Navigation – Plan du site

AccueilNuméros38II. Actualités et perspectivesDéveloppement méthodologique et p...La restauration des boiseries dor...

II. Actualités et perspectives
Développement méthodologique et perspectives

La restauration des boiseries dorées de l’hôtel Le Bas de Montargis

Restoration of the gilded woodwork from the mansion known as the Hôtel Le Bas de Montargis
Caroline Thomas, Roland Février, Marc-André Paulin, Nathalie Balcar et Anne-Solenn Le Hô
p. 112-117

Résumés

Dans le cadre de la rénovation des salles du xviiie siècle du département des Objets d’art, le musée du Louvre a fait appel au C2RMF afin de restaurer les boiseries sculptées de l’hôtel particulier Le Bas de Montargis, construit par Jules Hardouin-Mansart vers 1705. La restauration, qui a nécessité plus d’un an de travail, a porté aussi bien sur la structure que sur la surface dorée des boiseries : la menuiserie a été révisée et la dorure a fait l’objet d’un programme complexe de dégagement, nettoyage et harmonisation. L’ampleur de l’étude préalable et de la restauration relève d’une approche minutieuse qui s’inscrit dans l’évolution du regard posé sur les arts décoratifs et les grands décors.

Haut de page

Texte intégral

  • 1 Une partie se trouve à Waddesdon Manor et au Getty Museum (inv. 97.DH.2), une autre au musée des Ar (...)
  • 2 Toutes ces recherches pour le remontage ont été menées pour le département des Objets d’art par Fab (...)

1Le musée du Louvre souhaite présenter, dans le cadre de la réouverture prochaine des salles du xviiie siècle du département des Objets d’art, les boiseries sculptées de l’hôtel particulier Le Bas de Montargis. Le directeur du département, Marc Bascou, a fait appel au C2RMF pour en assurer la restauration fondamentale. Les boiseries proviennent de l’hôtel construit place Vendôme entre 1704 et 1707 par Jules Hardouin-Mansart, premier architecte du roi, pour son gendre, le financier Claude Le Bas de Montargis. La haute qualité technique et stylistique du décor atteste son exécution par les sculpteurs des Bâtiments du roi. On sait que les éléments furent ensuite éparpillés1 et que les parties parvenues au Louvre en 1898, provenant de plusieurs pièces de l’hôtel, subirent divers remaniements. Dans le cadre du projet actuel mené par le musée, certains fragments seront remontés dans une même salle, offrant une reconstitution certes partielle, mais dont la fiabilité a été assurée par les minutieuses recherches2 menées sur l’ensemble des détails, tels que la hauteur de la pièce, la mouluration des lambris bas et le dessin de la cheminée, de la corniche ou des miroirs. Ces boiseries serviront d’écrin à la présentation de mobilier d’époque et évoqueront les riches intérieurs du début du xviiie siècle. L’intervention du C2RMF a cherché à respecter la déontologie de la restauration tout en accompagnant l’étude qui a nourri la réflexion sur la démarche de restitution.

2Les boiseries sélectionnées pour les salles, arrivées au C2RMF à la fin de l’année 2010, présentaient une hétérogénéité contrariant la lisibilité de l’ensemble. Le trumeau de cheminée avait été intégralement couvert d’un repeint marron uniforme qui empâtait la sculpture et laissait dans l’expectative quant à l’état de la surface originale sous-jacente (OA 12302, fig. 1). Les deux éléments de parcloses étaient très abîmés et repeints de la même façon (OA 12307.6, fig. 2), tandis que les deux encadrements de niches et le médaillon, dorés et peints, s’avéraient fortement remaniés (OA 12300, fig. 3). Face à l’état inégal des pièces, l’enjeu de remise aux dimensions, de dégagement et d’harmonisation des décors sculptés, peints et dorés constituait un véritable défi. Les ateliers de restauration ébénisterie et dorure de la filière Arts décoratifs du C2RMF sont intervenus dans les salles du musée afin de démonter ces éléments imposants. Ils ont ensuite été traités par anoxie par François Boyer, du département Conservation préventive.

