurs ; l’AGUR réunit des architectes- urbanistes, géographes, économistes, écologistes18, dessinateurs, un ingénieur et une sociologue. Autre transformation : ces agences se placent au service des habitants. L’un des grands objectifs de l’AGUR n’est-il pas de faire une « ville au service de l’homme » ? C’est aussi la volonté qui inspire l’ensemble du schéma directeur lillois.
- 19 De 1965 à 1970, la revue Urbanisme consacre des articles aux relations entre l’homme et la ville. C (...)
8Apparue dans les publications spécialisées à partir de 1965, notamment dans la revue Urbanisme19, l’idée d’un « nouvel urbanisme » respectueux de l’homme et de son environnement, se développe alors en parallèle à l’émergence des sciences humaines et à la remise en cause des ZUP et grands ensembles. La qualité du cadre de vie et de l’environnement est l’un des objectifs affichés par les deux équipes dans leurs premières publications. Le soin porté à l’esthétique des projets et la mise en œuvre d’une « politique verte » jugée essentielle au bien-être de la population, en sont, dans les deux cas, les traductions, mais répondent en réalité à des intentions sensiblement différentes.
9La promotion de l’agglomération de Lille- Roubaix-Tourcoing au rang de métropole d’équilibre, ne peut devenir tangible qu’au prix d’une transformation en profondeur de son cadre de vie dont les enjeux s’expriment (déjà) en termes d’image de marque et d’attractivité. En 1970, l’analyse sans complaisance du paysage urbain de l’agglomération par l’AUAM (1969), rend ce pari encore bien audacieux : « L’étalement, le développement en tache d’huile, la monotonie des formes de l’urbanisation, ne donnent pas à cette agglomération un visage très agréable ». Elle apparaît comme « une énorme conurbation qui présente rarement un paysage réellement urbain ». En réponse à ce déficit d’image et au manque réel d’espaces verts, le schéma directeur lillois souhaite doter son agglomération d’une « armature verte ».
Figure 1 : Une armature verte pour la métropole Nord
Source : Agence d’urbanisme de la métropole du Nord, SDAU (1971)
10Celle-ci s’appuie sur les richesses géographiques de l’agglomération, les vallées, et sur un potentiel d’espaces verts privés et de massifs boisés à ouvrir au public. L’aménagement de deux grands parcs périurbains intégrés au schéma régional d’aménagement de l’OREAM-Nord - le parc de la Deûle et le parc de la Marque - doit offrir les équipements d’échelle métropolitaine qui font défaut. Deux « écharpes de verdure » projetées de l’aérodrome de Bondues jusqu’à la ville nouvelle de Lille-Est, d’une part, et de la zone rurale des Weppes à la forêt de Phalempin, d’autre part, se rejoignent dans un secteur rural à protéger, le Pévèle Mélantois, et tracent une couronne verte environ dix kilomètres autour de Lille.
- 20 Construite à partir de 1958 pour loger les ouvriers d’Usinor, elle transforme Grande-Synthe, villag (...)
11De son côté, entre 1962 et le milieu des années 1970, la région dunkerquoise absorbe l’arrivée massive des employés d’Usinor. Construite en urgence, la ZUP des Nouvelles-Synthes20 permet de loger une grande partie des ouvriers à proximité immédiate de l’usine, tandis que celle de Malo-les-Bains est plutôt réservée aux cadres supérieurs. La maîtrise de l’aménagement devient alors pour les élus locaux l’outil de la conquête du pouvoir et le moyen de répondre aux revendications et aspirations légitimes des habitants. Refusant de transformer l’ensemble de l’agglomération en une cité-dortoir, soumise aux nuisances industrielles et subordonnée aux seules logiques économiques, ils s’engagent à construire une « ville où il fait bon vivre ». Dès lors comment retranscrire cette volonté dans les plans ?
Figure 2 : Un plan vert pour l’agglomération dunkerquoise
Source : Agence d’urbanisme de Dunkerque, Dunkerque 2000 : Livre blanc (1970)
12En secteur urbain, le souci de l’usager et de son confort pousse à multiplier la réalisation de ZAC et à expérimenter de nouvelles méthodes. Dans la mesure du possible, ces quartiers sont conçus par des équipes pluridisciplinaires, selon un modèle directement inspiré des procédures utilisées pour les villes nouvelles ; ils s’élaborent en concertation avec les habitants. L’aménagement de la ZAC du Courghain à Grande- Synthe lancée en 1973 est à ce titre exemplaire.
13Au niveau paysager, la question se pose plutôt en termes de compensation quantitative et qualitative. En effet, l’installation d’un immense complexe industrialo-portuaire a confisqué aux habitants l’usage d’une grande partie du littoral de Dunkerque à Calais. Offrir à la population des espaces de loisirs récréatifs, sauvegarder les espaces naturels restants, protéger les zones résidentielles des nuisances industrielles — visuelles et environnementales — constituent aux yeux des responsables politiques autant de raisons pour initier une politique environnementale ambitieuse sans attendre l’approbation du Schéma directeur.
14Le programme d’actions à long terme proposé se structure selon trois axes : la création ex nihilo d’espaces verts centraux ou périurbains, l’aménagement de ceintures vertes et de zones tampon situées entre les zones industrielles et les quartiers résidentiels, et enfin, la protection des espaces naturels.
15« Coulées de verdure » (livre blanc AUAM), « ceinture verte » (SDAU dunkerquois) ou « armature verte » (SDAU lillois) : dans les deux équipes, le vocabulaire employé relève du zoning. Malgré son registre défensif, il est pourtant le signe d’un renouvellement des pratiques sous l’influence de l’Europe du nord-ouest dont les modèles – comme le bois d’Amsterdam ou les coulées vertes allemandes – commencent à être diffusés en France dans la première moitié des années 1960. Ainsi, la notion d’espaces verts change d’échelle, acquiert davantage d’épaisseur et abandonne progressivement sa fonction d’accompagnement de l’architecture pour retrouver un rôle de structuration urbaine.
16Si les projets environnementaux et paysagers prévus dans les premiers schémas directeurs sont d’une ampleur et d’une tonalité comparables, les conditions de leur réalisation sont très différentes et entraînent des résultats contrastés. À Dunkerque, un premier bilan synthétique de la mise en œuvre du SDAU de 1974 est dressé en 1984. (Figure 3)
Figure 3 : Bilan des acquisitions et travaux d’aménagements concernant les grands espaces verts de l’agglomération dunkerquoise
Source : Analyse synthétique de la mise en œuvre du SDAU approuvé en 1974, AGUR, mai 1984
17Il offre un tableau précis des achats de terrains et réalisations déjà entrepris dans le domaine des espaces naturels, des espaces verts et des loisirs de plein air, sans chercher à dissimuler les problèmes en suspens et les objectifs qui restent à atteindre. Dix ans après l’approbation du SDAU, sur les 1 250 hectares de terrains concernés par ces politiques, près de 650 hectares sont déjà acquis ; la protection des massifs dunaires et l’aménagement des « grands espaces verts communautaires » du Bois des Forts, du Puythouck, ou des coupures vertes de Gravelines, Loon-Plage et du Courghain, sont bien engagés et concernent environ 250 ha.
18À Lille, ce type d’inventaire n’est entrepris qu’au début des années 1990. En février 1977, en effet, la fermeture de l’AUAM de Lille est décidée de façon unilatérale ; une partie du personnel est alors intégrée au sein de la CUDL dans une nouvelle direction de l’Urbanisme et de l’Aménagement. Ce choix politique met un terme pendant plus d’une décennie aux réflexions globales sur la métropole et au suivi des intentions qualitatives exprimées dans le SDAU : il faut attendre 1990 pour que Pierre Mauroy, soucieux de retrouver une pensée prospective à l’échelle métropolitaine, crée l’Agence de développement et d’urbanisme de la métropole lilloise (ADULM), confiée à Francis Ampe, puis à Nathan Starkman (Prévot, 2006).
19De fait, lorsque, sous la direction de Francis Ampe, l’équipe de l’ADULM, engage la révision du Schéma directeur de 1971, elle ne peut que constater « l’échec des vingt dernières années » dans ce domaine et la « réelle inertie opérationnelle » (SDAU lillois, 1994). En dehors du périmètre de la ville nouvelle, aucun des projets de grande ampleur prévus au schéma directeur de 1971 n’a été réalisé ! Aussi, le schéma de 1994 reprend il pour l’essentiel les projets prévus 25 ans plus tôt : l’aménagement de grands parcs dans les vallées de la Marque et de la Deûle, le maintien des zones agricoles des Weppes et du Pévèle, ou la protection des champs captants. (Figure 4)
Figure 4 : 30 ans plus tard, une trame verte et bleue pour Lille Métropole
Cartographie : I. Estienne - Source : SDDU de Lille Métropole (2002)
20Son apport principal réside dans l’aménagement de liaisons et coulées vertes qui relient l’ensemble des espaces verts de la métropole. L’objectif est d’organiser, non plus une simple « armature verte », mais une « trame verte » hiérarchisée qui maille le territoire.
