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Relever le défi de l’habitat spontané en Guyane

Une expérimentation à Saint-Laurent-du-Maroni
Addressing Informal Urbanization in French Guyana - An Innovative Approach in Saint-Laurent-du-Maroni
Renaud Colombier, Bérangère Deluc, Virginie Rachmuhl et Clarisse Piantoni

Résumés

La Guyane accuse un retard constant et important de construction de logements, notamment très sociaux, ce qui accélère le développement non maîtrisé de quartiers d’habitat dit « spontané ». Ceci représente un défi urbain, sanitaire, social et environnemental majeur pour la Guyane et plus particulièrement pour la ville frontière de Saint-Laurent-du-Maroni où la croissance démographique est exceptionnellement élevée, avec, pour la période 1999-2010, un taux moyen de 4,3 % par an. Les réticences des acteurs locaux à expérimenter de nouveaux modes d’intervention au nom du respect d’un modèle métropolitain, ou supposé tel, atteignent leurs limites.
L’objectif de cet article est d’analyser ce phénomène, de contribuer à la reconnaissance des pratiques et des savoir-faire locaux en termes d’habitat spontané et de présenter les pistes de solutions proposées sur la base d’une expérimentation à Saint-Laurent-du-Maroni. Il s’appuie sur un travail de terrain de trois ans, de 2012 à 2014, conduit pour le compte de la DEAL (Direction de l’Environnement, de l’Aménagement et du Logement) de Guyane et la commune de Saint-Laurent-du Maroni.
La première partie présente l’habitat spontané comme résultat des adaptations multiples des habitants face aux variations constantes de leur environnement. Elle décrit le phénomène de l’habitat spontané et met en lumière l’importance des négociations, des compromis et des modes d’organisation « de fait » que l’on y trouve.
La seconde partie aborde l’adaptation comme une réponse souhaitable pour relever le défi de l’habitat spontané. Elle défend l’idée que l’enjeu, pour l’avenir, est de décliner des politiques foncières, urbaines et de logement qui s’appuient sur le potentiel contenu dans cet habitat, sur les adaptations contextuelles indispensables et sur un accompagnement des processus de formalisation et d’inclusion urbaine, afin de garantir un développement durable.

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Texte intégral

Avec la collaboration de Jacques Julien, Urbaniste,
ex-directeur du PACT de Guyane
j.julien@soliha.fr

Introduction

Quartiers précaires : un défi planétaire

1Beaucoup de qualificatifs caractérisent les quartiers dits « précaires », « informels », « illégaux », ou « spontanés » dans le monde. L’ensemble de ces dénominations ne tient pas compte de la diversité des situations existantes, en termes urbanistiques, sociaux ou fonciers.

2Les conditions de vie dans ces quartiers sont certes extrêmement pénibles : enclavement, exposition à divers risques, services publics défaillants, logements précaires, pollutions, insécurité, promiscuité, violences. Pourtant, nés des initiatives populaires, auto-construits et aménagés progressivement par leurs habitants, ils possèdent de nombreux atouts : forte identité, liens sociaux solides, densité, proximité des zones d’emploi et de services, déplacements à pied, usage économe des ressources, recyclage des déchets, mixité des fonctions résidentielle et économique.

  • 2 Sommet mondial pour le développement durable de Johannesburg.

3Au début des années 2000, ONU-Habitat a proposé une définition des « bidonvilles », qui a été adoptée officiellement au sommet des Nations unies de 20022. D’après ONU-Habitat, « un ménage habitant un bidonville est un groupe de personnes vivant sous le même toit dépourvu d’un ou de plusieurs des éléments suivants : accès à un approvisionnement en eau amélioré, à un système d’assainissement amélioré, à une surface habitable suffisante, à un logement permanent et durable. » (ONU-Habitat, 2011)

4Cette définition ne s’intéresse qu’à une seule catégorie de quartiers, et ne met l’accent que sur les aspects physiques et spatiaux. Elle témoigne d’une difficulté à définir ces quartiers de manière positive et du recours, par défaut, à une caractérisation à partir de leurs manques. Elle ne prend pas en compte leurs dynamiques d’émergence et de transformation, ni les relations complexes qu’ils entretiennent avec les politiques publiques et la ville dite « formelle ».

5Néanmoins, bien qu’imparfaite, cette définition fait aujourd’hui référence. Elle a ouvert la voie à un important travail de définition d’indicateurs et de recueil de données qui permet de comparer les pays entre eux. Ainsi, dans les régions en développement, de 2000 à 2014, la proportion d’habitants de bidonvilles dans la population urbaine a diminué, passant de 39 % à 30 %. Mais, en valeur absolue, leur nombre continue d’augmenter : estimés à 880 millions en 2014, il devrait atteindre 2 milliards en 2030 (ONU-Habitat, 2015) .

6Considérés comme illégitimes ou dangereux, ces quartiers ont souvent été ignorés voire violemment détruits par les pouvoirs publics. Depuis le début des années 2000, les politiques répressives ont laissé la place, dans le débat international, à des discours privilégiant la réhabilitation in situ (Conférence ID4D (novembre 2014), AFD). Cependant, les financements des bailleurs de fonds restent insuffisants. Les décideurs nationaux sont souvent réticents à intégrer les quartiers qui ont tendance à être repoussés toujours plus loin des centres villes où se concentrent les emplois et services. Les quartiers sont d’autant plus vulnérables aux évictions qu’ils sont bien situés dans des villes où le marché est tendu et peu régulé par les pouvoirs publics et que leurs habitants sont faiblement organisés.

7Ces réalités que l’on croyait réservées aux pays en développement, se développent en France dans les territoires d’outre-mer, particulièrement en Guyane et à Mayotte, de façon très comparable.

La Guyane : une région française face à l’explosion de l’urbanisation spontanée

  • 3 Nous emploierons également le terme « informel » qui renvoie à des pratiques relevant davantage du (...)

8La Guyane accuse un retard constant et important de construction de logements, notamment très sociaux, ce qui accélère le développement non maîtrisé de quartiers d’habitat dit « spontané ». Cet habitat est défini « comme la construction sans titres, ni droits, de terrains physiquement disponibles. Il s’agit d’un mode de production de logements informel3, basé sur l’auto construction, parallèle à la ville planifiée : le terme "spontané" est donc à mettre en relation avec ce qui est non autorisé, voire non planifié par les pouvoirs publics et les acteurs de l’aménagement du territoire. <…> Il s’oppose à la vision anticipée et technicienne de l’urbanisme de droit. »(AUDEG, 2013)

  • 4 Cet habitat assure plus de 50% des constructions nouvelles en Guyane.
  • 5 La commune comptait 5000 habitants en 1967. Source : INSEE

9Faute d’alternative, et malgré sa précarité, l’habitat informel « spontané » constitue une réponse efficace en termes de logement4. Toutefois, son développement rapide représente un défi urbain, sanitaire, social et environnemental majeur en Guyane et plus particulièrement pour la ville frontière de Saint-Laurent-du-Maroni où la croissance démographique est exceptionnellement élevée, avec un taux moyen de 4,3 % par an pour la période 1999-20105. Pour le relever, la Guyane doit inventer des politiques foncières, urbaines et de logement adaptées qui s’appuient sur les potentiels locaux et sur des processus de formalisation des pratiques informelles.

