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Recensions

Yves Calvet & Marielle Pic (dir.), Failaka, fouilles françaises 1984-1988. Matériel céramique du temple-tour et épigraphie (Travaux de la maison de l’Orient et de la Méditerranée, 48).

Jean-Claude Margueron
p. 432-433
Référence(s) :

Yves Calvet & Marielle Pic (dir.), Failaka, fouilles françaises 1984-1988. Matériel céramique du temple-tour et épigraphie (Travaux de la maison de l’Orient et de la Méditerranée, 48), Maison de l’Orient et de la Méditerranée, Lyon, 2008, 205 p., 14 p. pl, 39 fig., bilingue français-anglais, ISBN : 978-2-903264-98-7.

Texte intégral

1Plusieurs rapports de fouilles concernant les travaux des équipes françaises sur le site de Failaka au cours de cinq campagnes, de 1984 à 1988, ont déjà paru (J.-Fr. Salles 1984, Failaka 1983 ; Y. Calvet et J.-Fr. Salles 1986, Failaka 1984-1985, Y. Calvet et J. Gachet 1990, Failaka 1986-1988). Ce fascicule ne peut être considéré ni comme un rapport définitif ou comme un ultime rapport préliminaire, mais comme un complément. Trois études le composent, qui n’ont que peu de lien entre elles.

2La première, très rapide (5 p.), due à Y. Calvet avec la collaboration de M. Pic, veut resituer le temple-tour de Failaka dans le contexte de l’architecture sacrée proche-orientale. Sont rappelés l’historique et les conditions de l’exploration, l’existence en Mésopotamie des temples sur terrasses, des ziggurats, et de temples-tours en Syrie occidentale, sans qu’aucun inventaire de ces édifices soit établi, mais en accordant une place de tout premier plan au temple de Baal d’Ugarit, qui a même droit à la restitution proposée par O. Callot. Ce bâtiment avait déjà fait l’objet d’un rapport de fouilles descriptif dans Failaka 1986-1988, p. 103-122, pl. 1. Il semble pourtant qu’une étude portant sur les caractéristiques spécifiques et le volume ancien de l’édifice du site koweitien aurait utilement complété cette présentation — un peu succincte — du premier rapport pour asseoir une véritable comparaison ; on aurait ainsi pu définir précisément ce qui avait permis de préciser l’emplacement de certaines portes ; on aurait aussi souhaité des information précises sur la profondeur des fondations dont il ne semble pas, d’après les coupes (fig. 5 à 10 et h. t. II de Failaka 1986-1988), que l’on ait jamais atteint la base. Quant à ses fonctions, il est dit que « le rôle religieux s’impose à l’évidence » mais sans que soit proposée la moindre raison pour étayer cette affirmation : je ne vois nul argument mettant en avant un trait spécifiquement sacré, car ce que l’architecture met en évidence, c’est seulement l’existence d’une tour sur plan carré. Est-ce à dire alors que l’identification et la fonction proposées par les fouilleurs de temple-tour sont hasardeuses ? À dire vrai, l’hypothèse peut rester valable si on conduit une comparaison point par point avec tous les temples-tours connus de Syrie : mais cette démarche n’a pas été suivie. Car il faut bien voir que, dans cette catégorie d’édifices, la fonction religieuse ne paraît pas s’imposer d’emblée : on n’y retrouve ni la table d’offrande, ni le podium qui sert de trône à la divinité, c’est-à-dire aucun des deux signes qui marquent de façon indubitable la sacralité d’un lieu de culte. Il reste certes à Failaka la présence possible d’aménagements ayant fait intervenir un usage de l’eau, mais peut-on définir leur rôle ? Je ne le crois pas et, d’ailleurs, cette particularité n’apparaît pas dans les autres exemples de temples-tours connus… Dans ces conditions, cette catégorie de temple n’apparaît pas — contrairement à ce qui est avancé — comme la maison du dieu et sa fonction est tout autre. Faut-il alors penser, avec les auteurs, que cette construction servait de signal pour les navigateurs ? Qu’une telle fonction ait pu exister, c’est bien possible, mais elle n’est qu’accessoire, et il ne faudrait pas la surévaluer car, que je sache, la mer ne borde ni Alalakh, ni Mari où pourtant on retrouve des temples-tours. Le lecteur intéressé par ces questions pourra se reporter à l’étude que j’ai proposée au colloque de Cartigny de 1991 : « L’organisation architecturale du temple oriental : les modalités de la rencontre du profane et du sacré » où j’ai cherché à préciser la signification des temples-tours en insistant sur la notion de verticalité qui ouvre le temple vers l’infini céleste plutôt que sur l’horizontalité qui définit la maison du dieu habituelle (p. 35-59, in Le temple, lieu de conflit, Actes du Colloque de Cartigny 1991, CEPOA/Peeters, Genève/Louvain, 1995). Ce qui manque finalement, c’est l’étude du développement vertical de cet édifice de Failaka à partir des données retrouvées, contenues dans le plan horizontal de l’infrastructure. Or, ce qui donne sa valeur à l’hypothèse temple-tour, c’est en particulier la présence des fondations hautes d’au moins 1,50 m selon les fouilleurs, qui ont été élevées à l’air libre et dont les espaces intérieurs ont été ensuite comblés par du sable. On est alors en présence, au moins pour cet édifice, du procédé de l’infrastructure compartimentée dont on aurait souhaité connaître l’éventuel développement dans le reste du site F6, en particulier dans la partie fouillée par les Danois.

