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II · Les ateliers

Jean-Pierre Hoccreau et François Renaud, premiers restaurateurs et monteurs de dessins des collections nationales

Jean-Pierre Hoccreau and François Renaud, first drawings restorers and mounters for French national collections
Natalie Coural et Laëtitia Desserrières
p. 47-52

Résumés

Dès l’ouverture du musée du Louvre en 1793, l’exposition des dessins est l’occasion pour les responsables des collections d’organiser des opérations de montage et d’encadrement des œuvres sur papier. Si l’on sait que Jean-Pierre Hoccreau (vers 1753-1801) et François Renaud (1750 ?-1825 ?) savaient « raccomoder » les dessins et les estampes, ce sont leurs talents de « colleurs » qui ont retenu l’attention de l’administration du musée. Les données des archives, confrontées aux timbres apposés sur les œuvres dans le cas de François Renaud, permettent aujourd’hui d’appréhender de manière plus précise l’activité des deux premiers restaurateurs et monteurs de dessins employés par le musée du Louvre, ainsi que les décisions prises par les responsables du musée en matière de présentation et de conservation du fonds d’art graphique.

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Texte intégral

  • 1 Coural, Gerin-Pierre, 2008.

1Dans le précédent numéro de Technè consacré à l’histoire de la restauration, nous nous sommes penchées sur la polémique provoquée par la restauration du carton de Raphaël, l’École d’Athènes, arrivé en France en 1797 et restauré conjointement par Jean-Pierre Hoccreau et le peintre Pierre Bouillon (1776 -1831) pour être exposé dans la galerie d’Apollon en 18011. Il est aujourd’hui possible de présenter de nouveaux éléments concernant l’activité d’Hoccreau, ainsi que l’activité de celui qui lui succèdera à l’aube du xixe siècle dans les ateliers du Louvre, François Renaud.

Jean-Pierre Hoccreau (vers 1753-1801)

  • 2 Arch. nat. F/17/1048.
  • 3 Id. Il reste à trouver des informations sur la première partie de son activité parisienne, probable (...)
  • 4 Arch. nat. F/17/1281.

2Les premières données concernant Hoccreau apparaissent dans les procès-verbaux de la Commission temporaire des arts, en 1794-1795 (an III) : Hoccreau fait la demande d’un emploi dans une bibliothèque ou dans un dépôt d’objets d’art « soit pour la garde des dits dépôts ou soit pour l’entretien et conservation des objets qu’il renferme »2. Peu d’éléments concernant sa formation sont connus, excepté que « dès sa jeunesse il a toujours travailler [sic] avec les artistes, en peinture, architecte et graveur, ce qui lui a donné le talent de blanchir, nettoyer et raccommoder les estampes telles défectueuses qu’elles soient ; de coller les desseins, les plans et cartes de géographie sur toile et sur carton de les encadrer [...] »3. Si ses talents sont reconnus par la Commission comme l’attestent plusieurs rapports soulignant ses compétences après une mise à l’essai, et malgré l’intention de cette Commission de l’« employer le plus promptement possible à la restauration des estampes de la bibliothèque nationale »4, il ne semble plus être fait mention de lui dans les sources avant l’an V (1797).

  • 5 Propeck, 1988, p. 27, note 27.
  • 6 AMN, O31 167 et Sérullaz, Propeck, Beauvais, Cantarel-Besson, 1988, p. 27, note 27.
  • 7 Voir Sérullaz, Propeck, Beauvais, Cantarel-Besson, 1988.
  • 8 Il y avait déjà des ateliers de rentoilage et de couche picturale, installés au Louvre, au pavillon (...)
  • 9 Milan, Pinacoteca Ambrosiana, inv. 126.
  • 10 Arch. nat. F/4/2570. Paiement de 93,42 francs à Hoccreau pour les travaux des mois de floréal et pr (...)

3Cette année-là, il entre dans les ateliers de restauration du musée central des Arts, le 25 mars 1797 (5 germinal an V)5, présenté par l’administrateur du musée Léon-Dufourny (1754-1818), sur une recommandation du conservateur du musée des Monuments français Alexandre Lenoir (1761-1839)6, comme « colleur de desseins pour l’administration du musée central des arts au Louvre », Hoccreau intervient régulièrement sur les dessins entre 1797 et 1801, sous la direction du conservateur responsable de cette collection, Morel d’Arleux (1755-1827). Il est notamment chargé des montages des œuvres montrées lors de la première exposition de dessins du musée dans la galerie d’Apollon en 1797 (an V)7. Son activité au musée comprend la restauration, à savoir surtout « le collage », semble-t-il, et le montage des dessins, ainsi que leur encadrement ; un atelier est mis à sa disposition à l’intérieur du musée8. Son nom est également associé à la restauration du carton de L’École d’Athènes de Raphaël9, saisi en Italie et transféré au Louvre, qu’il décolle de sa toile de marouflage, recolle sur une nouvelle toile et monte sur châssis en 1797. Sa dernière intervention au Louvre a porté sur les dessins destinés à être exposés dans la galerie d’Apollon lors de l’accrochage de 1802 (an X)10.

