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Le label Cittaslow et sa diffusion dans les communes françaises : la lenteur pour produire des espaces durables ?

The Cittaslow Label and its Spreading in France: the Slow to Produce Sustainable Spaces?
Sandra Mallet

Résumés

Cet article traite des Cittaslow, mouvement « Slow » spécifique, né en Italie à la fin des années 1990. Il analyse sa mise en œuvre dans les communes françaises labellisées : les motifs d’adhésion au réseau, les conséquences sur la politique locale, la façon dont les acteurs se représentent les notions de Slow et de lenteur, les liens établis entre les notions de Slow et de développement durable. D’une part, le texte montre les rapports ambigus des acteurs à la notion de lenteur, celle-ci n’étant pas objet de valorisation. Néanmoins, les enquêtés portent une attention particulière au temps et à la vitesse, principalement à travers la valorisation de trois éléments : le « bien-vivre », la durabilité et le local. D’autre part, l’article met en évidence la pluralité des réalités que recouvre le concept de Cittaslow, montrant les différences de positionnement et d’engagement entre les acteurs. Pour certains, le label Cittaslow est avant tout considéré comme une reconnaissance d’actions déjà entreprises. Pour d’autres, au contraire, l’adhésion doit servir de moteur pour réaliser un ensemble d’actions, auxquelles il donne une ligne directrice.

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Texte intégral

L’auteur remercie les personnes enquêtées pour le temps qu’elles lui ont consacré, leurs explications et l’expression de leurs opinions, ainsi que ses relecteurs pour l’attention portée à ce texte.

Introduction

1L’idée d’un ralentissement nécessaire des rythmes de vie et des rythmes sociaux s’est imposée dans l’opinion commune (Godillon et al. ; 2015). De nombreux livres et articles de presse grand public consacrés à la lenteur ou dénonçant les effets de la vitesse ont été publiés. Les associations, produits et services étiquetés « Slow » ont largement été diffusés, couvrant des domaines variés, allant du Slow food à la Slow science, en passant par le Slow design et le Slow sex. Savoir ralentir s’est mué en qualité et se trouve souvent présenté comme la marque d’une capacité de résistance face aux modèles économiques dominants, basés sur la rapidité et la productivité (Deléage, 2014).

2Cet article analyse un mouvement spécifique, celui des Cittaslow, et interroge la façon dont celui-ci est mis en œuvre dans les communes françaises labellisées. Créée en Italie en 1999, dans la lignée directe du Slow Food, l’association est présente en France depuis 2010, rassemblant huit communes adhérentes en 2016.

Figure 1 : Les communes françaises du réseau Cittaslow international

Figure 1 : Les communes françaises du réseau Cittaslow international

Réalisation : S. Piantoni – Sources : S. Mallet- recherches personnelles - EA 2076 Habiter, Reims, 2016.

3L’article examine les motifs d’adhésion au réseau, les conséquences sur la politique locale, la façon dont les acteurs locaux se représentent les notions de et la lenteur, les liens établis entre les notions de Slow et de développement durable. Après avoir présenté l’approche adoptée, l’article met en évidence les rapports ambigus des acteurs à la notion de lenteur et leurs rapports pluriels au label.

1. Enquêter sur Cittaslow

1.1. Présentation de Cittaslow

4Le réseau Cittaslow est issu du Slow Food, créé en 1989 en Italie dans le Piémont et promu par Carlo Petrini, journaliste, critique gastronomique et personnage charismatique très connu en Italie. Ce mouvement est une opposition frontale au fast food. Il promeut le plaisir de manger, les traditions culinaires ainsi que certaines formes d’agriculture, de production artisanale et d’approvisionnement, en organisant régulièrement des manifestations en ce sens. Devenu international dès 1989, il compte environ 100 000 membres dans 150 pays1 et est reconnu par l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture.

  • 2 Selon la liste établie sur le site www.cittaslow.org. Page consultée le 27 octobre 2016.

5Les principes du Slow Food sont repris dans la charte des Cittaslow, qui développe la réflexion en intégrant plus largement des problématiques urbaines. Elle est signée en 1999 par les maires de quatre villes italiennes : Orvieto, Bra, Greve in Chianti et Positano. Cittaslow international compte 222 communes adhérentes, localisées dans 30 pays -pour la plupart en Europe-, mais le réseau se diffuse progressivement dans des pays aux cultures très diverses : aux États-Unis, en Corée du Sud, en Afrique du Sud, en Australie, en Turquie2

6Dans un monde où les villes millionnaires sont devenues banales, alors qu’elles étaient des exceptions il y a un siècle, et sont désormais valorisées par les économies et politiques libérales, le réseau Cittaslow, au contraire, privilégie les petites villes et les villages. Les communes adhérentes ne doivent pas dépasser 50 000 habitants. Le label suit l’idée que « l’urbanisation a peu à peu engendré une détérioration de la qualité de vie »3 et promeut un urbanisme à « taille humaine », le contrôle du rythme de croissance des villes à l’heure de la course au gigantisme, à la métropolisation et à l’accélération.

7Les communes doivent remplir au moins 50 % des indicateurs définis dans la charte pour être labellisées. Certaines conditions doivent déjà avoir été respectées au moment de l’adhésion, d’autres sont des perspectives obligatoires. Ces indicateurs, au nombre de 61, se rapportent à 6 domaines :

  • politique énergétique et environnementale ;

  • politique d’infrastructure ;

  • qualité des politiques urbaines ;

  • politique agricole, touristique et artisanale ;

  • politique d’hospitalité, de sensibilisation et de formation ;

  • cohésion sociale.

8Parmi les objectifs figurent des efforts en faveur de la conservation de la biodiversité, la réduction de la pollution lumineuse, le développement de pistes cyclables avec des chemins cohérents et des parkings à vélo, la création ou l’extension de réseaux de transports alternatifs, la promotion de l’architecture soutenable, la présence ou la réalisation d’espaces verts et productifs ainsi que d’espaces de commercialisation de produits locaux, la valorisation d’évènements locaux culturels ou encore le renforcement de la démocratie locale et de la participation des habitants à la vie municipale. Il s’agit de penser l’urbanisme d’abord sur la base de l’amélioration de la qualité de vie.

