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Comptes rendus de lecture

Loïc Vadelorge : Jean-Eudes Roullier, un pionnier des politiques de l’espace urbain

Paris, La Documentation Française, 2011, 228 pages
Pierre Zembri
Référence(s) :

Loïc Vadelorge (dir), Jean-Eudes Roullier, un pionnier des politiques de l’espace urbain, Paris, La Documentation Française, 2011, 228 pages

Texte intégral

1Cet ouvrage original réunit 28 contributions de toutes longueurs rédigées par des historiens, des anciens de l’Équipement et d’anciens hauts fonctionnaires parfois prestigieux qui ont eu l’occasion à un moment ou à un autre de côtoyer le personnage singulier auquel cet ouvrage est consacré. S’y ajoutent neuf textes écrits par ce dernier, dont certains ont un caractère autobiographique.

2Jean-Eudes Roullier (1931-2010) a été un haut fonctionnaire à la carrière riche et variée, surtout connu pour être le « père » des villes nouvelles en France. D’où l’intérêt conjoint que lui portent le comité d’Histoire du Ministère de l’Écologie, le Comité d’histoire du ministère de la Culture et l’Institut Paul Delouvrier, sous la direction du meilleur historien spécialiste de l’aménagement de la région parisienne, en poste à l’Université de Versailles – Saint-Quentin.

3Dès 1961, après quelques années à l’Inspection des Finances qui l’ont amené en mission en Algérie, Jean-Eudes Roullier a rejoint le District de la région parisienne comme chargé de mission auprès du délégué Paul Delouvrier. Il a contribué dans un premier temps à l’élaboration du premier Schéma directeur (SDAURP) de 1965 avant d’assurer à partir de 1966, le secrétariat du Groupe de travail interministériel sur les Villes Nouvelles. Ce dernier sera transformé en 1970 en Groupe central des villes nouvelles (GCVN), et Jean-Eudes Roulier en aura assuré le secrétariat général jusqu’en 1978. Il y reviendra en 1993 comme Président (jusqu’en 1999) avant de prendre la tête du Programme d’histoire et d’évaluation des villes nouvelles jusqu’en 2005 (40 ouvrages publiés, huit colloques organisés, etc.). Dans l’intervalle, il a assumé des fonctions de direction au sein du Ministère de l’Équipement : directeur de l’Urbanisme et des Paysages, puis Délégué à la recherche et à l’innovation.

4Il ne s’agit pas, comme le souligne Loïc Vadelorge dans son introduction (p. 17), de rendre hommage à un « grand commis de l’État » ou à un grand décideur, mais plutôt à un « homme de réseaux », qui a mis en contact et fait travailler ensemble des collaborateurs venus d’horizons professionnels très différents, dans des configurations très originales, pour obtenir des résultats importants. Il n’a pas laissé une œuvre écrite abondante, à l’instar de Jérôme Monod, de Bernard Hirsch ou de Paul Delouvrier. Mais il a su mettre en place une administration de mission légère et réactive, susceptible de soutenir l’effort important qu’a représenté le développement de neuf villes nouvelles, en mettant en œuvre des outils inédits comme les établissements publics d’aménagement (EPA), les ateliers publics d’architecture et d’urbanisme (pour réconcilier l’homme et la ville), etc. Implanté au cœur d’une période dirigiste où l’urbanisme opérationnel était une prérogative d’État, le SGVN a su accompagner une décentralisation progressive de la gestion des villes nouvelles qui a conduit à les faire intégrer le droit commun en 2005.

5La qualité d’homme de réseaux accomplissant un travail d’entregent considérable reposait en premier lieu sur un réseau d’amitiés solides constitué durant les années d’inspection des finances et la période algérienne. Dans l’environnement immédiat de Paul Delouvrier, délégué général du gouvernement de 1956 à 1960, il a eu à travailler avec Jérôme Monod, Michel Rocard et Jacques de Larosière qui ont occupé par la suite des postes-clés dans différents domaines. Les multiples amitiés nouées en Algérie puis au district n’ont pas été de trop pour désamorcer des conflits avec le Ministère de l’Équipement (tant sous François-Xavier Ortoli que sous Albin Chalandon), ou pour faire avancer des projets de villes nouvelles enlisés du fait de la résistance des élus locaux (Melun-Sénart notamment). Par la suite, Jean-Eudes Roullier a développé une méthode originale qui ne manquait pas de déconcerter ses collaborateurs et qui est très bien décrite p. 29 par Loïc Vadelorge. Il s’agissait notamment de mobiliser toutes les ressources intellectuelles disponibles, sans égard particulier pour les frontières entre disciplines ou entre institutions. De nombreux géographes ont ainsi pu participer aux réflexions du GCVN puis participer au programme d’histoire et d’évaluation des villes nouvelles. Le recours à la recherche était assez constant et le passage de Jean-Eudes Roullier à la DRI a été marqué par le lancement de programmes interdisciplinaires importants et le rapprochement entre sciences sociales et sciences de l’ingénieur (p. 112). Il a notamment été un promoteur du développement d’une discipline hybride, le génie urbain, sur la base d’un rapport produit par Claude Martinand en 1986. La DRI aura largement soutenu la création du LATTS (Laboratoire Techniques, Territoires & Sociétés), implanté au sein de l’École nationale des Ponts et chaussées par Pierre Veltz, Henri Coing et Gabriel Dupuy, et dont l’objet principal était une approche pluridisciplinaire des réseaux, de l’habitat et des systèmes productifs.

6En tant que Directeur de l’Urbanisme et des paysages, Jean-Eudes Roullier a soutenu le lancement de la revue des Annales de la Recherche urbaine où il n’hésitait pas à débattre avec des chercheurs critiques notamment sur la politique des villes nouvelles.

7Au final, les témoignages, d’inégal intérêt, convergent sur le rôle important qu’a pu jouer Jean-Eudes Roullier dans un certain nombre de recompositions des structures, mais aussi dans une recomposition des modes de pensée et des visions des administrateurs de l’Équipement entre les années 1960 et les années 2000.

8Il est difficile de rendre compte d’une telle accumulation de témoignages aussi divers, sous des signature parfois prestigieuses (Jérôme Monod, Jacques de Larosière, Claude Martinand), mais émanant également de proches collaborateurs (Michel Rousselot, Guy Salmon-Legagneur, Isabelle Massin, Marie-Line Meaux, Anne Querrien) et de chercheurs soutenus par le programme d’histoire des villes nouvelles comme Vincent Fouchier, Sabine Effosse ou Michel Margairaz.

9Au final, un ouvrage important pour ceux qui veulent avoir un aperçu des mutations de l’urbanisme opérationnel et de l’administration de l’Équipement (devenue depuis celle de l’Écologie) durant ces cinquante dernières années, en suivant le fil d’un parcours professionnel emblématique et attachant.

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Pour citer cet article

Référence électronique

Pierre Zembri, « Loïc Vadelorge : Jean-Eudes Roullier, un pionnier des politiques de l’espace urbain »Territoire en mouvement Revue de géographie et aménagement [En ligne], 17-18 | 2013, mis en ligne le 06 avril 2017, consulté le 07 février 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/tem/2108 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/tem.2108

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Auteur

Pierre Zembri

Université de Cergy Pontoise

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