  • 6 Source : INSEE.

10L’habitat spontané se développe dans des quartiers le plus souvent insalubres qui n’assurent pas les fonctions et services urbains essentiels. Toutefois, il ne se résume pas à ces manques et renvoie à une grande diversité de réalités urbaines et sociales. Les modes de fabrication de la ville informelle sont à la fois déclencheurs et conséquences de l’action publique. Les savoir-faire des habitants ainsi que les principes de négociation sont au cœur du processus de construction / évolution de ces morceaux de ville non planifiés par les institutions. La richesse des pratiques et savoirs locaux incite ainsi à revoir les stéréotypes concernant l’habitat et l’habitant. C’est ce que nous proposons de faire dans cet article, sur la base d’une expérimentation à Saint-Laurent-du-Maroni, localité située à 250 kilomètres à l'Ouest de Cayenne, à trente kilomètres de l’embouchure du fleuve Maroni dans la mer des Caraïbes. Deuxième commune la plus peuplée de Guyane, avec 38 367 habitants en 20106, elle devrait atteindre près de 135 000 habitants en 2030 (GRET, 2013) et dépasser ainsi Cayenne. La ville a aussi la particularité d’avoir été instituée commune pénitentiaire par décret, plus de vingt ans après sa fondation en 1857-58 et d’avoir accueilli le bagne en 1880.

11Nous nous appuierons sur un travail de terrain, de trois ans, (GRET 2011-2012 et GRET 2014) conduit pour le compte de la Direction de l’Environnement, de l’Aménagement et du Logement (Deal) de Guyane et de la commune de Saint-Laurent-du-Maroni.

12Face à l’absence d’offre de logements sociaux adaptés aux plus modestes, et dans un contexte de contraction des ressources publiques et de croissance exponentielle des besoins, la Deal de Guyane a initié l’exploration de réponses innovantes, moins coûteuses et complémentaires aux politiques publiques existantes. Elle a proposé à la commune de Saint-Laurent-du-Maroni d’être terrain d’expérimentation pour des opérations urbaines visant à offrir une solution pérenne et adaptée de relogement à des ménages en grande précarité issus de deux quartiers d’habitat spontané et des opérations de régularisation dans deux autres quartiers. Ces travaux ont été initiés, dans l’esprit des recommandations du rapport du député de la Martinique, Serge Letchimy, sur l’habitat insalubre et indigne en Outre-mer (CGEDD, 2009).

  • 7 Source : enquêtes Gret de 2012.
  • 8 Également appelés Noirs Marrons.
  • 9 Ils sont issus des groupements d’habitat autour de la rue Jean de la Fontaine (55 enquêtes), du bid (...)
  • 10 Groupements de la rue Jean de la Fontaine et de Djakata.

13Il s’agissait de concevoir des opérations pilotes à partir des situations rencontrées sur le secteur de la ZAC (Zone d’aménagement concerté) Saint-Maurice (GRET, 2012), l’une des plus importantes opérations urbaines de Guyane, et ses alentours. En effet, on y trouvait début 2013 les principaux quartiers informels de la commune, situés à une distance de 1 à 3 km du centre-ville, avec 1 300 habitats spontanés et 7 500 habitants7, soit presque 20 % de la population communale répartis en une douzaine de groupements ou quartiers, principalement habités par des populations Bushinengués8, en majorité d’origine surinamienne. Le travail réalisé a comporté un diagnostic des dynamiques de développement des quartiers d’habitat spontané ; des enquêtes auprès de 430 chefs de ménages9 ; une réflexion méthodologique sur les politiques publiques de prévention et résorption de l’habitat spontané à l’échelle de la Guyane ; des propositions pré-opérationnelles portant sur une opération test de relogement10 et des démarches d’aménagement et amélioration de l’habitat dans le quartier de Chekepatty et le long de la rue Paul Castaing.

14La première partie de cet article s’interrogera sur l’importance des adaptations des habitants, des compromis et des négociations entre personnes, groupes et institutions, dans les conditions d’accès aux sites et aux services, les modes de construction, et les aspects de la vie quotidienne de ces quartiers.

15Dans la seconde partie, on se demandera si des innovations aux politiques publiques actuelles concernant l’habitat spontané peuvent contribuer à relever le défi de l’urbanisation spontanée, à renforcer la cohésion sociale, le développement économique local et une gouvernance urbaine plus démocratique. Et dans quelle mesure elles pourraient et devraient s’appuyer sur la richesse et le potentiel des savoir-faire locaux, et sur un ajustement des règlementations et normes métropolitaines.

Figure 1 : Habitat spontané dans et autour de la ZAC Saint Maurice à Saint Laurent du Maroni vu d'ULM

Figure 1 : Habitat spontané dans et autour de la ZAC Saint Maurice à Saint Laurent du Maroni vu d'ULM

Source : GRET, 2011-2014.

1. L’habitat spontané, sous l’angle de l’adaptation des familles à leur environnement

1.1. L’extension de la ville informelle comme cause et effet de l’action publique

  • 11 Selon le Plan Local d’Urbanisme (PLU) et Projet d'Aménagement et de Développement Durable (PADD), l (...)

16L’habitat spontané se développe fortement à partir des années 80 à Saint-Laurent-du-Maroni. La guerre civile au Surinam, qui s’étend du milieu des années 80 à la fin de l'année 1992, génère l’arrivée massive de réfugiés dits « Personnes Provisoirement Déplacées du Surinam ». Environ 10 000 surinamiens, de groupes Noirs Marrons et Amérindiens se seraient répartis le long du fleuve, dont une très grande majorité à Saint-Laurent-du-Maroni et dans ses environs. Malgré l’incitation financière mise en place par l’État français pour encourager le retour des familles surinamiennes dans leur pays d’origine, une grande majorité n'est jamais repartie de manière définitive11. La croissance démographique soutenue et l’insuffisance de l’offre formelle de logements accélère le phénomène.

17Pour répondre aux besoins en logements et aux situations d’urgence et d’insalubrité, dans les années 1985-2005, avec l’appui de l’État, la commune développe des programmes innovants de Logement Évolutif Social (LES).

18Conçu pour les territoires et départements d’outre-mer (Dom), le LES est un dispositif d’aide financière d’accession sociale à la propriété individuelle. C’est un produit moins coûteux pour l’État que le logement locatif social classique, plus rapide à construire, favorisant la standardisation du bâti de base et laissant aux habitants une part d’auto construction ou auto finition. Ces opérations combinent une logique de production de logement social et de création d’infrastructures scolaires.

  • 12 Estimation du service fiscal de la commune et de la Communauté de Communes de l’Ouest Guyanais (CCO (...)

19Les programmes réalisés réduisent significativement le déficit de logements. En 20 ans, environ 1 130 Logements Évolutifs Sociaux (LES) auraient été construits sur la commune, dont environ 700 dans les nouveaux quartiers ouverts à l’urbanisation au sud-est, les quartiers des Écoles dit « Baka lycée » et des Sables Blancs12. Ils ne parviennent pas cependant à résorber complètement le déficit en logement. Par ailleurs, certains ménages sont considérés inéligibles, pour cause d’illégalité administrative, parce qu’ils ne peuvent pas payer le reste à charge prévu ou parce que les besoins de décohabitation n’ont pas suffisamment été pris en compte. Les opérations entrainent un redéploiement de l’habitat précaire sur le territoire communal : les familles exclues des opérations sont obligées de se déplacer et choisissent le plus souvent de se réinstaller à proximité des nouveaux quartiers.

