Remerciements
Ce travail a été soutenu par la Commission européenne dans le cadre du programme HEARTS du 5ème PCRD
1L’analyse de l’exposition au risque d’accident de la circulation des piétons en ville est l’objet de recherche depuis de nombreuses années autant en France (Carré et Julien, 2000) que dans les pays anglo-saxons (Thouez et al., 2005). Si les premières recherches ont permis la production de modèles de déplacements ou encore d’exposition au risque face aux automobilistes, peu d’entre elles ont mobilisé des outils d’analyse spatiale permettant d’appréhender l’exposition par le territoire.
2En partant du postulat qu’un piéton est principalement exposé en milieu urbain à un accident de circulation en traversant la rue, nous nous sommes concentrés sur l’analyse de l’espace urbain et de ses micro-environnements pour à la fois paramétrer un modèle d’exposition au risque lié aux déplacements des piétons et structurer une base de données géographiques permettant la modélisation des comportements de traversée.
3Un piéton, lors de son déplacement traverse un trafic automobile composé de véhicules circulant à des vitesses différentes. Le piéton va donc passer un laps de temps sur la chaussée dans ce trafic. Ce temps est particulièrement important dans l’estimation de l’exposition et il varie en fonction des types de traversées qu’il va effectuer. Ces types de traversées dans le milieu urbain sont nombreux, sur les voies principales ou sur les voies secondaires, en sections courantes ou en carrefours, sur ou en dehors des passages piétons, des passages protégés ou des passages réglementés par des feux de circulation.
4L’analyse des traversées en vue de l’évaluation de l’exposition au risque que nous proposons dans cet article se base sur l’observation d’un échantillon de piétons suivis dans leurs trajets dans la ville de Villeneuve d’Ascq en 2004 pour repérer les différents types de traversées énumérées ci-dessus.
5Nos objectifs sont de deux ordres : la définition d’une méthodologie pour acquérir les données de trajets et de traversées et structurer une base de données géographiques relatives aux déplacements des piétons et, dans un second temps, la réalisation d’une enquête et le traitement des informations pour l’analyse spatiale du comportement piétonnier en ville.
6L’exposition des piétons au risque d’accident de la circulation est définie de manière analogue à celle de l’exposition à la pollution atmosphérique dans les milieux urbains (Lassarre et al, 2007). On peut considérer que dans la rue, il existe un contact virtuel entre les usagers de la route et une « atmosphère » produite par le trafic et la circulation. La qualité de cette « atmosphère ou ambiance » dépend des contaminants en place que sont les véhicules en mouvement, qui composent le trafic caractérisé par un débit et une vitesse du flot. Le temps d’exposition des piétons est défini par la durée de traversée, qui dépend de la largeur de la chaussée et de la vitesse de déplacement du piéton.
7L’utilisation du temps passé sur la chaussée ou dans la circulation a toujours été considéré comme un bon indicateur d’exposition aux risques pour l’estimation du risque routier (OECD, 1997). La vitesse de marche des individus est variable en fonction de l’âge des personnes ou encore du motif de déplacement. En fonction de la configuration spatiale des réseaux, il est toutefois important d’ajouter d’autres facteurs qui vont modifier le niveau d’exposition. Le nombre de traversées de rues au cours du déplacement, le temps passé au cours de chacune d’entre elles, le volume de la circulation ou la vitesse des automobiles sont autant de variables qui vont nous permettre d’affiner le niveau d’exposition aux risques. Le modèle sur lequel nous basons notre positionnement (Gérin et al., 2003) est une sorte de quantum d’exposition pour chaque voie de circulation croisée P, égal au produit du temps passé dans la traversée tc par le débit du trafic q.
8Le point de départ est la formule de Routledge (1974). On peut interpréter P comme un nombre moyen de véhicules virtuels de longueur unitaire, qu'on peut rencontrer si l'on traverse la rue,. k est la concentration en nombre de véhicule par kilomètre, tcv est la distance parcourue par un véhicule pendant une traversée piétonne de tc secondes avec v la vitesse du flot de véhicules.
9En fonction du type de voirie, la section courante (figure 1) ou l’intersection, différents niveaux d'exposition sont possibles en fonction du nombre de voies de trafic traversées (une, deux, trois, …), de la présence d'un passage pour piétons, de feux de circulation ou encore d’îlots sur la chaussée.