Extrait de la Charte internationale Cittaslow (version révisée au 21 juin 2014)
Attachment « C » to the Charter : Requirements for excellence

1. ENERGY AND ENVIRONNEMENTAL POLICY

1.1 Air quality conservation *
1.2 Water quality conservation *
1.3 Drinking water consumption of residents
1.4 Urban solid separate waste collection *
1.5 Industrial and domestic composting
1.6 Purification of sewage disposal *
1.7 Energy saving in buildings and public systems
1.8 Public energy production from renewable sources

1.9 Reduction of visual pollution, traffic noise
1.10 Reduction of public light pollution *
1.11 Electrical energy consumption of resident families
1.12 Conservation of biodiversity

2. INFRASTRUCTURE POLICIES

2.1 Efficient cycle paths connected to public buildings
2.2 Length (in kilometers) of the urban cycle paths created over the total of k kilometers of urban roads *
2.3 Bicycle parking in interchange zones
2.4 Planning of ecomobility as an alternative to private cars *
2.5 Removal of architectural barriers *
2.6 Initiatives for family life and pregnant women *
2.7 Verified accessibility to medical services
2.8 « Sustainable » distribution of merchandise in urban centres
2.9 Percentage of residents that commutes daily to work in another town *

3. QUALITY OF URBAN LIFE POLICIES

3.1 Planning for urban resilience **
3.2 Interventions of recovery and increasing the value of civic centres (street furniture, tourist signs, aerials, urban landscape mitigation conservation *
3.3 Recovery/creation of social green areas with productive plants and/or fruit trees **
3.4 Urban livableness (house-work, nursery, company hours, etc.)

3.5 Requalification and reuse of marginal areas *
3.6 Use of ICT (information and communication technologies) in the development of interactive services for citizens and tourists *

3.7 Service desk for sustainable architecture (bioarchitecture, etc) *
3.8 Cable network city (optical fibers, wireless) *
3.9 Monitoring and reduction of pollutants (noise, electrical systems etc *
3.10 Development of telecommuting

3.11 Promotion of private sustainable urban planning (passivhouse, mater. construction, etc.)
3.12 Promotion of social infrastructure (time based currency, free cycling projects, etc)
3.13 Promotion of public sustainable urban planning (passivhouse, mater. construction, etc.) *
3.14 Recovery/creation of productive green areas with productive plants and/or of fruit within the urban perimeter **
3.15 Creation of spaces for the commercialization of local products *
3.16 Protection /increasing value of workshops- creation of natural shopping centres *

3.17 Metre cubes of cement (net infrastructures) in green urban areas

4. AGRICULTURAL, TURISTIC AND ARTISAN POLICIES

4.1 Development of agro-ecology **
4.2 Protection of handmade and labelled artisan production, (certified, museums of culture, etc ) *
4.3 Increasing the value of working techniques and traditional crafts *
4.4 Increasing the value of rural areas (greater accessibility to resident services) *
4.5 Use of local products, if possible organic, in comunal public restaurants (school canteens, etc) *
4.6 Education of flavours and promoting hte use of local products, if possible organic in the catering industry and private consumption *
4.7 Conservation and increasing the value of local cultural events *
4.8 Additional hotel capacity (beds/residents per year) *
4.9 Prohibiting the use of GMO in agriculture
4.10 New ideas for inforcing plans concerning land settlements previously used for agriculture

5. POLICIES FOR HOSPITALITY, AWARENESS AND TRAINING

5.1 Good welcome (training of people in charge, signs, suitable infrastructure and hours) *
5.2 Increasing awareness of operators and traders (transparency of offers and practised prices, clear visibility of tariffs) *
5.3 Availability of « slow » itineraries (printed, web, etc.)

5.4 Adoption of active techniques suitable for launching bottom-up processes in the more important administrative decisions
5.5 Permanent training of trainers and /or administrators and employees on cittaslow slow themes **
5.6 Health education (battle against obesity, diabetes, etc.)
5.7 Systematic and permanence information for the citizens regarding the meaning of cittaslow (even pre-emptively on adherence) *
5.8 Active presence of associations operating with the administration on cittaslow themes
5.9 Support for cittaslow campaigns *
5.10 Insertion/use of cittaslow logo on headed paper and website *

6. SOCIAL COHESION

6.1 Minorities discriminated
6.2 Enclave / neighbours
6.3 Integration of disable people
6.4 Children care
6.5 Youth condition
6.6 Poverty
6.7 Community association
6.8 Multicultural integration
6.9 Political participation
6.10 Public housing
6.11 The existence of youth activity areas, and a youth center

7. PARTNERSHIPS

7.1 Support for Cittaslow campaigns and activity
7.2 Collaboration with other organizations promoting natural and traditional food
7.3 Support for twinning projects and cooperation for the development of developing countries covering also the spread philosophies of cittaslow

* = Obligatory requirement

** = Perspective requirement

1.2. Positionnement scientifique et méthodologique

9Plusieurs recherches en sciences humaines et sociales, en majorité anglophones et s’appuyant sur des enquêtes de terrain, ont été menées sur Cittaslow. Ces travaux exposent les grands objectifs affichés du label et montrent la façon dont les communes s’emploient à poursuivre ces objectifs. Les recherches des géographes H. Mayer et P.-L. Knox (2006 ; 2009), se basant sur des cas d’études en Italie, Allemagne et Royaume-Uni, portent sur la manière dont les communes mettent en œuvre le système d’indicateurs défini dans la charte, en vue de ralentir les rythmes quotidiens et d’accroître la qualité de vie. Ils s’intéressent aussi à l’approche urbaine alternative offerte par Slow Food et Cittaslow pour répondre aux objectifs de développement économique, environnemental et équitable et proposent des pistes pour une transférabilité réussie du concept. P.-L. Knox (2005), dans d’autres écrits, montre l’importance de la valorisation des spécificités locales et l’attention portée aux lieux dans la politique de Cittaslow. S. Pink et T. Lewis, quant à elles, adoptent une approche anthropologique en étudiant les cas britanniques et australiens. Elles expliquent le succès de Cittaslow dans la production d’un développement urbain durable par la mise en place d’expériences sensorielles, celles-ci servant à maintenir l’intérêt et la participation des habitants (Pink, 2008a ; Pink et Lewis, 2014). S. Pink (2008b) montre, en outre, que le mouvement repose d’abord sur un activisme indirect, plutôt que sur des campagnes d’actions directes. À la suite des analyses de W. Parkings et de G.Craig (2006) qui étudient ce qu’ils nomment le « Slow living », principalement à partir de Slow Food, M. Miele (2008 ; 2013) explique le succès du mouvement Cittaslow -« a successful invention »- (Miele, 2008 : 149) par sa capacité à être une organisation fluctuante créant des espaces fluides de lenteur, forme de négociation entre des changements culturels émergents et modes de vie traditionnels. Dans l’ensemble de ces écrits, Cittaslow est présenté comme un modèle alternatif réussi dont les auteurs s’efforcent de comprendre les mécanismes permettant une telle réussite. Les approches développées sont peu critiques et présentent des analyses optimistes, mettant l’accent sur les apports de Cittaslow, louant ses principes, son originalité dans l’approche d’un territoire ainsi que les perspectives nouvelles qu’offre le mouvement.