1.2. Des négociations difficiles et de la précarité dans l’accès et le maintien dans l’habitat

20Les trajectoires résidentielles se caractérisent par une grande précarité d’occupation et des déménagements successifs, en général subis. L’insécurité est aussi forte dans le secteur public et privé, bien que les dynamiques soient différentes.

21Le primo-arrivant est souvent hébergé par un membre de la famille, de façon plus ou moins temporaire et gratuite. La sur-occupation qui en découle oblige la personne à déménager et ce schéma peut se reproduire plusieurs fois, jusqu’à ce qu’elle trouve à louer une chambre dans un logement LES, un taudis de fond de cour en centre-ville ou dans des lotissements locatifs informels. Les conditions peuvent être très insalubres et les expulsions pour cause d’impayé ou de retard de loyer sont fréquentes.

22L’installation sur terrain public comporte le risque que le terrain fasse l’objet d’opérations d’aménagement entrainant le déplacement des occupants et la démolition de leur logement. Des solutions adaptées de relogement ne sont pas toujours proposées et les ménages se réinstallent où ils peuvent, davantage précarisés par la perte de ce qui est souvent leur principal – voire leur seul – patrimoine.

23La première enquête réalisée rue Jean de la Fontaine montrait qu’en moyenne les familles avaient effectué six déplacements entre leur arrivée en Guyane française, en général ancienne (une vingtaine d’années en moyenne) et leur installation sur le site d’enquête, dont quatre déménagements intra-urbains à Saint Laurent du Maroni.

24Dans ce contexte, on comprend que la régularisation foncière ne soit pas la priorité pour tous les habitants. Pour la majorité d’entre eux, la priorité est la sécurité d’occupation, c’est-à-dire l’assurance de ne pas être délogés.

Figure 2 : Habitats spontanés : logements en partie dégradés – dalles en attente d'extension, tôles ondulées à reposer en cas de fortes pluies, etc.

Figure 2 : Habitats spontanés : logements en partie dégradés – dalles en attente d'extension, tôles ondulées à reposer en cas de fortes pluies, etc.

Source : GRET, 2011-2014.

1.3. L’urbanisation spontanée : entre risques et potentiel de développement

1.3.1. Des profils socioéconomiques fragiles

  • 13 Aux yeux des institutions publiques, le caractère illégal de l’occupation foncière et du bâti n’aut (...)
  • 14 77 % des chefs de ménage enquêtés sont des femmes.
  • 15 Le campu est un lieu de vie généralement familial, de taille moindre qu’un village, situé sur les r (...)
  • 16 Terme employé localement en référence aux emplois informels et en général de courte durée qui se su (...)

25Les « propriétaires »13 des maisons sont majoritairement des femmes14 âgées de 30 à 40 ans qui ont grandi dans le campu15 ou le village d’origine, du côté guyanais ou surinamien du fleuve Maroni et qui ont migré vers la ville lorsque les enfants étaient en âge d’aller au collège ou au lycée. Pour les femmes, les principaux motifs d’installation sont de se rapprocher des équipements scolaires et de santé ou suivre leur conjoint. Les hommes sont d’abord motivés par la recherche d’un travail ou de « jobs »16.

26Les familles sont de grande taille, jusqu’à 6,7 personnes par ménage en moyenne dans les quartiers enquêtés. Le nombre d’enfants est très important et la moitié des familles est monoparentale. Les trois-quarts de la population enquêtée ont moins de 25 ans et 60 % ont moins de 15 ans.

27La situation administrative des habitants est variable. Environ un tiers des chefs de ménage ne possède pas de titre de séjour, ce qui est nettement inférieur aux estimations municipales. Un gros quart a la nationalité française ou dispose d’un titre de séjour de longue durée et 40 % possèdent un titre de courte durée, qui a souvent été renouvelé de nombreuses fois.

  • 17 Les ressources des familles sont très difficiles à estimer car elles proviennent de différentes sou (...)
  • 18 Source Observatoire des inégalités, septembre 2014.

28Bien qu’il faille être prudent dans l’interprétation des résultats des enquêtes17, l’analyse globale montre que les revenus sont faibles. Les revenus mensuels moyens par personne s’établissent à 142 euros en moyenne, ce qui est bien en deçà des seuils de pauvreté français, établis à 828 ou 993 euros (données 2012) selon la définition de la pauvreté utilisée (seuil à 50 % ou à 60 % du niveau de vie médian)18. Cette moyenne cache de fortes disparités, certaines familles déclarant des ressources nulles ou minimes et d’autres, notamment celles qui ont un emploi formel, des ressources plus conséquentes.

29L’essentiel des ressources provient des prestations sociales. Cependant 37 % des ménages enquêtés ne perçoit aucune aide. En grande majorité, ces ménages n’ont pas de titre de séjour ou un titre d’un an.

30Les revenus issus du travail proviennent principalement de « jobs » (activités liées à la forêt, au défrichage des sites, à l’agriculture, au commerce transfrontalier, au secteur de la construction ou à la revente informelle de denrées alimentaires), les emplois formels étant exceptionnels (5 % en moyenne).

1.3.2. Un habitat adapté aux modes de vie guyanais

31L’habitat est relativement homogène dans sa forme bâtie et son mode constructif. Il est construit en bois, constitué d’un seul niveau en « rez de jardin » à l’exception de quelques maisons construites en « dur » le long de routes récemment aménagées. Les maisons sont bien ventilées et adaptées au climat équatorial guyanais sauf concernant la toiture en tôle ondulée qui absorbe la chaleur en journée. La maison principale accueille une pièce de vie complétée par une cuisine ouverte sommairement équipée. Les pièces de nuit sont cloisonnées par des matériaux de récupération. La priorité en matière d’investissement porte sur la protection de la maison et des biens intérieurs contre les vols. Le confort et l’aménagement intérieur sont en général minimes.

32La maison possède souvent un carbet cuisine appelé « lengua » situé à l’extérieur qui sert à préparer les repas au feu de bois. Un carbet ou une terrasse couverte extérieure sert à accrocher des hamacs et complète l’habitat principal. Ces espaces extérieurs protégés du soleil ont des usages liés au repos, à la discussion, aux jeux des enfants, à la sociabilité entre voisins et aux tâches domestiques comme la préparation des repas et la lessive quand celle-ci ne s’effectue pas directement à la crique. De petits abris constitués de tôles et de bâches, le plus souvent situés à l’arrière des maisons servent à la toilette et de latrines.

33L’espace autour de la maison accueille de petits jardins potagers, diverses plantations, les fils à linge et le brûlis des sols. Ces éléments délimitent l’espace privé et collectif et structurent les cheminements entre les maisons ou groupes de maisons.

  • 19 À condition d’apporter les services de base et dans plus de la moitié des cas, d’améliorer le bâti (...)
  • 20 Une grille de critères à six classifications de l’état du bâti a été établie (de très bon état à tr (...)