Figure 1 : Situations de traversées et mesures d’exposition pour les sections courantes
10Un déplacement sur le réseau urbain est représenté comme un processus spatio-temporel composé de différents états comme la marche ou l’attente, et de différentes décisions que le piéton doit prendre comme l’arrêt ou la traversée. Faire l’acquisition et le traitement de ces informations dans le cadre d’une observation est toutefois délicat. En effet, comment considérer un déplacement au sens géométrique du terme ? Comment acquérir et saisir la donnée ? Enfin comment mettre en œuvre une enquête à grande échelle ?
11Un déplacement est considéré comme un ensemble de points dans l’espace (coordonnées x,y) et d’indicateurs d’états (marche, arrêt…) durant une période sur le réseau urbain. Avant la mise en œuvre concrète de l’enquête, deux méthodes ont été testées pour saisir ces informations sur le déplacement de piétons. Une première a consisté à dessiner le trajet du piéton sur une copie d’une photographie aérienne entre un point de départ et un point d’arrêt après une durée imposée de cinq minutes. La durée des traversées est enregistrée à l’aide d’un chronomètre et les traversées localisées sur la photographie. La seconde technique a consisté à utiliser un GPS (Global Positioning System) qui enregistre à un pas de temps régulier les coordonnées géographiques. On obtient au final une série de points, transformable en une polyligne représentant le trajet. L’identification des traversées ne devient possible que par combinaison géométrique avec une base de données routière existante.
12Une dernière possibilité, non testée dans notre travail mais déjà entreprise en Suisse (Gilliéron et al., 2004), consisterait à équiper des piétons de GPS pendant une durée plus importante. Chaque GPS fournirait ensuite un fichier de données plus important et « directement » exploitable. On comprend cependant que l’acquisition de ce type particulier de GPS serait très coûteuse et que la convocation de piétons consentants serait également difficile à mettre en œuvre.
13Dans ce contexte quels choix méthodologiques opérer ? Les deux dernières solutions, séduisantes de prime abord, ont des contraintes de taille au niveau du coût (pour la dernière) mais surtout au niveau de la fiabilité des données récoltées. Si l’information acquise est directement utilisable sur le plan théorique, en réalité, les données affichées dans un SIG par exemple, sont parfois non enregistrées, totalement décalées ou encore « polluées » par des antennes ou des sources énergétiques puissantes qui altèrent la réception. On constate en effet que les GPS, même munis de tête de type SIRF III peuvent subir des altérations au niveau de l’acquisition des données. A titre d’exemple, la figure 2 représente un enregistrement simultané d’un même parcours en veillant que les deux GPS n’entrent pas en conflit. On remarque des écarts importants sur les trajets ainsi que des perturbations du signal. Des alternatives peuvent corriger ces déformations en positionnant dans la zone une antenne qui ajustera la triangulation des récepteurs présents dans l’espace d’observation. Outre le coût de l’antenne, son utilisation est difficile dans le cadre de l’observation des piétons puisque lorsque l’on enregistre le déplacement l’enquêteur ne sait pas la direction que va prendre le piéton. La portée de l’antenne étant limitée, la solution corrective n’a pas pu être utilisée.
Figure 2 : Enregistrement simultané d’un trajet
14Sans abandonner la solution d’enregistrement des trajets par GPS, nous avons choisi une option permettant la récolte rapide de données suffisantes pour analyser le comportement des piétons en déplacement. Nous avons décidé de suivre des piétons dans la rue en traçant leur déplacement sur une photographie aérienne et en enregistrant manuellement les différentes informations sur le déplacement (temps passé dans les croisements, interaction avec les automobilistes…).
15Cette méthode requiert de décomposer le trajet en prenant en compte toutes les modalités spatiales du déplacement de manière à les modéliser correctement dans un SIG et, surtout, permettre l’analyse spatiale des données observées. Dans la mesure où nous avons fait le choix de suivre les piétons pendant 5 minutes, nous devions définir le déplacement avec une origine et une destination dans un réseau urbain complexe puisqu’il comprend deux trottoirs et une chaussée, des intersections et des croisements de réseaux. Certains aménagements viennent également compléter la modélisation de l’espace de déplacement comme les passages piétons, les feux de circulation, les passerelles ou encore les îlots sur les chaussées larges.
