1Le processus d’étalement urbain se dessine très nettement dans l’ouest de la France, où certaines zones connaissent une tension particulière. En dehors du littoral, il s’agit généralement des couronnes des agglomérations. La spécificité de l’aire urbaine rennaise est de conjuguer la tension d’un vif accroissement démographique, alimenté à la fois par les migrations et par l’excédent naturel, à un modèle spatial original, dans lequel la périphérie possède un poids très élevé et s’est polarisée autour de noyaux d’origine rurale, qui conservent une « ceinture verte » agricole et naturelle.
2Ce modèle d’agglomération multipolaire résulte d’un choix volontariste des élus, défini à partir d’une réflexion portée par l’AUDIAR, créée sous le nom d’Agence d’urbanisme du district intercommunal de l’agglomération rennaise en 1972, qui a ensuite fortement contribué à sa mise en œuvre en proposant une panoplie d’outils précurseurs en matière d’observation et d’action sur l’habitat.
3Mais on s’interroge aujourd’hui sur les effets de ce contrôle de l’urbanisation par la planification spatiale : le manque de disponibilités foncières face à la demande de logements, qui s’accroît significativement plus vite que la population, est cruellement ressenti et influe sur les prix. La fluidité des choix des ménages et des entreprises vient aussi buter contre la configuration spatiale de l’agglomération qui produit un effet paradoxal : du fait de leur cadre de vie, les bourgs ruraux, devenus « villettes », se montrent très attractifs. Leurs zones pavillonnaires accroissent l’étalement urbain en grignotant les espaces naturels et la volonté d’en faire des espaces plus denses se heurte à de nombreuses limites.
4Cette évolution contraint l’Audiar à renouveler ses analyses. Sa mission de définition d’un espace pertinent pour l’action la soumet à une remise en cause perpétuelle de ses échelles d’observation, particulièrement pour déterminer les limites spatiales de la planification.
- 1 Près de 1 000 maisons détruites et 8 000 sinistrés pour une population estimée à 30 000 habitants.
5Le centre-ville historique de la ville de Rennes subit en 1720 un incendie dramatique qui détruit presque intégralement sa partie médiévale1. Pour le reconstruire, le pouvoir central désigne immédiatement l’ingénieur Robelin, puis l’architecte Gabriel, qui dessinent un vaste centre-ville moderne, structuré par le quadrillage de voies rectilignes et par l’homogénéité des îlots bâtis.
document 1 : photo du secteur sauvegardé
- 2 La part de logements sociaux à Rennes atteint presque 25 % en 1975, Rennes Métropole, chiffres-clés (...)
6Cette planification précoce est toujours invoquée pour faire comprendre la légitimité de l’action publique sur l’espace. Elle explique que les phases successives de l’expansion urbaine se soient ensuite réalisées selon différents plans d’aménagement, dans les quartiers populaires au sud de la Vilaine (1861) puis de la gare (1928). Après la seconde guerre mondiale, les plans de 1946 et de 1958 délimitent sur le territoire municipal les terrains sur lesquels construire. Aussi la plus grande part des constructions s’effectue-t-elle sur des parcelles affectées par la municipalité à des opérations programmées : grands ensembles, zones à urbaniser en priorité, rénovation urbaine. Sur les 53 000 logements construits à Rennes entre 1954 et 1982, 58,5 % relèvent de ces opérations planifiées qui comportent une part importante de logements sociaux2. Ces divers aménagements portent sur 26 % du territoire communal.
7Cependant, si la réflexion se limite encore à l’espace communal, les plans d’après-guerre adoptent une échelle qui dépasse les limites de Rennes et visualisent quelques noyaux villageois, le second indiquant quatre réserves affectées à l’activité industrielle, dont celles qui vont accueillir les établissements Citroën.
Document 2 : Schéma du plan directeur 1960
8La loi d’orientation foncière de 1967 correspond au franchissement par l’urbanisation des limites communales, ce qui se lit à travers l’expansion rennaise, puisque la ville passe de 115 000 habitants en 1946 à 198 000 en 19753. La loi oblige les agglomérations de plus de 10 000 habitants à établir, à l’échelle intercommunale, un Schéma directeur d’aménagement et d’urbanisme (SDAU) et, à l’échelle communale, un Plan d’occupation des sols (Pos). Ces documents sont élaborés conjointement par les services de l’Etat et les collectivités locales et ils présentent l’avantage de connecter la prospective territoriale du premier à l’urbanisme réglementaire des secondes qui doivent accroître leur professionnalisation et s’appuyer sur de nouvelles équipes. Les agences répondent à ces nouveaux besoins.