  • 11 AP, DQ8 14. Quelques adresses sont connues, à Paris : rue de Lille, n° 654 (entre 1773 et 1795) ; r (...)
  • 12 AMN, CG 00, An X, 3e trimestre et Arch. nat. F/4/2571.

4Hoccreau décède à Paris le 22 décembre 1801 (1er nivôse an X)11, juste avant l’ouverture de l’exposition, laissant au musée son matériel ; sa veuve, Thérèse Félicité Moureau, est dédommagée de 22 francs pour « sept tables propres au collage des dessins »12.

  • 13 Julier, Propeck, 2009 ; voir la description de ces montages p. 74 et p. 76.

5Les travaux de Lina Propeck ont permis d’identifier le type de montage mis au point par Hoccreau pour le Muséum, montage bleu dans la tradition de ceux de la collection royale depuis Antoine Coypel (1661-1722), garde des dessins de 1710 à 172213. Certains des dessins exposés dans la galerie d’Apollon l’an V conservent le montage réalisé par Hoccreau et nous laissent un témoignage du travail du monteur (fig. 1 et 2).

  • 14 AMN, MM, an IX.
  • 15 Propeck, 1988, p. 27, note 27 (signalons la cote Arch. nat. F/4/2570, comptabilité, an VI). Pour l’(...)
  • 16 Il semblerait que de nouvelles réflexions soient menées dans le domaine des ouvrages sur papier en (...)

6Longtemps désigné dans les documents comme « réparateur d’estampes », puis « colleur de desseins », il portera en 1800 le titre de « restaurateur de dessins » dans plusieurs pièces comptables14. De ces quelques documents se dégage l’impression d’une personnalité forte, bien en accord avec l’importance que l’on donne alors aux dessins dans le nouveau musée : il peut traiter le tout-venant, s’intégrer à la nouvelle politique du Muséum, concevoir des montages unifiés en se montrant, comme il était alors de ton, soucieux de conservation et d’inventaire ; il peut enfin aborder la restauration de dessins de grand format avec un souci de déontologie et un talent qui paraissent encore aujourd’hui exemplaires. Il semble capable de mener des opérations de mise au ton sur le papier, puisqu’il « aurait raccordé avec de la couleur » des cartons de Jules Romain et des dessins de Carrache15. On doit peut-être le considérer comme le premier restaurateur de papier au sens moderne du terme. Il reste à trouver des informations sur son activité de jeunesse et sur la période précédant son entrée au Muséum, pendant laquelle il travailla peut-être pour la Bibliothèque nationale16.

Fig. 1. Giovanni Lanfranco (1582-1647), Projet de décoration murale : le pape donnant la bénédiction, plume et encre brune, lavis brun, rehauts d’or, gouache blanche sur papier brun, H. 33,7 ; L. 86 cm. Paris, musée du Louvre, DAG, Inv. 6345

Fig. 1. Giovanni Lanfranco (1582-1647), Projet de décoration murale : le pape donnant la bénédiction, plume et encre brune, lavis brun, rehauts d’or, gouache blanche sur papier brun, H. 33,7 ; L. 86 cm. Paris, musée du Louvre, DAG, Inv. 6345

© RMN.

Fig. 2. Adam Frans Van der Meulen (1632-1690), Défaite de l’armée espagnole près du canal de Bruges, 31 août 1667, pierre noire, lavis gris sur papier beige, H. 45,2 ; L. 78 cm. Paris, musée du Louvre, DAG, Inv. 20059

Fig. 2. Adam Frans Van der Meulen (1632-1690), Défaite de l’armée espagnole près du canal de Bruges, 31 août 1667, pierre noire, lavis gris sur papier beige, H. 45,2 ; L. 78 cm. Paris, musée du Louvre, DAG, Inv. 20059

© RMN.

François Renaud (1750 ?-1825 ?)17

  • 17 AP, V3E/D 1271.
  • 18 Voir p. 214. À cette époque, il habite rue Feydeau, chez M. de Varenchan, fermier général.