16Il existe une autre difficulté dans la modélisation des déplacements qui consiste à localiser, dénombrer et distinguer les différents types de traversées de manière à mieux traiter les déplacements de piétons, en particulier lorsqu’ils peuvent inclure plusieurs changements de direction au cours du même trajet.
17Afin d’illustrer les différentes modalités de traversées, on considère que des déplacements avec plusieurs changements de direction peuvent être similaires dans la mesure où l’origine et la destination se trouvent du même côté de la voie ou non. Ainsi on transforme un déplacement en une séquence simple, linéaire, d’enchaînements de traversées et de routes (figure 3). Les différentes options sont donc respectivement codées O/D =2 pour des déplacements ayant une origine et une destination de différents côtés de la chaussée et O/D =1 pour ceux qui ont une origine et une destination du même côté.
Figure 3 : Transformation des déplacements complexes en déplacements simples
18Basées sur ce qui précède, deux catégories de traversées peuvent donc être considérées en tenant compte de la disposition du réseau et des caractéristiques de déplacement :
-
les traversées "primaires" : réalisées aux intersections ou en sections courantes (en fonction de la direction de déplacement),
-
les traversées "secondaires" : réalisées aux intersections de chaque côté de la route.
19Un exemple de croisements « primaires » et « secondaires » est représenté sur la figure 4.
Figure 4 : Traversées « primaires » et « secondaires » au cours d’un déplacement piétonnier
20Dans ce contexte, en fonction des côtés de la chaussée à l’origine et à la destination, le nombre de traversées primaires est aléatoire alors que le nombre des traversées secondaires est déterministe.
21Par exemple, la figure 4 présente une traversée primaire du premier segment de route, ce qui implique que les deux autres traversées sont secondaires puisqu’ils apparaissent en dessous de la direction du déplacement. Si aucune traversée primaire n’avait eu lieu sur le premier segment de route, la première traversée secondaire aurait eu lieu au dessus de la direction du déplacement.
22Le nombre de traversées primaires dépend donc de la combinaison origine-destination, en particulier si elle est du même côté de la chaussée puisque aucune traversée ne peut se produire. A l’inverse, une origine-destination de différents côtés implique au moins une traversée primaire. On observe d’ailleurs que lors de certains déplacements complexes, plusieurs changements de direction peuvent apparaître afin de minimiser la distance de marche. Dans ce cas, un nombre de traversées primaires additionnel peut exister.
23Sur la base de ce qui précède, le nombre de traversées primaires N lors d’un déplacement piétonnier peut être estimé par une distribution de probabilité sur un ensemble d’entiers pairs ou impairs :
-
si l'origine-destination sont du même côté de la chaussée, alors N {0, 2, 4…};
-
si l'origine-destination sont de différents côtés de la chaussée, alors N {1, 3, 5…}.
24L’estimation de ces deux distributions de probabilité (avec leur localisation : section courante ou intersection), ainsi que celle de la distribution de probabilité du nombre de traversée secondaires repose sur la disponibilité d’une base de données urbaine précise et sur une méthodologie d’acquisition des trajets et des traversées des déplacements piétonniers.
25Le passage du modèle de déplacement et de traversée à la structuration des bases de données dans un SIG nécessite l’acquisition de bases de données officielles, des corrections sur les attributs sémantiques et géométriques de ces bases ainsi que des ajouts d’informations propres aux modèles décrits précédemment.
26La base de données est structurée à partir de la BD GEOROUTE de l’IGN, ainsi que des bases produites par la Communauté urbaine de Lille. Une mise en conformité de ces différentes sources a été nécessaire pour le croisement et la ventilation des informations entre les couches. Nous avons par ailleurs digitalisé la totalité des passages pour piétons (zebra ou passerelles) sur la zone d’observation. Au final, le SIG dédié à l’analyse du déplacement des piétons comporte 5 couches d’informations qui modélisent le réseau urbain dans son ensemble.
-
1 – Réseau urbain : le réseau de type polyligne est discrétisé en trois catégories : piéton, voiture-piéton, voiture seule (figure 5). Si le réseau est mixte (piéton-voiture) un attribut indique s'il existe des trottoirs et distingue le côté où ils se trouvent en fonction du sens de circulation.