- 4 Jusqu’à la loi de 1992 qui confie cette compétence aux départements.
9A partir de 1970, l’échelle territoriale de planification peut s’étendre lorsque se crée le District urbain de l’agglomération rennaise, qui regroupe 27 communes. Il dispose de compétences axées sur les études en matière de développement économique, d’une part, et de planification urbaine, de l'autre. Ces choix vont s’avérer stratégiques car ils annoncent les possibilités instaurées par la loi de 1992 sur les compétences dévolues aux communautés de communes. Les compétences choisies prévoient aussi, pour réaliser ces études, la mise en place d’une agence d’urbanisme, l’AUDIAR, la onzième en France. Elle va immédiatement devenir l’outil de la politique intercommunale, d’autant plus que l’administration du District se limite quasiment aux personnels des centres de secours4 puisque les élus ont refusé la structure de Communauté urbaine pour lui préférer une organisation souple.
- 5 La prolongation des tendances 1962-1968 indique 550 000 habitants pour 2010, quand, sur le même pér (...)
- 6 Henri Fréville, maire de Rennes et président du district, Conseil de district du 05 janvier 1973.
10A Rennes, le SDAU adopté en 1974 s’aligne sur des prévisions démographiques très élevées déclinées de l’échelon national5 et envisage pour 2010 de répartir la population autour de deux « villes nouvelles » périphériques de Rennes, afin d’éviter « de laisser se miter6 » l’espace interurbain. Même si ce Schéma directeur, qui ne fait pas consensus parmi les élus, ne sera pas mis en œuvre, il en demeurera plusieurs éléments décisifs, dont un plan destiné à constituer des réserves foncières, ainsi que la réalisation progressive des POS sous l’égide de l’AUDIAR, ce qui éclaire sur un rôle central de l’Agence, celui de conseil aux élus pour la maîtrise de leur développement urbain. On peut aussi suggérer que la définition par le premier SDAU de larges espaces à urbaniser a joué un grand rôle en ouvrant des espaces à bâtir autour des bourgs.
11Lorsqu’en 1977, les élections municipales désignent Edmond Hervé comme maire de Rennes, puis Michel Phlipponneau, son premier adjoint chargé de l’urbanisme, comme président du District, le SDAU entre immédiatement en révision, d’autant que les prévisions démographiques paraissent à tous surestimées au vu du recensement de 1975. La préparation par l’AUDIAR du nouveau SDAU, adopté en 1983, constitue une période importante car elle fait entrer d’emblée les élus en pleine décentralisation et qu’elle les initie à l’apprentissage de la concertation au niveau intercommunal. Les choix réalisés, les « villettes » et la « ceinture verte », resteront la marque du modèle spatial instauré dans l’agglomération, comme l’importance accordée à la qualité de l’urbanisme, qui se lit dans des opérations emblématiques : l’urbanisme de Gaston Bardet, au Rheu, a laissé une trace qui explique l’attention portée à la qualité environnementale, comme le montre la diversité des plantations. L’AUDIAR porte ces préoccupations puisqu’elle a, dès ce Schéma directeur de 1983, un poste chargé de l’environnement.
- 7 Alors qu’elle est la douzième de France par sa population (520 000), et la neuvième par le nombre d (...)
12Le pari de l’intercommunalité rennaise est original. C’est celui d’une agglomération multipolaire : l’aire urbaine est l’une des plus vastes de France (140 communes en 1999) en raison notamment de sa partie inconstructible –la « ceinture verte »- et de la performance des routes et de l’étoile ferroviaire. Aussi, le pôle urbain, au sens de la continuité du bâti, ne comprend-il que dix communes et 52 % de la population de l’aire urbaine. Cette situation est sensiblement différente de la moyenne des aires urbaines de plus de 200 000 habitants où 80 % de la population sont concentrés dans le pôle urbain. De ce fait, les 249 000 périurbains rennais habitant les 130 communes hors du pôle urbain placent l’agglomération au troisième rang en France derrière Paris et Lyon7.
- 8 Bruz et Cesson ont respectivement 13 200 et 14 300 habitants en 1999.