10Le propos, dans cet article, n’est pas de considérer Cittaslow comme une réussite, ni même de tenter d’évaluer son succès – ou son échec – dans le cas français. Dans une perspective pragmatique, cet article vise à étudier les motifs d’adhésion à la charte Cittaslow, de même que les appropriations et les utilisations locales de cette charte, ainsi que les conséquences de l’adhésion en termes d’action locale.

11Par ailleurs, la littérature scientifique associe directement le terme « Slow » à la lenteur. Aussi nous garderons-nous de traduire Cittaslow par « ville lente » et de considérer les Cittaslow comme des espaces de lenteur ou producteurs de ralentissement. Il ne s’agit donc pas d’examiner les manières dont les Cittaslow s’emploient à produire des espaces de lenteur, mais de questionner la façon dont les acteurs locaux se représentent celle-ci, de même que sa place dans les actions menées.

  • 4 Labastide-d’Armagnac, Mirande, Saint-Antonin-Noble-Val, Segonzac et Valmondois.

12La recherche repose sur l’analyse de discours : ceux en lien avec les représentations de Cittaslow et ceux liés au rapport des acteurs au label et à leur engagement. Elle s’appuie sur des documents rédigés par les associations Cittaslow International et Cittaslow France, par les communes françaises adhérentes et par la presse (charte, sites Internet, revue de presse, documents internes que les acteurs ont bien voulu mettre à notre disposition, certains dossiers de candidature…). Elle se base également sur sept entretiens semi-directifs individuels menés entre mars et avril 2016 auprès de responsables Cittaslow, dans cinq communes4 du réseau français (élus, responsables). Les questions posées lors de ces entretiens portaient essentiellement sur la prise de connaissance du label, l’historique de l’adhésion, les significations du Slow, les formes d’implications de la commune dans le réseau et les conséquences de l’adhésion pour la commune et les actions dites « Cittaslow » engagées.

2. Dévalorisation de la lenteur et valorisation du « slow »

13Les enquêtes menées permettent de mieux cerner ce que recouvre et valorise le label, en particulier les caractéristiques de celui-ci au regard de la question du temps. Qu’entendent les acteurs derrière l’appellation Cittaslow ? Le terme « Slow » correspond-il à une valorisation de la lenteur ? De quelles manières les acteurs se représentent-ils l’idée de lenteur ?

14Les analyses mettent en évidence les articulations paradoxales qui lient les notions de lenteur et de Slow dans ce contexte. Les acteurs présentent, en effet, des rapports ambigus à la lenteur, celle-ci ne faisant pas l’objet d’une valorisation, contrairement à ce que l’on pourrait supposer a priori. Certaines idées et valeurs spécifiques liées au temps et à la vitesse sont toutefois mises en avant par les acteurs, se manifestant par le biais d’une valorisation du bien-vivre, du développement durable et du local.

2.1. Le Slow n’est pas lenteur

15Les nombreux essais sur le Slow l’associent directement à la lenteur. En ce sens, Cittaslow est le plus souvent considéré comme une mobilisation contre une globalisation qui produit un monde aux rythmes quotidiens accélérés. Pour le journaliste canadien C. Honoré (2004), dans son bestseller international Éloge de la lenteur, Cittaslow promeut la lenteur en tant que résistance aux temps trop rapides de la ville. D’une manière plus générale, il décrit l’ensemble des mouvements Slow comme des appels à la lenteur. Dans la même veine, les villes du réseau Cittaslow ont commencé leur « révolution lente » selon la journaliste P. D’Erm (2010 : 53). S. Menetrey et S. Szerman (2013 : 74) expliquent, quant à eux, que les « villes lentes » mettent en place des mesures pour ralentir.

  • 5 « Slow Cities »
  • 6 “The increased pace of life itself became an issue associated with morbidity and mortality in citie (...)

16Les écrits scientifiques décrivent, eux aussi, Cittaslow comme un mouvement appelant à la lenteur et dénonçant les méfaits de la vitesse. Les auteurs traduisent le néologisme « Cittaslow », créé par les fondateurs italiens, par « Slow cities » dans les écrits anglophones ou par « villes lentes » dans les textes francophones. H. Mayer et P. L. Knox (2006) indiquent que les « Villes Lentes »5 sont des « lieux soutenables dans un monde rapide ». La vitesse croissante des rythmes est considérée d’un point de vue négatif. P. L. Knox (2005 : 3) affirme, par exemple, que « Le rythme accru de la vie est devenu un problème associé à la morbidité et la mortalité dans les villes »6. M. Miele (2008) examine la façon dont Cittaslow produit et traduit la lenteur dans les villes amenées à rejoindre le mouvement, ce qui induit un présupposé : une revendication pour la lenteur est à l’origine de l’adhésion des villes au réseau.

  • 7 slow food, slow cosmétique, slow management, slow design, slow science, slow art et slow cinema.

17La notion de Slow est en fait rarement interrogée, les auteurs comprenant le terme dans sa traduction littérale. Ce n’est pourtant pas l’association de mots italiens « Città lente » qui a été choisie pour désigner le mouvement dans son pays d’origine, l’Italie, mais « Cittaslow ». C’est également le terme « Slow » qui est mobilisé par une multitude de mouvements dans différents pays, et non les termes de « lent » ou « lenteur », ou leur équivalent dans d’autres langues. Partant de ces constats, on peut supposer que l’utilisation d’un anglicisme renvoie à des représentations particulières qui se détachent des mots français « lent » et italien « lente ». Et ce, d’autant plus que, pour la sociologue M. Diestchy, qui analyse les valeurs de différentes déclinaisons du Slow7, « analyser le slow comme une aspiration à la lenteur n’est pas satisfaisant : la notion reste largement dévalorisée sur le terrain » (Diestchy, 2015 : 11). Il s’agit donc de tenter de comprendre, dans notre analyse des Cittaslow françaises, les représentations associées au Slow.