- 21 Cette décision a été prise en 1972, pour permettre l’opération du Bois des Forts. La politique fonc (...)
- 22 La mission initiale de l’EPF (2007) est de requalifier les grandes friches industrielles sans réemp (...)
- 23 Le Bois des Forts, prévu au SDAU de 1974, est une réalisation exemplaire par son ampleur spatio-tem (...)
21Comment expliquer une telle disparité de résultats entre Lille et Dunkerque ? À Lille, les rédacteurs du Schéma directeur de 1994 soulignent deux points décisifs : d’une part « l’insuffisance de volonté intercommunale ou de maîtrise d’ouvrage à l’échelle de l’arrondissement », d’autre part, « l’absence d’opérateur foncier ». Il est vrai qu’au contraire de leurs homologues lillois, les élus dunkerquois ont rapidement décidé d’étendre les compétences communautaires à la création d’espaces verts d’intérêt communautaire – ce qui était optionnel21. Il est vrai aussi qu’à Lille, les différents acteurs ont longtemps déploré l’impossibilité d’engager une politique foncière sérieuse – la création d’un établissement public foncier, largement réclamée dès la rédaction des livres blancs, n’intervient qu’en 1991 mais à l’échelon régional22 –, alors qu’à Dunkerque une politique foncière a été lancée au tout début des années 1970, avant l’approbation du SDAU. S’appuyant sur les ressources propres de la communauté urbaine et sur les contrats de plan, elle fait, avec le Plan d’Action Foncière (PAF), l’objet d’une contractualisation précise et spécifique entre l’Etat et les différentes collectivités locales – CUD, communes, Conseil Général du Nord. Cette politique foncière permet à la CUD de s’engager dans des opérations à long terme, comme celle du Bois des Forts23, dont la réalisation se poursuit de façon cohérente jusqu’à aujourd’hui. Mais, au-delà de ces aspects techniques, il faut se rappeler combien les réalités locales s’opposaient par leurs caractéristiques géographiques et urbaines, mais aussi économiques et sociales et même institutionnelles.
22Si les territoires d’étude des SDAU de Lille et Dunkerque sont d’échelle voisine (88 000 hectares pour Lille, 72 700 pour Dunkerque), la population dunkerquoise (204 000 habitants en 1968) ne peut rivaliser avec celle de l’arrondissement de Lille (un peu plus d’un million). De plus, les deux communautés urbaines, représentent des réalités nettement différentes, aussi bien par le nombre de communes concernées que par leur taille : 89 communes forment la CUDL sur les 126 de l’arrondissement, tandis que la CUD n’en rassemble que 18 sur les 61 concernées par le SDAU.
23L’histoire récente a renforcé ce contraste en dotant ces deux territoires de morphologies urbaines opposées. À la fin des années 1960, sa reconstruction achevée, Dunkerque jouit d’un centre moderne et aéré aux logements confortables. À la même époque, la réalité métropolitaine, moins glorieuse, amène à parler du « retard lillois ». En 1960, le Programme de modernisation et d’équipement (PME) a diagnostiqué la rénovation de 90 000 logements (soit un logement métropolitain sur trois). Près de dix ans plus tard, les trois opérations menées n’ont concerné que 8 000 logements, ce qui laisse entrevoir la longueur du chantier engagé ! Dans ce contexte déjà défavorable, l’agglomération lilloise subit les premiers effets de la crise avec la perte de 20 000 emplois textiles entre 1962 et 1968. Face à une région Nord classée depuis 1967 en « zone de conversion industrielle », Dunkerque apparaît alors comme un Eldorado et peu importe si, dans l’euphorie de la croissance industrielle, son paysage est durablement marqué par la toute-puissance technique.
- 24 La sauvegarde des dernières dunes de Malo-les-Bains doit beaucoup à l’action des associations regro (...)
- 25 A la fin des années 1970, Gilles Noyon est le premier paysagiste qui s’installe sur le littoral.
24Face à l’offensive industrielle, la mise en œuvre de politiques environnementales – avant d’être paysagères et imposées en partie par la pression, modeste mais réelle, des militants écologistes – est, sans doute, d’une urgence plus grande à Dunkerque qu’à Lille24 ! Pour autant soyons clair : ni l’AGUR, ni l’AUAM, n’ont intégré de paysagiste dans leur équipe – la profession, encore récente, restait confidentielle et parisienne25.
- 26 Mais, là encore et à la différence de ce qui s’est passé en Île-de-France, aucun paysagiste n’a été (...)
- 27 Dans la région, un autre travail majeur date de 1972 : il s’agit de l’étude financée par le Ministè (...)
- 28 Source : Lettre de Michèle Delaigue à l’auteur, novembre 2006.
- 29 Suite à cela, Didier Joseph-François, architecte et premier directeur du CAUE du Nord, imagine le F (...)
25Des pratiques paysagères sont néanmoins repérables au cours des années 1970 aussi bien à Lille – se limitant au périmètre de la ville nouvelle26 – qu’à Dunkerque27. Elles sont parfois le fait de paysagistes, dans le cadre d’association temporaire aux équipes, de missions d’études ou de maîtrise d’œuvre. Ces premières interventions de paysagistes extérieurs – le bureau des paysages de l’ONF pour le Bois des Forts, l’agence API pour la ZAC du Courghain – sont d’ailleurs remarquables, tant par les méthodes utilisées, que par la qualité des opérations. Sur la commune de Grande-Synthe, la conception du quartier du Courghain répond à des exigences fortes de la maîtrise d’ouvrage, formulées après de nombreuses réunions avec la population. À la manière des villes nouvelles, logements et équipements s’organisent autour des espaces publics et des espaces de nature : réinterprété, le réseau traditionnel des watergangs devient l’élément central du paysage urbain. Sans autres moyens que ceux d’une ZAC, la démarche, courageuse, reste pour ses concepteurs une expérience exceptionnelle28 et fondatrice29. Dans la ville centre, sur un site qui s’étire le long du canal exutoire, avec pour décor le ballet grandiose des grues des chantiers de France, Gilbert Samel a composé, en écrin au musée d’art moderne, un jardin de sculptures tout en douceur, puisant dans une gamme végétale particulièrement adaptée au climat maritime.
- 30 En 1972 à Villeneuve d’Ascq, le lac du Château et le lac des Espagnols ont été conçus et aménagés p (...)
- 31 Le retour de Charles Poinsot en 1976 coïncide avec la montée en charge des préoccupations écologiqu (...)
- 32 L’ADELFA, créée le 2 juillet 1974 sur proposition de Denvers, fédère une trentaine d’associations. (...)
- 33 Ces deux techniciens spécialistes de l’écologie, Charles Poinsot et Francis Nave, arrivés tôt dans (...)
- 34 Différentes associations (par exemple, la Confédération Syndicale du Cadre de Vie, CSCV, dénommée d (...)
- 35 Il quitte l’AGUR pour rejoindre l’association « Etudes et Chantiers » qui a réhabilité l’ancienne f (...)
- 36 Il est l’un des membres fondateurs, avec Francis Nave, de l’association « Le réveil du méridien ». (...)
- 37 Militant politique et syndicaliste, il a été récemment porte-parole, puis secrétaire des Verts sur (...)
26Mais, le plus souvent, ce sont les équipes elles-mêmes et leurs architectes-urbanistes qui assurent la qualité paysagère des aménagements30. Dans le cas de l’AGUR, ces derniers ont été particulièrement sensibilisés aux questions environnementales par le recrutement, dès l’origine, de spécialistes de l’environnement et par la présence dans le personnel de militants verts actifs. Jean-Claude Casanovas, architecte à l’AGUR, préside le Comité antipollution de Dunkerque et mène à ce titre l’opposition à l’installation d’une centrale nucléaire sur la commune de Gravelines ; Charles Poinsot31, technicien de l’« écologie », rassemble à l’attention d’EDF l’ensemble des questions soulevées par cette installation. Avec l’architecte Pierre Deswarte, il œuvre pour la conservation du massif dunaire menacé par différents projets de route et ZAC et par son exploitation sauvage (Deswarte et Poinsot, 1975 ; Bruneel, 1976 ; Nouveau, 2006). Francis Nave, le directeur-adjoint actuel de l’AGUR, arrive en 1974 pour remplacer Charles Poinsot parti en coopération. De formation scientifique, il devient rapidement le premier secrétaire de l’Association de défense de l’environnement du littoral Flandres-Artois (ADELFA)32, cumulant ainsi exercice professionnel et activité militante33. Dans ce contexte34, d’autres, moins engagés, se situent dans la mouvance écologique ou ont dans leur travail une approche environnementale : Claude Wable35, dessinateur, puis urbaniste ; Paul Chavy36, architecte-urbaniste ; Gérard Chavy37, reprographe. Ainsi, sans avoir la compétence de paysagistes, les architectes-urbanistes de l’agence ont su développer un savoir-faire empirique dans ce domaine : les uns par sensibilité propre, les autres du fait des conditions locales spécifiques qui les sensibilisaient plus qu’ailleurs à ces questions environnementales. La lecture des cartes de Cassini et d’Etat-major leur permet de déchiffrer les grandes identités paysagères (anciens marais par exemple) ; les nombreux voyages d’études aux Pays-Bas où la dimension paysagère est une composante systématique de l’aménagement enrichissent les débats et les projets. Le schéma paysager proposé à Gravelines par Paul Chavy dépasse la logique de coupure des ceintures vertes, comme la volonté de certains de relier les taches d’urbanisme en une nappe continue : son organisation rayonnante assure des ouvertures visuelles et la perception des horizons lointains – deux éléments essentiels du « projet de paysage » développé et enseigné à l’Ecole Nationale Supérieure du Paysage (ENSP) de Versailles à partir de 1976, notamment sous la houlette de Michel Corajoud.