- 9 Rennes Métropole, chiffres-clés, Audiar, 2005, p. 19
13Cette « ville sans banlieue » s’organise autour de la ville centre, qui retisse indéfiniment son bâti sur un territoire très contraint, essayant de répondre aux besoins d’habitat et de se donner l’aspect et le rôle d’une métropole. Plus loin, les communes rurales se sont métamorphosées en « villettes », voire pour certaines en villes8, dotées d’un ensemble habitat-services-activités propre à les constituer en véritables pôles secondaires. Entre les deux, et entre chaque commune, les espaces non bâtis constituent la « ceinture verte » des exploitations agricoles et des espaces naturels à vocation récréative, perpétuellement menacée. Si l’aire urbaine de Rennes est l’une des moins artificialisées, la diminution d’espaces naturels entre 1990 et 1999 a été la plus forte, comparativement à Bordeaux, Grenoble, Nantes, Montpellier, Strasbourg et Toulouse9.
- 10 De 1968 à 2007, l’actuelle communauté d’agglomération est passée de 240 377 à 388 000 habitants (es (...)
14Ce modèle, héritier du choix défini par le Schéma directeur de 1983, offre une forte cohérence territoriale, en particulier par la hiérarchisation des fonctions urbaines dans l’espace intercommunal. Il présente toutefois un paradoxe : d’une part, il propose une qualité de vie telle qu’il parvient à offrir des conditions d’habitat, d’accès aux services, de circulation, de sécurité, de culture et de loisirs, etc. fort appréciées. En contrepartie, l’attraction réelle de l’agglomération rennaise10 semble avoir pour effet d’annuler l’ampleur et la multiplicité des moyens mis en œuvre par la communauté d’agglomération pour contrôler le foncier et proposer des logements adaptés en nombre et en diversité.
15Les limites du modèle rennais relèvent aussi de l’analyse des disparités sociales sur le territoire. Les anciennes ségrégations villes/campagnes liées à l’activité ont disparu et l’enjeu de cohésion sociale s’est déplacé dans les communes de la périphérie, les plus proches de Rennes comme celles des franges de l’agglomération. En effet, l’objectif de densification de l’habitat s’y heurte à une dimension culturelle propre à l’ouest français, celle du pavillon individuel, élément très sensible pour les ménages puisqu’il touche à la fois à la maison et à son territoire de voisinage. Le souhait de voir ce dernier demeurer « naturel » souligne la contradiction entre une demande d’incorporation à la ville et une demande de distanciation et provoque l’augmentation des déplacements et la multiplication des destinations.
- 11 La loi SRU du 13 décembre 2000 remplace le Schéma directeur (SD) par le SCOT.
16C’est pourquoi les élus, confrontés à d’impérieux besoins en matière d’habitat et d’activité, ont demandé à l’AUDIAR de remettre sur l’ouvrage le Schéma directeur de 1983, d’abord en 1994, puis en 2005, avec le SCOT à l’échelle du pays de Rennes. Ainsi s’applique avant l’heure la recommandation de la loi Solidarité et renouvellement urbains (SRU) qui prévoit une révision du SCOT tous les dix ans11.
17Une étude engagée en 1978 pour la révision du SDAU souligne combien la forme exclusivement pavillonnaire de la périurbanisation spécialise le parc de logements entre Rennes et les autres communes. Ce processus s’étend bien au-delà des limites du District, mais il est difficile à appréhender sur le plan statistique. C’est pour essayer de le mesurer que l’Agence d’urbanisme, avec le soutien de l’Etat, met en place en 1979 un des tout premiers observatoires de l’habitat, sur une aire de 90 communes. Le bassin d’habitat est alors réparti en plusieurs couronnes, ce qui permet de repérer l’éloignement croissant des constructions neuves. L’observatoire spécialise ses analyses en fonction des localisations et des caractéristiques du marché. Il est ainsi amené à se pencher sur le marché de l’occasion à Rennes ou dans les communes limitrophes. Il intègre un suivi des loyers. Il approfondit bientôt la question des mobilités résidentielles.
18L’ampleur de ses travaux explique l’existence très précoce, dès 1983, d’une politique locale de l’habitat à l’échelle du District, dont les objectifs fondent encore les choix des programmes locaux de l’habitat de 1995 et de 2005. On y retrouve le souci de diversifier l’offre de construction par l’introduction de collectif12, de faire sortir le logement social de la ville centre, d’accueillir les gens du voyage dans toutes les communes, etc.