34L’état du bâti est variable selon les quartiers et les moyens financiers des ménages mais c’est surtout le vieillissement des constructions et le pourrissement du bois qui les dégradent. Le manque d’accès formel à l’eau, à l’assainissement et à l’énergie constitue la majeure carence des logements. Les enquêtes réalisées sur le bâti des quartiers de Chekepatty et Castaing, destinés à être régularisés, montrent que les trois quarts des bâtis peuvent être conservés19 et un quart doit être démoli20.

1.3.3. Des modes de production locaux

35Les habitats sont totalement auto construits par la famille, ou en recourant à des « job men », c’est-à-dire des travailleurs informels. La construction est relativement rapide puisque le système constructif est simple. Les éléments les plus difficiles à réaliser, les fondations et le dallage, sont écartés. Il faudrait environ deux semaines pour construire une maison de 120 m² avec une équipe de huit « job men ».

  • 21 Sources : enquêtes de terrain du GRET.

36La quasi-totalité des matériaux nécessaires à la construction est achetée au Surinam, à l’exception des agglomérés et du ciment qui sont trop lourds pour être transportés par pirogue à un coût raisonnable. L’approvisionnement à Albina, de l’autre côté du fleuve, permet de diviser les coûts par trois par rapport à des achats côté guyanais. Le coût d’investissement pour la construction d’une maison de 30 m2 réalisée en auto construction (récupérateur d’eau compris) est estimé à environ 1 600 € et à 5 000 € pour une maison de 120 m2 réalisée par des « job men » (coût de travail compris)21.

37Le montant de l’investissement financier dans l’habitat dépend des ressources disponibles et de la sécurité foncière réelle ou perçue. En cas d’éviction et de réinstallation, les habitants cherchent à récupérer les planches, tôles et autres matériaux et les utilisent pour la construction du nouveau logement. Les matériaux défectueux sont remplacés au compte-goutte.

Figure 3 : Schéma de principe : organisation de l'habitat spontané en site groupé ou quartier semi-diffus

Figure 3 : Schéma de principe : organisation de l'habitat spontané en site groupé ou quartier semi-diffus

Source : GRET, 2011-2014.

1.3.4. Des négociations marchandes et de grandes inégalités d’accès aux services

38L’absence ou l’insuffisance des services urbains contribue largement à l’état d’insalubrité des quartiers : l’eau est non potable, polluée ou chère ; l’installation électrique absente, non fonctionnelle ou pas aux normes ; l’assainissement liquide est absent, les sanitaires aussi ; il n’y a pas de ramassage des ordures ménagères, peu d’accès carrossables et aucun transport public.

39Les sites et les maisons situés plus près des réseaux existants ou de maisons raccordées (souvent les LES) bénéficient d’un meilleur accès à l’eau et l’électricité. Seuls quatre quartiers de la commune ont accès officiellement à l’eau potable, par des systèmes de bornes fontaines payantes (ARS, 2011). Selon l’Agence Régionale de Santé (ARS), l’absence d’assainissement, la baignade dans les criques, l’usage domestique de l’eau des puits et la mauvaise conservation des eaux de pluies pour la boisson sont facteurs de maladies (ARS, 2009 et 2009 – 2011). La quasi-totalité des habitants utilise une eau impropre à la consommation, ce qui les expose en particulier à la dengue et la typhoïde, voire au choléra, comme à Djakata en 2009. En guise de toilettes, la plupart des logements sont équipés de latrines extérieures, qui se résument souvent à de simples trous creusés dans le sol.

40Rappelons que la Guyane est le seul Département d’outre-mer où le phénomène de précarité urbaine entraîne actuellement une stagnation voire une aggravation de l’accès aux services de base, comme l’eau, l’assainissement et l’énergie. En 2005, 20 % des logements n’étaient pas équipés en eau potable, 60 % n’avaient pas le tout-à-l’égout et 13 % n’avaient pas accès à l’électricité (IEDOM, 2010) .

41Le raccordement à l’électricité varie de 30 à 80 % selon les quartiers et il est dans tous les cas illégal. Plusieurs sources d’énergie sont utilisées en parallèle. Une grande partie des logements est éclairée à la bougie et à l’aide de lampes électriques, soit par manque de ressources financières suffisantes, soit parce la maison est située trop loin des revendeurs. Les installations électriques sont souvent très dangereuses.

  • 22 Source : enquêtes terrain du GRET.

42Le raccordement à l’eau potable et à l’électricité est parfois réalisé gracieusement par un membre de la famille ou un voisin qui habite une maison raccordée et dispose d’un compteur individuel. Ces services sont néanmoins le plus souvent obtenus en passant par des revendeurs qui pratiquent des prix élevés. Le coût mensuel pour un ménage d’accès à l’énergie peut atteindre 200 €/mois et 188 €/mois pour l’eau22.

43L’absence de transport public constitue une autre difficulté et un autre poste important de dépenses. Les voitures sont rares. Les taxis informels sont le mode le plus fréquent pour se rendre au centre-ville ; un aller-retour coûte 4 €. La marche est un mode de déplacement très courant.

1.3.5 Une capacité de gestion collective des espaces communs

44La plupart des quartiers étudiés est peu dense. On y trouve des espaces collectifs et des parties où la végétation est importante.

45La gestion des espaces communs s’effectue par des négociations et des collaborations entre familles et voisins, ou est le fruit d’initiatives individuelles. Les accès et cheminements piétons (ponts, escaliers, chemins) et carrossables dans et entre quartiers sont aménagés, entretenus et améliorés par les habitants. Il en va de même pour l’installation de canaux d’évacuation des eaux de pluies, des eaux grises et de câbles électriques.

46Des espaces collectifs sont également créés ou respectés, voire entretenus par les habitants. Ils servent de terrain de sport, d’espaces de détente ou de stationnement.

47Les quartiers et les modes de vie évoluent cependant très vite. Les habitants ont tendance à formaliser davantage la délimitation des parcelles et l’usage des espaces et à « durcir » leur logement. L’espace extérieur se structure autour des axes de circulation. Ces mutations ne sont pas pour autant calquées sur la ville formelle ; elles inventent des modalités propres d’urbanité.

2. Innovations et adaptations : nouveaux compromis sociaux et politiques

48Tout en se prêtant à l’expérimentation proposée par la Deal de Guyane, les élus de Saint-Laurent-du-Maroni exprimaient certaines réticences à intervenir dans des quartiers qu’ils considéraient « illégaux et illégitimes ». Par ailleurs, la commune n’était pas favorable à l’idée de développer des aménagements alternatifs pour les plus pauvres. Synonymes, à ses yeux, de « sous-développement », ils seraient une atteinte à l’égalité des citoyens face aux services publics, et un risque budgétaire, puisqu’en récupérant des aménagements « non finis », elle aurait à assumer l’entretien et la mise à niveau progressive des quartiers.