Figure 5 : Gravelines, une coupure verte qui ne ceinture pas
Source : Communauté urbaine de Dunkerque, AGUR, Coupure verte de Gravelines (1977)
- 38 La réalisation des schémas d’urbanisme s’est faite par conjonction d’une vision qualitative à long (...)
- 39 Paul Chavy, notamment, présent dans l’équipe de 1968 à 1979, a participé comme dessinateur à l’élab (...)
27Au Puythouck, pour contourner les restrictions budgétaires qui l’empêchent de planter le nombre d’arbres souhaité, le même Paul Chavy mise sur la capacité du vivant à transformer rapidement tout espace disponible en friche puis en sous-bois, à la manière d’un Gilles Clément. Certains membres de l’équipe, par leur présence sur la durée, en ont assuré la mémoire. Garants de la cohérence des études et réalisations, ils ont saisi chaque occasion qui se présentait38 pour maintenir la force des intentions du SDAU au fil des échelles d’intervention : des POS aux schémas de secteur, jusqu’aux ZAC39. Ainsi, le passage des souhaits du livre blanc à la réalité opérationnelle, s’est fait sans perdre de vue l’idéal premier.
28Dans les décennies 1960 et 1970, à Dunkerque, comme à Lille, les acteurs politiques et économiques locaux, mais aussi certains techniciens de l’aménagement, comme la plupart des habitants, n’attribuent aucune valeur paysagère ni patrimoniale au territoire. Trop plate pour arrêter le regard, monotone, la plaine de Flandre maritime est réduite à sa dimension d’outil économique. Une urbanisation métropolitaine étalée, sans organisation rationnelle, une morphologie uniforme, des espaces verts trop rares, ont engendré un vaste faubourg, une énorme conurbation sans réelles qualités urbaines : cette description peu amène de la métropole de Lille-Roubaix-Tourcoing émane des techniciens de l’AUAM (1969). Ainsi, pendant les trente glorieuses, il n’y a de paysage reconnu comme tel ni à Dunkerque ni à Lille : la plaine maritime, comme la conurbation de villes industrielles n’ont pas les caractéristiques requises. Leur spécificité cache pourtant d’autres qualités aujourd’hui reconnues (Bureau d’études CoManaging, 2006).
- 40 Ce rôle primordial des regards extérieurs, vérifié dans le cas de l’Oream-Nord (Estienne, 2006), es (...)
29Face à ces verdicts impitoyables, les regards extérieurs jouent un rôle important dans le désir de transformation du territoire, ou au contraire, dans la prise de conscience de la qualité et des potentialités des lieux ; ils expliquent souvent l’origine de politiques volontaristes40.
- 41 « À partir de l’espace concret, d’une portion de pays, les paysages n’existent pas sans notre regar (...)
- 42 Inversement, Jacques Poulet-Mathis nous a raconté comment il avait révélé aux paysagistes Jean Chal (...)
- 43 Source : entretiens avec Lucas Berry, 05/10/2006 ; Gilbert Delecourt, 18/09/2005.
- 44 Pendant la seconde guerre mondiale, les arbres avaient souffert des inondations volontaires de la p (...)
- 45 Cette politique s’appuie sur le remembrement et prévoit la plantation de 10 000 arbres en secteur r (...)
- 46 De la fin des années 1960 jusqu’à la fin des années 1970, beaucoup de parcs périurbains se structur (...)
30Les paysagistes de l’OREAM-Nord sensibilisent leur équipe à une lecture nouvelle du territoire et à la reconnaissance des grands paysages de plaine41, cherchant à les mettre en valeur dans les projets d’aménagement42 (Estienne, 2006). Leur pratique témoigne des tentatives d’un groupe de paysagistes français pour développer le « paysage d’aménagement » ou « grand paysage » (Dauvergne et Berry, 1973 ; Donadieu, 2005) et former des professionnels à cette échelle d’intervention (Sgard, 1973). En l’absence d’autre méthodologie adéquate à cette échelle de projet, les paysagistes des OREAM s’appuient sur les outils de lecture paysagère pour élaborer le projet, dans la tradition de l’école d’urbanisme française, en partie nourrie à l’école française de géographie. Pour les architectes, qui constituent alors l’essentiel des équipes de concepteurs, cet apport est particulièrement précieux. L’absence de l’urbanisme et de l’aménagement dans les enseignements dispensés à l’école des Beaux-Arts43, comme le sentiment d’une modification en profondeur de leur contexte d’exercice, conduisent un nombre croissant d’entre eux à suivre des formations en urbanisme après leur diplôme. Dans le Nord – mais comme en Lorraine ou ailleurs en France (Estienne, 2004) – l’attention des paysagistes de l’OREAM se porte notamment sur le tracé des infrastructures, par exemple sur celui des lignes à très haute tension partant de Gravelines : canaliser les inévitables coupures le long des axes routiers permet de conserver au maximum l’échelle et l’ouverture des paysages sans refuser les signes de la modernité. Avec moins de succès, ils attirent l’attention des aménageurs sur les risques encourus à rendre constructibles certaines zones inondables. Dans le dunkerquois, les ouvriers sidérurgiques, nostalgiques de leurs vallées lorraines boisées, vivent mal l’absence d’arbres44. Parallèlement aux plantations déjà entreprises – le Bois des Forts, les coupures vertes de Grande-Synthe, Gravelines et Loon-Plage – et à la politique « Boiser en Flandres »45, le maire de Grande-Synthe, René Carême, engage la plantation d’une forêt sur le territoire de sa commune (Carême, 1977) dans une logique qui n’est, comme l’indique sa dimension esthétique et sensible, pas exclusivement environnementale, mais réellement paysagère. Chacun de ces aménagements devient l’occasion d’apporter les reliefs qui semblent alors indispensables pour apporter une qualité paysagère au plat pays46. Ce n’est qu’à partir de la fin des années 1980, suite aux études menées par des paysagistes comme Gilbert Samel, Katia Emerand, Philippe Thomas, François-Xavier Mousquet ou Michel Corajoud sur l’A 16, les entrées de ville et la RN 225, le canal exutoire, la zone industrialo-portuaire et l’environnement d’Usinor Mardyck, que ce mode de pensée évolue et que les qualités paysagères intrinsèques sont progressivement reconnues.
31Ces différentes opérations doivent beaucoup à l’AGUR qui, dès les années 1970, est un lieu de réflexion, de proposition et de rencontres, encouragé par ses interlocuteurs politiques : le président de la CUD, Albert Denvers, son vice-président à l’urbanisme, Jacques Collache, puis René Carême. Ce dernier, dont la culture politique est propice à ce type de pratique, permet à l’AGUR d’être un lieu de dialogue et d’interface entre la population, les élus et les techniciens. Mais le débat existe, se faisant à l’occasion virulent – on a parlé de la « Bataille des Dunes » – comme le rappelait Charles Poinsot en 2002 : « N’est-il pas plus belle récompense, alors que les prises de position de l’AGUR dans les années 70 étaient critiquées, voire raillées, y compris en interne, que de voir aujourd’hui un syndicat intercommunal [le syndicat intercommunal des dunes de Flandre] appuyer sa promotion touristique et le charme de ses activités sur le nom même de ces dunes de Flandres qui auraient pu disparaître à jamais ? » (AGUR, 2002).
- 47 Présentée en tant qu’association, l’AUAM n’en est pas une faute de statut et de Conseil d’administr (...)
- 48 Pierre Mazzolini déplore les difficultés rencontrées pour créer un espace de débat sur la qualité a (...)
- 49 Arthur Notebart s’y implique fortement, négociant avec chacune des communes : la CUDL est la premiè (...)
- 50 Baton (1995 : 28-30) note que « faute de statut légal, l’agence ne pouvait disposer de personnel pr (...)
- 51 Entretien du 26/01/2007.
- 52 Le service d’urbanisme de la ville de Lille n’est pas aussi développé qu’aujourd’hui.