19Le territoire d’origine de l’observatoire est évidemment soumis à une forte évolution, d’une part du fait du nombre croissant de communes dans le District puis dans la Communauté d’agglomération Rennes Métropole (37 en 2005), et d’autre part à cause de l’éloignement continu des nouveaux accédants. Demeuré identique jusqu’en 2002 afin de maintenir la validité des séries statistiques, il est cependant modifié en 2003 pour s’étendre aux 140 communes de l’aire urbaine de 1999. Les anciennes couronnes sont simplifiées pour constituer trois aires distinctes : Rennes, les autres communes de Rennes Métropole, l’aire urbaine moins Rennes Métropole. Une quatrième couronne est même constituée, aux franges de l’aire urbaine. L’observatoire délimite ainsi un périmètre qui touche aux limites ouest et sud du département et qui mord, à l’est, sur la zone d’emploi de Vitré.
20Le territoire de l’observatoire s’éloigne donc considérablement du territoire d’action du programme local de l’habitat, mais son travail est reconnu, par les élus et acteurs concernés, comme un support d’analyse adapté.
- 13 Les CBE sont créés par une circulaire du 27 janvier 1982.
21Le CODESPAR (Comité de développement économique et social du pays de Rennes) résulte d’une volonté politique du maire de Rennes, celle de mettre en place une structure de concertation territoriale regroupant élus locaux, représentants des entreprises et représentants des syndicats de salariés. Il prend la forme d’un Comité de bassin d’emploi13 (CBE), puisque ces derniers possèdent une structure associative et sont organisés sur une base tripartite. Dès sa création, en 1984, le CODESPAR comprend 123 communes, ce qui traduit l’extension de la base spatiale du développement économique, bien au-delà des limites de la ville de Rennes. Le bassin d’emploi tient compte des zones d’emploi déterminées en 1982 par l’Insee, ainsi que de l’existence antérieure de Comités d’expansion autour de Fougères, Redon, Saint-Malo, Vitré. Le territoire qui, finalement, se dessine, traduit une réelle continuité dans le temps puisqu’il s’apparente à celui que le Comité d’études et de liaison des intérêts bretons (CELIB) avait envisagé pour les pays en 1973. Il correspond aussi de très près aux 140 communes de l’aire urbaine rennaise du recensement de 1999.
- 14 Le vote du conseil de District du 28 janvier 1984 est acquis par 47 Oui contre 22 Non.
22Pour ne pas mettre en place une structure supplémentaire, les élus du District, dont plusieurs restent réticents14, demandent à l’AUDIAR d’assurer l’animation du CODESPAR, qui ne possède donc pas de personnel spécifique. Cet hébergement se révèlera fructueux car, d’un côté, le CODESPAR se trouve instantanément irrigué par la diversité des problématiques du développement territorial dès qu’elles émergent, et, de l'autre, l’AUDIAR prend l’habitude de dépasser les limites du District pour ses activités d’études. Lors de l’élaboration des documents stratégiques -schéma directeur, plan de déplacements urbains, projet d’agglomération, charte d’urbanisme commercial- le CODESPAR est systématiquement associé et consulté.
23Par exemple, la loi du 29 juillet 1982 portant réforme de la planification rencontre un vif intérêt dans l’agglomération rennaise, où les élus innovent en décidant d’élaborer un Plan de développement du pays de Rennes pour 1984-1988. Ils confient cette tâche à l’AUDIAR, qui devient à cette occasion Agence d’urbanisme et de développement intercommunal de l’agglomération rennaise. Le CODESPAR participe à cette réflexion et il devient l’outil de concertation sur lequel les élus du district de Rennes prennent l’habitude de s’appuyer pour recueillir les projets et les avis, pour ce plan comme pour les trois qui suivront. Ces plans, qui viennent s’articuler aux Contrats de plan Etat-Région, constituent un espace de co-construction des politiques publiques très anticipateur puisque, dès 1984, il est sérieusement envisagé de le signer directement entre l’Etat et le District, ce qui préfigure le volet territorial des CPER inscrit dans la LOADDT du 25 juin 1999 et la signature simultanée des contrats de l’agglomération et du Pays de Rennes le 02 juin 2003.
Document 3 : carte de l’aire de l’observatoire de l’habitat en 2005
24Si l’expérience montre que la participation des élus au CODESPAR reste moindre lorsqu’ils sont éloignés de Rennes, ce partenariat s’accroît avec l’émergence des communautés de communes dans la couronne rennaise, en particulier lors de la discussion qui préside à la création du Pays de Rennes. Ce décalage conduit le CODESPAR à spécifier son rôle dans l’organisation territoriale, en se transformant en Conseil de développement du pays et de l’agglomération de Rennes. Il se révèle fort utile pour faire dialoguer les trois pays constitués sur son territoire, même si ce dialogue demeure timide.
