Géraldine Djament-Tran et Magali Reghezza-Zitt : Résiliences urbaines, les villes face aux catastrophes
Géraldine Djament-Tran et Magali Reghezza-Zitt (dir), Résiliences urbaines, les villes face aux catastrophes, 2012, Editions du manuscrit, 360 pages
Texte intégral
1Cet ouvrage est issu du séminaire de recherche pluridisciplinaire mensuel « résilience urbaine » organisé par le département de géographie de l’École Normale Supérieure (ENS-ULM) de 2009 à 2012. Le séminaire était ouvert à tous publics et se voulait résolument pluridisciplinaire, même s’il est resté davantage centré sur les sciences humaines et sociales. Plusieurs questions ont été abordées lors de ce séminaire et notamment comment les villes font-elles face aux catastrophes de grande ampleur ou comment les villes se reconstruisent après un tel événement ? L’ouvrage bilan qui en résulte se présente comme « une analyse croisée de cas urbains post-catastrophiques relus à l’aune de la résilience. Il étudie les processus qui font résilience et s’interroge sur les facteurs (endogènes/exogènes, culturels), voire sur les scénarios de résilience, sans taire les limites et les apories du concept » (p. 11). Un premier chapitre synthétise les résultats du séminaire résilience urbaine et revient sur l’origine ambiguë du mot « résilience ». Il envisage les différents sens du concept de résilience, ses usages en fonction des disciplines et les méthodologies qui lui sont associées tout en dégageant des facteurs de résilience en les organisant dans une grille méthodologique, faisant dialoguer sciences de l’environnement et sciences humaines et sociales. On retiendra que, si ce terme existe dans le vocabulaire américain et traduit une vision plutôt optimiste de la catastrophe, la langue française l’a importé des sciences et lui a préféré le terme vulnérable. Il ne s’agit pas d’opposer ces deux termes qui entretiennent des rapports assez complexes puisque certaines villes peuvent de révéler tout à la fois très vulnérables et très résilientes après une catastrophe. Donc, il faut les penser ensemble plutôt qu’opposés. En effet, la culture européenne face aux catastrophes est différente et le concept de résilience renouvelle l’approche des risques abordés jusqu’alors en termes d’aléas et de vulnérabilités. Si le concept de vulnérabilité insiste sur la propension à subir des dommages, celui de résilience met l’accent sur la capacité à récupérer. Faut-il y voir une lecture moralisante dans la gestion des catastrophes : en ce sens certaines sociétés résisteraient mieux que d’autres auquel cas quelle serait la part de responsabilité de la société ? Peut-on parler de sélection naturelle ou de darwinisme social ? Sommes nous vulnérables ou pas ? Á toutes ces questions, les contributions regroupées dans les chapitres deux à dix sont autant d’études de cas permettant d’éclairer tel ou tel point évoqué plus haut et tentent de nous apporter des réponses qui montre le caractère plastic et polysémique du terme et la nécessité de préciser le sens que l’on veut donner au terme « résilience » afin d’en lever l’équivoque et d’éviter sa potentielle instrumentalisation dans les discours politique. D’autant que l’utilisation de ce concept de résilience est éminemment politique (politiser la résilience) et sa mobilisation n’est pas neutre. En témoigne les injonctions internationales à la résilience notamment dans certains programmes comme celui portant sur les villes durable et/ou les quartiers résilients. Á travers ces mots d’ordre, véritables injonctions à agir, ne s’agit-il pas de s’efforcer à fédérer les différentes populations urbaines pour qu’elles se prennent en main elles-mêmes et se relèvent suite à une catastrophe afin qu’elles n’attendent pas une gestion par le haut de l’État ?
2Quand on parle de résilience, de quoi parle t-on finalement car l’usage du terme est ambigu. Parle-t-on des fonctions de la ville, de la reconstruction des différents quartiers d’une ville ou encore des différentes populations ? L’emploi consensuel du terme a tendance à gommer les inégalités sociales car bien évidemment, la reconstruction des quartiers ne sera pas la même et c’est le politique qui en dernier ressort désignera ceux qui doivent faire l’objet d’une telle reconstruction. Les différentes études de cas historiques et contemporains proposées dans cet ouvrage permettent de comparer dans le temps long les réactions des sociétés face aux catastrophes et montre que des notions connexes comme celle de « pérennité urbaine » ou de « reconstruction » traduisent une même réalité. Enfin, le chapitre onze conclu l’ouvrage et nous rappelle que si la résilience représente indéniablement un tournant dans l’appréhension des risques, elle offre aussi un indéniable potentiel heuristique pour les chercheurs et pour les décideurs.
Pour citer cet article
Référence électronique
Helga-Jane Scarwell, « Géraldine Djament-Tran et Magali Reghezza-Zitt : Résiliences urbaines, les villes face aux catastrophes », Territoire en mouvement Revue de géographie et aménagement [En ligne], 22 | 2014, mis en ligne le 05 mai 2017, consulté le 09 février 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/tem/2496 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/tem.2496
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