7Nous nous sommes tout naturellement intéressées à François Renaud, qui semble prendre la suite d’Hoccreau au Muséum dès 1801-1802. François Renaud ne devait pas être un inconnu au début du xixe siècle, car, près de trente ans auparavant, en 1776, il était mentionné pour la première fois à Paris dans l’Almanach historique et raisonné des architectes, peintres, sculpteurs, graveurs et ciseleurs dans la catégorie des « blanchisseurs, colleurs et raccommodeurs d’estampes », aux côtés de Jean-Baptiste Glomy (vers 1711-1786) et de Portier de La Jeunesse18. Il semble lui aussi mener une activité à la fois de monteur et de « raccomodeur », comme le rapporte l’auteur qui précise que Renaud « ajuste les dessins à filets d’or, lave, blanchit & raccommode très-adroitement les Estampes ». Nous ignorons cependant tout de sa formation.

  • 19 Lavallée, 1923, p. 310-311. Nicolas Bertin, Homme assis, le bras gauche levé, 1721, Paris, ENSBA, i (...)

8Peu d’éléments concernant ses interventions sur les dessins eux-mêmes sont connus. Une indication précieuse au revers d’une Académie à la pierre noire réalisée par Nicolas Bertin (1667-1736), et aujourd’hui conservée à l’École nationale supérieure des beaux-arts à Paris, mentionne cependant : « Cette académie a été enlevez de desur penture et recoler sur papier par francos Renaut en 1783 et il prévient qu’elle ne peut plus ce décoler »19 (fig. 3 et 4). Si l’on en croit la mention, il s’agirait d’une sorte de transposition.

Fig. 3. Nicolas Bertin, Homme assis, le bras gauche levé, 1721, pierre noire, rehauts de craie blanche sur papier gris, H. 49 ; L. 36 cm. Paris, ENSBA, inv. EBA 2744

Fig. 3. Nicolas Bertin, Homme assis, le bras gauche levé, 1721, pierre noire, rehauts de craie blanche sur papier gris, H. 49 ; L. 36 cm. Paris, ENSBA, inv. EBA 2744

© ENSBA.

Fig. 4. Nicolas Bertin, Homme assis, le bras gauche levé, verso avec mention de la restauration de François Renaud. Paris, ENSBA, inv. EBA 2744

Fig. 4. Nicolas Bertin, Homme assis, le bras gauche levé, verso avec mention de la restauration de François Renaud. Paris, ENSBA, inv. EBA 2744

© ENSBA.

  • 20 Lugt, 2010, version en ligne : [http://marquesdecollections.fr], consultée le 2 août 2010.
  • 21 Paris, ENSBA, inv. EBA 2889 et EBA 2890.
  • 22 Paris, ENSBA, inv. EBA 2777 et EBA 2779.
  • 23 Paris, musée du Louvre, DAG, Inv. 23904.

9Par ailleurs, des interventions de montage sont documentées aujourd’hui grâce à son timbre apposé à sec, dans le coin inférieur droit, sur le recto des dessins ou du montage, et représentant ses initiales : « FR » (L. 1042)20. Ainsi il est présent sur plusieurs études provenant des collections royales. Ces œuvres, conservées à l’École nationale supérieure des beaux-arts, présentent toutes un type de montage similaire : dessin collé en plein sur une feuille de papier épais beige, papier bleu collé sur le pourtour de la feuille de montage, un filet noir est tracé autour du dessin, suivi d’une bande blanche, un liseré noir large et un plus fin sur le papier bleu. Quelques variantes se retrouvent au niveau des liserés noirs mais, dans l’ensemble, ces montages présentent des caractéristiques proches, comme le montrent l’Académie d’homme couché renversant la tête et l’Académie d’homme à demi-couché, s’appuyant sur une pierre de Louis-Jacques Durameau (1733-1796)21, ainsi que l’Homme assis, les bras croisés et l’Étude d’homme assis de face de François Boucher (1703 - 1770)22. Un même montage, accompagné du timbre du monteur apposé sur le dessin, se retrouve sur une académie d’Edme Bouchardon (1698 -1762) du musée du Louvre : Figure nue, assise, vue de dos, le bras gauche levé23.

  • 24 Sur Pâris, voir cat. exp. Besançon, 2008. Citons, par exemple, de Fragonard : inv. D. 2864 et D. 28 (...)
  • 25 Par exemple : Inv. D. 27, D. 50, D. 66, D. 107 ou D. 106. Voir Cayeux, 1985.
  • 26 Voir notamment un Homme assis au tricorne, inv. MA 83.
  • 27 Putti et colombes de François Boucher, inv. 624.82. Le timbre est apposé sur la bande blanche du mo (...)
  • 28 Nous avons dénombré soixante-treize dessins de cette collection portant le timbre du monteur.
  • 29 Arquié-Bruley, Labbé, Bicart-Sée, 1987, p. 132. Voir par exemple, les dessins du musée du Louvre, I (...)