- 15 113 000 contre 99 000 en 1999, Rennes Métropole, chiffres-clés, Audiar, 2005, p. 11
- 16 En 1999, les actifs résidents travaillent, pour plus de la moitié dans le cas de Brocéliande, pour (...)
25La particularité de l’organisation spatiale rennaise est que son pôle urbain ne rassemble que 10 communes sur les 140 qui composent l’aire urbaine et que, de ce fait, les 130 communes non agglomérées accueillent quasiment la moitié de la population totale et nettement plus de la moitié des résidences principales15. Les élus de cette couronne rurale très dynamique, spécifique au territoire, souhaitent dès 1995 l’émergence du Pays de Brocéliande, à l’ouest de Rennes Métropole. Au sud, le Pays des Vallons de Vilaine naîtra en 2000. Dans ces deux cas, les territoires sont inclus en grande partie dans l’aire urbaine et dans la zone d’emploi de Rennes, comme on le voit sur la carte de l’aire du bassin d’habitat. Ils constituent une exception en Bretagne où la cohérence des pays bretons comme bassins de vie et d’emploi est confirmée par les statistiques de migrations alternantes du RGP 199916.
- 17 Population estimée par l’Audiar au 01/01/2007 (www.audiar.org)
26Quand la LOADDT généralise la création des pays, le Pays de Rennes se détermine sur la base du volontariat, à partir du District de Rennes transformé le 31 décembre 1999 en Communauté d’agglomération, à laquelle s’adjoignent quatre communautés de communes limitrophes au nord et au sud-est. Le découpage s’éloigne donc nettement de l’aire des 123 communes du CODESPAR. Le résultat donne un pays urbain et périurbain qui réunit 67 communes, et qui, sur les 132 pays reconnus par la Datar au 01 janvier 2004, possède la population la plus nombreuse : 419 559, devenus 452 000 habitants au 01 janvier 200717.
- 18 De 1,8 % par an entre 1990 et 1999 à 2,3 % par an entre 2000 et 2007 dans les communes du pays hors (...)
27L’AUDIAR, à laquelle est confiée la réalisation du SCOT du Pays de Rennes, s’attache, quant à elle, à instaurer un dialogue avec les pays voisins engagés dans la même démarche, mais ces échanges restent limités, alors même que les nouveaux accédants sont rejetés de plus en plus loin : les estimations de population au 01 janvier 2007 soulignent que l’accroissement démographique s’est nettement accéléré dans les communes du pays de Rennes situées hors de la Communauté d’agglomération alors qu’au sein de cette dernière, la vitesse de croissance a un peu ralenti18.
28Or l’habitat est au cœur de la compétition entre les agglomérations. Celles qui ne parviendront pas à garder leurs jeunes ou à accueillir de nouvelles populations peuvent voir leurs niveaux d’activités et de services s’étioler. De plus en plus, ce sont les populations qui attirent les emplois, et rendre possibles les mobilités résidentielles nécessite de mener des politiques publiques à un niveau plus large. C’est un des enjeux forts de la croissance future de l’agglomération rennaise, que l’échelle du Pays de Rennes retenue pour la définition du Scot essaie de formuler, sans toutefois pouvoir délimiter la force du mouvement d’urbanisation qui contraint à réfléchir entre plusieurs intercommunalités. Le choix du terme de « ville archipel » pour caractériser le SCOT paraît opportun pour renouveler le modèle urbain, car cette expression se fonde sur le fait que la ville ne se réduit pas à son bâti : Elle prend en compte l’espace entre le bâti, donc les zones naturelles, de loisirs ou agricoles. Elle considère que coexistent dorénavant plusieurs centralités -le centre-ville de Rennes, mais aussi les centralités commerciales, festives, etc.- Enfin, ce terme intègre les déplacements, la mobilité, et donc la question de la ségrégation spatiale de la population.
29Le travail réalisé pour le SCOT du Pays de Rennes choisit de limiter les espaces constructibles. Il rend nécessaire une réflexion sur les formes urbaines et sur la densification de l’habitat, par exemple autour des haltes ferroviaires. Même s’il apparaît clairement que l’objectif d’un habitat pour tous est effectivement passé du niveau de la ville centre à celui de l’agglomération, cette orientation d’aménagement est inégalement comprise.
