Navigation – Plan du site

AccueilNuméros16Éditorial

Texte intégral

1La géographie est « la seule discipline pour laquelle la région soit une notion centrale » écrivait E. Juillard en 1967. Depuis cette époque, d’autres sciences ont abordé les dimensions spatiales, ce qui souligne l’importance de la délimitation, de la caractérisation et de la classification de « régions », formes d’organisation spatiale, sous-ensembles territoriaux, structures ou simplement subdivisions de nations ou d’aires de plus vaste étendue (Nonn, 1984).

2La région, une des notions essentielles en géographie, n’en est pas moins l’une des plus polysémiques, voire floues. Di Méo (2003) distingue six acceptions différentes : la région naturelle définie par son homogénéité géomorphologique, hydrologique voire climatique ou biogéographique ; la région économique, industrielle ou agricole ; la « combinaison régionale » (Ecole vidalienne), fondée sur le principe de l’homogénéité et de la singularité des contenus régionaux, sur leur enracinement historique dans un espace ; la région vécue, celle des pratiques, de la culture et de l’imaginaire de chacun ; la région polarisée autour d’une ou plusieurs villes, nœuds de communication, centres producteurs et distributeurs de flux ; la région politico-administrative, maille territoriale garante de la présence du pouvoir central sans lacune ni discontinuité. Cette dernière est sans doute l’une des plus solides.

3Depuis la fin du XXe siècle, l’idée régionale monte en puissance, ne serait-ce que par l’accroissement du pouvoir régional (1986) avec les lois de décentralisation définissant les régions comme des ensembles spatiaux politiques, dirigés et administrés par des personnalités élues, pour la première fois, au suffrage universel. Poursuivant les travaux de Lacoste (1986), Giblin (2005) aborde la région dans une perspective géopolitique ; elle est considérée comme un territoire politique, réel enjeu de pouvoirs, pour le contrôle duquel s’affrontent des acteurs multiples (élus, chefs d’entreprise, préfet, etc.). En une vingtaine d’années, la régionalisation a transformé les rapports de pouvoirs et les élections régionales cristallisent aujourd’hui les rivalités tant la puissance des élus s’est accrue.

4Dans cette optique, l’analyse de la distribution spatiale des choix électoraux en lien avec la géographie des inégalités sociales, et cela à l’échelle des bureaux de vote de la Communauté Urbaine de Lille- Métropole (J. Rivière et al.), vient combler une lacune scientifique.

5C’est aussi à l’échelle régionale qu’il est utile de mener une étude consacrée à la « cohérence » du Nord – Pas-de-Calais et de ses sous-espaces infrarégionaux. Est alors interrogée, la région fonctionnelle en mobilisant la mesure de l’accessibilité (A. Conesa).

6La question régionale a pris ces dernières années, une autre dimension dans le contexte européen de la coopération interrégionale et des « euro-régions ». Dans ce cadre, les régions, en particulier françaises, ont trouvé un nouveau levier pour mieux s’affirmer tant du point de vue de leur crédit politique que de celui de leur poids socio-économique. En privilégiant l’étude institutionnelle, T. Perrin montre comment la dynamique néo-régionaliste permet, dans l’Union Européenne, le développement d’une nouvelle puissance régionale amène à considérer de nouvelles recompositions territoriales.

7En Italie, le développement néo-régionaliste interpelle la géographie dans sa capacité à penser les nouvelles articulations d’échelles, l’organisation et le découpage des territoires. L’émergence des régions comme sujets politiques confortés par l’élection directe des gouverneurs régionaux (1999), les intérêts des régions les plus riches et la disparité des richesses ont entraîné une profonde modification de la géographie régionale tout en soulignant et en renouvelant son utilité scientifique et sociale (D. Rivière).

8La création de régions sur le modèle de celles de l’Union Européenne peut paraître parfois une bonne opportunité, à la fois pour se rapprocher de l’UE mais aussi pour transformer la gestion du territoire de l’Etat. B. Montabone étudie le rôle des agences de développement créées pour favoriser le développement des 26 nouvelles régions définies en Turquie (2006).

9Tous ces exemples soulignent combien sont bousculées les organisations régionales françaises et européennes tout en étant souvent bénéficiaires des politiques mises en œuvre. Dans tous les cas, ils mettent en perspective la place de la géographie et ses apports scientifiques.

Haut de page

Bibliographie

Claval P. et Juillard E., 1967, Région et régionalisation dans la géographie française, Paris, Dalloz, 99p.

Di Méo, 2003, Région, in Levy J., Lussaut M. (dir) Dictionnaire de la géographie et de l’espace des sociétés, Paris, Belin, pp. 776-778.

Giblin B., (dir.), 2005, Nouvelle géopolitique des régions françaises, Paris, Fayard,

Lacoste Y., 1986, Géopolitiques des régions françaises, Paris, Fayard, tome 1, 1114p., tome 2,1372p., tome 3,1159p.

Nonn H., 1984, Régions, nations in Antoine Bailly (dir), Les concepts de la géographie humaine, Paris, Masson, pp. 53-65

Haut de page

Pour citer cet article

Référence papier

Patrick Picouet, « Éditorial »Territoire en mouvement Revue de géographie et aménagement, 16 | 2012, 3-17.

Référence électronique

Patrick Picouet, « Éditorial »Territoire en mouvement Revue de géographie et aménagement [En ligne], 16 | 2012, mis en ligne le 04 avril 2017, consulté le 15 janvier 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/tem/1846 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/tem.1846

Haut de page

Auteur

Patrick Picouet

Articles du même auteur

Haut de page

Droits d’auteur

CC-BY-4.0

Le texte seul est utilisable sous licence CC BY 4.0. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.

Haut de page
Rechercher dans OpenEdition Search

Vous allez être redirigé vers OpenEdition Search