Navigation – Plan du site

AccueilNuméros42I. Dossier. Documenter la restaur...« Instruire par les yeux. » Une d...

I. Dossier. Documenter la restauration : sources anciennes d'une pratique moderne

« Instruire par les yeux. » Une documentation graphique précoce dans le domaine des antiques (xviiie-xixe siècles)

“Learning through Looking”. Early graphic documentation in the field of antiques (18th-19th centuries)
Brigitte Bourgeois
p. 4-15

Résumés

L’article s’attache au développement précoce d’une documentation signalant l’étendue des restaurations, dans des publications de sculpture et de céramique antiques durant la première moitié du xixe siècle. À l’origine de cette exigence exemplaire, on trouve des milieux érudits comptant parmi leurs rangs Winckelmann, Heyne, Millin, Millingen et le comte de Clarac. Une importance particulière a été accordée au rôle de l’image dans cette démarche de partage des connaissances, aux enjeux épistémologiques et éthiques clairement énoncés.

Haut de page

Texte intégral

Du secret au savoir commun. Aux sources de la documentation moderne en restauration

  • 1 Selon les termes du code d’ECCO en 2003 : www.ecco-eu.org/documents/ecco-documentation ou www.ffcr. (...)
  • 2 Leveau, 2012.
  • 3 Sur ce thème, voir Thérapéia. Polychromie et restauration de la sculpture dans l’Antiquité, Technè (...)
  • 4 Ainsi des actes des Journées d’études organisées en 2010 (ARAAFU, Conservation-restauration des bie (...)

1Au nombre des principes relatifs à la conservation des biens culturels, adoptés par la communauté internationale au xxe siècle, figure le devoir de rendre compte de toute action par l’établissement d’une documentation étoffée, publique et pérenne. De la Charte de Venise en 1964 aux codes déontologiques plus récents, les textes fondateurs n’ont cessé de rappeler l’importance d’un « enregistrement précis d’images et d’écrits de toutes les actions entreprises et des raisonnements les fondant1 ». Le document est ainsi placé au cœur de la démarche conservatoire2. Il permet d’instruire l’histoire de la matière et signe l’intervention humaine, engagée dans une thérapéia immémoriale envers des objets chargés de sens par une société3. La complexité des enjeux qu’implique cette conduite, la variété des déclinaisons de sa mise en œuvre, liée à l’évolution constante des techniques de l’information, les défis que pose la conservation des fonds existants ainsi que le développement de leur interopérabilité sont autant de questions qui alimentent travaux de recherche et production bibliographique4.

  • 5 Au nombre des causes de notre ignorance, il faut compter la perte de documents précieux (ainsi de l (...)
  • 6 Dans Apologie pour l’histoire ou métier d’historien, Armand Colin, Paris, 2009, p.77.

2Ces données sont connues. Ce qui l’est peut-être moins, c’est la genèse, ancienne, de cette démarche. La documentation n’est pas sortie toute armée de ce qu’on a coutume d’appeler les progrès modernes du xxe siècle. Des germes préexistaient, des documents, longtemps sous forme graphique, avaient été produits, des expériences précoces avaient été menées avant de tomber dans l’oubli. Il m’a donc paru utile d’inscrire, dans ce volume de Technè, un dossier consacré à la question des sources historiques anciennes, écrites et visuelles, documentant volontairement – il faut insister sur ce point – des actes de conservation et de restauration. La documentation au sens où nous l’entendons n’est pas une donnée brute ; elle est le fruit d’un vouloir, d’un état du savoir et de finalités qu’il importe d’analyser et de contextualiser, en prenant garde aux pièges de l’ignorance, des préjugés et de l’anachronisme5. « Au commencement est l’esprit » disait Marc Bloch en parlant des sources documentaires de l’historien6.

  • 7 Voir dernièrement Étienne, 2012.
  • 8 Voir les travaux de Paola d’Alconzo, Gabriella Prisco et Andrea Milanese pour ces questions.

3D’un commun accord, on situe l’émergence de l’impératif documentaire à la maturité du siècle des Lumières et aux bouleversements de la période révolutionnaire et du Premier Empire. Au secret entourant traditionnellement la restauration aurait succédé une exigence nouvelle de transparence (comme le formule le vocabulaire actuel), imposée par le pouvoir institutionnel ou revendiquée par les praticiens eux-mêmes. La question a été étudiée en détail pour le domaine de la peinture, dominée par les querelles autour de l’invention de nouveaux procédés appliqués au support pictural, qu’il s’agisse de la transposition en peinture de chevalet ou de techniques améliorées de dépose des peintures murales. Les stratégies de publicité ont également été bien analysées7. Dans le domaine de la peinture antique, la recherche historique a éclairé de telles oscillations entre la revendication du secret d’une invention par un restaurateur et la volonté de diffusion publique du savoir par d’autres personnalités8.

4Le présent article voudrait éclairer la naissance des pratiques documentaires sous un autre angle que celui du secret des procédés, en rappelant une initiative originale, mûrie dans le domaine des antiques (marbres et vases grecs) durant la seconde moitié du xviiie siècle et la première moitié du xixe siècle. Énoncée et mise en œuvre dans l’espace public via des publications savantes et des réalisations concrètes, une nouvelle méthodologie a vu le jour. Elle a cherché à constituer un savoir commun sur l’étendue des parties restaurées, en recourant largement à la démonstration par l’image. Sans retracer, faute de place, l’ensemble de ce mouvement, je voudrais attirer l’attention sur quelques jalons importants.

Documenter « l’avant-après » de la restauration, déjà en 1714

5On sait qu’en matière d’accompagnement documentaire de la restauration, en plein essor depuis le milieu du xxe siècle, l’une des recettes les plus éprouvées consiste à jouer du choc visuel produit par la confrontation entre un « avant » et un « après traitement ». Les racines de cette formule sont anciennes, comme en témoigne le cas de statues antiques, restaurées à Rome au tout début du xviiie siècle. La nouveauté alors introduite au sein d’une pratique traditionnelle de dessins d’antiques est bien la volonté de rendre compte visuellement et officiellement de l’intervention menée, une fois celle-ci achevée.

La pratique ancienne des dessins d’antiques

  • 9 Haskell et Penny, 1989. Sur les difficultés d’interprétation de ces documents, « susceptibles d’inc (...)
  • 10 Sur le dessin du Gladiateur Borghèse, cat. exp. D’après l’antique, Louvre, RMN, 2000, n° 109, p. 28 (...)