49C’est pourquoi, l’approche développée a cherché à construire de nouveaux compromis techniques, sociaux et politiques, en adoptant une posture d’intermédiation entre les acteurs impliqués, au lieu d’une posture d’expertise classique, en usant de trois ressorts principaux : faire évoluer les représentations et les positionnements politiques des acteurs, construire l’acceptabilité sociale des propositions, et enfin réaliser des montages techniques ou juridiques originaux. Cette démarche a permis d’aboutir à plusieurs innovations, bâties sur cinq principes : le faible coût, la qualité du logement et de l’aménagement, la progressivité et l’offre d’un éventail de solutions répondant à la diversité des situations des ménages, l’inscription dans les réglementations et outils existants, tout en en favorisant l’adaptation. Toutefois, malgré des avancées effectives, d’importants blocages demeurent.

2.1. Les principales innovations

2.1.1. Un produit habitat adapté aux modes de vie et aux conditions socio-économiques des habitants

Le système constructif et le type de logement

50La gamme de produits logement proposée constitue une adaptation du « Logement Évolutif Social » de façon à le rendre accessible à des populations très précaires, dont la très grande majorité n’a pas accès au crédit, faute d’offre. Il est fondé sur la réalisation par des entreprises qualifiées de modules de base, comportant les éléments constructifs indispensables à la salubrité, la sécurité et la durabilité du logement et du quartier, combinée à l’auto-construction encadrée du reste du logement (sans fourniture des matériaux correspondants, ceux-ci restant à la charge de l’habitant).

51Cette solution permet de réduire de façon significative le coût pour l’État (de 35 à 50 %, selon les types) tout en restant à un coût raisonnable pour les ménages les plus pauvres, équivalent à ce qu’ils dépensent en construction informelle. Elle se décline aussi sous forme de kits d’amélioration (pièce d’eau, murs, électricité, extension) pour répondre aux cas de maintien de bâtis existants.

52Le logement proposé reprend le même procédé constructif que l’habitat d’origine (en système poteaux-poutres bois) en l’améliorant. Il s’appuie sur une étude approfondie des pratiques existantes d’auto-construction et de recours à des « job men » : principes constructifs, matériaux utilisés, filières d’approvisionnement, coûts et rythmes de construction.

53L’entreprise construira les postes les plus difficiles : le gros-œuvre incluant les fondations, la dalle et la chape, l’ossature complète et la pose de deux rangées d’agglomérés en sous bassement des façades, le système électrique, les sanitaires et la pièce d’eau. Ces travaux permettront d’obtenir le permis de construire. Les postes liés au clos et au couvert et les autofinitions sont à la charge des ménages, avec un encadrement technique.

54Afin de répondre à la diversité des situations (en particulier à la grande taille des familles) et attentes des ménages, le nouveau produit habitat offre une gamme de logements et de parcelles de tailles, surfaces et formes diverses (du T1 au T5 à étage concernant le logement et de 180 à 360 m² concernant les surfaces de parcelles).

Figure 4 : Module habitat proposé

Figure 4 : Module habitat proposé

Source : Gret, décembre 2013

Le statut foncier

  • 23 Notons que depuis la réalisation de l’étude, la loi Alur a institué les organismes fonciers solidai (...)

55Etant donné les faibles ressources des ménages et le fait que l’enjeu pour les familles réside dans la sécurisation de leur situation foncière davantage que dans l’accès à la propriété du foncier, il a été proposé de dissocier propriété du bâti et propriété foncière. La sécurisation de l’occupation du foncier est assurée par une formule de bail à construction « à l’envers » signé entre chaque attributaire et la commune, qui prévoit l’affectation finale des terrains aux preneurs. Elle sécurise les attributaires dès la signature du bail, leur assure la jouissance pérenne de leur habitat et, à terme, la pleine propriété de la parcelle, pour peu qu’ils respectent les règles du bail, notamment le paiement des loyers sur une durée déterminée. Le caractère progressif de cette solution est particulièrement adapté à la situation des ménages. Dans le même temps, elle donne au bailleur, la commune, toute latitude pour surveiller le bon déroulement de l’opération23.

Montage administratif et financier

56La formule d’ensemble répond aux situations économiques des ménages et ne nécessite pas de recours au crédit, grâce au coût très modéré de la part à la charge des familles équivalente à leur investissement actuel dans un logement spontané et à la possibilité d’achever de façon progressive la construction du logement et de l’améliorer ensuite.

57Le montage financier s’appuie sur le dispositif existant d’éligibilité à une subvention LES moyennant certaines adaptations mineures. La proposition de valoriser l’auto-construction au coût entreprise, pour le calcul de la subvention constitue une innovation intéressante permettant de valoriser l’apport des habitants en main d’œuvre et en matériaux.

58Cette proposition s’est d’ailleurs matérialisée par la publication d’un nouvel arrêté préfectoral des aides à l’accession en Guyane publié en juillet 2015 : Arrêté n° 2015 212_0004_DEAL du 31 juillet 2015, relatif aux conditions particulières d’attribution des aides de l’Etat pour l’accession très sociale à la propriété en Guyane.

2.1.2. Un aménagement pérenne et de qualité mais à coûts optimisés

59La solution proposée répond au double objectif de baisser les coûts d’aménagement (jusqu’à 37 % d’économie) et d’apporter une solution pérenne et de qualité. Elle atteint un niveau de service compatible avec le paiement d’impôts locaux par les habitants, dans le respect des règlements d’urbanisme et d’accessibilité, à un coût optimisé.

  • 24 Seuls 10 % des ménages enquêtés sont motorisés. Une partie des places de stationnements est bien ré (...)

60Les principales économies sont réalisées sur deux postes : la gestion des eaux pluviales (réseau superficiel, mutualisation des entrées parcellaires, voirie en mono-pente) et la voirie. Concernant la voirie, l’accent est mis sur les matériaux utilisés (revêtement en bi-couche d’une grande part des voiries et/ou simple cloutage), et la réduction des emprises, la part importante accordée aux circulations douces et aux espaces ouverts, collectifs et évolutifs24. L’implantation du module de base d’habitat est contrainte pour maîtriser les coûts de raccordement aux réseaux. Des économies complémentaires sont réalisées sur la puissance du réseau électrique, l’éclairage public, la mutualisation des dessertes et des regards et surtout grâce à un schéma d’aménagement en intelligence avec le site : respect des contraintes liées à l’écoulement des eaux pluviales et à l’implantation des bâtis en fonction des vents dominants, et respect de la topographie qui limite les atteintes à l’environnement et évite des terrassements très coûteux.

2.1.3. Les habitants, acteurs du projet urbain

  • 25 En Guyane et ailleurs.

61Dans les trois opérations programmées, nous avons conduit une réflexion poussée sur les dispositifs d’ingénierie sociale à mettre en place pour que les habitants soient appuyés individuellement, informés, consultés et impliqués collectivement dans les décisions à toutes les grandes étapes du projet. L’expérience montre25 que c’est une condition de la qualité de l’opération et de son bon déroulement. L’implication des habitants sera utile sur un ensemble de sujets : la forme urbaine, la programmation d’équipements, la définition des ayants droits, l’élaboration des baux, les modalités d’attribution des parcelles, les types et modes de construction des logements, etc. Par ailleurs, il est prévu qu’ils soient représentés aux comités de pilotage et de suivi. Cela est d’autant plus nécessaire que le dispositif proposé s’appuie sur les savoirs faires locaux et demande un investissement important des familles, par l’auto construction partielle des logements.