18Les acteurs interrogés dans le cadre de notre enquête ne traduisent pas Cittaslow par « ville lente » et jugent inappropriée cette traduction « qui prête à confusion »8, mais que l’on rencontre pourtant de façon récurrente dans les articles de presse, reportages télévisés, essais et autres écrits consacrés à ce mouvement. Les acteurs craignent que le mot lenteur renvoie une image négative de leur commune. Selon le responsable Cittaslow de Saint-Antonin-Noble-Val : « il y a l’idée que, pour beaucoup, la lenteur, c’est les ploucs […]. L’escargot ne colle pas avec le dynamisme avec lequel les élus veulent coller. La grande vitesse, le TGV, etc. relève encore du vocable dominant. Il y a une évolution manifeste qui critique l’accélération mais elle n’est pas du vocable de tous les élus ». À Segonzac, on explique que « Cittaslow, ce n’est pas « ville lente », c’est d’abord le respect des rythmes des gens, de la culture, de l’urbanisme, de la ville, des déplacements, etc. ».

19Au départ, lorsque l’adhésion à Cittaslow a été proposée au sein des communes, l’appellation « Slow » a provoqué certaines réactions et a parfois fait l’objet de railleries. Ainsi, à Saint-Antonin-Noble-Val, les élus ont demandé s’il existait des possibilités pour que l’emploi de la dénomination « Slow » soit évité et s’il était possible de ne pas utiliser le logo (représentant un escargot) dans les différents outils de communication. À Mirande, « Le mot « Slow », au départ a hérissé des gens : peur de passer pour des gens lents, peu dynamiques...l’escargot, c’est un mollusque… ». À Segonzac, lors de la phase de réflexion en vue de l’adhésion au label : « Le nom a été le seul point qui a posé question, notamment par une personne anglaise qui trouvait que cela donnait une image négative. Elle a exprimé une certaine réticence, notamment la peur que cela soit repoussoir pour les entreprises, que cela reflète un manque de dynamisme. L’escargot a moins gêné : on peut le voir comme un clin d’œil local car il est déjà décliné comme emblème de la Charente. »

20Ces discours renvoient à des représentations classiques de la lenteur : traditionnellement, celle-ci est considérée de façon négative. Elle est définie tantôt comme un manque de rapidité, de vivacité, de rythme, d’animation, tantôt comme un retard dans l’action, la réflexion ou la compréhension. Le Dictionnaire historique de la langue française relate que le mot lenteur dérive de l’adjectif « lent » (1080) issu du latin lentus « souple, élastique, flexible », soit « mou » au sens physique mais aussi au sens moral signifiant alors « indolent, nonchalant ». Le champ d’emploi du mot se simplifie aux XVIe puis au XVIIe siècle, au profit du sens de « mou, qui manque de rapidité »9. Il signifie « mou, faible, qui n’agit pas avec promptitude, qui tarde, en parlant des personnes » et « qui manque de promptitude, d’activité, qui tarde, en parlant des choses. »10. Ainsi, la lenteur a acquis une valeur temporelle. Elle est tout autant synonyme d’inaction, de mollesse, d’indolence, d’apathie, de langueur, de nonchalance et de retard. Elle s’oppose au dynamisme, à la célérité, à la promptitude, à la rapidité, à la vélocité ainsi qu’à la hâte qui ont des connotations plus positives.

21À partir de la fin du XXe siècle, le regard sur la lenteur change. Celle-ci se trouve valorisée dans de nombreux ouvrages. La lenteur, premier roman de M. Kundera rédigé en français, soutient qu’« il y a un lien secret entre la lenteur et la mémoire, entre la vitesse et l’oubli » (Kundera, 1995 : 44) mais que l’homme, fasciné par la vitesse, délaisse les vertus de la lenteur. L’essai du sociologue P. Sansot fait de la lenteur un choix de vie – et non plus un trait de caractère – : « il conviendrait de ne pas brusquer la durée et de ne pas nous laisser bousculer par elle –une tâche salubre, urgente, dans une société où l’on nous presse et où souvent nous nous soumettons de bon cœur à un tel harcèlement. » (Sansot, 1988 : 11). Cette valorisation se fait également par les médias auprès du grand public ou encore par la Journée internationale de la lenteur, d’origine est québécoise, qui date de 2001.

  • 11 Selon la directrice de l’Office du tourisme de Mirande

22Mais les entretiens menés montrent que l’évocation du mot lenteur reste principalement liée aux représentations traditionnelles et négatives de la lenteur. Le terme « Slow », quant à lui, est en vogue, « dans l’air du temps »11, reflétant de ce fait un certain dynamisme, une certaine énergie, de la nouveauté. La mobilisation de ce terme permet ainsi de se décharger, du moins en partie, des représentations négatives du mot « lent », pour mettre en avant ses aspects positifs.

2.2. Une valorisation du bien-vivre, du développement durable et du local

23M. Diestchy (2015) a montré que les mouvements Slow recouvrent un ensemble de valeurs qu’ils nouent autour de la question temporelle. La notion de Slow est polysémique et renvoie à des aspirations diverses. Elle est ainsi difficile à saisir. Aussi, la question reste de savoir ce que Cittaslow valorise et labellise. Les acteurs mettent en évidence trois grands éléments de façon récurrente qui induisent, à leurs yeux, un positionnement particulier par rapport au temps.