6Le champ des études sur la réception de l’antique dispose d’un immense corpus de dessins, constitué depuis la Renaissance, reproduisant des monuments d’architecture, des sculptures en marbre ou en bronze, des vases peints9. Au sein de cet ensemble, certains dessins approchent de plus près la réalité d’une restauration en un temps donné : outre le recueil composite de Robert de Cotte, datant du début du xviiie siècle, tels sont, plus anciennement, le dessin anonyme montrant la statue du Gladiateur Borghèse à Rome, avant 1611, et le dessin coté de la statue féminine trouvée dans le théâtre antique d’Arles en 1651, exécuté sans doute en 1651-1652 par Jean Sautereau, le premier intervenant connu sur l’œuvre10. Dans les deux cas, les marbres sont montrés en cours de restauration : les fragments antiques ont été en partie assemblés, et les parties manquantes n’ont pas encore été complétées par des ajouts modernes (bras droit pour le Gladiateur, bras droit et avant-bras gauche pour la Vénus d’Arles). Un second dessin de Sautereau, non coté cette fois, représente la statue d’Arles traitée en Diane, brandissant l’arc et la flèche. Il ne faut pas y voir la preuve d’une restauration matérielle de l’effigie puisque des textes et des gravures attestent qu’avant son envoi à Paris en 1684, la statue était restée lacunaire durant son séjour de quelque trente ans dans l’hôtel de ville d’Arles. Le croquis correspond sans doute à un projet de restauration, en un temps où l’identité de la déesse était âprement discutée entre érudits locaux. Quoique précieux, ces documents ne manifestent donc pas la volonté du praticien de rendre compte d’une intervention achevée.

Un rapport d’intervention sous forme graphique

  • 11 Liebenwein, 1981.
  • 12 Conservés à la Bibliothèque nationale de France, Cabinet des Estampes, Fb 19 p.f., plume avec lavis (...)
  • 13 La mention inscrite sur la couverture du volume précise bien : « DISSEGNI di cinque Statue Egizzie (...)
  • 14 Voir l’analyse de Marie-Amélie Bernard relative au domaine des vases grecs dans ce volume.

7Il en va autrement dans le cas suivant11. En 1710, cinq statues égyptiennes furent exhumées, à Rome, dans la Villa Verospi, à l’emplacement des anciens jardins de Salluste. La trouvaille eut un grand retentissement dans le milieu antiquaire romain. Tout s’y prêtait : la rareté et la majesté d’effigies pharaoniques de taille colossale, la préciosité du matériau, un granit rouge et noir soigneusement poli, enfin la présence d’inscriptions hiéroglyphiques au dos des statues. Le pape Clément XI (1700-1721) s’en porta acquéreur et décida d’en faire don au peuple romain en les plaçant al publico au Palais des Conservateurs, sur la colline du Capitole, après les avoir fait restaurer. L’opération (risarcimento) fut confiée au sculpteur Francesco Moratti dit « le Padouan », et les colosses égyptiens entrèrent, une fois rétablis, au Capitole en 1714. L’intérêt de l’histoire, en ce qui nous concerne, ne réside pas tant dans l’intervention technique que dans la réalisation, par le sculpteur restaurateur, d’un ensemble de dessins avant et après travaux : chaque statue y est montrée dans son état de trouvaille archéologique, puis dans son état restauré12 (fig. 1 et 2). D’un côté des corps en morceaux, de l’autre des effigies solennelles, recomposées à partir de fragments antiques et d’ajouts modernes. Le choc visuel de l’avant-après est bien là. L’information, précise et fidèle, sur l’état initial de fracturation des œuvres aussi, témoignant de l’acribie du sculpteur. Comme l’a souligné Wolfgang Liebenwein, ces dessins de grande qualité, reliés qui plus est en un seul volume et remis officiellement au commanditaire, le pape Albani, font bien figure de rapport de restauration13. Une telle démarche amène à nuancer les jugements fréquemment négatifs tenus à l’encontre d’anciennes interventions dont est niée la qualité même de restauration. Elle colore différemment aussi la question du secret dont les restaurateurs auraient entouré leurs agissements afin de défendre leur pratique, voire de mieux tromper le client14.

Fig. 1. Francesco Moratti, dessin de la reine Touya avant restauration, avant 1714, Bibliothèque nationale de France, Cabinet des estampes

Fig. 1. Francesco Moratti, dessin de la reine Touya avant restauration, avant 1714, Bibliothèque nationale de France, Cabinet des estampes

© Bibliothèque nationale de France.

Fig. 2. Francesco Moratti, dessin de la reine Touya, après restauration. Bibliothèque nationale de France, Cabinet des estampes

Fig. 2. Francesco Moratti, dessin de la reine Touya, après restauration. Bibliothèque nationale de France, Cabinet des estampes

© Bibliothèque nationale de France.

Signaler les restaurations : le devoir d’indiquer les ajouts modernes dans la publication des marbres antiques

La recommandation de Winckelmann

  • 15 Bruer, Kunze, 1996.
  • 16 Winckelmann [2005], p. 57, et notes de D. Gallo, p. 620-622.
  • 17 Dans une lettre écrite vers 1755-1757, citée dans Piva 2007, p. 51.
  • 18 Sur cette nouvelle « distanciation herméneutique » et l’insertion de l’œuvre d’art qui en résulte d (...)

8Le foyer romain, centre incontesté de la restauration des marbres antiques en Europe, allait nourrir l’émergence d’un mouvement de plus grande ampleur quelques décennies plus tard. La figure de Johann Joachim Winckelmann (1717-1768) y joue un rôle important. Venu à Rome chercher la Grèce selon le mot de Herder, Winckelmann entreprend, dès son arrivée en 1755, la tournée des marbres les plus célèbres, dans les musées ouverts au public (Capitole, musée Pio-Clémentin au Vatican), comme dans les palais et les villas privés. Dépassant les études livresques de la tradition antiquaire, il ancre son projet d’écrire une histoire de l’art antique, appréciée à l’aune du génie grec, sur l’autopsie des œuvres. Il est de ce fait aussitôt confronté à la question des ajouts dus aux sculpteurs restaurateurs des temps modernes, de caractère fréquemment inadapté, et perçoit la nécessité de publier un signalement des parties restaurées afin d’éviter les erreurs d’interprétations. S’il n’a pu mener à bien, avant son décès tragique, l’achèvement de l’ouvrage qu’il préparait sur la restauration des antiques15, il a néanmoins intégré des réflexions issues de ce travail dans l’introduction de sa Geschichte der Kunst, parue en 1764, où l’on trouve cette recommandation : « Il faudrait signaler les intégrations dans les gravures ou dans les commentaires qui les accompagnent16. » Sa phrase fait écho à d’autres avis contemporains. L’abbé Barthélémy n’écrivait-il pas de son côté : « C’est un abus de graver [les antiques], sans avertir du mélange qui les altère même en les embellissant17 » ? L’analyse de l’historien requiert désormais une claire distinction entre l’antique et le moderne, et les progrès de la conscience historique instaurent une nouvelle distance entre la création du temps présent et le vestige du passé, surtout s’il est auréolé du prestige de l’art grec18.

