Denis Martouzet, Ville aimable
Denis Martouzet, Ville aimable, Tours 2014, Presses Universitaires François Rabelais : collection « Perspectives Villes et Territoires », 384 pages
Texte intégral
1L’ouvrage est publié dans la collection « Perspectives Villes et Territoires », lancée en 2002 par les Presses Universitaires François Rabelais et forte aujourd’hui de 22 ouvrages. Il se compose de douze chapitres complétés par une introduction et une conclusion générales. Si ces chapitres ont été rédigés par sept auteurs différents (Nathalie Audas, Hélène Bailleul, Benoît Feildel, Georges-Henry Laffont, Denis Martouzet, Nicole Mathieu et Joëlle Salomon Cavin), dont les contributions ont été rédigées à deux ou quatre mains selon les cas, Denis Martouzet, éditeur de l’ouvrage, est l’auteur ou le co-auteur de la moitié d’entre eux.
- 1 Joëlle Salomon Cavin, 2005, La ville mal-aimée. Représentations anti-urbaines et aménagement du ter (...)
- 2 Les actes du colloque ont été publiés en 2010 : Bernard Marchand, Joëlle Salomon Cavin (dir.), 2010 (...)
2Si, par certains aspects, l’ouvrage s’inscrit dans le champ de recherche initié par des travaux sur la ville mal-aimée, tels les travaux de Joëlle Salomon Cavin1 ou encore le colloque « Ville mal-aimée, ville à aimer » organisé à Cerisy en juin 20072, il prend également la forme d’une publication d’équipe de recherche, dans la mesure où une très grande partie des auteurs a fait partie ou fait encore aujourd’hui partie de l’actuelle UMR CITERES à l’Université de Tours. De nombreux travaux de recherche, et en particulier des doctorats menés par nombre des contributeurs de l’ouvrage, y ont en effet été engagés depuis le début des années 2000 sous la houlette notamment de Denis Martouzet. D’une certaine manière, par ses thématiques, par ses objets de réflexion comme par ses auteurs, l’ouvrage est le fruit de ces travaux. La question centrale qui est ici posée est celle du rapport affectif à la ville ou, plus précisément, des différentes formes et figures du rapport de l’individu à la ville. Ce n’est donc que l’une des facettes de la « ville aimable » qui est envisagée, comme le soulignent d’ailleurs Denis Martouzet et Georges-Henry Laffont dans la conclusion intitulée « Aimée, aimable, aimante, la ville, une histoire de sentiment », puisque l’ouvrage a cherché à construire (ou déconstruire) le « rapport affectif à la ville comme concept », tandis que la « ville aimable » ne peut apparaître que comme un « objectif », notamment du point de vue des aménageurs et des politiques publiques.
3L’ouvrage repose sur des contributions de forme et de contenu différents. Après une introduction définissant les enjeux scientifiques du livre, il s’ouvre par un entretien à deux voix (Denis Martouzet et Nicole Mathieu) sur l’habiter (chapitre 1 « Habiter, une affaire d’affects : dialogue et confrontations »), avant trois chapitres proposant des réflexions théoriques et épistémologiques sur « l’affectivité des lieux » (chapitre 2), son rôle sur « l’organisation spatiale des sociétés » (chapitre 3) et sa prise en compte dans les politiques publiques d’aménagement (chapitre 4). Cette première perspective de recherche se poursuit ensuite dans le chapitre 8 qui « ouvre la boîte noire de la construction du rapport affectif de l’individu à la ville », aboutissant à la proposition d’une grille de vingt-quatre « types » de relation à la ville cherchant à mettre en évidence neuf « figures d’individus » (l’amoureux, l’opportuniste, l’utilisateur, le nostalgique, le convaincu, le libéré, l’anonyme, le rétif, l’indifférent) et six « figures de villes » (la ville-matérielle, la ville-forme, la ville relationnelle, la ville de l’inclusion-exclusion, la ville-souvenir, la ville potentielle). Le chapitre qui suit (chapitre 9 « L’affection, une affaire de rythmes ») complète cette réflexion sur les classifications qu’il est possible d’élaborer sur le rapport affectif à la ville. En soulignant le rôle des temporalités et en croisant celles du lieu et des individus, l’auteur, Nathalie Audas, aboutit à la mise en évidence d’une vingtaine de « figures idéales-typiques du rapport lieux-individus ». Le chapitre 10, enfin, clôt cette approche épistémologique en proposant une réflexion théorique sur les relations entre rapports affectifs à la ville et processus de patrimonialisation qui « re-questionne les différentes figures de la grille d’analyse proposée au chapitre 8 ».