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2- Passages piétons : ils sont représentés sous forme de nœuds sur le réseau urbain. Chaque type de croisement est caractérisé par un ensemble d’attributs qui renseignent sur les types de croisements (zebra, passerelle, tunnel…), sur la nature de la protection et sur le nombre de rues qui aboutissent sur le nœud. La source de cette information est l’orthophotographie aérienne dotée d’une résolution spatiale de 20 cm.
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3- Feux de circulation : ils sont représentés par des nœuds situés sur le réseau urbain. Les attributs renseignent sur la localisation, sur la section ou le croisement.
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4- Type d’utilisation du réseau : de type attributaire, cette couche indique les types d’utilisation du réseau en trois catégories : piéton seul, véhicule motorisé, les deux.
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5- Trottoirs : de type polyligne, cette couche représente la position des trottoirs pour chaque rue.
Figure 5 : Typologie du réseau de transport
27La conception de cet outil dédié à l’analyse du comportement des piétons n’est possible qu’avec les données citées précédemment. La source principale est l’orthophotographie aérienne dotée d’une grande résolution spatiale. Elle est en effet essentielle pour la localisation des feux de circulation ou des passages piétons mais aussi pour la reconnaissance des déplacements sur les trottoirs et la chaussée.
28L’intégration du déplacement des piétons dans le SIG se réalise en deux étapes. La première consiste à digitaliser le parcours réalisé par le piéton lorsqu’il a été observé. La technique consiste à reproduire le parcours en s’appuyant sur l’orthophotographie du secteur dans lequel le piéton se déplace (figure 6). La très grande résolution de l’orthophotographie (20 cm) fournie par la communauté urbaine de Lille permet de distinguer la totalité des trottoirs. La localisation du tracé est, dans ce cadre, facilitée. La méthode est reproduite pour chaque observation et est traduite dans une couche d’information géographique. Les informations attributaires ajoutées à chaque déplacement contiennent des données relatives au comportement du piéton lors de son trajet ainsi que ses caractéristiques directement observables (classe d’âge, sexe…).
29La deuxième étape consiste à caractériser les traversées réalisées par chaque piéton en attribuant un codage pour toutes les traversées. Les codes appliqués différencient les modalités de la traversée (protégée ou non, régulée ou non par un feu de circulation, en diagonale…). Le positionnement des traversées est obtenu par l’intersection géométrique des polylignes du réseau et du tracé des déplacements des piétons. Lors de l’intersection un point est créé dans une autre couche et une partie des informations contenues dans les autres couches est automatiquement intégrée à la couche point. Le nom des rues, la largeur ou encore les données de trafic lorsqu’elles existent sont également ajoutés. L’avantage de cette méthode repose sur la topologie créée pour chacune des couches, elle permet des requêtes spatiales et des ventilations de données très utiles à l’analyse spatiale. Une étape reste toutefois manuelle, l’information relative au type de traversée, primaire ou secondaire, est saisie directement par l’opérateur sous SIG suite à l’analyse du parcours effectué sur le réseau.
30Cent dix-huit piétons adultes ont été suivis dans le sud de la ville de Villeneuve d’Ascq à partir de trois stations de métro, à différentes heures de la journée. Ces stations sont représentatives des activités du territoire de la ville, une en zone commerciale, une en zone résidentielle et l’autre à l’université de Lille 1. L’acquisition des informations sur le comportement des piétons s’est opérée avec deux enquêteurs. Un d’entre eux saisissait sur l’orthophotographie le déplacement en suivant le piéton pendant que l’autre notait les comportements ou les événements dans l’environnement proche. Le suivi durait cinq minutes afin de préserver l’intimité des individus.
31Les résultats présentés ci-après proviennent d’une des observations réalisées à la station de métro Villeneuve d’Ascq Hôtel de Ville. Elle recense 78 déplacements qui prennent la forme de couches d’informations géographiques de type polyligne dans le SIG. Pour chaque déplacement, la distance et la vitesse moyenne de marche sont calculées. Notons qu’avec la méthode employée, il n’est pas possible de connaître la vitesse instantanée alors qu’avec un GPS l’enregistrement de cette vitesse et la saisie du déplacement seraient simultanés. Enfin, précisons que l’extrémité du déplacement est tronquée dans la mesure où la durée de suivi accordée était de cinq minutes.
Figure 6 : Exemple d’un déplacement : trajets et traversées
32En complément de l’analyse des traversées et du calcul des expositions au risque associées, l’analyse des stratégies de déplacement apporte une connaissance sur les pratiques et les comportements des piétons à la sortie des stations.