- 19 Il permet d’introduire, le cas échéant, les coopérations transfrontalières.
30Le constat fait par le gouvernement et la Datar de l’insuffisance du rayonnement des grandes villes françaises (C. Rozenblat et P. Cicille, 2003) a débouché sur un appel à des coopérations métropolitaines en juin 2004. L’Etat s’y est engagé à accompagner les villes initiant une démarche de coopération pour améliorer leur position économique dans l’espace européen. Ce dispositif concerne les espaces situés hors de l’Ile-de-France, comptant plus de 500 000 habitants, comprenant au moins une aire urbaine de plus de 200 000 habitants et impliquant plusieurs villes moyennes19.
- 20 Dossier métropolitain, FNAU, octobre 2006
31Cette démarche a conduit les agences d’urbanisme à réfléchir très au-delà des périmètres des aires urbaines20. En effet, on peut observer que l’expérience des agences leur donne une capacité à dépasser les frontières institutionnelles que ne peuvent posséder les structures d’agglomération, et que leur position apparaît très intéressante puisqu’elles sont simultanément habituées à une grande proximité avec ces institutions d’agglomération. Cette position originale leur a permis de contribuer à ce projet territorial nouveau. Les grandes dimensions des dynamiques métropolitaines ont été analysées pour repérer ce qui se passe sur le plan territorial entre les aires urbaines. Les domaines étudiés ont porté sur les migrations résidentielles, sur les déplacements liés aux études universitaires et à l’enseignement supérieur ainsi que sur les tendances de la polarisation économique.
- 21 auquel appartenait aussi Le Mans.
32L’espace métropolitain Loire-Bretagne incarne bien cette projection hors des limites des aires urbaines puisque la Datar l’a retenu dès la première sélection, en mai 2005. Il est caractérisé par la mise en réseaux de cinq villes (Angers, Brest, Nantes, Rennes et Saint-Nazaire), dont les quatre premières avaient constitué dès 1990 un réseau des grandes villes de l’ouest21. Animé par les agences, ce réseau avait travaillé à la définition de quelques actions communes, en particulier sur la recherche -création de l’Agropole de l’ouest- ou sur les grandes infrastructures (LGV, aéroports). Les territoires urbains de l’ensemble Loire-Bretagne sont incontestablement concernés par ces deux domaines.
33Le projet retient Nantes et Rennes comme deux têtes de réseau articulant des villes moyennes, comme Saint-Malo, dans le cas de Rennes. Dans celui de Nantes et de Saint-Nazaire, les coopérations métropolitaines donnent aussi la possibilité de réfléchir à une problématique de Scot commun car ce sont des aires urbaines contiguës. Enfin, elles font entrer un nouvel acteur dans l’aménagement urbain puisque les conseils régionaux sont consultés pour avis avant validation de la candidature par l’exécutif.
Document 4 : les coopérations métropolitaines en 2005
34Sans doute l’intercommunalité rennaise peut-elle prétendre se présenter comme un modèle dans le sens où elle a pour beaucoup anticipé les solidarités et utilisé avec constance les outils disponibles, dont, au premier rang, l’Agence d’urbanisme, qui a largement contribué, en appuyant les élus, à la construction d’une démarche territoriale commune.
35Toutefois, la capacité de l’AUDIAR à orienter l’action semble plus complexe car, même si elle a, dès les années 80, élargi son domaine de réflexion au développement économique en animant le Codespar, son travail s’est, au fur et à mesure de la mise en place des services de la communauté d’agglomération, recentré sur la prospective, l’observation, l’expertise et l’évaluation.
36On peut donc raisonnablement penser que les deux défis auxquels l’agence restera structurellement confrontée sont :
-la constitution des territoires pertinents et la question sensible, sur le plan politique, des franges du territoire, comme on l’a vu lors de la définition des périmètres de pays. Peut-être la nouvelle aire urbaine dessinée par l’Insee en 2008 fournira t-elle un support plus homogène aux études ? Peut-être aussi peut-on interpréter l’adhésion à l’AUDIAR en 2004 du Département d’Ille-et-Vilaine comme l’illustration de l’extension quasi indéfinie de son territoire de réflexion et de proposition ?
-la question des divergences temporelles : Réorienter l’originalité du développement spatial multipolaire paraît une tâche de long terme, singulièrement contradictoire avec le fort sentiment d’urgence temporelle et avec la perception d’une disponibilité limitée du sol.