4Les autres chapitres correspondent à une seconde perspective de recherche fondée sur des entrées thématiques centrées sur des analyses de discours portés ou véhiculés par différents auteurs et médias. Celles-ci permettent tour à tour d’interroger les interactions entre imaginaires urbains, pratiques collectives et individuelles autour de la figure de la « ville mal-aimée » (chapitre 5), de questionner le rapport affectif par le prisme des travaux philosophiques de Jean-Jacques Rousseau (chapitre 6) et des productions cinématographiques (chapitre 7). Une entrée supplémentaire par la littérature aurait sans doute apporté d’autres éclairages pertinents et complémentaires, mais le volume global de l’ouvrage ne l’a sans doute pas rendu possible. Des études de cas, fondées sur des enquêtes de terrain à Nantes (chapitre 9) ou dans l’agglomération tourangelle (chapitre 12), ainsi qu’une analyse des campagnes publicitaires de différentes villes françaises (chapitre 11) complètent le dispositif.
5Une structuration des chapitres de l’ouvrage en plusieurs grandes parties rassemblant les chapitres par thématique et/ou par type d’éclairage épistémologique aurait amélioré la cohérence de l’ensemble du livre – le contenu des chapitres l’aurait permis –, mais peut-être s’agit-il là de contraintes éditoriales imposées par l’éditeur. Par ailleurs, pour pallier en partie ce défaut, la rédaction de l’ouvrage prend soin de faire des renvois d’un chapitre à l’autre, ce qui prouve qu’il ne s’agit pas simplement d’une publication collective qui juxtaposerait des contributions, mais bel et bien d’un ouvrage à plusieurs voix.
6L’ouvrage défriche un nombre important de pistes ou de parcours de recherches à mener, tout en proposant quelques enquêtes et recherches de terrain, mais uniquement centrées sur les villes françaises. Une ouverture vers d’autres types de terrains aurait bien évidemment été la bienvenue. Tel n’était pas l’enjeu de l’ouvrage qui est, en effet, à la fois une tentative de synthèse des travaux existant sur ce sujet et une proposition de grille d’analyse des rapports affectifs à la ville fondés l’un et l’autre sur plusieurs résultats de travaux de recherche. L’analyse des rapports affectifs à la ville n’est donc assurément pas close, mais l’ouvrage permet de poser de nombreux jalons, principalement sur le plan épistémologique. Il est donc, en ce sens, une invitation à la poursuite de la réflexion et à un élargissement des terrains d’étude sur la question des rapports affectifs à la ville. Une bibliographie globale unique, très complète (24 pages) et plus utile que des bibliographies par chapitre souvent présentes dans des publications collectives, clôt l’ouvrage.
Notes
1 Joëlle Salomon Cavin, 2005, La ville mal-aimée. Représentations anti-urbaines et aménagement du territoire en Suisse : analyse, comparaisons, évolution, Lausanne, Presses polytechniques et universitaires romandes.
2 Les actes du colloque ont été publiés en 2010 : Bernard Marchand, Joëlle Salomon Cavin (dir.), 2010, Antiurbain. Origines et conséquences de l’urbaphobie, Lausanne, Presses polytechniques et universitaires romandes.
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Référence électronique
Pierre-Jacques Olagnier, « Denis Martouzet, Ville aimable », Territoire en mouvement Revue de géographie et aménagement [En ligne], 30 | 2016, mis en ligne le 05 juin 2015, consulté le 16 janvier 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/tem/3066 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/tem.3066
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