24Les Cittaslow s’affichent comme « Cités du bien-vivre », sorte de sous-titre du label. L’ensemble des acteurs approuvent cette appellation – beaucoup plus consensuelle que l’expression « Cittaslow » – et l’emploient volontiers. À Saint-Antonin-Noble-Val, l’élu référent « trouve que ça sonne mieux que l’escargot ! ». Le bien-vivre valorise une certaine idée de la qualité de vie. Ces notions – le bien-vivre et la qualité de vie – sont floues et relativement communes, car elles sont très souvent mises en avant par les petites villes : « les images associées à la petite ville sont souvent ordinaires. Les qualificatifs de « ville à taille humaine », « ville où il fait bon vivre » sont fréquents. Ils insistent sur des critères de qualité de vie qui, à force d’être répétés, sont généralement passe-partout. » (Mainet, 2012. L’une des originalités de Cittaslow est que le label tente d’objectiver et de concrétiser ces notions englobantes via une série d’indicateurs, précédemment décrits. Il permet ainsi de rendre visible et opérationnel des éléments associés à la qualité de vie (Mainet et Édouard, 2015). Ce qui est plus original encore est que la qualité de vie est considérée sous un angle temporel, ce qui permet au label de se distinguer d’autres labels territoriaux. Cet angle valorise le fait de « prendre le temps ». Cette expression fait écho à une multitude d’objets dans les discours : le bien-être, le calme, la convivialité... À Mirande, on explique : « La traduction mot à mot donne "ville lente", mais en fait, il s’agit d’un label attribué aux villes « où il fait bon vivre » au sens le plus large du terme et cela regroupe bien des aspects de la vie d’une commune. En fait, dans une « Cittaslow », ce n’est pas de lenteur qu’il s’agit : on prend le temps ! Prendre le temps de vivre, de produire et/ou de consommer du bon, du savoureux, de la qualité, de l’authenticité, voilà tout ce dont rêve le citoyen d’aujourd’hui ! »12. Le label valorise ainsi l’idée d’un temps nécessaire pour bien faire les choses, leur accorder le temps qu’elles méritent. Le temps que l’on prend est forcément bon (dans la langue française, on ne « prend » jamais du mauvais temps, on le subit). Il s’agit de ne pas être bousculé par les rythmes sociaux, de prendre le temps dans une société de l’accélération qui dépossèderait les personnes de leur propre temps. Les Cittaslow s’affirment en opposition avec les rythmes de la grande ville souvent jugés trop rapides, oppressants, à la source de multiples maux.

25Le deuxième élément que les acteurs associent à Cittaslow est la durabilité. À La Bastide d’Armagnac, le référent explique qu’il y a « un problème général : si on veut traduire les choses, les mots ne correspondent pas au mot "lenteur" : ce n’est pas la lenteur, c’est la durabilité. Le Slow, c’est la continuité : on fait une action, l’escargot avance, avec lenteur, mais il avance. Le mot lenteur ne correspond pas au mot Slow. Le Slow, c’est la durabilité, l’effort de continuité, de longue durée…C’est l’effort central du réseau en tant que tel. ». De même, à Valmondois, l’élue référente rapporte que « par rapport aux rythmes actuels, là, il faut réfléchir aux actions sur le long terme et le moyen terme ». Le développement durable est par essence une notion temporelle : telle qu’elle se diffuse depuis les années 1980 au niveau international et national, elle invite à reconsidérer les sociétés dans la durée. Le développement durable est couramment défini comme un processus qui appelle au changement et dans lequel les sociétés se repensent et agissent dans des temporalités différentes, dont il faut reconsidérer l’articulation (Mallet et Zanetti, 2015). La question de l’équité intergénérationnelle est primordiale, mais les décisions politiques sont à prendre dès à présent, rapidement, voire de toute urgence pour certaines. Pour les enquêtés, Cittaslow vise à élargir l’horizon temporel habituel des réflexions et des actions menées à l’échelle communale. La nécessité d’une continuité temporelle est mise en avant. L’ambition est de mieux agir pour le futur : l’idée de prendre le temps de la réflexion pour bien agir se trouve à nouveau valorisée. Il s’agit également de tenir compte des traditions et des savoirs anciens, ce que les acteurs promeuvent largement, en particulier à travers la mise en valeur des produits du terroir. Comme pour Slow Food, la vitesse est associée à l’agriculture industrielle et à une globalisation standardisant les modes de vie, tandis que le Slow renvoie à une production respectueuse des saisons et de la variété des espèces, attentive aux spécificités des milieux et à leurs caractéristiques climatiques et environnementales, ainsi qu’aux savoir-faire traditionnels, ce qui serait à l’origine de la qualité des produits (Siniscalchi, 2013).

  • 13 Les échanges de biens, de services et de savoirs pouvant être réalisés à l’aide de monnaies locales (...)

26Plus largement, Cittaslow rejoint les autres mouvements Slow en ce qu’ils traduisent une aspiration à la maîtrise des rythmes, mettant en question la « culture temporelle » dominante, reflet « d’une éthique de vécu du temps qui se veut en décalage par rapport aux normes temporelles de notre modernité » (Diestchy, 2014). Les acteurs sont en quête d’une meilleure maîtrise des rythmes et n’opposent pas lenteur et rapidité, ni dans leurs discours, ni dans leurs modes de vie. Cittaslow encourage le développement des réseaux piétons et cyclables, réévalue la question du rapport temps/argent à travers la promotion de monnaies locales, ce qui pourrait être considéré comme des formes de ralentissement13. Mais la charte encourage tout autant le raccordement de la ville à des réseaux de communication rapides : parmi les indicateurs figurent l’accès à la fibre optique et au wifi ou encore le développement du télétravail. Par conséquent, lenteur et rapidité ne sont pas incompatibles entre elles. Dans les Cittaslow, les objets lents, les pratiques et les espaces lents coexistent avec d’autres objets, pratiques et des espaces normalisés (Miele, 2008).

27Le troisième élément mis en avant par les acteurs de Cittaslow est le local. L’ensemble des communes adhérentes promeut le patrimoine architectural local (à travers la rénovation de de bâtiments anciens, de fermes…), le commerce local (via l’achat, la rénovation de locaux ou la location d’espace de commercialisation, le développement de marchés du terroir…), la qualité du terroir, les produits alimentaires et les savoir-faire locaux (utilisation de produits locaux dans les cantines publiques, développement de liens avec les restaurateurs, éducation au goût dans les écoles, créations de jardins potagers…), les productions culturelles et artisanales locales. Cette promotion de l’échelle locale se fait en réaction à la mondialisation, considérée comme vecteur d’une standardisation des modes de vie et d’une perte de certains repères traditionnels. Elle entraîne une valorisation des actions de relocalisation des modes de production, de distribution et de consommation.

28L’appel à la lenteur et/ou au Slow est, en fait, très souvent lié à un appel au local. Cet appel est à mettre en lien avec idée dominante selon laquelle la vitesse et l’accélération auraient pour corollaire un éloignement de notre présence réelle au monde, et donc à l’espace. Pour P. Virilio (1977) ou H. Rosa (2010), par exemple, l’importance accordée à l’espace disparaîtrait sous l’effet de l’augmentation généralisée de la vitesse. Plus encore, l’espace se rétrécirait, voire disparaîtrait.