La critique de Heyne

  • 19 Heyne, 1779. Kunze, 2003.
  • 20 Kunze, 2003, p. 156.
  • 21 Voir l’article de Martin Scewczyk dans ce volume.

9La dissertation publiée en 1779 par le philologue Christian Gottlob Heyne (1729-1812), enseignant à l’université de Göttingen, marque une étape supplémentaire dans la critique des restaurations fautives commises par les artistes sculpteurs du fait de leur ignorance des sources antiques19. Rétablir la lecture du texte original de la sculpture, en déclarant les lacunes et les passages corrompus, et distinguer « le vrai du faux » devient un devoir absolu pour celui qui s’adonne à la science de l’antique – un devoir exigeant, dit Heyne, car nécessitant « le genre de Critique le plus difficile qui soit20 ». Les germes de la critique d’authenticité sont bien là21. Posée en ces termes d’éthique du vrai, chère à l’esprit du temps, la question ne pouvait qu’aboutir progressivement à la disqualification de facto de la restauration intégrative.

Le passage à l’acte documentaire

  • 22 Le terme désignant alors celui qui s’adonne à l’étude de l’antique, voir le Dictionnaire des beaux- (...)

10De l’énoncé théorique à la mise en pratique, le pas a été vite franchi comme le montrent deux ouvrages tous deux publiés en 1804 par des archéologues allemands22.

  • 23 Becker, 1804, p. VII.

11L’un est l’ouvrage de Wilhelm Gottlieb Becker, intitulé Augusteum ou Description des monumens antiques qui se trouvent à Dresde. Dans l’avant-propos, l’auteur prend soin de faire valoir l’originalité de sa démarche. Après avoir critiqué les anciennes restaurations des sculptures en marbre qu’il publie, il ajoute : « Le détail de ces restaurations n’est d’aucune utilité pour l’étude de l’art », d’où son parti « de ne les indiquer dans les gravures que par des contours, ou bien, lorsque de simples délinéamens seroient d’un effet trop désagréable, en employant une autre manière. Par ce moyen, notre ouvrage, destiné à avancer les progrès de l’art et l’étude de l’Archéologie, se distingue avantageusement de tous ceux qui ont paru jusques ici sur l’antiquité23 ». L’examen des planches gravées du recueil montre de fait qu’un système de conventions graphiques a été adopté pour différencier le bon grain de l’ivraie. Alors que les parties originales de la statue sont ombrées de hachures, une simple ligne de contour délimite les ajouts modernes qui apparaissent ainsi comme autant de plages blanches.

  • 24 Levezow, 1804. Fendt, 2012, de Polignac, 1998, p. 70.

12Le même système de conventions apparaît dans l’ouvrage de Konrad Levezow (1770-1835), futur directeur de l’Antiquarium de Berlin, dans sa dissertation consacrée au ré-examen critique d’un groupe célèbre, celui dit de la Famille de Lycomède24. Là aussi, les ajouts dus à la restauration que le sculpteur Lambert-Sigisbert Adam avait effectuée à Rome, en 1730-1732, et qui avaient transformé à tort un Apollon citharède en pseudo-Achille, et des figures de Muses en filles de Lycomède, sont désignés sur les planches gravées au moyen d’une ligne de pointillés.

« Instruire par les yeux. » Le plaidoyer de Millin en faveur de la documentation graphique

  • 25 Hurley, 2013. Toscano, 2008.

13Aubin-Louis Millin (1759-1818), l’un des meilleurs représentants en France de la nouvelle archaeologie, ne manquera pas de faire des éloges de cette heureuse initiative et de la relayer dans la littérature de langue française. Ce que vise Millin est d’instruire de manière utile. Instruire, c’est ce qu’il fait concrètement par ses cours publics d’archéologie, professés à partir de 1798. Les avantages que lui procure sa position de conservateur du Cabinet des médailles lui permettent de forger dans ce cadre une méthodologie associant très directement les textes et les monuments, puisque les livres de la Bibliothèque nationale y côtoient des objets choisis parmi les riches collections du Cabinet des médailles25. La substance physique des œuvres est donc prise en compte, qu’il s’agisse de la nature des matériaux, des procédés de fabrication antiques ou de l’impact des restaurations.

  • 26 Millin, 1806, s.v. Statue : la publication d’une statue doit comprendre la description matérielle ( (...)
  • 27 Millin, 1806, III, s.v. Restaurer, p. 433.

14Cependant, la constitution et la diffusion d’un savoir commun passant avant tout par l’écrit, Millin se soucie également de définir le nouveau standard auquel doivent tendre les publications archéologiques. Dans son Dictionnaire des beaux-arts, paru en 1806, il reprend et développe les propos des érudits allemands. Parmi les normes qu’il préconise figure le signalement des restaurations, dans le texte aussi bien que dans l’illustration. Toute notice savante d’une statue doit en effet contenir, entre autres données26, l’indication des zones restaurées. Par ailleurs, chaque œuvre étant reproduite, l’emplacement des ajouts modernes doit figurer sur les planches gravées. Millin recommande ici la méthode mise en œuvre par Becker et Levezow, celle qui « consiste à graver au trait, et à ombrer ce qui est antique, et à ne marquer que par des points ce qui est de restauration ». Cette méthode de documentation visuelle est bien préférable à l’exposé textuel, « en ce qu’elle instruit tout le monde par les yeux ». Or, à l’évidence, « l’impression par les yeux est plus prompte et plus durable que celle qui résulte de la lecture de l’explication. […] au surplus, le texte étant souvent composé dans une langue qui n’est pas familière à tous les artistes, ils ne peuvent pas même profiter toujours des indications qu’on y a données27 ». La vertu pédagogique de la démonstration par l’image, anticipant le développement des ressources visuelles dans nos documentations modernes, est donc bien mise en valeur.