10Grâce à ce timbre, l’activité de monteur de Renaud semble mieux connue, malgré les difficultés à établir une typologie précise de ses montages. En effet, il semblerait qu’il se soit fait un nom parmi les grands collectionneurs de son époque. Ainsi, le timbre se retrouve sur des dessins de Jean-Honoré Fragonard (1732-1806) du musée des Beaux-Arts et d’Archéologie de Besançon et de la bibliothèque municipale, provenant de la collection Pierre-Adrien Pâris (1745-1819)24 (fig. 5 et 5bis). Le même timbre est apposé sur des dessins d’Hubert Robert (1733-1808) du musée de Valence provenant de la collection de Julien-Victor Veyrenc (1755-1837)25, de Fragonard au musée Atger à Montpellier26, sur d’autres dessins conservés au musée Calvet en Avignon27, ou encore sur quelques dessins de la collection Saint-Morys conservés au département des Arts graphiques du musée du Louvre28. Renaud a-t-il travaillé pour Saint-Morys ou pour des collectionneurs avant l’achat des dessins par Saint-Morys ? Nous pouvons supposer qu’il a pu travailler pour le marquis de Gouvernet dont une partie de la collection est achetée par Saint-Morys en 1775 et dont les dessins présentent un montage spécifique souvent accompagnés du timbre « FR », donnant ainsi une idée d’un des types de montage de François Renaud : le dessin est placé sur un fond blanc, entouré d’une bande de couleur lavée (verte, rose, beige), d’un filet doré et d’un encadrement tracé à l’encre de Chine29.

Fig. 5. Jean Honoré Fragonard, Tête de jeune fille avec bonnet, Besançon, musée des Beaux-Arts et d’Archéologie, inv. D. 2937. Pierre noire, rehauts de craie blanche et de pastel bleu et rose, sur papier. H. 20,4 ; L. 17,7 cm (ovale irrégulier)

Fig. 5. Jean Honoré Fragonard, Tête de jeune fille avec bonnet, Besançon, musée des Beaux-Arts et d’Archéologie, inv. D. 2937. Pierre noire, rehauts de craie blanche et de pastel bleu et rose, sur papier. H. 20,4 ; L. 17,7 cm (ovale irrégulier)

Le timbre du monteur François Renaud se trouve sur le montage, en bas, à droite.

© RMN/Agence Bulloz.

Fig. 5bis. Détail du timbre

Fig. 5bis. Détail du timbre
  • 30 AMN, CG 00, an X, 4e trimestre.
  • 31 AMN, MM an XI, 27 vendémiaire.
  • 32 AMN, CG 00, an X, 4e trimestre.

11Renaud travaille au montage de dessins au musée du Louvre à l’époque où Louis-Marie-Joseph Morel d’Arleux est conservateur des dessins et de la chalcographie. Son premier travail apparaît dans la comptabilité de la chalcographie, le 20 juillet 1802 (1er thermidor an X) où François Renaud est payé 126,25 francs « pour collages des dessins en passe partout dans la galerie d’Apollon »30, puis le 19 octobre 1802 (27 vendémiaire an XI) : « 6 jours employés au colage [sic] des cartons à l’usage de la Calcographie [sic] à raison de 4 francs par jour et un franc de colle. »31 Renaud semble ainsi prendre, à partir de 1802, la suite d’Hoccreau, décédé en 1801, comme colleur du musée, et achève le travail commencé par son prédécesseur pour le renouvellement de l’exposition des dessins dans la galerie d’Apollon en 1802 en conservant un même type de montage bleu à bande dorée, comme le montre l’état des dépenses de l’an X (1802), dans lequel un montant de 25 francs est destiné aux « menues dépenses relatives au collage des dessins, papier doré, papier bleu &c »32.

  • 33 Propeck, 1999, p. 213.
  • 34 Lina Propeck (1999, note 111, p. 213) évoque deux montages très proches, l’un sur papier cartonné b (...)
  • 35 AMN, CG 00, 1816-1840.
  • 36 Paris, musée du Louvre, DAG, Inv. 30974, 30975, 30976 et 30977. Les deux derniers dessins de la sér (...)
  • 37 Béziers, musée des Beaux-Arts (inv. 1366-69410) et France, collection particulière. Nous remercions (...)