29Or Cittaslow, comme d’autres mouvements Slow, ne saurait être réduit à la seule promotion du local, constituant plutôt une tension entre la valorisation de l’échelle locale et celle de l’échelle globale (Diestchy, 2015). Cittaslow est loin de se traduire par un repli territorial, puisque le mouvement fonctionne en réseau au niveau national et international, reposant sur des transferts de savoir-faire, des échanges entre acteurs impliqués dans des dynamiques similaires et des partenariats entre communes pour mener conjointement des projets. Ainsi, « for Slow living there is no localism without cosmopolitanism » (Parkings et Craig, 2006: 62).

3. Le slow comme label : entre outil de reconnaissance et moteur de l’action

30Les positionnements des communes par rapport à Cittaslow sont divers : les éléments déclencheurs de l’adhésion à la charte, les motifs d’adhésion, les façons de considérer la charte et de se l’approprier diffèrent d’une commune à l’autre. Aux extrêmes, deux positions opposées se dégagent : pour certains acteurs, Cittaslow est d’abord un label considéré comme une reconnaissance a posteriori d’actions déjà entreprises ; au contraire, l’adhésion à Cittaslow doit, pour d’autres, servir de moteur à un ensemble d’actions à réaliser a fortiori, auxquelles il donne une ligne directrice.

3.1. Cittaslow, signe d’une reconnaissance

31Cittaslow est un label, et, en ce sens, il sert à donner de la visibilité aux espaces labellisés. Les communes adhérentes sont toutes de petite taille en termes de population (elles comprennent entre 600 et 4 500 habitants, à l’exception de Blanquefort qui en compte plus de 15 000), situées en zone rurale ou périurbaine. Si les raisons varient, toutes ont rejoint Cittaslow pour donner de la visibilité à leur territoire. À Segonzac, c’est un audit interne de l’office du tourisme visant à trouver des solutions pour revaloriser le territoire qui a révélé l’existence de Cittaslow comme label. À Mirande, le label a été connu grâce au jumelage avec la ville italienne San Mauro Torinese, également adhérente au réseau. Il a été exposé lors de la présentation du schéma local de développement touristique au comité de pilotage du schéma. À Saint-Antonin-Noble-Val, Cittaslow est apparu comme un outil de redynamisation du commerce de centre-ville alors qu’un supermarché s’installait en périphérie. À La Bastide d’Armagnac, village d’environ 600 habitants, ayant perdu de la population et des commerces ces dernières décennies, l’adhésion à Cittaslow est apparue comme un moyen pour donner un nouvel élan au village, les élus espérant attirer l’attention de nouvelles populations.

32Pour la plupart des communes, l’adhésion est ainsi vue comme un outil pour attirer des visiteurs, voire des touristes, pour revitaliser le tissu local en promouvant l’image de qualité de la ville. La visibilité offerte par Cittaslow aux communes s’exprime de différentes manières : via la mise en place d’une communication auprès de la population, via des médias, régionaux voire nationaux qui mettent en avant des spécificités de la commune auprès du grand public ou encore via la création de liens avec des villes françaises et étrangères appartenant au réseau international. Cittaslow se démarque en effet des autres labels territoriaux (villages fleuris, station verte, etc.) existant en France par son caractère international. Il offre aux acteurs des espaces réguliers de partage d’expériences au sein desquels ils peuvent échanger sur des « bonnes pratiques », les difficultés propres à la gestion de leur commune et l’exploitation des critères du label. La charte prévoit notamment une assemblée générale une fois par an, de même que la réunion du comité international d’organisation et du comité national d’organisation. Le contrôle du respect de la charte est prévu tous les 5 ans pour chaque commune. De manière plus ponctuelle, des partenariats sont créés entre communes adhérentes afin de promouvoir les produits locaux et leur territoire . Ce fonctionnement en réseau au niveau international constitue un élément très important pour la plupart des acteurs rencontrés : il ouvre une « fenêtre sur le monde » et offre « une petite fenêtre de visibilité » aux yeux de l’un des responsables.

33Les « cités du bien vivre » fondent leur image sur la gastronomie, les produits locaux et leur patrimoine. La mention « Slow » offre une référence originale, qui se veut être un appel à la réflexion et à prendre le temps de vivre. L’intitulé, ainsi que les principes de la charte, permettent aux communes d’entrer dans une démarche de différenciation qui est d’autant plus assurée que très peu de villes françaises adhèrent au réseau. Le label offre des repères, permet l’identification de ressources et de mettre en évidence des éléments identitaires du territoire. Il participe à la production d’une image désirable et contribue à sa construction symbolique. Comme pour de nombreux labels, l’enjeu est notamment de se démarquer pour exister économiquement et se développer (Fournier, 2015). L’affichage du logo de Cittaslow sur les sites Internet et les panneaux du village constituent des outils de qualification et de promotion du territoire.

  • 14 Citation issue d’un entretien avec un référent exprimant son point de vue sur les différences d’eng (...)

34Les communes labellisées sont tenues de respecter des critères et doivent montrer leur adéquation avec la charte à travers l’élaboration d’un dossier de candidature. Le label apporte ainsi la preuve de la valeur d’un espace et constitue un signe de reconnaissance (Filloz et Collomb, 2011). Pour V. Filloz et V. Collomb, qui étudient les discours et les pratiques du développement durable sur les territoires à travers les labels culturels et touristiques, la labellisation va généralement au-delà d’une simple reconnaissance : « C’est aussi l’engagement des acteurs individuels et collectifs (publics, organismes publics et privés, associations) dans les stratégies et choix liés à leurs intérêts (matériels et symboliques), l’engagement des institutions à se saisir et légitimer ces procédures dans une démarche de projet territorial durable. Ainsi, la labellisation n’est pas qu’un outil technique, c’est l’occasion d’initier une action participative qui renforce sa dimension politique. » (Filloz et Collomb, 2011 : 3). Plusieurs positionnements sont observables sur ce point. Pour certains acteurs, Cittaslow engage les communes dans une démarche permanente d’amélioration, tandis que pour d’autres, le label constitue uniquement une « marque de satisfaction »14.

3.2. Cittaslow, démarche spécifique de politique locale

35Aux yeux de certains acteurs, l’adhésion à Cittaslow doit servir de moteur à un ensemble d’actions à réaliser. L’idée est d’engager une démarche permanente d’amélioration. Cittaslow et ses critères forment alors un cadre, un fil directeur à la politique d’aménagement de ces petites communes qui doit servir une démarche transversale. Ce qui est intéressant à leurs yeux est alors moins le label que la démarche que le label entraîne, qui peut amener à la réalisation de choix importants.