  • 28 Il s’agit de la Raccolta d’antiche statue, busti, bassirilievi ed altre sculture : restaurate da Ba (...)
  • 29 Millin, 1806, III, p. 434.
  • 30 Dans l’exemplaire de la troisième édition de son ouvrage, autrefois à Cassel et maintenant disparue (...)

15À titre de contre-exemple, Millin cite l’ouvrage antérieurement paru du célèbre restaurateur romain Bartolomeo Cavaceppi28 : en publiant la collection de ses antiques restaurées, « l’auteur n’a indiqué, ni dans la gravure, ni autrement, ce qui est vraiment antique et ce qui est restauré. Il donne une explication assez bizarre de ses motifs : l’art du restaurateur, selon lui, consiste précisément en ce qu’on ne puisse pas distinguer ce qui est antique de ce qui est moderne. Cela peut en quelque sorte être vrai lorsqu’il s’agit des monumens eux-mêmes, où la restauration doit en effet être exécutée avec tant d’art que les yeux n’en soient pas choqués, et que le monument fasse parfaitement illusion. Mais l’artiste qui restaure ne doit pas et ne veut pas être un faussaire ; il peut, avec toute la franchise possible, indiquer ce qui vient de lui, et il doit même le faire lorsqu’il en présente au public des gravures. L’ouvrage de M. Cavacepi, pour ne point contenir l’indication des restaurations, a perdu toute espèce d’utilité29 ». Millin reprend ici de près un passage de la dissertation de Heyne ; il semble ignorer d’ailleurs que Cavaceppi avait infléchi sa conduite sous le feu des critiques du philologue30. Mais le ton général du discours est bien différent puisque l’archéologue français défend avec conviction le bien-fondé de la restauration, qui plus est de caractère illusionniste. Cependant, si les raisons de l’œil demeurent fortes, les exigences de la raison critique ne le sont pas moins : l’intellect ne peut ni ne doit s’accommoder de l’illusion, tandis que la jouissance du spectateur la requiert encore.

Une réalisation exemplaire chez le comte de Clarac au milieu du xixe siècle

  • 31 Martinez, 2004, p. 139-141, n° 227-236.
  • 32 Sur Visconti et la restauration des antiques, Gallo, 1991, et Piva, 2007, p. 86 (« critique oculair (...)

16La rigueur prônée par le professeur d’archéologie n’a pas été mise en œuvre de suite. L’étude de la Pallas de Velletri que Millin lui-même publie en 1806 contient ainsi d’utiles précisions, dans le texte, sur l’état de conservation du marbre, mais l’illustration gravée ne signale pas les ajouts dus à la restauration de Giuseppe Franzoni, effectuée à Rome en 1798-1799. De la même manière, les catalogues des antiques saisis dans toute l’Europe et amassés au Louvre, sous le Directoire et l’Empire, ne comportent pas d’indication graphique des zones restaurées. Les progrès de l’information sont pourtant réels ; il faut les chercher dans le texte des notices qui signalent fréquemment des erreurs iconographiques dues aux intégrations anciennes. De même, l’inventaire Napoléon prend soin de mentionner le caractère moderne d’ajouts particulièrement déplacés, notamment dans le cas du groupe de Lycomède, rapporté de Prusse et exposé à partir d’octobre 1807 dans la Rotonde d’Apollon31. On se souvient de l’importance qu’avait pour Ennio Quirino Visconti, le premier conservateur des antiques du musée, la « critica oculare » dans l’exercice du savoir antiquaire dont il était passé maître32.

  • 33 Sur l’étude critique de l’ouvrage, voir la notice « Clarac » de Ph. Jockey dans la ressource en lig (...)

17Il faut attendre la seconde génération des conservateurs d’antiques du Louvre, en la personne du comte de Clarac (1777-1847), nommé à la succession de Visconti après la mort de celui-ci en 1818, pour trouver une application systématique du principe de démonstration par l’image. Le Musée de sculpture antique et moderne, l’ouvrage auquel le comte a consacré ses forces et sa fortune, paru entre 1826 et 1841, revendique avec force son objectif d’utilité pédagogique33. Il se singularise par son exemplarité en matière de documentation des restaurations puisque les planches gravées comportent, le plus souvent, le signalement des parties restaurées selon la convention habituelle des lignes de points.

  • 34 Voir Boquien, 2013, pour un autre exemple illustré dans un précédent volume de Technè (stèle funéra (...)
  • 35 Clarac, tome III, pl. 345, n° 1417.
  • 36 « La tête rapportée avec intelligence », le nez, les bras, la jambe et une partie de la cuisse gauc (...)
  • 37 Clarac, tome I, 1826, p. XXVIII.

18Certes, l’évidence documentaire n’est que partielle et doit être complétée par le texte pour être parfaitement compréhensible. Comparons, à titre d’exemple34, la photographie d’une petite statue d’Aphrodite accroupie, conservée au Louvre et autrefois dans les collections royales de Versailles (fig. 3), avec la gravure de Clarac qui comporte les habituelles lignes de points (fig. 4)35 : comment faire la part des fragments antiques et des nombreuses prothèses modernes greffées sur le torse lacunaire, si le texte n’en donnait la liste36 ? Les limites de la méthode ne doivent toutefois pas masquer l’extraordinaire effort déployé en faveur du partage de connaissances fiables. Clarac souligne dans l’avant-propos de son ouvrage les difficultés auxquelles une telle entreprise s’est heurtée, en raison notamment du refus fréquent des responsables de collections de laisser dessiner en toute exactitude l’état de leurs œuvres. « Il vaudrait pourtant mieux », écrit le conservateur, « dans l’intérêt de la science et de l’art, qu’on agît sans charlatanisme et que de loin comme de près on sût à quoi s’en tenir37 ». L’expression « de loin comme de près » mérite qu’on s’y arrête un instant. Elle implique la conscience d’un regard en quelque sorte à double focale, jaugeant les propriétés matérielles de l’œuvre par un examen visuel tantôt distant tantôt rapproché. Or, n’est-ce pas justement en cette même période de la première moitié du xixe siècle que sont attestés, pour différentes catégories d’objets antiques, des cas de réintégration discernable ?

Fig. 3. Statue d’Aphrodite accroupie, copie romaine d’après un original grec, marbre, H. 77 cm, Louvre (inv. Ma 53)

Fig. 3. Statue d’Aphrodite accroupie, copie romaine d’après un original grec, marbre, H. 77 cm, Louvre (inv. Ma 53)

© C2RMF/ Jean-Michel Routhier.