62Une telle démarche suppose un portage politique fort et une équipe de maitrise d’œuvre urbaine et sociale dédiée compétente et motivée, tout au long du projet qui puisse jouer un rôle d’intermédiation entre les groupes d’habitants, le maître d’ouvrage, les différents opérateurs et les entreprises. Par ailleurs, la réussite de ce type d’opérations dans la durée suppose que la commune y exerce toutes les politiques de droit commun qui relèvent de sa compétence et que des moyens adaptés soient mis en place pour accompagner et contrôler les transformations du bâti et du quartier.

2.2. Fabrique des compromis : méthode, avancées et blocages

2.2.1. Faire évoluer les représentations et les positionnements politiques

63Pour intégrer ces quartiers à la ville, il est indispensable de commencer par les connaître et de diffuser cette connaissance pour faire évoluer les représentations souvent négatives auxquelles ils sont associés.

64Le diagnostic et sa mise en débat collectif ont contribué à créer des conditions favorables à la recherche de solutions nouvelles. L’utilisation de plusieurs médias a rendu visible et vivante l’argumentation. Les données suivantes ont eu un effet déclencheur :

  • Le dénombrement et la cartographie des habitats spontanés existants : 1 300 (dans et hors ZAC) ont été recensés, correspondant à plus de 7 500 habitants, contre une estimation préalable d’une centaine par la commune ;

  • Les projections démographiques montrent que le statu quo conduira à une multiplication par 8 de l’habitat spontané d’ici 2030, avec de nombreux effets très néfastes pour la commune (insalubrité, mitage des espaces agricoles et naturels, étalement urbain, manque à gagner fiscal, déscolarisation, baisse des taux d’accès aux services de base, risque de rupture de la cohésion sociale) ;

  • Les données sur la situation administrative des habitants indiquent que la part de personnes en situation irrégulière et la part d’étrangers est bien inférieure à celle imaginée et que, parmi ceux en situation irrégulière, la plupart sont régularisables ;

  • Les récits des parcours résidentiels d’habitants ont souligné le rôle des politiques d’éviction et des défaillances des politiques de logement dans la création et le développement de l’habitat spontané ;

  • L’analyse des pratiques met en avant les atouts du bâti et des quartiers ainsi que les capacités d’organisation et les savoir-faire locaux.

65Partager ces constats et mettre les enjeux en perspective a, par exemple, contribué à l’évolution du positionnement des élus sur la question de la réhabilitation in situ et du maintien sur place de quartiers existants, dans et en-dehors de la ZAC Saint-Maurice. D’abord vivement rejetée par beaucoup d’entre eux au profit d’opérations de relogement, ces options ont fini par s’imposer, pour des raisons budgétaires mais aussi sociales.

66Toutefois, les freins à certaines des propositions dites « expérimentales » restent nombreux.

67Une première question politique non clarifiée est celle relative à la nécessité ou non de conduire des actions spécifiques pour les populations précarisées en Guyane française. Celle-ci est indissociable de la législation et des orientations politiques concernant l’accueil des étrangers, puisque les populations actrices de l’urbanisation spontanée sont majoritairement issues de l’immigration. Parmi celles qui sont en situation administrative irrégulière beaucoup répondent aux critères d’obtention d’un titre de séjour et pourraient donc être accompagnées dans ce sens. Toutefois, la politique de l’État français en la matière reste peu lisible. La définition des ayants droits à l’opération retenue inclut le plus grand nombre possible de personnes enquêtées : tout chef de ménage ou son (sa) conjoint(e) disposant d’un habitat recensé lors des enquêtes, en situation régulière ou régularisable sur le plan administratif et légal, et n’ayant pas d’autre logement par ailleurs (social, en accession ou dans le parc privé formel).

  • 26 Par exemple, l’accès en voiture à toutes les maisons a été un critère non négociable de la commune, (...)

68Les réticences des acteurs locaux (élus locaux et régionaux, opérateurs) sur la solution d’aménagement optimisé ont été les plus constantes, bien qu’il ne s’agisse pas d’aménagement a minima26. Ils décrient l'approche comme « tiers-mondiste », renvoyant l’État à ses responsabilités et lui demandant de garantir le modèle métropolitain, ou supposé tel, dans un souci revendiqué d’égalité dans l’accès aux services publics, et très certainement d’image. Cette position s’exprime notamment dans les relations entre élus locaux et État dans la négociation des crédits, chacun renvoyant l'autre à ses responsabilités. Mais sur le terrain, les quartiers continuent de s'étendre à grande vitesse et de nombreux habitants vivent dans des conditions indignes. Pour l’opération test, de nombreuses discussions ont eu lieu sur les réductions des coûts, poste par poste, entre l’État, élus et techniciens, d’où est né un scénario de compromis, qui correspond au scénario optimisé avec un réseau d’eaux pluviales enterré. Il permet une économie de 24 % par rapport à un scénario « classique ». D’abord validé par la commune, il a ensuite été rejeté et devait encore faire l’objet de négociations avec l’État. Toute approche alternative reste associée à des représentations négatives et est interprétée comme une atteinte au modèle de référence.

  • 27 Besoin de 3600 logements annuels en Guyane (Urbanis, 2011). Ces besoins regroupent tous types de lo (...)

69Le choix des publics à prioriser dans la réponse aux besoins en logements constitue un autre frein27. Les élus sont confrontés à la difficulté de faire accepter aux électeurs l’impératif de logement pour des populations pauvres et en situation illégale sur le plan foncier, et parfois administratif, alors que de nombreux ménages ne trouvent pas d’offre de logement à Saint-Laurent-du-Maroni.

70En conséquence, le portage politique de ce type de projet qui revient, de par leurs compétences, aux communes ou aux structures intercommunales, n’est aujourd’hui pas acquis. Or, il est l’une des principales, si ce n’est la principale condition du succès d’une telle expérimentation.

2.2.2. Construire l’acceptabilité sociale des propositions

Prendre en compte et appréhender les modes de vie et d’habiter de façon dynamique

  • 28 Planchers de densité, plafonds de coût par habitant ou logement, accès pompiers et véhicules de ram (...)
  • 29 Les solutions informelles d’accès à l’eau ou à l’électricité sont en effet toujours plus coûteuses (...)

71Les opérations urbaines doivent prendre en compte de nouvelles contraintes28 qui ont une incidence sur la parcellisation, la taille des parcelles, les formes urbaines, l’implantation des bâtis et qui risquent d’entrer en conflit avec les modes d’habiter dans l’informel. Le travail avec les habitants a permis d’appréhender les attentes et d’imaginer un compromis entre des modes d’habiter actuels et leur intégration au tissu urbain formel : les gains - l’accès aux services de base à moindre coût29, à des espaces publics et des équipements de proximité, la salubrité et le désenclavement, la « déstigmatisation » et l’intégration à la ville, la sécurité foncière et immobilière - contrebalancent les « pertes » que sont des parcelles plus petites, le paiement d’impôts locaux et de taxes, une densité plus grande de bâtis dans le quartier.