Fig. 1. Le trumeau de cheminée vers 1900 (OA 12302)

Fig. 1. Le trumeau de cheminée vers 1900 (OA 12302)

© Musée du Louvre, archives département des Objets d’art.

Fig. 2. Une des deux parcloses, avant, pendant et après restauration

Fig. 2. Une des deux parcloses, avant, pendant et après restauration

© C2RMF / Thomas Clot.

Fig. 3. Les encadrements de niches et le médaillon en cours de restauration à l’atelier (OA 12300)

Fig. 3. Les encadrements de niches et le médaillon en cours de restauration à l’atelier (OA 12300)

© C2RMF / Roland Février.

  • 3 Le projet a été suivi par les responsables successives de la filière Arts décoratifs, Agnés Mathieu (...)

3La restauration a eu lieu dans les ateliers de Versailles, effectuée par Marc-André Paulin et Pascal Petit pour l’atelier ébénisterie, Roland Février, Stéphanie Courtier, Marie-Jeanne Dubois et Loïc Loussouarn pour l’atelier dorure3. L’intervention, qui a nécessité plus d’une année de travail, a porté aussi bien sur la structure que sur la surface des boiseries.

Remise en ordre de la menuiserie

4Les boiseries présentaient des altérations structurelles communes : déformations, retraits dimensionnels du bois, fentes et manques. Les lacunes ont été réintégrées au moyen de comblements en chêne, essence d’origine ; le travail a été important en particulier sur les parcloses, qui étaient très parcellaires et ont dû être en grande partie restituées. Les fentes de support ont été comblées par du balsa, fixé à la colle de poisson, et les bois déformés ont été stabilisés par la pose de taquets en chêne. Les encadrements de niches, dont les piédroits modernes résultent de leur mise en place au département des Objets d’art en 1962, ont été rehaussés de 41 centimètres par l’adjonction d’un panneau en chêne, afin que la hauteur soit identique entre ces éléments, le trumeau sur sa cheminée et les parcloses sur le lambris bas.

  • 4 Jamin, 1990.
  • 5 Storck, 2009.

5Cette intervention a été l’occasion d’effectuer une étude en tracéologie, menée par Pascal Petit, afin d’approfondir la connaissance de l’ensemble et des techniques de l’époque4. Les observations ont montré que le débit du bois se définissait suivant les proportions suivantes : 60 % de sciage de long, régulier, plus ou moins standardisé, portant la signature témoin de la pratique (arrachage des fibres lors de la chute de la grume en fin de sciage) ; 20 % de sciage moins régulier, réalisé en atelier par les menuisiers pour la refente ou le chantournement, et enfin 20 % par fente, repris partiellement par trois herminettes référencées et un riflard5.

  • 6 Réalisée par une société extérieure, mandatée par le musée du Louvre.

6Par ailleurs, l’un des enjeux de l’intervention sur le trumeau de cheminée était de déterminer la formule la plus pertinente pour restituer la moulure disparue bordant le miroir. Plusieurs échantillons ont été réalisés à partir de comparaisons d’époque et de recherches archivistiques : cette démarche a abouti à la création d’une moulure en bronze doré cohérente avec la période et le style6, inspirée du cadre du médaillon central des encadrements de niches, de manière à assurer un socle historique et stylistique fiable.

7Si les altérations structurelles étaient partagées par tous les éléments, la problématique de surface, en revanche, différait considérablement entre le trumeau et les parcloses d’une part, et les encadrements de niches d’autre part.

Traitement de surface du trumeau de cheminée et des parcloses : dégagement, réintégration et harmonisation

8L’intervention sur la surface a été déclinée en plusieurs étapes, de l’élimination des épais repeints à la réintégration de la sculpture et l’harmonisation de la dorure.