32En l’absence de reconnaissance et de légitimité47, l’AUAM, coincée au quatrième étage de la CUDL, au cœur des conflits avec la ville centre, ne peut jouer le même rôle. Pierre Mazzolini, qui en assure la direction à partir de 1973, défend l’idée d’un rééquilibrage de la métropole en faveur de son versant nord-est, fidèle aux options du SDAU. Préoccupé par l’ampleur des problèmes sociaux, il se soucie plus de reconquérir la ville sur elle-même que des grands projets d’aménagement alors majeurs de la ville nouvelle ou du métro. En cela, son point de vue – incontestablement décalé et relativement isolé – apparaît, a posteriori, précurseur : il annonce d’une certaine manière la thématique du renouvellement urbain apparue pour la première fois en France lors de la révision du premier Schéma Directeur de la métropole lilloise. Ses tentatives pour faire de l’AUAM un lieu de contre-proposition aussi fort que l’AGUR échouent par manque de réceptivité des professionnels48, mais surtout face à désapprobation de la forte personnalité du président de la CUDL, Arthur Notebart. De 1971 à 1977, le POS de la métropole lilloise est mis en chantier et fait l’objet, pour chacune des 87 communes, d’âpres négociations49. Le personnel de l’agence s’engage alors dans un travail de cartographie colossal ; totalement absorbé par cette tâche, relevant de l’urbanisme réglementaire, il n’a guère le temps de s’engager dans une pensée plus prospective. N’ayant plus d’une agence d’urbanisme que le nom, l’AUAM devient, selon les témoins, un simple service d’étude à la disposition de l’Etat – dont dépend la moitié du personnel mis à disposition de l’agence, des villes et de la communauté urbaine50. Jacques de Courson51, économiste à l’Oream-Nord, est membre de l’AUAM de février 1974 à 1977. Les réflexions qu’il essaie de mener sur l’action économique de la métropole n’aboutissent pas, faute d’un partage clair des compétences entre les services techniques de la communauté urbaine et l’agence. Devenu responsable du projet du Centre Directionnel – opération majeure, mais avortée, de l’urbanisme lillois ayant préfiguré dans les années 1970 celle d’Euralille – il se place, de fait, au service de la ville de Lille pour le compte de la DDE52.
- 53 « Quatre murs et un toit : il fallait faire plus et mieux. (…) Faire tout simplement de l’habitat. (...)
- 54 Une réactualisation spatiale a été faite en 1995 puis en 1998 ; en 2006, l’ADULM, en partenariat av (...)
- 55 La loi du 12 juillet 1999 relative à la coopération intercommunale offre de nouveaux moyens financi (...)
- 56 Pour mémoire, le budget annuel des Espaces Naturels Sensibles du Conseil Général du Nord a longtemp (...)
33Ni Pierre Mauroy, ni Albert Denvers n’ont de compétence en urbanisme. Mais sur le littoral, le président de l’Union nationale des HLM est, très tôt, convaincu du soin à apporter à l’environnement des logements53 et René Carême déterminé à engager une politique foncière pour préserver l’avenir (Aguerre et Nouveau, 1977). Sous leur impulsion et face à l’incapacité des communes de faire face aux dépenses programmées dans le cadre du SDAU, la CUD prend, dès 1972, la compétence « Espaces verts ». À Lille, cette décision est prise beaucoup plus tardivement ; elle intervient après une longue phase d’observation et de sensibilisation. En 1991, l’élection de l’écologiste Guy Hascoët au conseil municipal lillois entraîne Pierre Mauroy à créer un Observatoire Communautaire de l’Environnement. Cette petite structure, de 5 à 7 personnes, doit dresser l’état des lieux de l’environnement dans la métropole. L’observation du territoire, la construction d’indicateurs de qualité environnementale et l’inventaire des sites sensibles sont donc ses premières tâches. Le constat, amer, incite l’ADULM à reprendre le chantier annoncé vingt ans plus tôt dans le livre blanc : les différentes versions du nouveau schéma directeur calquent la structuration de leurs espaces naturels sur l’organisation de la ceinture verte imaginée en 1969. Son évaluation terminée54, l’équipe de l’observatoire s’engage dans un travail de conseil auprès des communes et des associations, proposant la dernière année des missions de paysagiste-conseil. Mais en janvier 1996, un autre contexte politique conduit à la fermeture de l’observatoire. Entre temps – en 1993 – Pierre Dhénin est entré à l’ADULM à la demande de Pierre Mauroy pour préfigurer une structure de gestion des espaces naturels métropolitains qui voit le jour en octobre 200255. À la faveur de la loi Chevènement, la communauté urbaine prend la compétence « Espace naturel métropolitain » et confie la gestion des sites concernés à l’Espace Naturel Lille Métropole (ENLM), un syndicat mixte placé sous la responsabilité de Pierre Dhénin. Ce changement profond a eu des répercussions financières considérables. Entre 2002 et 2003, le budget communautaire alloué aux espaces naturels a été multiplié par 5 – sur les 20 millions d’euros dévolus aujourd’hui aux espaces naturels métropolitains, 16 à 18 sont apportés par la Communauté Urbaine56 –, ce qui permet à la communauté et à l’ENLM d’annoncer l’objectif de 10 000 hectares protégés à l’horizon 2015 alors que 1 200 seulement le sont actuellement.
- 57 Guy Salmon-Legagneur, secrétaire général du groupe central des villes nouvelles, rappelle sa premiè (...)
- 58 L’EPALE avait initialement étudié une simple navette reliant la ville nouvelle au centre de Lille. (...)
- 59 Doté de nombreux moyens aussi bien financiers, que matériels (site d’exploitation) et humains, le l (...)
- 60 Les éléments recueillis en ce sens lors de l’entretien avec Jean-Pierre Decoster (29/01/2007) sont (...)
- 61 « La non parution des décrets d’application, et donc le maintien d’une Agence sans statut légal, la (...)
34Mais dans les années 1970-1980, l’ambition d’Arthur Notebart se situe sur un autre plan. Doté d’une connaissance du terrain réputée infaillible, il met un point d’honneur à se limiter aux compétences strictes des communautés urbaines : l’extension du réseau de distribution d’eau potable, l’entretien des réseaux d’assainissement, la construction de stations d’épuration, l’aménagement de bassins d’autoépuration sur la Lys à Armentières ou l’organisation du service de ramassage des ordures ménagères sont lancés sous sa présidence. Parallèlement, ce virtuose de l’urbanisme technique57 s’investit avec passion dans l’aventure de la Ville Nouvelle de Lille-Est, et décide à l’occasion de doter la métropole d’un réseau de métro, le VAL58, entièrement automatique. Dans une agglomération composée essentiellement de maisons de villes majoritairement dotées d’un espace extérieur – cour ou jardin –, et face à l’ampleur des besoins en logements, la création d’espaces verts publics n’est pas pour lui de première nécessité. Néanmoins, en réponse au déficit de formation des techniciens horticoles dénoncé notamment dans le Livre vert, il choisit de développer sur sa commune de Lomme59 un centre de formation professionnel, contribuant ainsi au renouvellement progressif des équipes municipales en charge des espaces verts. Tandis qu’Albert Denvers, amusé, laisse aux jeunes « rêveurs » de son agence la liberté d’élaborer leurs propositions, à Lille, le désengagement financier de l’Etat60 sert de motif à Arthur Notebart pour imposer la fermeture brutale de l’AUAM restée sans statut légal61. Dès lors, la direction de l’urbanisme interne à la CUDL, créée illico, est placée sous son contrôle direct, sans que Pierre Mauroy ne cherche à s’y opposer.
35À la suite des livres blancs, les premiers SDAU dunkerquois et lillois font preuve d’une grande ambition en matière de politique environnementale et paysagère. À Dunkerque, un soutien politique constant et une politique foncière audacieuse ont permis aux membres de l’AGUR d’interpréter avec cohérence les aspirations du SDAU jusqu’à leur concrétisation. Quarante ans plus tard, le travail pédagogique mené en direction des acteurs et du public a donné ses fruits : l’existence d’un patrimoine architectural ou rural, comme la valeur d’un paysage façonné par l’eau, sont aujourd’hui reconnus ; la qualité écologique et esthétique des projets mis en œuvre progresse.
36À Lille, il a fallu attendre les années 1990 et la recréation d’une agence d’urbanisme pour voir se concrétiser les projets. La mise en place de l’Espace naturel Lille métropole a permis de rattraper avec bonheur une partie du retard accumulé : davantage au plan qualitatif qu’au plan quantitatif. Le travail de sensibilisation entrepris depuis par l’ADULM pour la qualité des espaces publics, montre l’importance des besoins. Ainsi, la position de l’ADULM, institution jeune et reconnue, semble paradoxalement moins fragile que celle de l’AGUR. En effet, cette dernière a eu le plus grand mal à maintenir jusqu’à aujourd’hui la position avant-gardiste adoptée dans les années 1970, comme le savoir-faire développé alors. De 1980 à 2000, il lui a fallu résister à la crise économique avant d’en gérer les conséquences sociales et spatiales. La tempête passée, l’AGUR peut maintenant envisager de répondre plus posément aux exigences croissantes de qualité environnementale et paysagère. Mais prise dans un contexte beaucoup plus complexe que celui des années 1970, l’AGUR doit reprendre l’initiative et trouver comment jouer son rôle de proposition face à des services techniques des villes et de la communauté urbaine de mieux en mieux outillés.
- 62 Selon Donadieu (2005 : 294), il faut attendre le début des années 1970 en France et la création du (...)