12Il est possible, selon Lina Propeck33, que Renaud soit associé à la campagne de montage des dessins de la chalcographie impériale du Louvre et qu’il réalise alors un montage « sans bande dorée et traits d’encre noire »34. L’activité de François Renaud au musée du Louvre reste difficile à cerner dans la mesure où il ne semble plus apposer son timbre sur les dessins qu’il monte pour le musée. De plus, il n’apparaît que ponctuellement dans la comptabilité du musée. Ainsi, nous perdons sa trace pour les années 1803 à 1805. En 1806, il est payé une journée de travail, effectuée le 4 septembre, « pour avoir encadré six dessins pour l’Arc de triomphe du Carrousel »35. Il s’agit probablement des six dessins commandés à Charles Meynier (1763-1832), pour les grands bas-reliefs de l’arc. Toutefois, les montages de ces dessins ont été arrachés, laissant apparaître seulement des traces de papier bleu ; ces dessins ne présentent pas le timbre du monteur36. Deux autres dessins du même artiste, restés dans l’atelier, se rapportant à des plafonds du Louvre portent eux la marque « FR » sur le montage : Étude pour la figure de la Terre (1802-1803) et Allégorie de la naissance du Roi de Rome (1814)37, laissant penser que le monteur timbre les œuvres des particuliers, non celles de l’administration.

  • 38 AMN, MM 1811 et Julier, Propeck, 2009, p. 80, note 29.
  • 39 Paris, musée du Louvre, DAG, INV. 23908 et 23908 bis.

13Un paiement se retrouve en 1811, probablement pour le renouvellement de l’exposition de la galerie d’Apollon38 : il reçoit 75,90 francs pour avoir « collé » des dessins. Il réalise alors un montage bleu, soigné, à l’exemple des deux dessins de Bouchardon39 (fig. 6). Il est cependant surprenant de ne pas trouver son nom cité en 1817, année où s’est de nouveau tenue une exposition de dessins dans la galerie d’Apollon ; François Renaud disparaît alors des comptes du musée.

Fig. 6. Edme Bouchardon, Quatre des principaux chefs des Francs rédigent la loi salique, sanguine sur papier, H. 9,7 ; L. 21,1 cm, Paris, musée du Louvre, DAG, Inv. 23908 et Le Pape Étienne III donnant l’onction royale à Pépin le Bref et sa famille, sanguine sur papier, H. 9,7 ; L. 20,8 cm, Paris, musée du Louvre, DAG, Inv. 23908 bis

Fig. 6. Edme Bouchardon, Quatre des principaux chefs des Francs rédigent la loi salique, sanguine sur papier, H. 9,7 ; L. 21,1 cm, Paris, musée du Louvre, DAG, Inv. 23908 et Le Pape Étienne III donnant l’onction royale à Pépin le Bref et sa famille, sanguine sur papier, H. 9,7 ; L. 20,8 cm, Paris, musée du Louvre, DAG, Inv. 23908 bis

© RMN.

14On assiste, avec les carrières d’Hoccreau et de Renaud, au passage d’une conception artisanale, celle de « raccomodeur et blanchisseur » de dessins ou d’estampes, à une attitude plus exigeante concernant une importante quantité de feuilles, liée à la nécessité d’exposer les œuvres pour le plus grand nombre. Ces deux grands personnalités marquent le début d’une exigence nouvelle liée à la naissance et au développement des musées.

Nous exprimons notre reconnaissance à Sophie André et Sylvain Boyer, Bérengère Chaix, Emmanuelle Brugerolles, Irène Julier, Corinne Le Bitouzé, Hélène Lorblanchet, Isabelle Mayer-Michalon, Bernadette Py, Françoise Soulier-François et Marie-Claire Waille.

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Bibliographie

Arquié-Bruley, F., Labbé, J., Bicart-See, L., 1987, La Collection Saint Morys au Cabinet des dessins du Louvre, Notes et Documents des Musées de France, Paris.

Besançon, 2008, Le Cabinet de Pierre-Adrien Pâris. Architecte, dessinateur des menus-plaisirs, cat. exp., Besançon, musée des Beaux-Arts et d’Archéologie, 14 novembre 2008-23 février 2009.

Cayeux, J. de, 1985, Les Hubert Robert de la collection Veyrenc au musée de Valence, musée de Valence.

Chappey, F., Rosenberg, P., Soulier François, F., 2001, Fragonard et le voyage en Italie, 1773-1774 : les Bergeret, une famille de mécènes, cat. exp. L’Isle-Adam, musée d’Art et d’Histoire Louis-Senlecq, 2001 ; Grasse, villa-musée Jean-Honoré Fragonard, 2002, Somogy, Paris.