Fig. 4. Gravure de la statue reproduite dans Clarac, Musée de sculpture antique et moderne, tome III, planches, pl. 345, n° 1417

Fig. 4. Gravure de la statue reproduite dans Clarac, Musée de sculpture antique et moderne, tome III, planches, pl. 345, n° 1417

© INHA, Dist. RMN-Grand Palais/Image INHA.

De la documentation graphique à la restauration visible

  • 38 Keller, 2012. Dissertation de Meyer : “Ueber Restauration von Kunstwerken”, Propyläen. Eine periodi (...)

19L’invention d’un mode de restauration visible s’ancre en effet pour l’antique dans un passé lointain. Un article récent de Claudia Keller rappelle ainsi que le peintre Johann Heinrich Meyer (1760-1832), ami et collaborateur de Goethe à la revue Propyläen, a vu, en visitant Florence dans les années 1795-1797, des pierres gravées antiques restaurées avec un matériau d’une nature et d’une couleur tout autres que celle des parties authentiques. Cette méthode, « innocente et modeste », est la meilleure qui soit aux yeux de l’artiste, auteur d’une importante dissertation sur la restauration : loin de cacher la fragmentation de l’objet et de masquer sous un voile illusoire de peinture la rupture irrémédiable entre le passé et le présent, le praticien offre à lire son intervention comme une opinion, comme une simple suggestion38.

  • 39 Voir Technè, 2010.

20Un autre domaine, celui de la peinture sur vases, est connu pour avoir précocement mûri une évolution analogue à celle de la sculpture. Exhumés en abondance du sol de l’Italie dans le courant du xviiie siècle, les vases grecs, peints selon les techniques de la figure noire et de la figure rouge, ont suscité un immense engouement auprès des collectionneurs, des érudits et des artistes. Cette catégorie d’objets apparemment répétitive, réalisée dans un matériau pauvre, offrait en effet, selon les mots de Winckelmann, un extraordinaire « trésor de dessins », des dessins originaux témoignant de la peinture grecque antique. Leur restauration, rendue nécessaire par le bris fréquent et le caractère lacunaire des pièces, devint florissante dans le royaume de Naples, épicentre de la redécouverte de la peinture antique et principal foyer du commerce des vases, au tournant des xviiie et xixe siècles. Cependant, dans le terreau culturel napolitain, particulièrement attentif aux questions d’étude et de conservation, comme à Paris et à Rome, devait rapidement grandir une claire conscience des risques que présentait, pour la science naissante de la céramologie, la « perfection dangereuse » qu’avait atteinte l’art de la restauration illusionniste des vases39.

Déclarer les ajouts modernes sur les vases peints : une méthode de signalement graphique identique à celle des marbres

  • 40 Le Bars-Tosi, 2011.
  • 41 Millingen, 1813, § XII.

21Parmi les voix qui se sont élevées à ce propos, celle de James Millingen (1774-1845) résonne encore avec force. Ce marchand expert, qui a pérégriné dans toute l’Italie et vendu des antiques à toute l’Europe, a défendu une position d’une probité singulière, contraire d’une certaine manière à ses intérêts commerciaux40. Non content de veiller à la parfaite fidélité des gravures qu’il publiait, il a également pris soin de faire insérer, pour les vases les plus endommagés, l’indication des zones suppléées selon le système préconisé par les archéologues allemands et par Millin. Il écrivait ainsi en 1813 : « On reproche à la plupart des ouvrages qui traitent des vases, de ne point en rendre les peintures avec fidélité, mais de les embellir en leur donnant un fini qu’ils n’ont point en général. Ici on a cherché à éviter ce reproche ; l’auteur a fait exécuter sous ses yeux et avec la plus scrupuleuse exactitude tous les dessins » et il ajoutait en note : « On a indiqué par des points les parties restaurées […] ; dans les deux dernières [planches, 49 et 50], elles sont même entièrement pointillées, afin d’être plus reconnaissables41. » La planche 49, qui reproduit le combat d’Achille contre Penthésilée figuré sur un cratère en calice du peintre d’Altamura (musée du Louvre, inv. G 342) (fig. 5), a en effet été traitée avec un soin particulier (fig. 6). Le vase, dérestauré au xxe siècle, malheureusement sans aucune documentation, est maintenant réduit à l’état de fragments.

Fig. 5. James Millingen, Peintures de vases antiques et inédites…, 1813, gravure de la planche 49 : combat d’Achille et de Penthésilée

Fig. 5. James Millingen, Peintures de vases antiques et inédites…, 1813, gravure de la planche 49 : combat d’Achille et de Penthésilée

© INHA, Dist. RMN-Grand Palais/Image INHA.

Fig. 6. Cratère en calice du Peintre d’Altamura, Louvre (inv. G 342), état dérestauré

Fig. 6. Cratère en calice du Peintre d’Altamura, Louvre (inv. G 342), état dérestauré

© D.R.

Visualiser les ajouts modernes : de la restauration cachée à la restauration visible

  • 42 Millingen, 1813. Et voir les contributions réunies dans Technè n° 32, 2010.
  • 43 Il s’agit donc ici d’une forme de visibilité différente de la « visibilité censée idéale » de l’œuv (...)
  • 44 Selon les termes du rapport du colonel Humbert, agent du musée de Leyde dépêché dans le royaume de (...)

22Qui plus est, le même homme a recommandé de bonne heure l’adoption d’un mode de restauration discernable. Les lignes qu’il a écrites à ce sujet sont devenues célèbres depuis que des travaux historiques récents ont tiré de l’oubli cette contribution remarquable : « Il semble que les véritables amateurs, surtout ceux chargés du soin de Collections publiques, lorsqu’ils acquièrent des vases fracturés, devroient se contenter d’en rassembler les pièces, de suppléer celles qui manquent ; mais de ne leur donner de couleur qu’autant qu’il est nécessaire pour ne pas choquer l’œil, et de manière à ce qu’en s’approchant des peintures, on distingue sans peine l’ancien du moderne42. » Voici à nouveau évoqué le dédoublement du regard du spectateur, satisfait, de loin, par la complétude de la forme et la continuité du dessin, et parfaitement à même de juger, de près, de l’état réel du vase43. Les bienfaits d’une telle pratique pour les œuvres de musées, destinées à instruire sans équivoque, sont clairement perçus. Car il s’agit bien de pratique, et non du simple vœu pieux d’un précurseur isolé. On sait que des restaurateurs à Naples, puis à Rome, exerçant aussi bien dans le cadre de musées que pour le marché de l’art, ont mis en œuvre des procédés de mezzo restauro selon le terme alors attesté, désignant une « demi-restauration » ou « restauration visible », par opposition aux « restaurations cachées44 ». Il n’y a pas lieu de développer ici ce point, mais peut-être n’est-il pas inutile d’insister à nouveau sur le changement de nature épistémologique que révèle cet épisode : de l’obligation intellectuelle de documenter les restaurations, dans un espace public des savoirs, on est passé à l’obligation pratique de donner à voir la restauration afin d’éviter, comme le formulera plus tard Brandi, de verser dans le faux historique. C’est une étape supplémentaire dans la voie d’une déclaration publique de la restauration, une autre forme de publicité – intrinsèque, consubstantielle celle-là – qui lui est donnée.