Le dégagement des repeints

  • 7 L’atelier dorure du C2RMF ne s’est occupé ni des faux marbres, traités par les ateliers du musée du (...)

9Des coupes stratigraphiques de prélèvements et des tests de dégagement ont été effectués lors de la phase d’étude scientifique et technique préalable, afin de mieux appréhender l’histoire matérielle des boiseries. Il en est ressorti que le trumeau a été repeint plusieurs fois mais jamais redoré : la dorure présente est donc originale. Les tests de dégagement ont permis d’observer à l’œil nu quatre niveaux pour ces repeints posés sur la finition d’origine : le plus ancien blanc-gris, un rose, un blanc et enfin le plus récent, de couleur marron. Ces quatre étapes générales correspondent à une superposition plus complexe révélée par les analyses (cf. encadré). Cette étude a permis de mieux comprendre les différentes étapes des repeints et de mesurer la faisabilité d’une restauration visant à retrouver ce qui subsiste de la surface d’origine dorée et peinte. L’élimination des repeints s’est faite par voie chimique et mécanique, d’abord au moyen d’un décapant posé sous forme de gel (Spécial G électronique Gel®) et d’un second, liquide (Décapant américain®), employé pour les fonds et parties en creux. En complément étaient utilisés scalpels, vibro-inciseurs et poinçons métalliques. Ce dégagement minutieux et fastidieux a permis une redécouverte progressive de la surface d’origine, mettant au jour une dorure à la détrempe certes usée, mais encore présente et de très belle qualité (fig. 4), ainsi que des restes de décor de faux marbre7. Celui-ci s’apparente à du blanc veiné sur les parties bordant le fond à croisillons, et à du vert antique sur l’archivolte en plein cintre et les pilastres. Quant aux parcloses, elles ne présentaient pas de faux marbre mais un décor associant peinture grise et dorure. Certains détails de la mise en œuvre de la dorure du décor sont alors apparus : ainsi, le fond des fleurettes au niveau des croisillons du trumeau apparaissait blanc, avec quelques traces d’or dans les fonds, qui correspondent en fait à de l’or de débordement des motifs et non à une dorure en plein des fonds.

Fig. 4. La partie supérieure du trumeau de cheminée en cours de dégagement (OA 12302)

Fig. 4. La partie supérieure du trumeau de cheminée en cours de dégagement (OA 12302)

© C2RMF / Thomas Clot.

La réintégration du décor sculpté

10La réintégration du décor sculpté a été effectuée au gros blanc (pâte composée de blanc de Meudon et de colle de peau) ou à la résine époxyde Master Model Past® en fonction du choix le plus approprié suivant les emplacements. Ainsi, sur le trumeau, une partie de la palmette de la traverse supérieure a été comblée à la résine époxyde, préférée au gros blanc pour une raison de solidité, le comblement se trouvant sur une zone d’assemblage. La fleur restituée en plâtre sur la face du pilastre droit a été remplacée de la même manière après moulage de la fleur du petit côté. En revanche, la réintégration du motif de l’angle supérieur gauche bordant le fond à croisillons a été effectuée à l’aide de gros blanc, d’après la prise d’empreinte à la pâte silicone RTV sur le décor symétrique de l’angle droit. Il en a été de même pour plusieurs éléments de décor, dont certaines feuilles bordant la frise de l’archivolte. Sur les parcloses, en grande partie restituées, il a été décidé de reproduire le décor manquant en prenant des empreintes du décor symétrique conservé, afin d’être le plus fidèle possible. La prise d’empreinte a été réalisée à la pâte silicone RTV, et le tirage exécuté en pâte époxyde avec l’ajout d’un durcisseur liquide. Les lacunes minimes du décor sculpté ont été réintégrées au gros blanc.

Réintégration et harmonisation de la dorure

  • 8 Ces essais restent pour l’instant expérimentaux, bien que l’innocuité de la cire microcristalline s (...)

