François Taglioni : Insularité et développement durable
François Taglioni (dir.), Insularité et développement durable, Marseille, IRD Editions, coll. Objectifs Suds, 2011, 551 pages
Texte intégral
1Issu d’un colloque international organisé à l’Université de la Réunion en novembre 2009, l’ouvrage Insularité et développement durable, sous la direction de François Taglioni, interroge les spécificités de l’insularité au regard du développement durable et la manière dont ce concept peut être appliqué et décliné dans les petits espaces insulaires. Ainsi l’ouvrage renvoie à la question suivante : Comment la mise en œuvre du développement durable peut-elle révéler des aspects originaux des petits espaces insulaires ? Pour répondre à cette question, l’ouvrage s’organise en quatre grandes parties mettant en relation « Sociétés et cultures » (Partie 1), « Environnements et ressources » (Partie 2), « Economie, enjeux et risques » (Partie 3), « Gouvernance et interactions » (Partie 4), correspondant aux grands piliers du développement durable.
2Le développement durable est devenu une notion centrale dans un nouveau projet de société permettant de remédier aux excès et aux dysfonctionnements d’un mode de développement dont les limites ont été fortement dénoncées dès le début des années 1970. Proposé en 1987 dans le Rapport Brundtland puis diffusé largement depuis la Conférence mondiale sur l’environnement et le développement (Sommet de la Terre) à Rio en 1992, le développement durable est désormais au centre de nombreux projets de territoires qui cherchent à satisfaire nos besoins actuels sans compromettre la qualité de vie des générations futures. Cette acception résulte de la convergence de deux discours développés parallèlement depuis la fin du XVIIIe siècle. D’une part, celui de certains économistes, comme Thomas Robert Malthus (1766-1834), dénonçant les prélèvements croissants des ressources de la planète à mesure de l’augmentation exponentielle de la population mondiale accélérée depuis le XIXe et surtout le XXe siècle. D’autre part, un discours écologiste s’est imposé progressivement défendant la conservation de la nature, autour notamment de Henry Thoreau (1817-1862) et John Muir (1838-1914) aux État s-Unis au cours du XIXe siècle. Ces deux discours convergent au cours du XXe siècle pour dénoncer les effets souvent irréversibles des actions anthropiques sur la nature. Cette conception, largement « écocentrée » s’impose après le Sommet de la Terre à Rio en 1992 notamment au sein des Organisations non gouvernementales (ONG) de protection de la nature et des instances internationales comme l’Organisation des Nations Unies (ONU).
3Au-delà d’une préoccupation planétaire, le développement durable est également devenu un élément dans les stratégies de territoire qui repensent les relations entre l’homme et son environnement. Mais qu’en est-il plus spécifiquement pour les petits espaces insulaires ? Ces petits espaces insulaires se caractérisent bien souvent par l’éloignement relatif des continents, l’isolement, le morcellement, l’exiguïté, l’enclavement, une dépendance des transports et des communications. Des spécificités physiques existent comme l’exposition aux risques environnementaux et aux vulnérabilités des sociétés, ou encore des spécificités écosystémiques et biogéographiques comme l’endémisme. Des spécificités économiques et sociales s’ajoutent comme la dépendance des sources financières extérieures, un marché intérieur limité, une forte dépendance à l’exportation vis-à-vis d’une gamme de produits assez restreinte, une dépendance par rapport à de nombreux produits manquants, une incertitude de l’approvisionnement, une faiblesse des moyens techniques propres et enfin une forte pression touristique sur le milieu.
4Cependant, la richesse d’une île n’est absolument pas proportionnelle à sa taille ; certaines îles minuscules sont relativement riches quand d’autres beaucoup plus vastes sont plus pauvres. En revanche, la petite taille d’une île peut être considérée comme une contrainte notamment en termes de ressources naturelles disponibles, fonction de la taille, donc nécessairement limitée, renforcée par une main-d’œuvre qualifiée insuffisante, un marché intérieur trop étroit ne permettant pas de bien répartir l’amortissement des infrastructures, et pesant plus ou moins sur la compétitivité de l’île.
5Des avantages de l’exiguïté existent néanmoins comme l’installation plus facile de zones franches, de zones économiques exclusives (accords de Montego Bay en 1982), et parfois des paradis fiscaux…
6Par conséquent, l’exiguïté semble être un élément relativement important pour définir les petits espaces insulaires (PEI) que François Taglioni envisage comme « des terres entourées d’eau de tous côtés, d’un seul tenant dont la superficie est inférieure à 11 000 km2 et la population à 1,5 million d’habitants » (Taglioni, HDR, 2003). Selon les auteurs et les analyses, la taille minimale et maximale varie beaucoup pour caractériser une « petite île » sur laquelle repose la notion de PEI. Par exemple, on apprend en préface de l’ouvrage que « En 1983, la CNUCED plaçait les bornes à moins de 400 000 habitants, mais parfois aussi à moins de 1 million, et en termes de superficie, si moins de 700 km2 est souvent avancé, un PEI peut atteindre jusqu’à 4 000 km2 ». On voit donc toute la difficulté de fixer des seuils pour définir les PEI. C’est pourquoi François Taglioni préfère employer d’autres variables comme par exemple les relations distance-temps et distance-coût pour envisager l’éloignement d’une île, complétées par une relation distance-statut politique de l’île pour développer une typologie fine de l’insularité des PEI en trois principales catégories : hypo-insularité (îles-États développés) ; insularité (îles-États en développement) ; surinsularité (îles secondaires d’un archipel indépendant en développement). Dans ce cas, le degré d’insularité change variablement si on parle d’une « île principale » (avec ses satellites) souvent reliée au système monde, et intégrée à lui, ou d’une « île secondaire » dépendante de l’île principale.
7Cet ouvrage scientifique collectif, rédigé par 43 auteurs présentant des exemples de situations insulaires très contrastées entre pays du Nord et pays du Sud, offre un questionnement croisé fort intéressant et rare en apportant des éléments nouveaux pour approfondir et enrichir une véritable réflexion géographique mettant en perspective l’insularité et le développement durable des petits espaces insulaires.
Pour citer cet article
Référence électronique
Marc Galochet, « François Taglioni : Insularité et développement durable », Territoire en mouvement Revue de géographie et aménagement [En ligne], 17-18 | 2013, mis en ligne le 06 avril 2017, consulté le 09 décembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/tem/2060 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/tem.2060
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