Coural, N., Gerin-Pierre, C., 2008, La restauration de l’École d’Athènes de Raphaël en 1797 et la politique de conservation de l’administration du Louvre, Technè, n° 27-28, p. 113-118.

Joulie, F., Méjanès, J.-F., 2003, François Boucher hier et aujourd’hui, cat. exp., Paris, musée du Louvre, 17 octobre 2003-19 janvier 2004, RMN, Paris.

Julier, I., Propeck, L., 2009, Du roi au musée. 1671-1870 : présenter, exposer les dessins. L’exemple particulier des dessins recto verso, Support-Tracé, n° 9, p. 73-81.

Le Brun, J.-B. P., 1972 (1re éd. 1776-1777), Almanach historique et raisonné des architectes, peintres, sculpteurs, graveurs et ciseleurs. Année 1776, Minkoff Reprint, Genève.

Leclair, A., 2001, Louis-Jacques Durameau (1733-1796), Arthéna, Paris.

Mayer-Michalon, I., 2008, Charles Meynier (1763-1832), Arthéna, Paris.

Paris, 1802, Notice des dessins originaux, esquisses peintes, cartons, gouaches, pastels, émaux, miniatures, vases étrusques exposés au musée central des Arts dans la galerie d’Apollon, en Messidor de l’an X (juin-juillet 1802), impr. des sciences et arts, Paris.

Paris, 1811, Notice des dessins, des peintures, des bas-reliefs et des bronzes exposés au musée Napoléon, dans la galerie d’Apollon. Notice des tableaux anciens des trois écoles mis dans le salon d’exposition de peinture moderne en juin de l’an 1811, impr. de L.-P. Dubray, Paris.

Propeck, L., 1988, Le propos, dans L’an V. Dessins des grands maîtres, cat. exp. Paris, musée du Louvre, p. 7-30.

Propeck, L., 1999, La chalcographie impériale : des estampes aux dessins, dans Dominique Vivant-Denon, l’œil de Napoléon, cat. exp., Paris, musée du Louvre, 1999-2000, RMN, Paris, p. 205-225.

Rosenberg, P., avec la collaboration de Lebrun, C., 2006, Les Fragonard de Besançon, cat. exp. musée des Beaux-Arts et d’Archéologie de Besançon, 8 décembre 2006-2 avril 2007, 5 Continents, Milan.

Sérullaz, A., Propeck, L., Beauvais, L., Cantarel-Besson, Y., 1988, L’An V. Dessins des grands maîtres, cat. exp. Paris, musée du Louvre, 23 juin-26 septembre.

Sources

Paris, Archives des musées nationaux
AMN, O31 167.
AMN, CG 00, 1800-1815 et 1816-1840.
AMN, MM an VIII (1799-1800); an IX (1800-1801); an X (1801-1802); an XI (1802-1803); 1811.

Paris, Archives nationales
Arch. nat. F/4/2570.

Arch. nat. F/4/2571.
Arch. nat. F/17/1048. Dossier n° 7.
Arch. nat. F/17/1281. Dossier n° 11.

Paris, Archives de Paris
AP, V3E/D 1271 ; V3E/M 866.
AP, DQ8 14 : table des décès, 8e bureau.

Abréviations

AMN : Archives des musées nationaux

Arch. nat. : Archives nationales

AP : Archives de Paris

DAG : Département des Arts graphiques

ENSBA : École nationale supérieure des beaux-arts de Paris

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Notes

1 Coural, Gerin-Pierre, 2008.

2 Arch. nat. F/17/1048.

3 Id. Il reste à trouver des informations sur la première partie de son activité parisienne, probablement auprès de particuliers.

4 Arch. nat. F/17/1281.

5 Propeck, 1988, p. 27, note 27.

6 AMN, O31 167 et Sérullaz, Propeck, Beauvais, Cantarel-Besson, 1988, p. 27, note 27.

7 Voir Sérullaz, Propeck, Beauvais, Cantarel-Besson, 1988.

8 Il y avait déjà des ateliers de rentoilage et de couche picturale, installés au Louvre, au pavillon des Arts ; voir Thibault Jamois, Les ateliers de restauration de peinture au Louvre sous la Révolution, Technè, n° 27-28, 2008, p. 119-124. Concernant l’atelier d’Hoccreau au Louvre, nous renvoyons à la contribution de Lina Propeck, De l’inventaire Morel d’Arleux au livre des entrées, dans Histoire du Palais du Louvre, sous la dir. de Bresc G., Fonkenell G. et al. [à paraître], cf. Julier, Propeck, 2009, note 28, p. 80.