11Le décor restitué a été apprêté, encollé en jaune, assietté, doré à la détrempe puis patiné à la gouache. La retouche de la dorure ancienne a été définie de la manière la moins interventionniste possible, tout en s’adaptant au niveau d’usure et à la nécessité d’harmonisation de l’ensemble : l’aquarelle et des rehauts d’or bruni ont généralement suffi pour remettre en valeur celle-ci. Cependant, le masque situé sur la partie supérieure du trumeau a fait l’objet d’une réflexion approfondie qui a mené à de nouveaux essais de pose d’or. L’usure du visage était telle que ce dernier contrastait beaucoup avec le reste du décor. Dans le but de rehausser la dorure, divers essais de mica et d’or en poudre ont été effectués mais se sont révélés peu satisfaisants, conférant au visage un aspect maquillé et terne. La redorure est alors apparue inévitable : face à cette problématique et au souhait de développer une technique modulable et réversible, Roland Février a choisi de poser l’or sur de la cire microcristalline (Cosmoloïde 80®). Ce procédé permet de conserver l’état ancien en ne dorant pas directement sur la matière originale, la cire constituant une interface et servant d’adhésif à la feuille de restauration8. L’assiette ancienne n’est pas réactivée et se trouve en quelque sorte protégée par la cire, qui devient un marqueur chronologique de l’intervention. Cette cire peut être retirée très facilement et sans risque, ce qui confère à la redorure à la feuille une vraie réversibilité qui ne faisait pas partie de ses caractéristiques jusque-là et qui correspond bien mieux à la déontologie de la restauration. Suite à cette étape, l’or a été légèrement usé au niveau du visage et de son cartouche afin de s’accorder avec les chutes de fleurs et les rinceaux environnants (fig. 5).

Fig. 5. Le visage du trumeau de cheminée avant intervention, en cours de dégagement et après harmonisation de la dorure

Fig. 5. Le visage du trumeau de cheminée avant intervention, en cours de dégagement et après harmonisation de la dorure

© C2RMF / Thomas Clot.

Traitement de surface des encadrements de niches : composer avec une redorure inégale

D’anciennes interventions lourdes et inesthétiques

12Les modifications relevées datent probablement du remontage dans les salles du musée dans les années 1960. Une partie des éléments avait été retaillée tandis que d’autres avaient été restituées en stuc de manière parfois grossière. Les encadrements de niches présentaient une toute autre configuration que le trumeau et les parcloses : ils avaient été repeints, puis décapés et redorés. Il semble que la dorure, lourdement reprise, ait été posée avec un certain manque de soin ; les jeux de mats et de brunis ne correspondent pas aux références d’origine visibles sur le trumeau, les modénatures notamment étant mates.

  • 1 Le microscope électronique à balayage couplé à un système d’analyse par dispersion d’énergie des ra (...)
  • 2 Analyse réalisée au LRMH par Witold Nowik.
  • 3 Kirby, 2005.
  • 4 L’oxyde de zinc est synthétisé en 1780 mais sa production et sa commercialisation à grande échelle (...)
  • 5 Ibid.

Étude stratigraphique : de nombreux niveaux de polychromie
Nathalie Balcar et Anne-Solenn Le Hô