3La deuxième étude, la plus importante (138 p.), a fait l’objet des soins de M. Pic qui s’est chargée de publier la céramique trouvée dans et autour du temple-tour (tell F6). L’auteur a été aidée dans son entreprise par la publication antérieure, dans F. Hojlund, The Bronze Age Pottery, 1987, auquel elle rend hommage, des céramiques provenant en particulier des fouilles du même tell F6 par l’équipe danoise de 1958 à 1963. Après avoir rappelé l’historique de la recherche, M. Pic expose la stratigraphie générale du site F6 où 5 phases ont été reconnues. Le niveau de surface (I), guère significatif, le niveau II couvrant le Ier millénaire, le niveau III qualifié curieusement de « phase intermédiaire » marqué essentiellement par des signes d’abandon et par la présence de couches presque stériles, le niveau IV daté de l’époque cassite où l’on assiste à « une reconfiguration du bâtiment ancien », enfin le niveau V, la période la plus ancienne qui débute à la fin du IIIe millénaire et où les fouilleurs ont défini trois sous-périodes. Cette notion de niveau n’est pas très claire et elle introduit une certaine confusion dans l’histoire du site : rappelons que le terme « niveau » devrait désigner une surface plus ou moins horizontale — en général d’occupation — et ne devrait en aucun cas être utilisé quand on est en présence d’une épaisseur où le terme de « couche » s’impose. Ce n’est pas le lieu de développer ces points, mais il est clair que si l’on veut mieux cerner les problèmes de stratigraphie, il faut de façon urgente affiner l’emploi de ces notions en s’interrogeant chaque fois sur les modalités de la formation de la couche et sur la fonction des surfaces horizontales. Une véritable interprétation stratigraphique dépend de ces deux démarches.

4La présentation de la céramique (250 items) a été très soignée. Dans un premier temps, l’auteur définit les ensembles caractérisant chacun des niveaux précédemment définis — donc selon une base chronologique — mais en remontant le cours du temps, c’est-à-dire en allant de l’époque hellénistique à l’âge du Bronze, méthode qui témoigne de l’évolution de la fouille, mais qui rend difficile toute analyse de l’évolution, de la permanence ou de la disparition d’une forme ; à l’intérieur de chacune des périodes, les classements sont essentiellement morphologiques, mais il peut être fait appel à des traits technologiques (faïence) ou décoratifs. Des tableaux chronologiques comparatifs, des présentations des loci du site F6 complètent cette présentation. Le catalogue est donné sous la forme de tableaux présentant en page de gauche les fiches techniques de chaque fragment avec les principales caractéristiques techniques, le locus d’origine, les dimensions et les références comparatives bibliographiques et la traduction en anglais ; en regard, sur la page de droite, on trouve le profil du fragment, parfois complété par une photo.

5Étude bien conduite, mais qui, selon l’auteur, n’a pas apporté, par rapport aux études antérieures, de nouvelles formes (p. 37) donc de nouvelles données ou une meilleure perception de l’information : d’ailleurs comment s’en étonner quant on constate que, sur les 250 items retenus, les céramiques complètes, qui ne dépassent pas la douzaine, sont pour la plupart d’époque hellénistique.

6La troisième partie de ce volume porte sur la publication ou la republication d’inscriptions cunéiformes trouvées pour la plupart lors des fouilles danoises, américaines ou de la campagne dirigée par J.-Fr. Salles, mais non des travaux sous la conduite d’Y. Calvet qui font l’objet du présent volume. Sont ainsi présentées 53 inscriptions sur des supports variés : cachets (6), sceaux-cylindres (23), vaisselle en stéatite fragmentaire (13), vaisselle en lapis-lazuli (1), vaisselle en bronze (1), vaisselle en céramique (3), tablettes fragmentaires (4) et seuil en pierre (1). Chaque notice donne la matière du support, les dimensions du document, le plus souvent fragmentaire, la date quand elle peut être précisée, les références bibliographiques des publications antérieures, les caractéristiques de l’inscription, sa transcription et sa description. Toutes les notices sont doublées en langue anglaise. Une collection de photos de bonne qualité accompagne ce catalogue. Mon incompétence ne me permet pas de parler du travail de l’épigraphiste, J.-J. Glassner, ni de ce qu’apporte cette nouvelle publication par rapport aux précédentes. Je suis seulement frappé du très grand nombre de documents qui ne donnent que quelques signes, un ou deux noms ou mots et même souvent seulement quelques éléments d’un mot. De cette base, somme toute très succincte, il est possible de retenir quelques noms de divinité et de temples, mais on est bien en peine d’élaborer le moindre schéma historique.

7Au total, c’est une publication qui vient compléter sur un certains nombre de points — tout particulièrement sur la céramique — les données acquises par les publications antérieures et qui intéressera surtout les spécialistes des cultures du Golfe depuis la fin de l’âge du Bronze ancien jusqu’à l’époque hellénistique.

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Pour citer cet article

Référence papier

Jean-Claude Margueron, « Yves Calvet & Marielle Pic (dir.), Failaka, fouilles françaises 1984-1988. Matériel céramique du temple-tour et épigraphie (Travaux de la maison de l’Orient et de la Méditerranée, 48). »Syria, 87 | 2010, 432-433.

Référence électronique

Jean-Claude Margueron, « Yves Calvet & Marielle Pic (dir.), Failaka, fouilles françaises 1984-1988. Matériel céramique du temple-tour et épigraphie (Travaux de la maison de l’Orient et de la Méditerranée, 48). »Syria [En ligne], 87 | 2010, mis en ligne le 01 juillet 2016, consulté le 17 mai 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/syria/828 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/syria.828

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