9 Milan, Pinacoteca Ambrosiana, inv. 126.

10 Arch. nat. F/4/2570. Paiement de 93,42 francs à Hoccreau pour les travaux des mois de floréal et prairial an IX (avril-juin 1801). Il s’agit de la dernière mention du restaurateur dans les comptes du musée.

11 AP, DQ8 14. Quelques adresses sont connues, à Paris : rue de Lille, n° 654 (entre 1773 et 1795) ; rue des Boucheries-Saint-Germain, division du Luxembourg n° 10 en 1797 ; et rue de la Traversière n° 809, au moment de son décès.

12 AMN, CG 00, An X, 3e trimestre et Arch. nat. F/4/2571.

13 Julier, Propeck, 2009 ; voir la description de ces montages p. 74 et p. 76.

14 AMN, MM, an IX.

15 Propeck, 1988, p. 27, note 27 (signalons la cote Arch. nat. F/4/2570, comptabilité, an VI). Pour l’École d’Athènes, il cherche à « raccorder le ton du papier des lacunes avec celui du papier des dessins » (cf. Coural, Gerin-Pierre, 2008, p. 116).

16 Il semblerait que de nouvelles réflexions soient menées dans le domaine des ouvrages sur papier en 1800, comme le montre un Rapport sur les travaux des Cen Vialard et Heudier pour la restauration des Livres, des Estampes, des Cartes, etc. présenté à l’Institut national des sciences et arts lors de la séance du 11 pluviôse an VIII de la République (31 janvier 1800), Paris, imprimerie Charles Pougens, an VIII (1800). En effet, l’Institut envoie cinq commissaires dans l’atelier de Vialard et Heudier, « chargés de suivre ces procédés, ainsi que les principes de toutes ces manipulations ; et enfin, de l’assurer de la bonté et de la solidité des résultats ». À l’issue de la séance, il est envisagé de créer des postes de restaurateurs de livres dans les bibliothèques.

17 AP, V3E/D 1271.

18 Voir p. 214. À cette époque, il habite rue Feydeau, chez M. de Varenchan, fermier général.

19 Lavallée, 1923, p. 310-311. Nicolas Bertin, Homme assis, le bras gauche levé, 1721, Paris, ENSBA, inv. EBA 2744.

20 Lugt, 2010, version en ligne : [http://marquesdecollections.fr], consultée le 2 août 2010.

21 Paris, ENSBA, inv. EBA 2889 et EBA 2890.

22 Paris, ENSBA, inv. EBA 2777 et EBA 2779.

23 Paris, musée du Louvre, DAG, Inv. 23904.

24 Sur Pâris, voir cat. exp. Besançon, 2008. Citons, par exemple, de Fragonard : inv. D. 2864 et D. 2865, ou encore, de Durameau : inv. D. 2833 et D. 2889.

25 Par exemple : Inv. D. 27, D. 50, D. 66, D. 107 ou D. 106. Voir Cayeux, 1985.

26 Voir notamment un Homme assis au tricorne, inv. MA 83.

27 Putti et colombes de François Boucher, inv. 624.82. Le timbre est apposé sur la bande blanche du montage, dans l’angle inférieur droit. Voir Joulie, Méjanès, 2003, p. 22, n° 6.

28 Nous avons dénombré soixante-treize dessins de cette collection portant le timbre du monteur.

29 Arquié-Bruley, Labbé, Bicart-Sée, 1987, p. 132. Voir par exemple, les dessins du musée du Louvre, Inv. 6019 ; 18778 ; 12455 ; 10073 ; 9774 ; 8225.

30 AMN, CG 00, an X, 4e trimestre.

31 AMN, MM an XI, 27 vendémiaire.

32 AMN, CG 00, an X, 4e trimestre.

33 Propeck, 1999, p. 213.

34 Lina Propeck (1999, note 111, p. 213) évoque deux montages très proches, l’un sur papier cartonné bleu à bande dorée qu’elle attribue à Hoccreau et un second, sans bordure dorée mais avec des traits à l’encre noire, « peut-être effectué par François, intervenant à dater du 15 juin 1802 (26 prairial an X) (AMN, *1BB6, fol. 43). Mais plus sûrement par Renaut ». La comptabilité des archives des musées nationaux précise que François est « compagnon menuisier », employé pour fabriquer des châssis. François et Renaut sont donc deux personnes différentes et François ne semble pas être intervenu sur le montage des dessins.