Pour une meilleure compréhension des états colorés successifs – apparemment au nombre de quatre ou cinq – observés au cours de l’intervention de restauration sur le trumeau de cheminée, une étude matérielle des couches de polychromie fondée sur des analyses physicochimiques1 a été entreprise. Cet approfondissement s’intéressait plus particulièrement à l’identification des pigments susceptibles de fournir des informations chronologiques sur la réalisation de ces mises en couleur originales et des repeints.
C’est à partir de plusieurs micro-prélèvements issus respectivement du cintre et du pilastre droit et contenant l’ensemble des couches, du marron superficiel à l’apprêt en contact avec le bois, que les conclusions présentées ci-après ont pu être émises.
Grâce à l’observation au microscope de microprélèvements enrobés dans une résine, la stratigraphie a été définie et le nombre de couches appliquées lors de chaque mise en peinture a pu être établi en détail (fig. 6). Au total, une dizaine de couches a été comptabilisée sur la dorure originale masquant la finesse du décor de ces boiseries.
En premier lieu un blanc-gris a été appliqué sur la dorure originale : est-ce un état de finition en blanc des boiseries à part entière ou participe-t-il en tant que sous-couche à la mise en couleur exécutée avec un rose très vif ? La couleur tout autant que la composition surprenante de ce rose soulèvent aussi quelques interrogations : il s’agit d’une couche picturale élaborée avec du blanc de plomb teinté par un carmin de cochenille2 (colorant) et lié par un mélange d’huile et d’amidon3 (fig. 7, partie droite de la coupe stratigraphique). Du zinc a été détecté également en moindre proportion dans cette couche. La présence de cet élément peut traduire l’utilisation de siccatifs (sels de zinc), ou correspondre à des traces issues de la synthèse du blanc de plomb. Enfin il est également possible de considérer le zinc comme un ajout volontaire de pigment blanc, ce qui revient alors à considérer la couche rose comme un repeint post xviiie siècle4. Pourquoi une telle couche rose ? Traduit-elle une volonté d’imiter un matériau, auquel cas, lequel ? Ou bien s’agit-il d’une sorte particulière d’assiette ? Cependant aucune trace d’or à sa surface n’a été observée. L’interprétation de cet état reste donc hypothétique.
Ce rose a été recouvert par un gris à base de carbonate de calcium teinté par du noir de carbone. Ces matériaux ne permettent pas de situer temporellement cet état.
C’est à partir de la troisième mise en couleur, dans une tonalité blanc ou blanc cassé, qu’un repère chronologique a pu être établi avec certitude. En effet, du blanc de zinc a été identifié en quantité significative : par conséquent, cette intervention n’a guère pu avoir lieu avant la seconde moitié du xixe siècle5.
L’ultime mise en couleur correspond au marron visible au moment de l’arrivée de cet ensemble au C2RMF. Cette teinte a pour base du blanc de plomb rompu par un mélange de bleu outremer, d’oxyde de fer et de terre riche en fer ; elle a été appliquée sur une sous-couche au blanc de plomb mêlé à du sulfate de baryum. Ce composé très minoritaire dans les blancs sous-jacents laisse supposer qu’il s’agit de deux repeints distincts. L’étude matérielle des différentes couches de repeints suggère donc que cinq repeints ont succédé à l’état doré original.

Fig. 6. Photographie au microscope optique de la coupe stratigraphique, ensemble des couches appliquées sur la dorure originale en quatre ou cinq interventions distinctes

Fig. 6. Photographie au microscope optique de la coupe stratigraphique, ensemble des couches appliquées sur la dorure originale en quatre ou cinq interventions distinctes

Prélèvement issu du cintre du trumeau.

© C2RMF / Anne-Solenn Le Hô.

Fig. 7. À gauche, détail de la couche rose appliquée sur la dorure (en cours de dégagement). À droite, photographie au microscope optique de la coupe stratigraphique de cette couche rose avant (en haut) et après (en bas) le test spécifique de coloration au lugol qui révèle l’amidon en lui faisant prendre une teinte noire

Fig. 7. À gauche, détail de la couche rose appliquée sur la dorure (en cours de dégagement). À droite, photographie au microscope optique de la coupe stratigraphique de cette couche rose avant (en haut) et après (en bas) le test spécifique de coloration au lugol qui révèle l’amidon en lui faisant prendre une teinte noire

© C2RMF / Roland Février et Nathalie Balcar.

Nettoyage et réintégration

  • 9 Cette harmonisation ne pouvait être que partielle en atelier. Une fois les boiseries assemblées au (...)