37Si, au premier abord, les actions engagées à Lille comme à Dunkerque relèvent davantage du champ environnemental, les dimensions esthétique et sensible sont néanmoins présentes, comme l’utilisation du mot paysage lui-même. Parler de paysage, plutôt que d’« espaces verts » – cette dernière expression issue du fonctionnalisme domine les discours jusqu’à la fin des années 1970, y compris dans les villes nouvelles – n’est pas anodin et balise une première étape dans l’évolution du contenu des concepts et de leur usage (Estienne, 2004) comme dans celle du métier. Peu nombreux, cantonnés à l’échelle des parcs et jardins, et à un rôle principalement décoratif, les paysagistes des années 1960 ont pourtant joué un rôle décisif dans la mutation de leur profession au début des années 197062.
38Ainsi, ces deux exemples illustrent un moment précis et méconnu de l’histoire des paysagistes français : épisode exemplaire, mais resté mineur dans la production spatiale des trente glorieuses, ce qui en a sans doute motivé l’oubli. Pendant une décennie, un noyau de professionnels, cumulant souvent une double formation de paysagiste et d’urbaniste (Dubost, 1983), a tenté d’introduire en France l’idée de paysage d’aménagement (Cabanel, 1995). Largement développée dans les pays anglo-saxons, elle s’appuie pour beaucoup sur le savoir-faire hérité de l’école d’urbanisme française, dont c’était une composante essentielle : exporté dans de nombreuses villes coloniales, il y a laissé une empreinte durable, reconnu pour son caractère novateur (Baudouï, 1999). L’expérimentation de cette échelle de travail et d’une méthode pour le projet d’aménagement, fondée sur la lecture du paysage (Dauvergne, Berry, 1973), a mis à profit le caractère interdisciplinaire des nombreuses structures mises en place en France au moment de la loi LOF – mission d’aménagement du littoral, OREAM, GEP, Etablissement Public des Villes Nouvelles, agences d’urbanisme. Renouvelé par les expériences étrangères, le savoir-faire développé par les grands paysagistes ou urbanistes français des années 1930 s’est transmis, de façon tenue, à la Section du paysage et de l’art des jardins de l’Ecole nationale supérieure d’horticulture (ENSH) de Versailles, puis, pendant 7 années, au Centre National d’Etude et de Recherche sur le Paysage (CNERP), fondé en 1972, dont ce fut la spécificité (Sgard, 1973) – redécouvert dans les années 1990, il est maintenant plus largement diffusé.
39Depuis lors, les compétences issues de la formation complémentaire de troisième cycle dispensée au CNERP ou de l’enseignement de Pierre Dauvergne à l’ENSP de Versailles (de 1979 à 1984) sont toujours discrètement présentes au sein des organismes de maîtrise d’ouvrage publique et parapublique ; elles y apportent, en amont des projets d’aménagement, une forme originale d’expertise, notamment par l’intervention des paysagistes-conseil. Les paysagistes se sont emparés d’un champ délaissé par les architectes en s’appuyant sur le « projet de paysage » : leur pratique n’est jamais très éloignée de l’urbanisme (Cauquelin, 2000 ; Masboungi, 2002). Cette mutation progressive et le retour des problématiques d’aménagement du territoire ravivent la question de la pertinence du « grand paysage » et d’une formation spécifique pour cette échelle d’intervention. Il y a plus de 25 ans, l’hypothèse d’une différenciation des modes conceptuels et donc d’une spécialisation des enseignements avait été refusée par Pierre Dauvergne (1981) ; en 2006, Jacques Sgard, Michel Viollet et lui-même ont réaffirmé conjointement cette position : par nature, le paysage induit une articulation des échelles qui doit permettre aux paysagistes d’aborder l’ensemble des situations et des étendues.
Haut de page
Bibliographie
AGENCE D’URBANISME DE DUNKERQUE, 1970, Dunkerque 2000 : Livre blanc. Dunkerque. 126 p.
AGENCE D’URBANISME DE LA COMMUNAUTE URBAINE DE LILLE METROPOLE DU NORD, 1969, Construire une métropole : Livre blanc. Lille. 178 p.
AGENCE D’URBANISME DE LA METROPOLE DU NORD, 1971, Schéma directeur d’aménagement et d’urbanisme de l’arrondissement de Lille : Rapport justificatif. Lille. 182 p.
AGENCE D’URBANISME DE LA REGION DUNKERQUOISE, 1974,. Schéma directeur d’aménagement et d’urbanisme du littoral nord — Dunkerque 2000. Dunkerque. 120 p.
AGENCE D’URBANISME ET D’AMENAGEMENT DE DUNKERQUE, 1972, La coupure verte de Gravelines. Dunkerque.
AGUR. 2002. « La bataille des dunes ». Le magazine des 30 ans. p. 8.
AGUR. 1979. Étude comparative de la fréquentation des espaces verts.
AGUR. 1976. Propositions pour un environnement de qualité dans la région dunkerquoise.
AGUR. 1975. La ZAC du Courghain. Dunkerque : AGUR.
AUBY, P. (et alii). 2006., Mouvance II. Soixante-dix mots pour le paysage, Paris : éditions de la Villette. 119 p.
BARLES, S. (sous la direction de). 2005, Hydrologie et paysages urbains en villes nouvelles. Programme de recherche du Ministère de l’Equipement sur les Villes Nouvelles, rapport final.
BARRAQUE, B., 1985, Le paysage et l’administration. Rapport de recherche. Ministère de l’urbanisme des logements et des transports. Direction de l’Urbanisme et des Paysages. Mission de la recherche urbaine. ARTE. Réédité en 2004.
BATON, J.-F., 1995, L’agence d’urbanisme de l’agglomération métropolitaine nord (1966-1977) : Un outil de planification, Maîtrise de géographie. Villeneuve d’Ascq : USTL. 52 p.
BAUDELLE, G, L’originalité de Villeneuve d’Ascq parmi les villes nouvelles françaises, Hommes et Terres du Nord. n° 1985-1. p. 35-43.
BAUDOUI, R., 1999, L’aménagement du territoire en France. Antécédents et genèse. 1911-1963. In F. Caron et M. Vaïsse (sous la direction de). L’aménagement du territoire. 1958-1974. Fondation Charles de Gaulle. Association Georges Pompidou. Paris : L’Harmattan. p. 9-21.
BERQUE, A. et alii,1999, Mouvance. Cinquante mots pour le paysage,. Paris : éditions de la Villette. 99 p.
BLANCHON, B., 2007, Pratiques et compétences paysagères, 1945 à 1975, Strates. n° 13. p. 149-167.
BLANCHON, B., 2000, Les paysagistes français et les grands ensembles de l’après-guerre aux années 70, Les annales de la recherche urbaine. n° 85. p. 21-29.
BROSSAUD, C., 2000, Identification d’un « champ » autour d’une ville : Le Vaudreuil Ville Nouvelle (val de Reuil) et son « imaginaire bâtisseur ». Thèse de sociologie. Université de Paris VIII. 383 p.
BRUNEEL, J.-C., 1976, Calais-Dunkerque, un littoral sacrifié. Bulletin Nord Nature. fasc.5. p. 21-29.
BUREAU D’ETUDES COMANAGING, 2006, Portrait du territoire Flandre-Dunkerque. Dunkerque : AGUR. 235 p.
CABANEL, J., 1995, Le paysage d’aménagement, In Jardins et paysages : une anthologie. J.-P. Le Dantec. Paris : Éditions de la Villette. p. 588-594.
CAREME, R., 1993, Combats d’un maire, Lyon : Editions Chronique Sociale. 154 p.
CAUQUELIN, A., 2000, L’invention du paysage. Paris : PUF. Collection « Quadrige ». 181 p.
CHAMPY, F., 2000. Les architectes, les urbanistes et les paysagistes In T. Paquot et alii. La ville et l’urbain. L’état des savoirs. Editions la Découverte. Collection « Textes à l’appui ». p. 215-224.
CLAUDE, V., 2007, Les villes nouvelles françaises : lieu de formation aux pratiques de l’aménagement, Strates. n° 13. p. 169-181.
CLAUDE, Viviane. 2006. Faire la ville. Les métiers de l’urbanisme au XXe siècle. Marseille, Éditions Parenthèses. Collection « Eupalinos ». 253 p.
COMMUNAUTE URBAINE DE DUNKERQUE, 1974. Politique foncière : Bilan, prévisions, Dunkerque.
COMMUNAUTE URBAINE DE DUNKERQUE, AGUR. 1979. Urbanisme et environnement : Réalisations et projets. Dunkerque. 30 p.
COMMUNAUTE URBAINE DE DUNKERQUE, AGUR. 1977. Programme d’Action Foncière.
DAUVERGNE, P., 1981, On a le paysage qu’on mérite ! In CCI. Paysages. Paris : Centre Georges Pompidou. p. 23-29.
DAUVERGNE, P., BERRY, L., 1973, Introduction du facteur paysager dans les plans d’occupation des sols de la métropole-jardin ». Urbanisme. n° 138. p. 32-33.
DELECLUSE, J.-L., ROGER, M., 1972. Le site de Dunkerque et son processus d’appropriation entre 1950 et 1970. Dunkerque : AGUR. 70 p.