Conclusion

23Fort de sa longue évolution et de son importance culturelle, le secteur des marbres a montré la voie dans la compréhension des enjeux scientifiques et éthiques liés au fait d’instruire publiquement sur l’étendue des restaurations, au moyen d’une imagerie documentaire. Le domaine de la peinture de vases a suivi, en mûrissant à son tour des changements importants. L’objectif, formulé et/ou mis en œuvre par différents acteurs liés en réseaux (praticiens, érudits, premiers archéologues et conservateurs de musées, experts marchands) a visé à établir des sortes de bases de données, fondées sur un état-civil plus rigoureux des œuvres. En rendant compte de leur double temporalité, antique et moderne, ce dernier garantissait une saine analyse en histoire de l’art et en archéologie. Au cours de cette évolution précoce, curieusement tombée dans l’oubli au xxe siècle, l’importance des ressources visuelles a bien été perçue et a conduit à l’adoption d’un standard de convention graphique.

24L’impératif documentaire s’est donc imposé, bien avant notre temps, comme une nécessité intellectuelle. Sa germination dans le domaine de l’antique paraît d’ailleurs assez distincte de celle de la restauration des tableaux, puisqu’elle relève avant tout de préoccupations d’ordre scientifique, nées de libres échanges de pensée entre savants, et non de pressions institutionnelles cherchant à imposer un minimum de documentation sur les interventions afin de mieux contrôler les prix et les procédés. Avec elle, la restauration est entrée véritablement dans la république du savoir, elle est devenue affaire de bien public, res publica.

25La documentation, entendue comme une proclamation (Erklärung en allemand), un manifeste de l’action menée en restauration, naît donc, et ce n’est pas une coïncidence, de la réflexion des Lumières (Aufklärung). Elle est pensée d’emblée comme un acte de conscience : seule la restauration qui se donne à connaître dans la sphère publique est légitime ; en s’auto-déclarant, elle échappe aux soupçons de falsification et conquiert sa dignité. La documentation apparaît ainsi comme l’acte fondateur de la restauration moderne.

Haut de page

Bibliographie

Becker W. G., 1804, Augusteum ou description des monumens antiques qui se trouvent à Dresde, Leipzig, tome I.

Bergeon Langle S., Brunel G., 2014, La restauration des œuvres d’art. Vade-mecum en quelques mots, Hermann, Paris.

Bernard M.-A., 2013, « Francesco Depoletti (1779-1854), un homme de réseaux entre collectionnisme et restauration », dans B. Bourgeois, M. Denoyelle (dir.), L’Europe du vase antique. Collectionneurs, savants, restaurateurs aux xviiie et xixe siècles, PUR-INHA-C2RMF, p. 203-220.

Boquien M.-L., 2013, « Bernard Lange et la restauration des antiques au Louvre dans la première moitié du xixe siècle », Technè n° 38, p. 40-46.

Bourgeois B., 1995, « La Vénus d’Arles ou les métamorphoses d’un marbre antique », dans Restauration, Dé-restauration, Re-restauration, Actes du 4e colloque international de l’ARAAFU, Paris, p.125-137.

Bourgeois B., 2010, « La Fabrique du vase grec. Connaître et restaurer l’antique dans l’Europe des Lumières. Genèse d’un projet », Technè n° 32, p. 5-10.

Bruer S.-G., Kunze M. (ed.), 1996, « Von der Restauration der Antiquen. » Eine unvollendete Schrift Winckelmanns, Mainz.

Clarac F. de, 1826-1841, Musée de sculpture antique et moderne, Paris.

Étienne N., 2012, La restauration des peintures à Paris (1750-1815) : pratiques et discours sur la matérialité des œuvres d’art, Presses universitaires de Rennes.

Fendt A., 2012, Archäologie und Restaurierung. Die Skulpturenergänzungen in der Berliner Antikensammlung des 19. Jahrhunderts, Walter de Gruyter, Berlin/Boston.

Gallo D., 1991, « Ennio Quirino Visconti e il restauro della scultura anticha fra Settecento e Ottocento », dans Thorvaldsen, l’ambiente, l’influsso, il mito, Analecta Roma Instituti Danici, Supplementum, XVII, p. 102-122.

Griener P., 2010, La République de l’œil. L’expérience de l’art au siècle des Lumières, Odile Jacob, Paris.

Haskell F., Penny N., 1988, Pour l’amour de l’antique. La statuaire gréco-romaine et le goût européen, 1500-1900, (trad. F. Lissarrague), Hachette, Paris.

Heyne Ch. G., 1779, « Irrthümer in der Erklärung alter Kunstwerke aus einer fehlerhaften Ergänzung », Sammlung antiquarischer Aufsätze, Göttingen, p. 172-258.

Hurley C., 2013, Monuments for the people: Aubin-Louis Millin’s Antiquités nationales, Brepols.

Keller C., 2012, “The Beholder’s Hurt Feeling”, CeROArt. [En ligne], mis en ligne le 23 avril 2012, consulté le 26 août 2015. URL : http://ceroart.revues.org/2401.

Kreikenbom D., 1999, « Cavaceppis Maximen der Antikenrestaurierung », dans Weiss Th., Von der Schönheit weissen Marmors. Zum 200. Todestag Bartolomeo Cavaceppis, Philipp von Zabern, Mainz, p. 85-92.

Kunze M., 2003, « Über das Ergänzen. Zwei Schriften von Johann Joachim Winckelmann und Christian Gottlob Heyne im Vergleich », dans M. Kunze, A. Rügler (ed.), « Wiedererstandene Antike ». Ergänzungen antiker Kunstwerken seit der Renaissance, Munich, Biering und Brinkmann, p. 155-166.

Le Bars-Tosi F., 2011, « James Millingen (1774-1845), le “Nestor de l’archéologie moderne” » dans M. Royo, M. Denoyelle, E. Hindy-Champion et D. Louyot (eds.), Du voyage savant aux territoires de l’archéologie. Voyageurs, amateurs et savants à l’origine de l’archéologie moderne, de Boccard, Paris, p. 171.