  • 15 Ce qui est nommé « référent Cittaslow » est la personne coordinatrice des actions en lien avec le l (...)

36À Segonzac, première commune française labellisée qui a connu une médiatisation conséquente suite à son adhésion, la référente Cittaslow15 observe que les habitants ont des exigences supplémentaires depuis lors, renforçant leur demande d’un certain confort de vie. Elle explique qu’il y a quelques années, la baisse de la limitation de la vitesse de circulation et l’instauration d’une zone 30auraient été mal acceptées par la population, ce qui ne serait plus le cas désormais. À Mirande, la référente explique que Cittaslow offre un cadre qui permet de sensibiliser les acteurs à la notion de qualité. Les indicateurs fournissent des références et rendent la question de la qualité plus tangible. Le label permet d’attirer l’attention sur certains éléments. Par exemple, des actions sont menées auprès des associations pour remplacer les sandwichs ordinaires servis lors des festivals par des produits locaux de qualité ; un conservatoire de produits « Sentinelles Slow Food » a été créé au Lycée agricole, en lien avec un groupe de cinq éleveurs, visant l’élevage de races locales (bovins, porcs) dans une perspective environnementale et de valorisation du territoire. Ici ou là, ce sont encore des rénovations de rues, des créations de jardins partagés alimentaires et pédagogiques, la mise en place de transports alternatifs à la voiture, la création de parking-relais qui ont été entrepris sous l’étiquette Cittaslow. Les réalisations mises en lien avec le label sont ainsi souvent de petites choses, pas forcément très visibles ni spectaculaires, et qui engagent les acteurs dans une démarche de long terme, qui se construit progressivement. Le label engendre une dynamique de projets sur le territoire, mettant en synergie des acteurs (institutionnels, élus, associatifs, citoyens…) et construisant une culture commune (Fournier, 2015). Grâce à certaines pratiques, il permet également une mise en visibilité de la problématique du développement durable (Filloz et Collomb, 2011).

  • 16 Selon les propos de la référente de Valmondois

37D’une façon plus globale, « C’est principalement sur le souci environnemental que les acteurs du Slow construisent leur montée en généralité. Ils accusent les systèmes contemporains de production et de distribution de ne se soucier que de la productivité (« monde industriel ») et de l’intérêt financier d’une minorité (« monde marchand ») au détriment de l’intérêt général. Le Slow s’inscrit ainsi dans un processus plus large de construction de la question environnementale comme question sociale, qui émerge dans les années 1960 aux États-Unis et en Europe (Aspe et Jacqué, 2012). » (Diestchy, 2015). Pour les acteurs les plus engagés formulant une telle critique, Cittaslow est un « projet très dérangeant »16, en termes de politique et de dynamiques locales, puisqu’il remet en cause des pratiques courantes, telles que l’étalement urbain ou les grandes surfaces commerciales, et qu’il nécessite l’adhésion et l’implication des citoyens. Il entraine un questionnement permanent qui doit dépasser la simple promotion du territoire par la mise en valeur de ses produits locaux, de sa gastronomie ou de son patrimoine.

  • 17 Propos de l’élu référent de Saint-Antonin-Noble-Val 
  • 18 Propos du référent Cittaslow de La Bastide d’Armagnac 

38À l’opposé, d’autres acteurs se montrent très réticents à l’idée que Cittaslow puisse entraîner une modification des pratiques. Ces acteurs craignent essentiellement d’être confrontés à des contraintes supplémentaires et peuvent percevoir Cittaslow comme une menace. L’un d’entre eux explique : « Il y aurait une volonté d’orienter la commune pour prendre les décisions à la place de la commune. Le référent voudrait que la commune soit exemplaire, très active alors que Cittaslow peut s’appliquer à tout ce qu’on veut. […]. On n’a pas forcément envie d’être embrigadé, d’être pris dans un piège. […]. Cittaslow, on n’est pas contre mais on veut pas se faire embrigader. On veut pas être dans une secte, que le label soit le grand ordonnateur des actions de la municipalité. On ne va pas changer nos actions parce qu’il y a Cittaslow »17. Pour un autre : « il n’y a pas nécessairement d’actions spécifiques. Ce n’est pas le réseau qui mène la politique de la municipalité. C’est la municipalité qui, dans ses décisions, vérifie si elle s’approche ou s’éloigne des critères. Une municipalité se dote d’outils, qui, dans l’ensemble, ont plusieurs forces en présence qui agissent en même temps et qui conduisent l’action municipale, ce n’est pas le réseau qui commande. »18. En ce sens, le label se trouve d’abord envisagé comme une marque de reconnaissance, une vitrine. Il est associé à un ensemble d’actions et de décisions prises avant l’adhésion à Cittaslow, ou d’actions étiquetées a posteriori et qui ne constitue pas, en ce sens, un moteur d’actions nouvelles. Ce type d’actions privilégie le côté passéiste des lieux (marchés régionaux, produits locaux) et le risque de créer des « villages-musées » se profile. Le Slow est alors envisagé comme un outil de marketing territorial, ce que l’on retrouve dans d’autres contextes culturels (Buhnik, 2015).

  • 19 Le transfert de la compétence urbanisme des communes aux établissements publics de coopération inte (...)

39Au-delà des aspects idéologiques, la crainte d’une augmentation des contraintes par la labellisation repose, en partie, sur le décalage fort entre les critères énoncés dans la charte du label et les capacités ces communes à engager des démarches permettant d’y répondre. En France, les difficultés financières que connaissent les petites communes, la faiblesse des dotations publiques, ainsi que le transfert progressif de leurs compétences aux Etablissements Publics de Coopération Intercommunale (EPCI)19, leur laisse de moins en moins de marge de manœuvre pour agir. Nous serions entrés dans une logique « ruralicide » aux yeux de certains (Dubourg, 2014), les pouvoirs publics et l’économie mondialisée tendant à favoriser les métropoles et grandes villes au détriment des espaces ruraux.

  • 20 Par exemple, la communauté de Cœur d’Astarac en Gasgogne (dont le siège est à Mirande) souhaitait, (...)
  • 21 Propos du référent Cittaslow de La Bastide d’Armagnac.