DESAGE, F., 2005. Le consensus communautaire contre l’intégration intercommunale : Séquences et dynamiques d’institutionnalisation de la Communauté Urbaine de Lille (1964-2003). Thèse de doctorat, Lille : Université de Lille 2. 2 vol. 707 p.
DESWARTE, P., POINSOT, C., 1975, Les dunes du littoral de la Flandre maritime française, Bulletin Nord Nature. fasc.3. p. 18-29.
DONADIEU, P., PERIGORD, M., 2005. Clés pour le paysage. Paris : Ophrys. Collection « GéoPhrys ». 368 p.
DUBOST, F., 1986. « Le traitement du site, logiques savantes et enjeux professionnels ». In R. Moulin (sous la direction de). Sociologie de l’Art. Paris : La documentation française. p. 223-229.
DUBOST, F., 1985. « Les nouveaux professionnels de l’aménagement et de l’urbanisme ». Sociologie du travail. n° 2-85. p. 154-164.
DUBOST, F., 1983, « Les paysagistes et l’invention du paysage ». Sociologie du travail. n° 4-83. p. 432-445.
EPF Région Nord-Pas-de-Calais. 2007, Histoire d’une contribution, le bilan de l’EPF, 1991-2004.
ESTIENNE, I., 2008, Les professionnels du paysage artisans de la ville-nature — Jean Challet et le lac du Héron à Villeneuve d’Ascq, 1974-1979 ». In J-P. Mispelon (sous la coordination de). Ville, changement de nature ? Ou comment l’envie de nature influence l’urbain. Actes de la 11e université d’été du CFDU. 30, 31 août et 1er septembre 2006 à Lille. Lyon : CERTU. Collection « Débats ». n° 54.
ESTIENNE, I., 2006, La redécouverte de l’eau dans les stratégies d’aménagement à grande échelle de la métropole lilloise ». Cahiers thématiques. n° 6. Villeneuve d’Ascq : Ecole nationale d’architecture et de paysage de Lille. Éditions J-M. Place. p. 250-263.
ESTIENNE, I., 2004. L’intervention du paysagiste dans la ville, de 1960 à aujourd’hui, pertinences et enjeux pour les architectes et urbanistes. DEA de Géographie. Villeneuve d’Ascq : Université de Lille I, 119 p. et annexes.
GALMICHE, C., RODRIGUEZ, J., 2004. Les agences d’urbanisme : repères et témoignages. Paris-La-Défense : Editions de la DGUHC. 212 p.
MASBOUNGI, A., 2002. Penser la ville par le paysage. Paris : éditions de la Villette. 97 p.
MERLIN, Pierre. CHOAY, Françoise. 1988. Dictionnaire de l’urbanisme et de l’aménagement. Paris : Presses Universitaires de France. 723 p.
MINISTERE DE LA CULTURE ET DE L’ENVIRONNEMENT, CREPAH, AGUR. 1977. Assistance technique pour la mise au point des actions d’espaces verts inscrites au plan vert de l’agglomération dunkerquoise : Compte-rendu de mission. 27 p.
Métropolis, « L’aménagement et ses paysages », n° 84/85, 1989, 124 p.
NAVE, F., 1975. Eléments pour une politique de l’environnement dans la région dunkerquoise. Dunkerque : AGUR. 16 p.
NOUVEAU, P., 2006. Dunkerque, l’aventure urbaine. Éditions de l’aube, Collection « Bibliothèque des régions ». 144 p.
OREAM-NORD, 1976. Le parc de la Deûle : Note de présentation.
OREAM-NORD, 1971. Aménagement d’une région urbaine, le Nord-Pas-de-Calais. Paris : La Documentation française. 422 p.
POINSOT, C., 1978. Eléments pour une politique des plans d’eau dans la Communauté urbaine de Dunkerque : Fréquentations et vocations des lacs. Dunkerque.
PREVOT, M., 2006. Genèse métropolitaine à Lille. Réseaux et héritages, in Action publique et projet métropolitain, Paris, L’Harmattan.
RACINE, M., (sous la direction). 2002. Créateurs de jardins et de paysages : En France de la Renaissance au XXIe siècle, 2. Du XIXe siècle au XXIe siècle. Arles : Actes Sud / École nationale supérieure du paysage. 2 vol. 432 pages.
RATOUIS, O., 1997. Dunkerque ou la question de la ville comme totalité : De la reconstruction aux années 1970. Thèse de doctorat. Paris : EHESS. 658 p.
René Carême, ouvrier syndicaliste maire. Combats d’un militant, une interview de Ch. Aguerre et Philippe Nouveau, Les éditions Ouvrières, 1977.
ROGER, A., 1994. « Paysage et environnement : pour une théorie de la dissociation ». In J-P. Le Dantec. Jardins et paysage : une anthologie. Paris : Editions de la Villette. p. 602-613.
SAUNIER, F., 2005. L’aménagement de la Basse-Seine de 1940 à 1977. Un territoire d’expériences. Thèse d’histoire de l’art. Université de Paris 1.
Sciences et avenir, « La science du paysage », n° 31, avril 1974.
SCHEMA DIRECTEUR DU LITTORAL NORD, AGUR, 1984. Analyse synthétique de la mise en œuvre du SDAU approuvé en 1974. Dunkerque. 9 p.
SGARD, J., 1981, Quel paysage et pour qui ? In CCI. Paysages. Paris : Centre Georges Pompidou. p. 64-71.
SGARD, J., 1973, Le Centre National d’Etude et de Recherche du Paysage, Urbanisme. n° 137. p. 67.
SYNDICAT MIXTE DU SCHEMA DIRECTEUR DE LILLE METROPOLE, ADULM,. 2002,. Schéma directeur de développement et d’urbanisme de Lille Métropole. 254 p. et cartes en annexes.
SYNDICAT MIXTE POUR LA REVISION DU SCHEMA DIRECTEUR DE L’ARRONDISSEMENT DE LILLE, AGENCE DE DEVELOPPEMENT ET D’URBANISME DE LA METROPOLE LILLOISE, 1994, Schéma directeur de développement et d’urbanisme de la métropole lilloise. 218 p. et annexes.
SYNDICAT MIXTE POUR LA REVISION ET LE SUIVI DE LA MISE EN ŒUVRE DU SCHEMA DIRECTEUR DE L’ARRONDISSEMENT DE LILLE, ADULM, 1997, Schéma directeur de développement et d’urbanisme de Lille Métropole. 206 p. et annexes.
Haut de page
Notes
Malgré les travaux des chercheurs, cette confusion persiste actuellement pour des raisons autres (Cauquelin, 2000).
Élie Mauret et Pierre Pillet, paysagistes issus de la « Section du paysage et de l’art des jardins » de l’Ecole nationale Supérieure d’horticulture (ENSH) de Versailles, participent aux travaux de la mission interministérielle d’aménagement touristique du littoral Languedoc-Roussillon, créée en 1963 ; Jacques Sgard puis Marguerite Mercier apportent leur contribution à celle du littoral Aquitain qui date de 1967.
Au Vaudreuil, à Marne-la-Vallée, à Cergy-Pontoise ou à l’Étang-de-Berre, par exemple, l’apport des paysagistes est essentiel. Il est mieux connu depuis les travaux de la mission d’évaluation des Villes Nouvelles (Barles, 2005), mais aussi grâce à des thèses (Brossaud, 2000 et Saunier, 2005) ou à des publications récentes (Claude, 2006 et 2007).
Durant la période allant de l’après-guerre à la fin des années 1960, la profession, discrète, a fait l’objet de peu de recherches. On se reportera aux publications de Bernadette Blanchon et à celles de Françoise Dubost (1983, 1986).
Cet article est rédigé dans le cadre d’une thèse, en cours, à l’université de Lille 1 sous la direction de Didier Paris : « L’intervention du paysagiste dans la ville, de 1960 à aujourd’hui. Pertinence, significations et enjeux. Le cas de la métropole lilloise ».
Dans la métropole lilloise, il s’agit de Didier Larue, François-Xavier Mousquet, Philippe Thomas ou encore d’Eric Berlin qui a débuté son parcours au CAUE du Nord. François-Xavier Mousquet et Philippe Thomas créent l’agence Paysages à Lille en 1982.
La quatrième et dernière section de ce document, consacrée au « cadre de vie », comporte deux chapitres : « les équilibres naturels » (chapitre 15, p. 317) et « la reconquête du paysage » (p. 341). La légende du schéma d’aménagement témoigne de cet intérêt : y sont mentionnés les forêts, les parcs et bases de loisirs, les sites favorables à la création de bases de loisirs, les paysages de qualité, les interruptions volontaires de l’urbanisation et de l’industrie et les sols drainés.
Le séminaire organisé à Lille le 9 novembre 2006 par Isabelle Estienne et Maryvonne Prévot a permis de mesurer le rôle, au sein des Oream, de quelques paysagistes pionniers — Jacques Sgard, Jean Challet, Michel Viollet, Pierre Dauvergne, Georges Demouchy, notamment — et des jeunes paysagistes formés dans leurs agences et sur le terrain, à Versailles ou au Centre national d’études et de recherche du paysage (CNERP) de Trappes. Avec eux s’introduit en France l’idée d’un paysage d’aménagement dont ils avaient vérifié la pertinence au cours de voyages en Europe du Nord ou de séjour de coopération au Maroc ou en Algérie.