Leveau P., 2012, « Les enjeux philosophiques de la documentation en conservation-restauration », ARAAFU, Conservation-restauration des biens culturels, Cahier technique n° 19, p. 3-10.

Levezow K., 1804, Ueber die Familie des Lykomedes in der Koeniglichen Preussischen Antikensammlung . Eine archäologische Untersuchung, Berlin.

Liebenwein W., 1981, « Der Portikus Clemens’ XI. und sein Statuenschmuck. Antikenrezeption und Kapitolsidee im frühen 18. Jahrhundert », dans Antikensammlungen im 18. Jahrhundert, hrsg H. Beck, P. C. Bol, W. Prinz, H. v. Steuben, Gebr. Mann Verlag, Berlin.

Martinez J.-L. (dir.), 2004, Les antiques du musée Napoléon. Édition illustrée et commentée des volumes V et VI de l’inventaire du Louvre de 1810, RMN, Paris. 

Milanese A., 2007, « “Pour ne pas choquer l’œil”. Raffaele Gargiulo e il restauro di vasi antichi nel Real Museo di Napoli : opzioni di metodo e oscillazioni di gusto tra 1810 e 1840 », dans Gli uomini e le cose, a cura di Paola D’Alconzo, Clio Press, Napoli, p. 81-101.

Milanese A., 2010, « De la “perfection dangereuse” et plus encore. La restauration des vases grecs à Naples au début du xixe siècle, entre histoire du goût et marché de l’art », Technè n° 32, p. 19-30.

Millin A.-L., 1806, Dictionnaire des beaux-arts, Paris.

Millingen J., 1813, Peintures antiques et inédites de vases grecs tirées de diverses collections, Rome.

Pasquier A., Martinez J.-L. (dir.), 2007, Praxitèle, Musée du Louvre/Somogy, Paris.

Piva C., 2007, Restituire l’antichità. Il laboratorio di restauro della scultura antica del Museo Pio-Clementino, Edizioni Quasar, Rome.

Polignac F. de, 1998, « L’Antiquité, prétexte ou modèle ? L’invention des “filles de Lycomède” » dans La fascination de l’antique. 1700-1770. Rome découverte, Rome inventée, cat. exp. Lyon, Musée de la civilisation gallo-romaine, Somogy, p. 70-71.

Poulot D., 2012, « La restauration, au contraire de l’histoire », dans N. Etienne, L. Hénaut (dir.), L’histoire à l’atelier. Restaurer les œuvres d’art (xviiie-xxie siècles), Presses universitaires de Lyon, 2012, p. 23-38.

Technè, 2010, « Une perfection dangereuse ». La restauration des vases grecs, de Naples à Paris, xviiie-xix siècles, Technè n° 32, sous la dir. de B. Bourgeois, assistée de F. Matz.

Toscano G., 2008, « L’enseignement d’Aubin-Louis Millin (1759-1818) : l’histoire de la restauration des peintures », Patrimoines. Revue de l’Institut national du patrimoine, 4, p. 28-39.

Winckelmann J. J., [1764], 2005, Histoire de l’art dans l’Antiquité, trad. de D. Tassel, introduction et notes de D. Gallo, Librairie Générale Française, Le Livre de Poche, Paris.

Haut de page

Notes

1 Selon les termes du code d’ECCO en 2003 : www.ecco-eu.org/documents/ecco-documentation ou www.ffcr.fr/files/pdf . Sur le dernier article de la Charte de Venise, voir www.icomos.org/charters/venice_f.pdf.

2 Leveau, 2012.

3 Sur ce thème, voir Thérapéia. Polychromie et restauration de la sculpture dans l’Antiquité, Technè n° 40, 2014. Sur l’étymologie latine de documentum, « ce qui sert à instruire », Bergeon Langle, Brunel, 2014, article Document, p. 144-145.

4 Ainsi des actes des Journées d’études organisées en 2010 (ARAAFU, Conservation-restauration des biens culturels, cahier technique 2012), ou de la récente publication d’une norme AFNOR, Conservation des biens culturels et du patrimoine, vol. 1, Décembre 2014, norme Z 47-212, Information et documentation – Une ontologie de référence pour l’échange d’informations du patrimoine culturel, AFNOR Editions, La Plaine Saint-Denis, 2015.

5 Au nombre des causes de notre ignorance, il faut compter la perte de documents précieux (ainsi de l’état des réparations remis par le peintre Lagrenée le Jeune à l’administration du Musée central des arts en 1802, alors qu’il venait de restaurer des grands vases peints saisis au Vatican, voir F. Matz, « Jean-Jacques Lagrenée (1739-1821) et le vase grec », Technè n° 27-28, 2008, p. 50).

6 Dans Apologie pour l’histoire ou métier d’historien, Armand Colin, Paris, 2009, p.77.

7 Voir dernièrement Étienne, 2012.

8 Voir les travaux de Paola d’Alconzo, Gabriella Prisco et Andrea Milanese pour ces questions.

9 Haskell et Penny, 1989. Sur les difficultés d’interprétation de ces documents, « susceptibles d’incorporer des ajouts fantaisistes, voire des dommages imaginaires », id. p. 31-36.

10 Sur le dessin du Gladiateur Borghèse, cat. exp. D’après l’antique, Louvre, RMN, 2000, n° 109, p. 280 (notice d’A. Pasquier). Pour la Vénus d’Arles, voir Bourgeois, 1994 et Pasquier Martinez, 2007, p. 158.

11 Liebenwein, 1981.

12 Conservés à la Bibliothèque nationale de France, Cabinet des Estampes, Fb 19 p.f., plume avec lavis brun-rouge entre 2 filets dorés. 38 x 22 cm.

13 La mention inscrite sur la couverture du volume précise bien : « DISSEGNI di cinque Statue Egizzie […] delineate nel modo che si ritrovauano prima, e doppo il risarcimento fatto dal Francesco Moratti Scultore Padovano. »

14 Voir l’analyse de Marie-Amélie Bernard relative au domaine des vases grecs dans ce volume.

15 Bruer, Kunze, 1996.

16 Winckelmann [2005], p. 57, et notes de D. Gallo, p. 620-622.

17 Dans une lettre écrite vers 1755-1757, citée dans Piva 2007, p. 51.

18 Sur cette nouvelle « distanciation herméneutique » et l’insertion de l’œuvre d’art qui en résulte dans un nouveau « contexte substitutif », Griener, 2010, notamment p. 87 et suivantes.

