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AccueilNuméros34I · La conservation préventive en...La perception de l’architecte

I · La conservation préventive en France : état des lieux

La perception de l’architecte

An architect’s perception
Frédéric Ladonne
p. 37-38

Résumés

L’article rend compte de l’expérience d’un architecte programmiste œuvrant pour les musées et confronté aux défis de la conservation préventive.

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Texte intégral

1Architecte et programmiste, travaillant sur la conservation du patrimoine muséal depuis 1999 et diplômé en 2003 du master de conservation préventive de l’université Paris 1, ma perception, la prise en compte puis l’assimilation des principes de conservation préventive ont relevé d’une initiation progressive, qui a fortement évolué depuis mes premiers contacts un peu rugueux avec cette discipline.

Au déplaisir de la découverte

2Lorsque je croise pour la première fois la conservation préventive, je la perçois immédiatement comme une nouvelle contrainte. En s’additionnant aux réglementations déjà existantes, comme celles sur l’incendie, les ERP, les coordinations sécurité, les normes, les exigences environnementales et thermiques ou encore le Code des marchés publics, celle-ci constitue une maille supplémentaire au carcan réglementaire qui enferme l’architecture. En effet, les draconiennes exigences climatiques de conservation vont, de prime abord, complexifier et augmenter la facture du projet, en exigeant la maîtrise de la lumière naturelle, en condamnant les verrières de mon projet, tout comme la sensibilité des collections invalidera le mariage voulu du sol PVC avec les habillages en panneaux de bois.

3Bref, encore un empêcheur de construire, d’aménager et de muséographier en toute liberté ! Et puis, il y a les réunions auxquelles participent dorénavant une multitude d’acteurs : le service des musées de France, les architectes-conseils, le C2RMF et enfin, le consultant en conservation préventive dont je n’avais imaginé ni l’existence, ni même sa capacité à produire des remarques sur notre projet. Sur le climat, les matériaux, les polluants, les rongeurs (ceux-là, on les avait oubliés...), les insectes kératinophages (ceux-là, on ne les connaissait pas...), les infestations, les moisissures et aussi les usages et les pratiques, ce maquis de prescriptions nombreuses et variées couvrant de vastes champs dont nous n’avions pas même conscience. On finit alors par s’intéresser à l’anoxie : comment cela marche ? Est-ce dangereux ? Aux systèmes de « compactus » pour la conservation, à la taxidermie, aux spécimens sous alcools... bref, j’apprends et je commence à travailler avec la conservation préventive.

L’illusion de connaissance

4Puis, le dogme... maintenant on croit savoir ce qu’il faut : 19 °C, 50 % HR± 5 %, 50 lux, < 75µWatts/lumens, la sûreté, la sécurité, pas de PVC, etc. Tels les processus d’élaboration culinaire, on intègre une sorte de « sauce » en conservation préventive, souvent la même d’ailleurs qui convient et satisfait les différents acteurs. Les projets s’enchaînent, ne se ressemblent pas, mais les prescriptions restent très similaires. En l’absence d’explications, les variations de ces exigences qui ne sont pas toujours explicites dans les cahiers des charges, me semblent alors relever plus des convictions et des sensibilités des individus, partagés entre « ayatollahs et dilettantes », que de prescriptions mesurées.

5Intégrée, mais pas encore digérée, la conservation préventive ne s’impose pas à moi comme une logique de pensée aussi évidente que les principes gravitaires appris depuis l’école.

La digestion et le jeu des équilibres

6Après la logique, apparaît le contexte, les collections, le site, les équipes, les usages, les moyens temporels, financiers et spatiaux, autant d’éléments qui se mettent alors en place avec cette inévitable nécessité de composer entre la protection des collections et l’adaptation aux moyens. Commence alors le plaisant et délicat travail de négocier avec chacune des exigences pour construire la prescription non pas parfaite mais celle du juste équilibre à la fois pragmatique, pertinente et durable.

7En cela, la démarche préventive est proche de la démarche de l’architecte dans la conception du projet, obligeant à synthétiser, mixer des besoins et des exigences multiples, souvent contradictoires (fig. 1). Elle est voisine aussi d’une démarche de développement durable en projetant le projet et ses acteurs dans le « temps long » au-delà des seules préoccupations immédiates telles que la dépense à court terme ou l’image du projet.

Fig. 1. Musée des Beaux-Arts de Dijon, schéma des liaisons fonctionelles

Fig. 1. Musée des Beaux-Arts de Dijon, schéma des liaisons fonctionelles

© F. Ladonne.

8D’ailleurs en étant plus des démarches que des finalités en soi, la conservation préventive et le développement durable relèvent d’une même essence ayant pour but de « faire durer ».

La révélation de la pratique

9Ensuite, la richesse des sujets et des réflexions me ravit. Au-delà de la pratique d’architecte, de prescripteurs, c’est celle de programmiste qui m’anime permettant de travailler sur des sujets aussi divers que les modalités de rangement et de conservation des œuvres, les usages de la réserve, les mouvements et rotations d’œuvres, l’aménagement d’un atelier de restauration, les modes de gestion ou de mutualisation d’un équipement patrimonial, les protocoles de surveillance ou un projet de muséothèque ou de chariots d’évacuation pour le musée du quai Branly. Les interactions entre bâtiments et collections étant fertiles, la démarche de conservation préventive va pouvoir se déployer depuis l’implantation du bâtiment jusqu’aux matériaux constitutifs du mobilier d’exposition et de conservation. Ella va ainsi m’amener à compléter mes approches par de nouvelles études comme l’analyse du comportement climatique d’un bâtiment existant ou le test en étuve, en collaboration avec le C2RMF, de médiums utilisables pour la réalisation de vitrines...

Le plaisir partagé

10Enfin, comme le projet architectural est un travail de collaboration, l’intégration de la démarche de conservation préventive est aussi l’occasion d’enrichir l’équipe de projet avec d’autres professionnels qui partagent des sensibilités et un langage commun : celui des collections. Ces nouvelles collaborations, en plus d’enrichir le projet, nourrissent nos connaissances communes et permettent ainsi à chaque nouveau projet d’être plus pertinent. En cela, je remercie les multiples partenaires, conservateurs, régisseurs, restaurateurs, chimistes, physicien, avec qui j’ai pu et avec qui je continuerai de travailler et de réfléchir pour contribuer à développer la démarche de la conservation préventive.

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Table des illustrations

Titre Fig. 1. Musée des Beaux-Arts de Dijon, schéma des liaisons fonctionelles
Crédits © F. Ladonne.
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/techne/docannexe/image/19878/img-1.jpg
Fichier image/jpeg, 378k
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Pour citer cet article

Référence papier

Frédéric Ladonne, « La perception de l’architecte »Technè, 34 | 2011, 37-38.

Référence électronique

Frédéric Ladonne, « La perception de l’architecte »Technè [En ligne], 34 | 2011, mis en ligne le 01 novembre 2011, consulté le 11 novembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/techne/19878 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/12dvu

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Auteur

Frédéric Ladonne

Architecte et programmiste diplômé en conservation préventive et haute qualité environnementale, chargé de cours dans le cadre du master de conservation préventive à l’École du Louvre et à l’Institut national du patrimoine (atelier[at]FLandco.fr).

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Droits d’auteur

CC-BY-NC-ND-4.0

Le texte seul est utilisable sous licence CC BY-NC-ND 4.0. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.

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