Jacques Simon participe à la réflexion des techniciens de la Mission d’études et d’Aménagement de la Ville Nouvelle de Lille-Est, créée par le décret du 24 avril 1968. Martine Guitton, Marguerite Mercier et Serge Aubépart interviennent dans le cadre des missions d’expertise confiées au Bureau des Paysages de l’ONF. Bernard Debroux et Christiane Delvaux, Jean Challet et Michel Bourne reçoivent des missions de maîtrise d’œuvre. D’autres missions ou leur réalisation sont confiées pour certaines (creusement des lacs, mise en forme des déblais/remblais, plantations) à des entreprises de VRD ou de travaux publics, pour d’autres (les plantations) à des entrepreneurs paysagistes (entreprise Masquelier, agence Depret notamment).
Créée par le décret du 22 mars 1967, la CUDL est mise en place le 22 décembre 1967. Augustin Laurent, maire socialiste de Lille, préside cette assemblée de 89 communes jusque 1971. Arthur Notebart, maire socialiste de Lomme, lui succède de 1971 à 1989, puis Pierre Mauroy, ancien maire de Lille et premier ministre.
La CUD est créée le 21 octobre 1968 et mise en place le 1er janvier 1969. Réunissant à l’origine 12 communes, elle concerne très vite tout le littoral Nord (18 communes). Albert Denvers la préside de 1968 à 1995, Michel Delebarre le remplace depuis.
Albert Denvers (1905-2006), ancien instituteur, député socialiste du Nord, maire de Gravelines, président de la CUD créée à son initiative. Militant actif du logement social, il préside l’Union nationale des HLM de 1956 à 1985.
Des travaux existent cependant : la thèse d’Olivier Ratouis notamment (1997), ainsi qu’une maîtrise de géographie dirigée par Pierre Bruyelle (Baton, 1995).
Gérard Deldique, architecte DPLG en 1955, formé à l’Institut d’urbanisme de Paris, est l’architecte en chef des ZUP des Nouvelles-Synthes, de Malo-les-Bains et de Wattignies. De 1965 à 1969, il dirige l’Atelier d’urbanisme de Lille et s’occupe du projet de centre directionnel. Urbaniste conseil de la CUDL jusqu’en 1972, il participe à la rénovation de plusieurs quartiers (Lille-Wazemmes, Roubaix ou Mouvaux), mais également à la conception de Brigode à Villeneuve d’Ascq.
L’Oream-Nord est mise en place en 1966 après la désignation, en 1964, de l’agglomération de Lille-Roubaix-Tourcoing comme métropole d’équilibre.
Il fait suite à une première version publiée en juin 1968 par l’AUAM.
Les deux agences d’urbanisme souhaitent travailler « en dialogue permanent avec l’extérieur. » (AUAM, 1969). Mais l’équipe dunkerquoise, forte du soutien des responsables politiques, ira plus loin dans l’expérimentation de la concertation. Pour Denvers, en effet, il ne peut être question de tenir secrets des projets qui transforment le cadre et les conditions de vie. La politique de communication et de sensibilisation du grand public a toujours été essentielle à l’AGUR (Plaquette de présentation de l’AGUR, introduction, 1977).
Le terme « écologiste » apparaît en 1964 en France (Histoire générale des sciences, t. 3, vol. 2, p. 683), il désigne alors un biologiste « spécialisé dans l'étude des êtres vivants et des milieux où ils vivent et se reproduisent » (Dictionnaire de l’académie, 9ème édition). La première édition du Dictionnaire de l’urbanisme et de l’aménagement (Merlin, Choay, 1988) spécifie encore les deux définitions du terme « écologiste ». Le profil de Francis Nave, écologiste à l’AGUR, correspond à la première, celle d’un scientifique spécialiste des écosystèmes. L’équipe de l’Oream-Nord intègre aussi un « écologiste », Diep Le Thuc, dès la préparation du schéma publié en 1971. Presque contemporain en France (Le Monde, 6 nov. 1969), le mot « écologue » est, à cette époque, un synonyme du mot « écologiste » au sens de spécialiste de l’écologie à l’usage moins répandu. Ce n’est que dans une période plus récente que les deux mots se séparent. L’écologue désigne aujourd’hui un scientifique, tandis que « écologiste » se rapporte au représentant de la doctrine de défense de l’environnement, l’écologisme.
De 1965 à 1970, la revue Urbanisme consacre des articles aux relations entre l’homme et la ville. C’est également à cette période qu’apparaît l’expression « cadre de vie » (Estienne, 2004).
Construite à partir de 1958 pour loger les ouvriers d’Usinor, elle transforme Grande-Synthe, village de 1 800 habitants, en une ville-champignon comprenant 11 500 habitants en 1971, puis 25 000 en 1981.
Cette décision a été prise en 1972, pour permettre l’opération du Bois des Forts. La politique foncière de la CUD est née de la volonté d’Albert Denvers et de René Carême, vice-président à l’urbanisme. Cet ouvrier d’Usinor, syndicaliste CFDT, a été maire de Grande-Synthe de 1971 à 1993.
La mission initiale de l’EPF (2007) est de requalifier les grandes friches industrielles sans réemploi immédiat.
Le Bois des Forts, prévu au SDAU de 1974, est une réalisation exemplaire par son ampleur spatio-temporelle (300 ha aménagés sur plus de 30 années). Située le long du canal de Bergues, cette coulée verte de 6 km relie la ville de Dunkerque aux remparts de Vauban, en mettant à profit la présence de terres agricoles de moindre valeur. Le caractère initialement jardiné des plantations de peupliers laisse progressivement place, grâce aux plans de gestion proposés par l’ONF depuis quelques années, à davantage de diversité : des lisières apparaissent, l’espace redevient sauvage.
La sauvegarde des dernières dunes de Malo-les-Bains doit beaucoup à l’action des associations regroupées dès 1974 en une fédération baptisée Assemblée pour la défense de l’environnement du littoral Flandre-Artois (ADELFA), afin de pouvoir être représentées auprès des collectivités locales.
A la fin des années 1970, Gilles Noyon est le premier paysagiste qui s’installe sur le littoral.
Mais, là encore et à la différence de ce qui s’est passé en Île-de-France, aucun paysagiste n’a été intégré à l’équipe de l’EPALE.
Dans la région, un autre travail majeur date de 1972 : il s’agit de l’étude financée par le Ministère des Affaires Culturelles sur la reconnaissance et la valorisation du patrimoine des terrils du bassin houiller du Nord-Pas-de-Calais. Elle a été confiée au cabinet d’architectes GGK (Guislain, Gogois, Le Van Kim) mais l’agence API y a largement collaboré (Voir l’article publié à ce sujet dans l’Architecture d’Aujourd’hui, n° 164, 1972).
Source : Lettre de Michèle Delaigue à l’auteur, novembre 2006.
Suite à cela, Didier Joseph-François, architecte et premier directeur du CAUE du Nord, imagine le Fonds pour l’amélioration du cadre de vie (FACV), créé en 1989 par le Conseil général du Nord. Il finance des études qualitatives menées par des équipes associant architectes, urbanistes et paysagistes (entretien du 31/03/2005).
En 1972 à Villeneuve d’Ascq, le lac du Château et le lac des Espagnols ont été conçus et aménagés par les architectes-urbanistes de l’EPALE sans intervention de paysagistes extérieurs mais avec l’appui technique de la société Sauveterre et d’entrepreneurs de paysage locaux (Estienne, 2008).
Le retour de Charles Poinsot en 1976 coïncide avec la montée en charge des préoccupations écologiques. Il quitte ensuite l’AGUR pour intégrer l’équipe de l’Espace Naturel Régional (ENR) ; il est aujourd’hui directeur de l’Opal’Air, Association de Surveillance de la Qualité de l'Air Flandre Côte d'Opale.
L’ADELFA, créée le 2 juillet 1974 sur proposition de Denvers, fédère une trentaine d’associations. Jean-Claude Bruneel, écologue, en est le premier président, remplacé aujourd’hui par Jean Sename, ancien journaliste.
Ces deux techniciens spécialistes de l’écologie, Charles Poinsot et Francis Nave, arrivés tôt dans l’histoire de l’agence, ont joué localement un rôle essentiel dans la structuration de la pensée écologique, davantage en tant qu’expert qu’en tant que militant (entretien Philippe Nouveau, 4/01/2008).
Différentes associations (par exemple, la Confédération Syndicale du Cadre de Vie, CSCV, dénommée depuis 1998 CLCV : Consommation, Logement et Cadre de Vie) fréquentaient les locaux de l’agence pour s’informer, alimenter la réflexion et contribuer à élaborer les projets en cours. Le travail de sensibilisation du public et de publication mené par l’Union Féminine Civique et Sociale (UFCS) fut particulièrement remarquable (cf. CAUE du Nord, UFCS Dunkerque, Animations autour de l’exposition : « Habitation ouvrière dans l’agglomération Dunkerquoise », AGUR, 1982 ; UFCS Dunkerque, Les femmes et l’habitat dans la région dunkerquoise, janvier 1977 ; mais aussi l’inventaire des maisons de bois...). Au sein de cette nébuleuse militante constituée autour de l’AGUR se trouvaient de futurs élus écologistes : Pierre-Etienne Vanpouille, Jean Sename, Daniel Hallo...