72Également, dans le cas de l’opération test, les tailles de parcelles prévues permettent de dessiner un compromis intéressant dans le temps : les densités bâties modérées (quoique supérieures à celles existantes) en début d’opération, fournissent des espaces extérieurs libres qui encouragent le maintien des pratiques sociales existantes (vie à l’extérieur des maisons, potagers, etc.) tout en permettant à terme une évolution du bâti en fonction des besoins des ménages (extensions, décohabitations) et une densification.

Impliquer les habitants dès la phase d’étude et de conception

73Comme indiqué plus haut, la mobilisation des habitants à toutes les étapes du projet est un facteur déterminant de réussite. Dans la phase d’étude, les habitants ont été consultés via la réalisation d’enquêtes ménages approfondies, d’entretiens et de réunions organisées dans les quartiers. Par ailleurs, quatre ateliers de concertation ont été organisés en janvier 2014 dans chacun des deux quartiers ciblés par l’opération test. Ces rencontres portaient sur la présentation globale de l’opération, la proposition de logement, la forme urbaine et le programme d’équipements de proximité. Les habitants ont exprimé un vif intérêt à prendre part à une telle démarche de co-construction. Ils ont également validé et enrichi les options de travail envisagées.

74Toutefois, cette première phase de concertation est restée en-deçà des ambitions fixées initialement. Il eut été possible de travailler davantage en co-conception et en concertation, mais au vu des incertitudes pesant sur la réalisation effective des opérations, il valait mieux rester prudent afin de ne pas créer de fausses expectatives.

Figure 5 : Atelier de concertation

Figure 5 : Atelier de concertation

Source : Gret, janvier 2014

2.2.3. Des montages techniques et juridiques originaux 

75Nous en donnerons simplement deux exemples.

76Les élus étaient très réticents à l’idée qu’il puisse y avoir régularisation de la situation foncière et accès à la propriété de ménages s’étant installés de façon illégale. La solution du bail à construction à l’envers a été acceptée par la commune car celle-ci permet que les ménages n’accèdent à la propriété qu’après plusieurs années et contre versement d’un loyer sur une durée que la mairie peut fixer de telle sorte qu’il soit à la fois abordable pour les familles et qu’il couvre une part raisonnable de la contribution de la commune dans la viabilisation du quartier.

  • 30 Comité National pour la Sécurité des Usagers de l’Électricité, association reconnue d’utilité publi (...)

77Dans un autre registre, diverses rencontres avec le concessionnaire (ERDF – Electricité Réseau Distribution France) ont permis de réduire les coûts de mise en place des réseaux haute et basse tension tout en assurant un calibrage suffisant en prévision d’une densification progressive du quartier. L’assouplissement de certaines normes et pratiques conduit à une économie d’environ 1 000 € par logement. Dans le logement, les surcoûts actuels liés aux normes d’équipement électrique sont importants, car ce sont les mêmes que dans l’Hexagone, alors qu’elles renvoient à des niveaux de confort déconnectés de la réalité et des besoins des quartiers d’habitat spontané. L’adaptation des normes suppose une négociation avec le Consuel30, que les services déconcentrés eux-mêmes peinent à mener. Pour l’heure, le seul moyen de réduire les coûts consiste à jouer sur le fait que dans le cas de LES, l’attestation de conformité est donnée avant réalisation de l’autofinition, donc de la pose de cloisons : la norme minimum à respecter est donc celle d’une pièce unique.

Conclusion

78Aujourd’hui, la mise en œuvre de l’opération test reste toujours improbable. Les seules avancées concrètes ont été la publication d’un nouvel arrêté LES et un test du produit logement est prévu dans le cadre d’une autre opération conduite à Saint- Laurent-du-Maroni, par l’Établissement public d’aménagement de Guyane (EPAG) et le PACT. Face à l’ampleur des défis, il est inquiétant de voir qu’il est si difficile pour l’État et la collectivité d’arriver à un accord pour une opération somme toute modeste (une centaine de logements). La réticence à l’expérimentation et la caricature faite de l’approche d’aménagement « optimisé » semblent toutefois difficilement tenables, face à l’explosion annoncée de l’habitat spontané. Le risque est grand d’un Saint-Laurent coupé en deux : d’un côté la ville formelle, de plus en plus minoritaire et de l’autre, la ville informelle, de plus en plus majoritaire. Elle rejoindrait en cela la norme de bien des villes des pays dits en développement. Pourtant, ce qui est rejeté ici, est valorisé ailleurs comme des contributions à la ville durable. Ces solutions relèvent-elles du « sous-développement » ou d’un développement viable d’avant-garde ? Elles se heurtent de fait à un certain imaginaire du progrès.

79Il n’existe pas de solution parfaite. Celles proposées méritent toutefois d’être testées et de venir compléter la gamme existante des outils, alors que les crédits de resteront largement insuffisants pour couvrir les besoins, et que la plupart des communes connaissent des situations financières difficiles qui limitent leurs capacités d’action et d’investissement. La multiplication des actions de régularisation foncière, d’aménagement optimisé et de (re)logement en auto construction encadrée peut jouer un rôle significatif dans la limitation voire le contrôle de l’habitat spontané et la lutte contre l’exclusion économique, sociale et politique. Il ne s’agit là que d’un premier pas et les acteurs auraient tout à gagner à répliquer ce type d’expérimentation, à mettre en place et à partager les dispositifs de suivi-évaluation. Il sera aussi nécessaire de trouver les moyens pour renforcer les collectivités locales et les opérateurs dans leurs capacités d’ingénierie urbaine et sociale.

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Bibliographie

Agence d’Urbanisme et de Développement de la Guyane (Audeg), Observatoire de l’habitat, Fév 2013, Note 3 – L’habitat spontané une légende urbaine ?

ARS, Accompagnement des bornes fontaines monétiques à Saint Laurent du Maroni, 2ème bilan, ARS, 7 pages, février 2011

ARS, Cartographie des maladies hydrauliques à Saint Laurent du Maroni, ARS, 2009 à 2011

ARS, L’usage de l’eau dans les quartiers d’habitat spontanés de Saint Laurent du Maroni, Enquêtes, questionnaires et résultats, ARS, 2009

Conférence ID4D, AFD, Gret, « Quelles politiques pour répondre au défi de la précarité urbaine ? », novembre 2014, http://ideas4development.org/conference/rehabilitationquartiers-precaires-solution-durable

Gret, 2011 – 2012, Rapports de la mission d’Appui à la définition et à la mise en œuvre d’aménagements alternatifs des secteurs d’urbanisation spontanés en Guyane, Deal de Guyane, 263 p.

Gret (dir.), Pact, Agir, 2013 – 2014, Rapports de la mission Aménagements alternatifs à l’urbanisation spontanée, Deal de Guyane, 450 p.

Gret, 2013, Dynamiques démographiques et politique urbaine en Guyane : le cas de Saint-Laurent-du-Maroni, Rapport d’étude, AFD, 234 p.

IEDOM, 2010, L’habitat dans les outre-mer français : progrès, enjeux, disparités, les notes de l’Institut d’émission.