13Au-delà des interventions structurelles, la restauration de ces parties a consisté en un long nettoyage, la réintégration de quelques éléments sculptés et l’harmonisation de la surface. Les interventions antérieures étant très nombreuses, seuls les éléments les plus disgracieux ont été remplacés, à savoir une feuille, une fleur et la coquille sommitale de l’arcade gauche. Ces moulages ainsi que les comblements nécessaires ont suivi le même mode opératoire que pour le trumeau et les parcloses, c’est-à-dire le choix de gros blanc ou de Master Model Past® suivant l’option la plus pertinente. Les éléments réintégrés ont été dorés et patinés au vernis gomme-laque teinté. L’ensemble a été minutieusement nettoyé à la colle de peau, avant harmonisation générale à l’aquarelle, à l’or en poudre et au moyen de feuilles d’or posées sur de la cire. L’une des problématiques principales était de concevoir ce nettoyage et ces retouches en harmonie avec le trumeau et les parcloses, malgré leur dissonance9.

14Par ailleurs, une inscription au graphite, illisible à l’œil nu, avait été décelée au revers de l’arcade droite. Un cliché sous infrarouge réalisé par Marc de Drée, photographe au C2RMF, a permis de lire la précision « fait pour le cabinet de Monsieur Mansard [sic] », qui confirme le contexte historique de création.

Conclusion

  • 10 Citons, à titre d’exemple de cette évolution, le cabinet des Fables du musée des Arts décoratifs de (...)

15L’étude préalable à la restauration de ces boiseries a permis de mieux comprendre leur histoire matérielle complexe et d’en appréhender l’état originel, tout en évaluant la faisabilité d’une intervention de dégagement des repeints complexe mais prometteuse. Ces apports à la connaissance des différentes pièces ont orienté l’intervention, qui se voulait soucieuse de ce qui subsistait de l’état d’origine : l’évolution de la déontologie de la restauration des grands décors se dessine au fur et à mesure de l’affirmation d’une démarche la plus respectueuse possible de l’histoire matérielle des boiseries10. Dans cet esprit, certains aspects de l’intervention ont été l’occasion de développer des méthodologies innovantes, à l’instar de cet emploi expérimental encourageant de la cire comme support de dorure réversible et modulable. Ainsi, les encadrements de niches anciennement redorés ont retrouvé finesse et harmonie, tandis que le décor d’origine du trumeau de cheminée et des parcloses, dont sculpture, reparure et dorure sont d’une grande finesse, a été remis au jour. Avec cette restauration longue et minutieuse, spectaculaire et gratifiante pour ceux qui l’ont menée, les réalisations des Bâtiments du roi retrouvent tout leur éclat.

Nos remerciements vont au département des Objets d’art du musée du Louvre pour nous avoir confié cette restauration passionnante, à son directeur Marc Bascou et au conservateur en chef en charge de ces boiseries, Frédéric Dassas.

Haut de page

Bibliographie

Duprez, E., Perfettini, J., 2008, « La restauration du salon des Fables du musée des Arts décoratifs de Paris », Le Conservateur-restaurateur face à l’authenticité et l’interprétation, 4e journée d’études internationales de l’APROA-BRK, Bruxelles, 22-23 novembre 2007.

Gettens, R.-J., Stout, G.-L., 1966, Painting materials : a short encyclopaedia, Dover Publications, New York.

Jamin, L., 1990, L’Enseignement professionnel du menuisier [1897], 3 vol. , Éditions Vial, Dourdan.

Kirby, J., Spring, M., Higgitt, C., 2005, « The Technology of Red Lake Pigment Manufacture : Study of the Dyestuff Substrate », National Gallery Technical Bulletin, no 26, pp. 71-88.

Pons, B., 1995, « Bibliothèque de l’hôtel Le Bas de Montargis (vers 1719). The J.-Paul Getty Museum », dans Pons, B., Grands décors français, 1650-1800, Faton, Dijon, pp. 174-184.

