Le Marin, L’Atlas 2014 des enjeux maritimes
L’Atlas 2014 des enjeux maritimes, 2014, Rennes : Le Marin, 124 pages
Texte intégral
1Cet ouvrage, co-rédigé par des journalistes de la revue Le Marin en collaboration avec des chercheurs de l’ISEMAR et du laboratoire IGARUN de l’université de Nantes, cherche à faire le point des grands enjeux économiques et politiques des océans. Il se présente comme une série de fiches d’actualisation accompagnant des tableaux statistiques, des graphiques, des cartes et des photos de navires.
2Il est organisé en quinze sections, portant tout particulièrement sur les transports maritimes : l’économie et la mer, vracs secs, vracs liquides, gaz naturel, conteneur, roulier, offshore, ports de commerce, flotte de commerce, compagnies, construction navale, croisière, câbles sous-marins, enfin pêche et aquaculture et marines de guerre. L’information est à jour, avec des statistiques détaillées de 2012 ou 2013. Il constitue à cet égard un intéressant outil de travail car les données rassemblées ne sont parfois pas faciles à trouver (classement des armements maritimes, sites de soutage au GNL, grands ports mondiaux de ferrys, potentiels houlomoteurs en haute mer, trafics des ports de la Baltique ou d’Amérique du sud, évolution des immatriculations de navires, mutations de l’industrie de construction et démolition navale, productions de l’aquaculture…). Un gros effort de documentation et de restitution qui doit être salué comme il le mérite.
3Cependant, à nos yeux, l’ouvrage pèche par plusieurs points. Tout d’abord, la conception des cartes, si elle présente en figurés ponctuels l’importance des ports, à des échelles mondiale ou régionale, manque cruellement de figurés pour les flux. Par exemple, on ne voit pas les routes du pétrole ou du fer, les circuits des porte-conteneurs ou les grands passages interocéaniques (Suez, Panama, trop brièvement évoqués) ou les détroits majeurs, trop rarement mentionnés (Ormuz, Malacca, Pas-de-Calais, Gibraltar…). Pour l’industrie de la croisière, on ne nous dit rien du redéploiement saisonnier des navires du monde caraïbe vers l’Alaska et la Méditerranée. Nous avons relevé plusieurs erreurs, par exemple une inversion des titres entre les deux cartes du haut de la page 123, mais aussi certaines inexactitudes de détail, comme en page 99 où Manille se retrouve sur la côte orientale de Luçon, ou bien, p. 123, où l’atoll de Scarborough occupé par la Chine devrait être localisé bien plus près de la côte philippine pour bien percevoir le caractère extrême des revendications chinoises. Page 93, le figuré des croisiéristes minimise considérablement le marché des États-Unis.
4Mais surtout, comment peut-on intituler un tel ouvrage : « Atlas des enjeux maritimes » quand la dimension géopolitique semble se résumer aux flottes de guerre et qu’il n’y a pas d’explication des Zones Économiques Exclusives et des conflits potentiels que leur délimitation ou extension peut générer ? C’est important pour la pêche, pour les hydrocarbures. Comment peut-on ignorer les enjeux environnementaux des espaces littoraux et en particulier des petites îles ou des archipels coralliens des mers tropicales ? L’élévation du niveau de la mer, l’érosion côtière, l’intensité croissante des cyclones, ouragans et typhons, la dégradation des récifs coralliens et la destruction des mangroves par l’aquaculture et les aménagements touristiques, les fluctuations ENSO (El Niño / La Niña) dans le Pacifique : ne s’agit-il pas aussi d’enjeux fondamentaux, de portée mondiale, pour les espaces océaniques ? La pollution des eaux marines par des « marées noires » (Exxon Valdez, Prestige et autres accidents de navires, explosion ou renversement de plates-formes gazières et pétrolières en mer du Nord ou dans le Golfe du Mexique) ou par les effluents de l'agriculture intensive rétro-littorale (Bretagne, Japon) n’est-elle pas aussi un enjeu ? La dépendance excessive au tourisme de certaines nations insulaires (Seychelles, Maldives….) n’est-elle pas aussi à évoquer ? Les deux catastrophes asiatiques récentes, Indonésie/Thaïlande, puis Japon (Fukushima) ont mis en avant les risques littoraux en cas de tsunami : la littoralisation croissante des activités humaines et des populations n’est-elle pas aussi un enjeu maritime mondial ? New York, Miami, Rio de Janeiro, Los Angeles, San Francisco, Tokyo, Shanghai, Hong Kong, Manille, Jakarta, Singapour, Bombay, Dubaï, Istamboul, Londres et bien d’autres : que de grandes villes du monde en position littorale ! Mais on n’en souffle mot.
5Bref, l’ouvrage n’accomplit que partiellement sa mission. Il aurait fallu soit l’étoffer pour inclure les dimensions essentielles qui manquent par rapport au titre proposé, soit modifier le titre pour limiter la portée théorique de l’ouvrage (pas de réflexion d'ensemble sur la notion d'enjeu), qui sera cependant une bonne source de documentation pour les aspects qu’il traite, même si les statistiques sont appelées à une rapide obsolescence. Une prochaine édition permettra peut-être de corriger les faiblesses de la version de cette année.
Pour citer cet article
Référence électronique
Yves Boquet, « Le Marin, L’Atlas 2014 des enjeux maritimes », Territoire en mouvement Revue de géographie et aménagement [En ligne], 27-28 | 2015, mis en ligne le 17 avril 2015, consulté le 14 janvier 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/tem/3213 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/tem.3213
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