LETCHIMY Serge, L’habitat insalubre et indigne dans les départements et régions d’outre-mer : un défi à relever, synthèse et rapport N° 007254-01, CGEDD, Conseil Général de l’Environnement et du développement Durable, septembre 2009

ONU-Habitat, Monitoring Security of Tenure, décembre 2011, http://www.gltn.net/index.php?option=com_docman&gid=269&task=doc_details&Itemid=24

ONU-Habitat, Objectifs pour du Millénaire pour le développement. Rapport 2015, Nations Unies, New York, 2015

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Notes

2 Sommet mondial pour le développement durable de Johannesburg.

3 Nous emploierons également le terme « informel » qui renvoie à des pratiques relevant davantage du contournement ou de l’adaptation au cadre formel et à la légalité pour survivre et « se débrouiller » – dans un contexte économique particulièrement déprimé - que de l’opposition revendiquée à la règle et aux autorités qui les incarnent.

4 Cet habitat assure plus de 50% des constructions nouvelles en Guyane.

5 La commune comptait 5000 habitants en 1967. Source : INSEE

6 Source : INSEE.

7 Source : enquêtes Gret de 2012.

8 Également appelés Noirs Marrons.

9 Ils sont issus des groupements d’habitat autour de la rue Jean de la Fontaine (55 enquêtes), du bidonville de Djakata (45 enquêtes), du quartier de Chekepatty (260 enquêtes) et des groupements en bordure de la rue Paul Castaing sur les terrains publics (70 enquêtes). Les groupements rue Jean de La Fontaine et Chekepatty sont situés sur le terrain affecté à la zone d’aménagement concerté de Saint-Maurice ; les deux autres quartiers bordent la ZAC.

10 Groupements de la rue Jean de la Fontaine et de Djakata.

11 Selon le Plan Local d’Urbanisme (PLU) et Projet d'Aménagement et de Développement Durable (PADD), la commune de Saint-Laurent-du-Maroni comptait 7 000 habitants étrangers disposant de titres de séjour recensés en 1982 ; ce nombre était de 13 500 dans les années 1990.

12 Estimation du service fiscal de la commune et de la Communauté de Communes de l’Ouest Guyanais (CCOG).

13 Aux yeux des institutions publiques, le caractère illégal de l’occupation foncière et du bâti n’autorise pas à considérer ces personnes comme des propriétaires et à utiliser ce terme ; un terme employé est « pseudo propriétaires ». Nous gardons le terme propriétaire en utilisant des guillemets.

14 77 % des chefs de ménage enquêtés sont des femmes.

15 Le campu est un lieu de vie généralement familial, de taille moindre qu’un village, situé sur les rives du fleuve.

16 Terme employé localement en référence aux emplois informels et en général de courte durée qui se succèdent dans le temps.

17 Les ressources des familles sont très difficiles à estimer car elles proviennent de différentes sources, sont souvent irrégulières en dehors des aides sociales et ne sont pas toutes monétaires. Par ailleurs les ménages peuvent souhaiter sous-estimer ou surestimer leurs ressources lors d’une enquête déclarative.

18 Source Observatoire des inégalités, septembre 2014.

19 À condition d’apporter les services de base et dans plus de la moitié des cas, d’améliorer le bâti (clos, couvert, électricité, reprises de dalles).

20 Une grille de critères à six classifications de l’état du bâti a été établie (de très bon état à très dégradé et taudis), afin de proposer les solutions les plus appropriées (conseil et entretien, amélioration et type d’intervention(s), démolition du logement).

21 Sources : enquêtes de terrain du GRET.

22 Source : enquêtes terrain du GRET.

23 Notons que depuis la réalisation de l’étude, la loi Alur a institué les organismes fonciers solidaires (OFS), inspirés des community land trusts anglo-saxons, qui reposent sur l’idée de dissocier propriété foncière et bâtie et pourraient faciliter ce type de solution.

24 Seuls 10 % des ménages enquêtés sont motorisés. Une partie des places de stationnements est bien réservée mais laissée à l’état d’espaces verts ou publics aménageables ultérieurement.

25 En Guyane et ailleurs.

26 Par exemple, l’accès en voiture à toutes les maisons a été un critère non négociable de la commune, alors que le taux de motorisation est extrêmement faible et que l’accès piéton aux parcelles privatives est une pratique courante ailleurs voire considérée avant-gardiste lorsqu’il s’agit d’éco quartiers.

27 Besoin de 3600 logements annuels en Guyane (Urbanis, 2011). Ces besoins regroupent tous types de logement confondus, même s’ils portent essentiellement sur le segment très social.

28 Planchers de densité, plafonds de coût par habitant ou logement, accès pompiers et véhicules de ramassage des ordures, accès aux personnes handicapées, etc.

29 Les solutions informelles d’accès à l’eau ou à l’électricité sont en effet toujours plus coûteuses que les services formels, en raison du caractère captif des habitants et des prix pratiqués par les intermédiaires.

30 Comité National pour la Sécurité des Usagers de l’Électricité, association reconnue d’utilité publique qui délivre des attestations de conformité des installations électriques.

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Table des illustrations

Titre Figure 1 : Habitat spontané dans et autour de la ZAC Saint Maurice à Saint Laurent du Maroni vu d'ULM
Crédits Source : GRET, 2011-2014.
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/tem/docannexe/image/4307/img-1.jpg
Fichier image/jpeg, 400k
Titre Figure 2 : Habitats spontanés : logements en partie dégradés – dalles en attente d'extension, tôles ondulées à reposer en cas de fortes pluies, etc.
Crédits Source : GRET, 2011-2014.
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/tem/docannexe/image/4307/img-2.jpg
Fichier image/jpeg, 252k
Titre Figure 3 : Schéma de principe : organisation de l'habitat spontané en site groupé ou quartier semi-diffus
Crédits Source : GRET, 2011-2014.
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/tem/docannexe/image/4307/img-3.jpg
Fichier image/jpeg, 244k
Titre Figure 4 : Module habitat proposé
Crédits Source : Gret, décembre 2013
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/tem/docannexe/image/4307/img-4.jpg
Fichier image/jpeg, 116k
Titre Figure 5 : Atelier de concertation
Crédits Source : Gret, janvier 2014
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/tem/docannexe/image/4307/img-5.jpg
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Pour citer cet article

Référence électronique

Renaud Colombier, Bérangère Deluc, Virginie Rachmuhl et Clarisse Piantoni, « Relever le défi de l’habitat spontané en Guyane »Territoire en mouvement Revue de géographie et aménagement [En ligne], 36 | 2017, mis en ligne le 27 septembre 2017, consulté le 18 janvier 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/tem/4307 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/tem.4307

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Auteurs

Renaud Colombier

Économiste-urbaniste
GRET1Le Gret- Groupe de recherche et d'échanges technologiques - (Professionnels du Développement Solidaire) est une association française de solidarité internationale : http://www.gret.org / Campus du Jardin Tropical, 45bis avenue de la Belle Gabrielle, 94736 Nogent-sur-Marne Cedex.
Responsable de programmes urbains et habitat
45 bis, avenue de la Belle Gabrielle
94736 Nogent-sur-Marne Cedex – France
colombier@gret.org

Bérangère Deluc

Architecte-urbaniste
Ex-chargée de mission au GRET
beran.deluc@gmail.com

Virginie Rachmuhl

Sociologue-urbaniste
Responsable de programmes urbains au GRET
rachmuhl@gret.org

Clarisse Piantoni

Urbaniste
clarisse.piantoni@marne.gouv.fr

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Droits d’auteur

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