Pons, B., 1996, The James A. de Rothschild Bequest at Waddesdon Manor. Architecture and Panelling, Londres, Philip Wilson Publishers, pp. 428-455.

Storck, J., 2009, Dictionnaire pratique en Menuiserie – Ebénisterie – Charpente, Éditions Vial, Dourdan.

Haut de page

Notes

1 Une partie se trouve à Waddesdon Manor et au Getty Museum (inv. 97.DH.2), une autre au musée des Arts décoratifs à Paris (dépôts du ministère des Finances, SN). Voir Pons, 1995 et 1996, pour ces ensembles. Les boiseries du musée du Louvre y sont mentionnées, mais n’ont pas encore fait l’objet d’une publication exhaustive.

2 Toutes ces recherches pour le remontage ont été menées pour le département des Objets d’art par Fabrice Ouziel.

3 Le projet a été suivi par les responsables successives de la filière Arts décoratifs, Agnés Mathieu-Daudé et Roberta Cortopassi. Toute la documentation photographique a été réalisée au C2RMF sous la conduite de Joëlle Crétin.

4 Jamin, 1990.

5 Storck, 2009.

6 Réalisée par une société extérieure, mandatée par le musée du Louvre.

7 L’atelier dorure du C2RMF ne s’est occupé ni des faux marbres, traités par les ateliers du musée du Louvre, ni des parties neuves de la reconstitution.

8 Ces essais restent pour l’instant expérimentaux, bien que l’innocuité de la cire microcristalline soit établie. Des recherches et une réflexion sur l’utilisation de la cire comme interface et support de dorure sont actuellement en cours au C2RMF, menées conjointement par l’atelier dorure et Nathalie Balcar.

9 Cette harmonisation ne pouvait être que partielle en atelier. Une fois les boiseries assemblées au sein du parcours rénové du XVIIIe siècle, une phase de finition permet d’harmoniser les détails qui apparaissent différemment en contexte muséographique. Les ajustements de la dorure sont les plus légers possibles, afin de respecter l’histoire matérielle de ces boiseries parvenues jusqu’à nous dans des états contrastés, tout en permettant au public d’apprécier leur qualité esthétique.

10 Citons, à titre d’exemple de cette évolution, le cabinet des Fables du musée des Arts décoratifs de Paris, récemment restauré de manière à rendre compte du changement d’usage et de l’évolution du goût dans l’histoire de cette boiserie parisienne des années 1750. Provenant du boudoir de Madame Dangé place Vendôme, cet ensemble à la polychromie originale rose et verte avait été modifié par une dorure du xixe siècle, lorsque l’hôtel fut attribué au gouverneur militaire de Paris. Environ deux tiers de la boiserie ont été restaurés dans l’état du xviiie siècle, tandis que l’autre partie était restaurée dans son état du xixe siècle, afin de présenter ces deux aspects successifs, sans en éliminer totalement l’un des deux. Voir Duprez, Perfettini, 2008.

Haut de page

Note de fin

1 Le microscope électronique à balayage couplé à un système d’analyse par dispersion d’énergie des rayons X a été utilisé pour l’identification des pigments et des charges. Le test de coloration spécifique au lugol et le couplage pyrolyse-chromatographie en phase gazeuse-spectrométrie de masse ont été respectivement choisis pour la recherche d’amidon et d’huile.

2 Analyse réalisée au LRMH par Witold Nowik.

3 Kirby, 2005.

4 L’oxyde de zinc est synthétisé en 1780 mais sa production et sa commercialisation à grande échelle se situent aux alentours de 1850 (Gettens, Stout, 1966, p. 177).