40Les municipalités n’ont, bien souvent, pas de pouvoir décisionnel pour appliquer les critères de la charte Cittaslow (concernant, par exemple, le traitement des déchets). À partir de 2017, elles n’auront plus la compétence en matière d’urbanisme, alors que de nombreux points de la charte relèvent de ce domaine. Or, Cittaslow ne permet pas l’adhésion d’intercommunalités, privilégiant le niveau communal afin de valoriser une logique de proximité avec la population. Plusieurs intercommunalités françaises ont d’ailleurs souhaité adhérer mais ont vu leur demande rejetée20. Les intercommunalités possèderaient pourtant beaucoup plus de compétences et de moyens financiers pour répondre aux critères énoncés dans la charte. Ainsi, la charte ne tient pas compte de certaines spécificités locales et n’est pas adaptée aux particularités de l’organisation territoriale française. Si, au sein des communes, elle amène à « se poser des questions »21 et peut constituer un outil de référence, les moyens alloués aux communes ne permettent pas forcément de changer la politique de la municipalité. Par ailleurs, le millefeuille territorial français conduit au recoupement de certaines actions étiquetées Cittaslow. À Valmondois, plusieurs actions se recoupent avec celles mises en œuvre par le PNR (par exemple la mise en place de transports alternatifs) et rendent la lecture du label et de l’action communale difficile.

Conclusion

41Notre enquête a permis de revenir sur une idée couramment répandue, selon laquelle le label Cittaslow appellerait à la lenteur et sur sa traduction par « ville lente ». Les acteurs des communes françaises labellisées ont en commun la dévalorisation de la lenteur, contrairement au Slow, objet d’attractivité. Les significations attribuées aux termes Slow et lenteur diffèrent en effet. Les représentations du Slow reposent sur des valeurs positives associées à la lenteur, en particulier le fait de prendre son temps ou de maîtriser ses propres rythmes. Elles écartent les aspects négatifs de la notion, notamment son assimilation à un manque, à un retard ou à du temps perdu. Contrairement à la lenteur, souvent subie, le Slow est affirmé comme un choix : le choix de rythmes individuels et sociaux qui n’excluent en rien la valorisation de certaines particularités de la vitesse et de la rapidité. L’emploi du terme Slow se justifie également par l’association forte de la notion à d’autres caractéristiques – la valorisation du bien-être, du développement durable et du local – qui sont liés à des positionnements spécifiques à l’égard du temps.

42Cependant, Cittaslow suscite des appropriations locales hétérogènes et recouvre des réalités plurielles. On observe des gradients d’engagement variables, le label pouvant être compris comme un moteur d’actions nouvelles ou comme un simple outil de reconnaissance d’actions qui auraient été, de toute façon, engagées. Outre les différences idéologiques des acteurs, les difficultés actuelles que rencontrent les petites communes contribuent à expliquer les réticences de certains à l’égard du label. De manière paradoxale, Cittaslow tend à valoriser le local mais n’est pas adapté aux particularités du contexte français. Celui-ci est, en effet, marqué par un transfert de compétences croissant aux EPCI et par la faiblesse des budgets communaux, ce qui constitue d’importants obstacles à l’application de la charte par les communes, seul échelon territorial pouvant adhérer au label.

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Notes

1 Selon le site www.slowfood.fr. Page consultée le 24 août 2016.

2 Selon la liste établie sur le site www.cittaslow.org. Page consultée le 27 octobre 2016.

3 Cf. site Internet de la Ville de Mirande: http://www.mirande.fr/fr/information/73416/cittaslow

4 Labastide-d’Armagnac, Mirande, Saint-Antonin-Noble-Val, Segonzac et Valmondois.

5 « Slow Cities »

6 “The increased pace of life itself became an issue associated with morbidity and mortality in cities”

7 slow food, slow cosmétique, slow management, slow design, slow science, slow art et slow cinema.

8 Propos de la responsable de l’office du tourisme de Loix-en-Ré : http://mondeacplanete.blog.lemonde.fr/2014/05/14/le-dynamisme-des-villes-lentes-2/

9 Rey A., 2011, Le Robert. Dictionnaire historique de la langue française, Nathan.

10 Le Littré. URL: http://littre.reverso.net/dictionnaire-francais/definition/lent. Page consultée le 30 octobre 2016.

11 Selon la directrice de l’Office du tourisme de Mirande

12 Cf. site Internet de Mirande Astarac : http://www.tourisme-mirande-astarac.com/fr/pratique/espace-ecoresponsable.php. Page consultée le 27 octobre 2016

13 Les échanges de biens, de services et de savoirs pouvant être réalisés à l’aide de monnaies locales basées sur le temps, comme dans le cas des SEL (Systèmes d’Echanges Locaux) en France. Dans tous les cas, les monnaies locales visent une réappropriation citoyenne de l’économie et à dynamiser l’économie locale.

14 Citation issue d’un entretien avec un référent exprimant son point de vue sur les différences d’engagement selon les communes

15 Ce qui est nommé « référent Cittaslow » est la personne coordinatrice des actions en lien avec le label. Toutefois, les modalités de désignation, le statut (élu ou non), les missions varient d’une commune à l’autre.

16 Selon les propos de la référente de Valmondois

17 Propos de l’élu référent de Saint-Antonin-Noble-Val 

18 Propos du référent Cittaslow de La Bastide d’Armagnac 

19 Le transfert de la compétence urbanisme des communes aux établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) est obligatoire et sera effectif le 26 mars 2017.

20 Par exemple, la communauté de Cœur d’Astarac en Gasgogne (dont le siège est à Mirande) souhaitait, dans un premier temps, porter le label, mais cela a été refusé par Cittaslow International.

21 Propos du référent Cittaslow de La Bastide d’Armagnac.

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Table des illustrations

Titre Figure 1 : Les communes françaises du réseau Cittaslow international
Crédits Réalisation : S. Piantoni – Sources : S. Mallet- recherches personnelles - EA 2076 Habiter, Reims, 2016.
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/tem/docannexe/image/4173/img-1.jpg
Fichier image/jpeg, 332k
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Pour citer cet article

Référence électronique

Sandra Mallet, « Le label Cittaslow et sa diffusion dans les communes françaises : la lenteur pour produire des espaces durables ? »Territoire en mouvement Revue de géographie et aménagement [En ligne], 37 | 2018, mis en ligne le 13 juin 2017, consulté le 18 janvier 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/tem/4173 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/tem.4173

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Auteur

Sandra Mallet

Maître de conférences
Université de Reims Champagne-Ardenne
IATEUR- EA 2076 Habiter
57 rue Pierre Taittinger
51096 Reims Cedex- France
sandra.mallet@univ-reims.fr

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