Gabriel Wackermann : L’écosociété. Une société plus responsable est-elle possible ?
Gabriel Wackermann (dir.) : L’écosociété. Une société plus responsable est-elle possible ? Paris, Ellipses, 2010, 623 pages
Texte intégral
1Le titre même de l’ouvrage suggère un angle intéressant et original pour questionner les relations actuelles et complexes entre la société, l’économie et l’écologie. Quatre grandes parties, vingt-huit chapitres, quatre-vingt-huit encadrés, paraissent légitimes pour envisager les facettes multiples de cet objet d’étude.
2Après vingt pages de « réflexions préliminaires », la deuxième partie de l’introduction semble enfin devoir définir le sujet. Or, l’absence de point d’interrogation (Qu’est-ce que l’écosociété, p 23) et la citation tirée du Petit Prince (« ... L’essentiel est invisible pour les yeux ») auraient dû faire comprendre que la clé du sujet ne se situait pas dans cette déjà longue antichambre. La problématique générale annoncée dans le titre de la première partie (pp 50-90) rassure mais le sous-titre « du non-sens au sens ? » inquiète aussitôt ; la porte s’ouvre avec le fameux « yes we can » relayé par cette conviction de l’auteur « croire et vouloir une écosociété, puis persévérer dans les efforts souvent gigantesques pour parvenir à progresser dans sa réalisation au moins partielle, est déjà une gageure. Pourtant, il s’agit là de la seule voie possible pour s’en sortir ». Ainsi-soit-elle.
3Deux cents pages plus tard, ce long éditorial, alternant déplorations, injonctions, truismes et imprécations, cède heureusement la place aux chapitres traitant d’études de cas mais surtout de questions particulières qui tentent de s’articuler au terme de l’écosociété (à défaut de problématique et de plan d’ensemble) et de masquer la faible cohésion de l’ouvrage collectif : face au développement durable et à la désertification (N. Mainguet) ; une Terre à exploiter... jusqu’à l’épuisement ? (P. Serrat) ; le jardin créole (J.-V. Marc et P. Saffache), le rôle écosociétal du foncier (A. Wolff) ; pour une nouvelle analyse territoriale (G.-F. Dumont et L. Chalard) ; démographie, nutrition et santé : état des lieux et exigences écosociétales (G.-F. Dumont) ; habitat et mobilité : les nouveaux impératifs écosociétaux (idem) ; la responsabilité sociale de l’économie et ses perspectives dans une écosociété (D. Lapport) ; consommation et commerce pour une écosociété (J. Ballet et Aurélie Carimentrand, dont on notera parmi les références bibliographiques : V. de Gaulejac, A. Gorz, P. Rabhi, etc.) ; l’oasis peut-elle devenir la base d’un modèle d’écosociété ? (M. Mainguet, F. Dumay) ; de la transition économique à l’éco-développement dans les pays ex-collectivistes de l’Union européenne (M. Deshaies) ; le transport dans une optique écosociétale (J. Verny et E. Thoré) ; la gestion de la responsabilité sociale au sein des chaînes logistiques où E. Lambourdière et E. Corbin tentent de répondre, pour leur domaine, au sous-titre de l’ouvrage ; les écoquartiers, une solution à l’étalement urbain ? (V. Bertrand) ; les interrogations écosociétales à propos de la production des biens matériels et des services où M. Battiau emprunte alternativement, et avec bon sens, les pistes technologiques et sociétales. On soulignera aussi la contribution de M. Galochet qui replace avec clarté et efficacité l’évolution de la biogéographie et son apport épistémologique fondamental, en regard des relations entre Homme et Nature, la société et son environnement ; G. Dupuy élève le débat en revenant au sens premier de la racine oikos (l’habitat) pour aboutir au village élargi, « global » (Mac Luhan) dans lequel les nouvelles technologies de communication ne freinent pas un mobilité toujours bien réelle ; J. Marcadon tente d’appliquer et d’évaluer les risques environnementaux et sociétaux liés à l’évolution du transport maritime, ce secteur économique qui a élaboré la notion même de risque.
4Au final, le principal mérite de cet ouvrage est de laisser le lecteur insatisfait. Celui-ci sera donc invité à un stimulant retour aux sources afin de se construire son corpus bibliographique et épistémologique. Voici quelques pistes : le néologisme d’écosociété date de... 1975. Le but de son auteur (J. de Rosnay) ? Adopter une vision systémique (“macroscopique”) afin d’appréhender la complexité de la vie et de la société ; synthétiser les relations entre économie et écologie mais aussi annoncer en une conclusion d’ouverture, l’avènement d’une économie d’équilibre (société post-industrielle) succédant à une économie de croissance (société industrielle). Parmi ses sources d’inspiration, les travaux prospectifs de l’équipe de du Massachussetts Institute of Technology (Limits to Growth, D. Meadows et al., 1972) connu sous le nom de Rapport du Club de Rome et sottement traduit par « Halte à la croissance ! » mais aussi les travaux d’I. Illitch (La convialité, 1973, réédition 2002, coll. « Points Essais »).
Pour citer cet article
Référence électronique
Jacques Heude, « Gabriel Wackermann : L’écosociété. Une société plus responsable est-elle possible ? », Territoire en mouvement Revue de géographie et aménagement [En ligne], 13 | 2012, mis en ligne le 29 mars 2017, consulté le 02 décembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/tem/1649 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/tem.1649
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