35 AMN, CG 00, 1816-1840.

36 Paris, musée du Louvre, DAG, Inv. 30974, 30975, 30976 et 30977. Les deux derniers dessins de la série, (Inv. 30978 et 30979), ne présentent plus aucune trace de montage. Mayer-Michalon, 2001, D. 58 à D. 63, p. 199-201.

37 Béziers, musée des Beaux-Arts (inv. 1366-69410) et France, collection particulière. Nous remercions Isabelle Mayer-Michalon de nous avoir signalé ces deux œuvres. Voir Mayer-Michalon, 2008, D. 48, p. 191 et D. 97, p. 211.

38 AMN, MM 1811 et Julier, Propeck, 2009, p. 80, note 29.

39 Paris, musée du Louvre, DAG, INV. 23908 et 23908 bis.

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Table des illustrations

Titre Fig. 1. Giovanni Lanfranco (1582-1647), Projet de décoration murale : le pape donnant la bénédiction, plume et encre brune, lavis brun, rehauts d’or, gouache blanche sur papier brun, H. 33,7 ; L. 86 cm. Paris, musée du Louvre, DAG, Inv. 6345
Crédits © RMN.
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/techne/docannexe/image/20550/img-1.jpg
Fichier image/jpeg, 404k
Titre Fig. 2. Adam Frans Van der Meulen (1632-1690), Défaite de l’armée espagnole près du canal de Bruges, 31 août 1667, pierre noire, lavis gris sur papier beige, H. 45,2 ; L. 78 cm. Paris, musée du Louvre, DAG, Inv. 20059
Crédits © RMN.
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/techne/docannexe/image/20550/img-2.jpg
Fichier image/jpeg, 536k
Titre Fig. 3. Nicolas Bertin, Homme assis, le bras gauche levé, 1721, pierre noire, rehauts de craie blanche sur papier gris, H. 49 ; L. 36 cm. Paris, ENSBA, inv. EBA 2744
Crédits © ENSBA.
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/techne/docannexe/image/20550/img-3.jpg
Fichier image/jpeg, 248k
Titre Fig. 4. Nicolas Bertin, Homme assis, le bras gauche levé, verso avec mention de la restauration de François Renaud. Paris, ENSBA, inv. EBA 2744
Crédits © ENSBA.
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/techne/docannexe/image/20550/img-4.jpg
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Titre Fig. 5. Jean Honoré Fragonard, Tête de jeune fille avec bonnet, Besançon, musée des Beaux-Arts et d’Archéologie, inv. D. 2937. Pierre noire, rehauts de craie blanche et de pastel bleu et rose, sur papier. H. 20,4 ; L. 17,7 cm (ovale irrégulier)
Légende Le timbre du monteur François Renaud se trouve sur le montage, en bas, à droite.
Crédits © RMN/Agence Bulloz.
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/techne/docannexe/image/20550/img-5.jpg
Fichier image/jpeg, 456k
Titre Fig. 5bis. Détail du timbre
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/techne/docannexe/image/20550/img-6.jpg
Fichier image/jpeg, 196k
Titre Fig. 6. Edme Bouchardon, Quatre des principaux chefs des Francs rédigent la loi salique, sanguine sur papier, H. 9,7 ; L. 21,1 cm, Paris, musée du Louvre, DAG, Inv. 23908 et Le Pape Étienne III donnant l’onction royale à Pépin le Bref et sa famille, sanguine sur papier, H. 9,7 ; L. 20,8 cm, Paris, musée du Louvre, DAG, Inv. 23908 bis
Crédits © RMN.
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Pour citer cet article

Référence papier

Natalie Coural et Laëtitia Desserrières, « Jean-Pierre Hoccreau et François Renaud, premiers restaurateurs et monteurs de dessins des collections nationales »Technè, 33 | 2011, 47-52.

Référence électronique

Natalie Coural et Laëtitia Desserrières, « Jean-Pierre Hoccreau et François Renaud, premiers restaurateurs et monteurs de dessins des collections nationales »Technè [En ligne], 33 | 2011, mis en ligne le 01 juin 2011, consulté le 12 janvier 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/techne/20550 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/12hy2

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Auteurs

Natalie Coural

Conservateur du patrimoine, Centre de recherche et de restauration des musées de France (C2RMF) UMR 171 CNRS - ministère de la Culture et de la Communication, 14, quai François-Mitterrand, 75001 Paris (natalie.coural[at]culture.gouv.fr).

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Laëtitia Desserrières

Titulaire du diplôme de recherche appliquée (DRA) de l’École du Louvre (laetidess[at]gmail.com).

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