33Pour réaliser cette analyse des stratégies de déplacement sur la station Villeneuve d’Ascq Hôtel de ville, il est nécessaire de passer d’une information qualitative représentée par chaque déplacement à une information quantitative qui les dénombre sur chaque portion de l’espace pratiqué. A l’aide d’une grille d’un pas de 3 mètres sur 3 mètres nous comptabilisons tous les passages effectués par les 78 piétons suivis. On obtient ainsi une carte des fréquences sur chaque cellule ainsi qu’une distribution spatiale des déplacements à la sortie de la station (figure 7).
Figure 7 : Fréquence et distribution spatiale des déplacements piétons à la sortie de la station de métro Villeneuve d’Ascq Hôtel de Ville
34Pour chaque trajet nous renseignons manuellement toutes les traversées à sa suite Les points obtenus par croisements géométriques des polylignes rues et polylignes déplacements sont dotés de trois attributs qui renseignent sur la manière dont la traversée est effectuée (en ligne, en diagonale…) ; sur la nature de l’origine et de la destination du déplacement ainsi que le côté de la rue au départ du trajet ; et enfin le nombre de traversées réalisées (notamment pour les traversées multiples sur des voies larges avec îlots de protection). C’est notamment à partir de ces données que nous pouvons calculer les statistiques relatives à l’exposition aux risques des piétons.
35A partir des données structurées et des observations rassemblées, une typologie du comportement des piétons aux traversées est réalisable. L’attention est portée en particulier sur le nombre et le type de traversées exposées précédemment. Par ailleurs, une table de décisions aux traversées est créée, elle recense les décisions prises au niveau de la section et lors des traversées protégées ou non. Elle peut ensuite être comparée avec les options disponibles lors des traversées, on mesure ainsi le degré de respect des règles de traversées ainsi que les stratégies de déplacement adoptées lors d’un déplacement.
36En matière de déplacements sur notre échantillon pour lequel très peu de trajets sont tronqués, les piétons semblent réduire au minimum leurs traversées primaires et la majorité des déplacements comportent au moins une traversée secondaire. L’ensemble des fréquences observées est récapitulé dans le tableau ci-dessous.
Tableau 1 : Distribution des déplacements selon le nombre de traversées
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O/D1
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O/D2
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Primaire
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Secondaire
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0
|
23
|
|
23
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0
|
1
|
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32
|
32
|
11
|
2
|
22
|
|
22
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16
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3
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5
|
5
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10
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4
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0
|
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0
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8
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5
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1
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1
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4
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6
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0
|
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0
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2
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7
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0
|
0
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2
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8
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0
|
|
0
|
1
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Total
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45
|
38
|
83
|
54
|
37Différentes distributions statistiques pour des données discrètes (binomial, Poisson, négatif binomial, uniforme, géométrique) ont été utilisées pour ajuster les nombres de traversées primaires et secondaires. Le nombre de traversées primaires est mieux décrit par une distribution binomiale de paramètres n =4 et p =0,277. Notons cependant que cet ajustement a parfaitement fonctionné pour un nombre maximum de traversées égal à quatre alors que pour la valeur cinq (un cas dans nos observations) les résultats étaient moins satisfaisants (figure 8). Une distribution de Poisson décrit la distribution du nombre de traversées secondaires observées de manière satisfaisante (figure 9).
Figure 8 : Distribution observée et ajustée du nombre de traversées primaires par déplacement
Figure 9 : Distribution observée et ajustée du nombre de traversées secondaires par déplacement
38En poussant plus loin l’analyse, nous avons observé qu’un paramètre du comportement piétonnier pouvait affecter le niveau d’exposition au cours du déplacement : c’est la localisation spatio-temporelle de la traversée pendant le déplacement. La traversée s’effectue-t-elle plutôt au début ou à la fin du déplacement ? Ainsi, en fonction du moment où les individus décident de traverser, le niveau d’exposition peut être variable. On observe des stratégies qui consistent à traverser plus tôt ou plus tard dans le trajet plutôt qu’aux endroits opportuns (passages piétons).
Figure 10 : Distribution des traversées primaires en fonction du pourcentage de la distance parcourue pendant le déplacement
3925 % des traversées primaires ont lieu pendant les premiers 20 % du déplacement et 50 % des traversées primaires ont lieu pendant les premiers 40 % de ce même déplacement, ceci indépendamment des côtés origine et destination. Cela signifie que les piétons traversent le plus tôt possible vers le côté de leur destination finale effectuant ainsi uniquement des traversées de type secondaire jusqu’à la fin du déplacement.