19 Heyne, 1779. Kunze, 2003.

20 Kunze, 2003, p. 156.

21 Voir l’article de Martin Scewczyk dans ce volume.

22 Le terme désignant alors celui qui s’adonne à l’étude de l’antique, voir le Dictionnaire des beaux-arts de Millin, s.v. Archaeologie.

23 Becker, 1804, p. VII.

24 Levezow, 1804. Fendt, 2012, de Polignac, 1998, p. 70.

25 Hurley, 2013. Toscano, 2008.

26 Millin, 1806, s.v. Statue : la publication d’une statue doit comprendre la description matérielle (examen du marbre, dimensions, description de l’attitude, « dans quel jour elle doit être placée », désignation des parties restaurées) ; analyse du style, du sujet représenté, de sa date de création, en déterminant s’il s’agit d’un original ou d’une copie, suivie d’une étude comparative ; enfin, l’histoire moderne de l’œuvre (« histoire littéraire » dans le cas où elle a déjà été publiée, « temps de sa découverte », historique des collections auxquelles elle a appartenu, lieu de conservation actuel).

27 Millin, 1806, III, s.v. Restaurer, p. 433.

28 Il s’agit de la Raccolta d’antiche statue, busti, bassirilievi ed altre sculture : restaurate da Bartolomeo Cavaceppi, scultore romano, 3 vol., Rome, 1768-1772.

29 Millin, 1806, III, p. 434.

30 Dans l’exemplaire de la troisième édition de son ouvrage, autrefois à Cassel et maintenant disparue, Cavaceppi avait indiqué de sa propre main ces zones d’ajouts, voir Fendt, 2012, p. 50. Kreikenbom, 1999.

31 Martinez, 2004, p. 139-141, n° 227-236.

32 Sur Visconti et la restauration des antiques, Gallo, 1991, et Piva, 2007, p. 86 (« critique oculaire »).

33 Sur l’étude critique de l’ouvrage, voir la notice « Clarac » de Ph. Jockey dans la ressource en ligne de l’INHA, Dictionnaire critique des historiens de l’art actifs en France de la Révolution à la Première Guerre mondiale, sous la dir. de Ph. Sénéchal et C. Barbillon, (mise à jour 26 janvier 2009).

34 Voir Boquien, 2013, pour un autre exemple illustré dans un précédent volume de Technè (stèle funéraire attique restaurée par Bernard Lange au début du xixe siècle).

35 Clarac, tome III, pl. 345, n° 1417.

36 « La tête rapportée avec intelligence », le nez, les bras, la jambe et une partie de la cuisse gauche, les doigts de pied droit.

37 Clarac, tome I, 1826, p. XXVIII.

38 Keller, 2012. Dissertation de Meyer : “Ueber Restauration von Kunstwerken”, Propyläen. Eine periodische Schrift. Herausgegeben von [Johann Wolfgang] Goethe, II, 1 [1799], p. 92-123.

39 Voir Technè, 2010.

40 Le Bars-Tosi, 2011.

41 Millingen, 1813, § XII.

42 Millingen, 1813. Et voir les contributions réunies dans Technè n° 32, 2010.

43 Il s’agit donc ici d’une forme de visibilité différente de la « visibilité censée idéale » de l’œuvre restaurée dont parle D. Poulot, 2012, p. 29.

44 Selon les termes du rapport du colonel Humbert, agent du musée de Leyde dépêché dans le royaume de Naples pour acheter des vases dans les années 1830, voir Milanese, 2007, 2010. Sur des cas de mezzo restauro, voir aussi Bourgeois, 2010, Bernard, 2013, p. 213-217.

Haut de page

Table des illustrations

Titre Fig. 1. Francesco Moratti, dessin de la reine Touya avant restauration, avant 1714, Bibliothèque nationale de France, Cabinet des estampes
Crédits © Bibliothèque nationale de France.
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/techne/docannexe/image/6436/img-1.jpg
Fichier image/jpeg, 1,2M
Titre Fig. 2. Francesco Moratti, dessin de la reine Touya, après restauration. Bibliothèque nationale de France, Cabinet des estampes
Crédits © Bibliothèque nationale de France.
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/techne/docannexe/image/6436/img-2.jpg
Fichier image/jpeg, 1,3M
Titre Fig. 3. Statue d’Aphrodite accroupie, copie romaine d’après un original grec, marbre, H. 77 cm, Louvre (inv. Ma 53)
Crédits © C2RMF/ Jean-Michel Routhier.
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/techne/docannexe/image/6436/img-3.jpg
Fichier image/jpeg, 1,2M
Titre Fig. 4. Gravure de la statue reproduite dans Clarac, Musée de sculpture antique et moderne, tome III, planches, pl. 345, n° 1417
Crédits © INHA, Dist. RMN-Grand Palais/Image INHA.
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/techne/docannexe/image/6436/img-4.jpg
Fichier image/jpeg, 236k
Titre Fig. 5. James Millingen, Peintures de vases antiques et inédites…, 1813, gravure de la planche 49 : combat d’Achille et de Penthésilée
Crédits © INHA, Dist. RMN-Grand Palais/Image INHA.
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/techne/docannexe/image/6436/img-5.jpg
Fichier image/jpeg, 504k
Titre Fig. 6. Cratère en calice du Peintre d’Altamura, Louvre (inv. G 342), état dérestauré
Crédits © D.R.
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/techne/docannexe/image/6436/img-6.jpg
Fichier image/jpeg, 1,3M
Haut de page

Pour citer cet article

Référence papier

Brigitte Bourgeois, « « Instruire par les yeux. » Une documentation graphique précoce dans le domaine des antiques (xviiie-xixe siècles) »Technè, 42 | 2015, 4-15.

Référence électronique

Brigitte Bourgeois, « « Instruire par les yeux. » Une documentation graphique précoce dans le domaine des antiques (xviiie-xixe siècles) »Technè [En ligne], 42 | 2015, mis en ligne le 01 décembre 2015, consulté le 03 décembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/techne/6436 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/techne.6436

Haut de page

Auteur

Brigitte Bourgeois

Conservateur en chef, chargée de mission sur l’histoire de la restauration, C2RMF (brigitte.bourgeois[at]culture.gouv.fr).

Articles du même auteur

Haut de page

Droits d’auteur

CC-BY-NC-ND-4.0

Le texte seul est utilisable sous licence CC BY-NC-ND 4.0. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.

Haut de page
Rechercher dans OpenEdition Search

Vous allez être redirigé vers OpenEdition Search