5 Ibid.

Haut de page

Table des illustrations

Titre Fig. 1. Le trumeau de cheminée vers 1900 (OA 12302)
Crédits © Musée du Louvre, archives département des Objets d’art.
URL http://journals.openedition.org/techne/docannexe/image/14745/img-1.jpg
Fichier image/jpeg, 272k
Titre Fig. 2. Une des deux parcloses, avant, pendant et après restauration
Crédits © C2RMF / Thomas Clot.
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/techne/docannexe/image/14745/img-2.jpg
Fichier image/jpeg, 192k
Titre Fig. 3. Les encadrements de niches et le médaillon en cours de restauration à l’atelier (OA 12300)
Crédits © C2RMF / Roland Février.
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/techne/docannexe/image/14745/img-3.jpg
Fichier image/jpeg, 520k
Titre Fig. 4. La partie supérieure du trumeau de cheminée en cours de dégagement (OA 12302)
Crédits © C2RMF / Thomas Clot.
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/techne/docannexe/image/14745/img-4.jpg
Fichier image/jpeg, 436k
Titre Fig. 5. Le visage du trumeau de cheminée avant intervention, en cours de dégagement et après harmonisation de la dorure
Crédits © C2RMF / Thomas Clot.
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/techne/docannexe/image/14745/img-5.jpg
Fichier image/jpeg, 616k
Titre Fig. 6. Photographie au microscope optique de la coupe stratigraphique, ensemble des couches appliquées sur la dorure originale en quatre ou cinq interventions distinctes
Légende Prélèvement issu du cintre du trumeau.
Crédits © C2RMF / Anne-Solenn Le Hô.
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/techne/docannexe/image/14745/img-6.jpg
Fichier image/jpeg, 180k
Titre Fig. 7. À gauche, détail de la couche rose appliquée sur la dorure (en cours de dégagement). À droite, photographie au microscope optique de la coupe stratigraphique de cette couche rose avant (en haut) et après (en bas) le test spécifique de coloration au lugol qui révèle l’amidon en lui faisant prendre une teinte noire
Crédits © C2RMF / Roland Février et Nathalie Balcar.
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/techne/docannexe/image/14745/img-7.jpg
Fichier image/jpeg, 195k
Haut de page

Pour citer cet article

Référence papier

Caroline Thomas, Roland Février, Marc-André Paulin, Nathalie Balcar et Anne-Solenn Le Hô, « La restauration des boiseries dorées de l’hôtel Le Bas de Montargis »Technè, 38 | 2013, 112-117.

Référence électronique

Caroline Thomas, Roland Février, Marc-André Paulin, Nathalie Balcar et Anne-Solenn Le Hô, « La restauration des boiseries dorées de l’hôtel Le Bas de Montargis »Technè [En ligne], 38 | 2013, mis en ligne le 01 janvier 2023, consulté le 20 mars 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/techne/14745 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/techne.14745

Haut de page

Auteurs

Caroline Thomas

Conservateur, filière Arts décoratifs, département Restauration, C2RMF (caroline.thomas[at]culture.gouv.fr).

Articles du même auteur

Roland Février

Technicien d'art, responsable de l’atelier de restauration dorure, filière Arts décoratifs, département Restauration, C2RMF (roland.fevrier[at] culture.gouv.fr).

Marc-André Paulin

Chef de travaux d'art, responsable de l’atelier de restauration ébénisterie, filière Arts décoratifs, départements Restauration, C2RMF (marc-andre.paulin[at]culture.gouv.fr).

Articles du même auteur

Nathalie Balcar

Ingénieur d’études, départements Restauration et Recherche, C2RMF (nathalie.balcar[at]culture.gouv.fr).

Articles du même auteur

Anne-Solenn Le Hô

Ingénieur de recherche, filière Analyse de la Matière picturale, départements Restauration et Recherche, C2RMF (anne-solenn.leho[at]culture.gouv.fr).

Articles du même auteur

Haut de page

Droits d’auteur

CC-BY-NC-ND-4.0

Le texte seul est utilisable sous licence CC BY-NC-ND 4.0. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.

Haut de page
Rechercher dans OpenEdition Search

Vous allez être redirigé vers OpenEdition Search