40Lorsqu’on observe plus précisément les déplacements dont l’origine et la destination sont du même côté de la chaussée (O/D =1), si les piétons effectuent des traversées, elles sont au minimum au nombre de deux. Elles apparaissent distribuées uniformément sur l’ensemble du déplacement avec une probabilité plus élevée que la moyenne d’effectuer la dernière traversée à la fin du trajet. Ce résultat est logique puisque le piéton doit obligatoirement réaliser cette traversée pour arriver à destination.
41Au contraire, pour les déplacements dont l’origine et la destination ne sont pas du même côté, 75 % des traversées sont réalisées dans la première moitié du déplacement et la probabilité de traverser à la fin du parcours est très inférieure à la moyenne.
42L’intérêt de ces analyses est de pouvoir évaluer à la fois le nombre moyen de traversées pour estimer une partie de l’exposition, mais aussi de tenter de comprendre où elles se trouvent.
43Comme mentionné ci-dessus, la position choisie pour traverser est un des paramètres déterminants pour mesurer l'exposition aux risques. Le choix de traverser à une intersection ou en section courante avec un niveau de protection peut impliquer un niveau d’exposition différent pour un déplacement donné. La figure 11 représente les décisions opérées par les piétons comparées aux options possibles au moment de leurs traversées.
Figure 11 : Choix de traversée en fonction de la section ou de l’intersection et répartition des protections sur trajet
44Pour chaque portion de trajet compris entre deux intersections, il est possible de rencontrer trois options de traversée : la première intersection, la section courante et éventuellement la deuxième intersection. Pour chaque option, il est possible de distinguer celles réalisées sous la protection d’un aménagement (zebra, feu de circulation, îlot…) ou non. Les graphiques (figure 11) représentent les choix opérés par les piétons suivis et les options possibles en rapport avec les protections.
45Les conclusions que l’on peut tirer de ces traitements s’organisent en deux points :
Bien que la part des passages protégés soit similaire sur les intersections et sur les sections, une partie relativement importante des traversées se fait sans protection lors de la première intersection.
Globalement les piétons semblent préférer traverser lors de leur première option que ce soit une intersection ou une section. Par contre, ils se montrent plus incertains lors des traversées sur les sections non-protégées.
46Cette recherche théorique et empirique sur le comportement piétonnier nous a conduit à décrire ce comportement suivant une structure hiérarchique :
-
Évaluation du nombre de traversées primaires et secondaires,
-
Détermination de la place des traversées (début ou fin du trajet),
-
Détermination du lieu spécifique de chaque traversée en intersection ou en section courante,
47qui pourra servir à l’évaluation de l’exposition au risque lors d’un déplacement piétonnier dans la ville.
48L’analyse du comportement de piétons repose sur l’utilisation des Systèmes d’Informations Géographiques dans la mesure où ils permettent de stocker et de combiner plusieurs observations et d’identifier les lieux de traversées. Le croisement des informations de type géographique et sémantique (information sur les passages piétons, les feux de circulation…) affine l’analyse statistique et comportementale et offre de nouvelles perspectives aux questions de sécurité routière.
49L’information contenue dans ce SIG a permis de tester et de valider des modèles préalablement définis de déplacement de piétons en ville et surtout d’identifier les facteurs relatifs aux traversées utiles pour l’évaluation de l’exposition au risque d’accident des piétons. Un des indicateurs particulièrement important est la distribution du nombre de traversées (primaires ou secondaires) réalisées lors d’un déplacement. Si les résultats obtenus sont déjà prometteurs, ils pourraient être renforcés par l’intégration d’autres informations dans l’analyse des traversées, comme le niveau de trafic lors du déplacement.
50Précisons que ce travail a été réalisé dans une zone d’étude atypique liée à la spécificité du réseau urbain de Villeneuve d’Ascq. La faible présence de feux de signalisation ainsi que les faibles trafics ne peuvent constituer des valeurs statistiques de référence. L’étude a toutefois permis de déterminer l’importance des paramètres nécessaires à l’évaluation des risques des piétons ainsi qu’à la définition d’une méthodologie reproductible.