Mathilde Gralepois : Face aux risques d’inondation
Mathilde Gralepois : Face aux risques d’inondation, 2012, Paris, Éditions d’ULM, 63 pages
Texte intégral
1L’ouvrage de Mathilde Gralepois apporte une contribution supplémentaire à l’analyse contemporaine des risques, trop souvent réduite à des questions techniques. L’auteure ne s’attarde pas sur l’importance des héritages historiques pour comprendre les approches conceptuelles dans l’analyse des risques car son propos est ailleurs. L’objectif de l’ouvrage est de nous démontrer qu’une inondation n’est pas « due uniquement à un phénomène naturel extraordinaire » (p.13) mais qu’elle résulte également de la « persistance de contradictions entre les politiques de prévention des risques, d’aménagement des territoires et de développement durable » (p.13). Pourtant, si le propos n’est pas nouveau, il a l’avantage de rappeler un point important : la gestion du risque d’inondation repose aussi sur la cohabitation de logiques d’actions souvent contradictoires impliquant des négociations entre acteurs. A la prépondérance de la technique, l’auteure met en évidence la place du processus politique de négociation réduit ici à l’inscription des risques dans l’urbanisme réglementaire et le droit foncier, alors qu’il aurait pu être l’expression d’une vision partagée de l’aménagement du territoire, une façon de réinterroger la dynamique des acteurs (tous les acteurs) pour un aménagement concerté des territoires témoignant véritablement de la dimension sociale des décisions techniques. L’approche privilégiée par l’auteure, comme nous venons de le dire n’est pas nouvelle, car historiquement la problématisation du risque d’inondation dans la ville ou les espaces peuplés avait déjà réduit les territoires du risque aux espaces de la technique.
2Il revenait alors aux ingénieurs d’inventer des solutions techniques particulières, « sinon inédites, voire d’innover » (Vérin, 1993, p. 11). Leur mission était bien de faciliter les décisions en opérant des choix justifiés selon un double impératif : anticiper et optimiser grâce aux mathématiques, résister à toute force ennemie en fortifiant, au sens premier du terme, mais également en construisant les ouvrages défensifs contre les crues et les inondations. On relira avec attention l’ouvrage de S. Barles (1999, p. 119-200) et notamment son chapitre 2 sur « la ville des ingénieurs », illustrant leurs gloires et déboires dans l’aménagement de l’espace, ainsi que d’A. Picon (1995), « La mécanique des fleuves au XVIIIe siècle ». Ainsi, la mise en œuvre des solutions techniques relèvera, selon F. Beguin (1977), de la compétence de l’ingénieur : « Les grandes mesures de prévention – le drainage, la viabilisation des rues et des maisons grâce à l’eau et à l’amélioration du système d’égouts, l’adoption d’un système plus efficace d’enlèvement des ordures – sont des opérations qui font appel à la science de l’ingénieur et non au médecin qui a rempli sa tâche quand il a signalé quelles maladies résultaient des carences administratives en ce domaine et qu’il a soulagé les souffrances des victimes ». Progressivement, chacun s’accorde également sur le fait que la sécurité ne peut plus être segmentée et constitue la somme des initiatives locales. On s’engage dans la généralisation de mesures de protection. Pourtant, il apparaît rapidement que ces espaces sont à l’intersection d’intérêts territorialisés contradictoires. Les ingénieurs des Ponts-et- Chaussées trouveront finalement dans ces enjeux et stratégies une opportunité d’asseoir leur compétence, au point de laisser croire à l’éradication définitive du risque d’inondation.
3Il va sans dire que les territoires du risque constituaient depuis longtemps des espaces convoités stratégiques que la rareté du foncier et les nécessités de l’aménagement ont transformé en territoires de confrontation. C’est bien sur ce dernier point que l’auteure analyse en 63 pages la place du risque dans le développement territorial qui peut être renégociée via des rapports de force entre services administratifs de l’État et des collectivités locales pour, in fine, autoriser de nouvelles configurations spatiales pertinentes. A l’inverse, certaines logiques de l’aménagement du territoire contribuent parfois à la fabrication de nouvelles vulnérabilités, c’est tout le mérite de cet ouvrage que de nous le rappeler.
Pour citer cet article
Référence électronique
Helga-Jane Scarwell, « Mathilde Gralepois : Face aux risques d’inondation », Territoire en mouvement Revue de géographie et aménagement [En ligne], 19-20 | 2013, mis en ligne le 12 avril 2017, consulté le 21 janvier 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/tem/2197 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/tem.2197
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