Il quitte l’AGUR pour rejoindre l’association « Etudes et Chantiers » qui a réhabilité l’ancienne ferme de l’Hôpital maritime de Zuydcoote, la « ferme Nord », pour en faire un lieu de rencontres culturelles et de sensibilisation à l’environnement.
Il est l’un des membres fondateurs, avec Francis Nave, de l’association « Le réveil du méridien ». Regroupant des habitants de la ZUP du Méridien à Malo, elle a contribué à sauvegarder le reliquat de dunes aménagé depuis en « Parc du Vent ».
Militant politique et syndicaliste, il a été récemment porte-parole, puis secrétaire des Verts sur Dunkerque.
La réalisation des schémas d’urbanisme s’est faite par conjonction d’une vision qualitative à long terme et d’opportunités économiques ou foncières. Au Puythouck et à Armbouts-Cappel, les carrières de sable nécessaires à la construction des routes sont transformées en base de loisirs ; l’élaboration du POS donne l’occasion de classer discrètement le pertuis et la citadelle en zone Na ; des négociations avec les chantiers de France ont facilité l’aménagement du musée d’art moderne (entretien avec Paul Chavy, 16/01/2007).
Paul Chavy, notamment, présent dans l’équipe de 1968 à 1979, a participé comme dessinateur à l’élaboration du livre blanc, puis comme architecte à celle du SDAU, avant de se voir confier le schéma de secteur ouest (définition et localisation des barrières vertes). Urbaniste de ZAC (Malo-les-Bains, Loon-Plage et Gravelines), il passe ensuite à l’urbanisme opérationnel, puis à l’architecture en fondant une agence avec l’architecte Jérôme Soissons. On leur doit la réhabilitation de l’ancien Entrepôt des Tabacs en musée portuaire (entretien avec Paul Chavy, 16/01/2007).
Ce rôle primordial des regards extérieurs, vérifié dans le cas de l’Oream-Nord (Estienne, 2006), est souligné par Jean Cabanel, responsable de la Mission Paysage au Ministère de l’Environnement. Selon lui, les études de diagnostic précédant une action de transformation du paysage doivent être confiées de préférence à des paysagistes étrangers à la zone observée : « car il y apporte un regard neuf ; il est mieux à même d’en révéler les éléments positifs et négatifs qu’un habitué du trajet qui ne perçoit plus son environnement quotidien avec suffisamment d’acuité et de recul » (Cabanel, 1995).
« À partir de l’espace concret, d’une portion de pays, les paysages n’existent pas sans notre regard, ils dépendent de notre sensibilité et de notre culture. Le plus souvent, ce regard ne fait que reconnaître à une partie de pays, ayant une réalité physique préexistante à cette expérience sensible, des qualités paysagères qui, elles aussi, ont été culturellement constituées bien avant ce moment privilégié de l’invention paysagère. L’invention paysagère serait reconnaissance plus que création » (Auby, 2006). Il existe peu de représentations picturales ou paysagères des paysages de plaines ouvertes ; on notera, par ailleurs, que la chanson de Jacques Brel, « le plat pays », date de 1962.
Inversement, Jacques Poulet-Mathis nous a raconté comment il avait révélé aux paysagistes Jean Challet et Pierre Mas l’existence d’un paysage minier dont ils avaient du mal à percevoir la richesse et auquel il était particulièrement attaché (séminaire consacré aux Oream, Lille, 9/11/2006).
Source : entretiens avec Lucas Berry, 05/10/2006 ; Gilbert Delecourt, 18/09/2005.
Pendant la seconde guerre mondiale, les arbres avaient souffert des inondations volontaires de la plaine maritime ou avaient été abattus pour servir de bois de chauffage ou de pieux défensifs. La côte, déjà naturellement peu boisée du fait des conditions climatiques, était devenue une plaine morne et nue.
Cette politique s’appuie sur le remembrement et prévoit la plantation de 10 000 arbres en secteur rural.
De la fin des années 1960 jusqu’à la fin des années 1970, beaucoup de parcs périurbains se structurent autour de « mouvements de terrain » : le parc Saint-John-Perse dans la ZUP de la Croix-Rouge à Reims (Jacques Simon, 1968), le parc de la Villeneuve à Grenoble (Michel Corajoud, agence CCH / AUA, 1968) ou le parc départemental André-Malraux à Nanterre (Jacques Sgard, 1971-1981). Il s’agit, au départ, d’inventer pour ces parcs et espaces verts une géographie à l’échelle des immeubles qui les jouxtent, mais aussi d’utiliser de façon pragmatique les déblais produits par les chantiers des grands ensembles et des infrastructures (Blanchon, 2007). Les lacs aménagés autour de Dunkerque obéissent à la même logique pragmatique.
Présentée en tant qu’association, l’AUAM n’en est pas une faute de statut et de Conseil d’administration.
Pierre Mazzolini déplore les difficultés rencontrées pour créer un espace de débat sur la qualité architecturale et urbaine.
Arthur Notebart s’y implique fortement, négociant avec chacune des communes : la CUDL est la première communauté urbaine à avoir terminé ses POS. Voir sur ce point la thèse de Fabien Desage (2005).
Baton (1995 : 28-30) note que « faute de statut légal, l’agence ne pouvait disposer de personnel propre ».
Entretien du 26/01/2007.
Le service d’urbanisme de la ville de Lille n’est pas aussi développé qu’aujourd’hui.
« Quatre murs et un toit : il fallait faire plus et mieux. (…) Faire tout simplement de l’habitat. De l’habitat avec son environnement de qualité ». (Albert Denvers, Congrès HLM du Havre -1964)
Une réactualisation spatiale a été faite en 1995 puis en 1998 ; en 2006, l’ADULM, en partenariat avec le centre de Bailleul a entrepris une réactualisation quantitative (entretien avec Jean-Paul Mottier, 12/01/2007).
La loi du 12 juillet 1999 relative à la coopération intercommunale offre de nouveaux moyens financiers et donne la possibilité aux communautés urbaines d’élargir leurs compétences. Décidé en 2000 par les élus de la communauté urbaine après de longs débats, le principe de la prise de compétence « espace naturel » aboutit concrètement le 1er septembre 2002 par la prise de compétence communautaire suivie, le 1er octobre 2002 par la création du syndicat mixte. (Source : entretien avec Pierre Dhénin, 22/03/2005).
Pour mémoire, le budget annuel des Espaces Naturels Sensibles du Conseil Général du Nord a longtemps plafonné à 6 millions d’euros pour l’ensemble du département (Entretien avec Pierre Dhénin, 22/03/2005).
Guy Salmon-Legagneur, secrétaire général du groupe central des villes nouvelles, rappelle sa première entrevue avec Arthur Notebart, président de l’EPALE : « Arrive tout d'un coup le Président Notebart, un homme ventripotent, petit, rapide et autoritaire. Et là, un feu d'artillerie urbanistique entre lui et Michel Colot. Notebart était un maître d’urbanisme » (Entretien n° 2, réalisé par Sabine Effosse, le 12/07/2002, Première campagne d’archives orales « Acteurs et mémoires de villes nouvelles » réalisée pour le compte du Programme interministériel Histoire et Evaluation des villes nouvelles).
L’EPALE avait initialement étudié une simple navette reliant la ville nouvelle au centre de Lille. Voir notamment le Livre blanc de la ville nouvelle de Lille Est, Communauté urbaine de Lille, non daté, 143 p.
Doté de nombreux moyens aussi bien financiers, que matériels (site d’exploitation) et humains, le lycée professionnel agricole de Lomme a, selon ses responsables, amélioré de façon sensible les politiques municipales d’espaces verts (entretien avec Michel Enchéry, ancien directeur du LEPA de Lomme et avec JM Courtois).
Les éléments recueillis en ce sens lors de l’entretien avec Jean-Pierre Decoster (29/01/2007) sont confirmés dans la thèse de Fabien Desage (2005) et dans la maîtrise de Jean-François Baton (1995).
« La non parution des décrets d’application, et donc le maintien d’une Agence sans statut légal, la part croissante prise par la Communauté Urbaine de Lille dans le budget de l’Agence, ont amené le Conseil de Communauté par délibération du 4 février 1977, à la création d’une Direction de l’Urbanisme et de l’Aménagement, le personnel étant placé, par création de postes spécifiques, dans une situation statutaire et réglementaire. » (Communauté urbaine de Lille, 10 ans. 1971-1980, p. 60)
Selon Donadieu (2005 : 294), il faut attendre le début des années 1970 en France et la création du CNERP, « pour qu’apparaisse dans les formations et les pratiques, l’idée de produire un paysage, selon un projet de paysage ».
Haut de page