Friedhelm Pedde & Steven Lundström, Der Alte Palast in Assur, Architektur und Baugeschichte (Baudenkmäler aus assyrischer, 11, WVDOG, 120).
Friedhelm Pedde & Steven Lundström, Der Alte Palast in Assur, Architektur und Baugeschichte (Baudenkmäler aus assyrischer, 11, WVDOG, 120), mit eine Beitrag von Eckart Fraz, Harrassowitz Verlag, Wiesbaden, 2008, 204 p., 34 pl., 5 plans h. t., cd-rom, ISBN : 978-3-447-05727-1.
Texte intégral
1L’exploration d’Assur a été conduite par W. Andrae de 1903 à 1914 de façon continue. Le palais ancien a été l’un des premiers monuments explorés ; des rapports préliminaires ont rapidement rendu compte des principaux résultats et le fouilleur synthétisa ceux-ci dans Das Wiedererstandene Assur en 1938. Sans attendre la fin des fouilles, les rapports définitifs ont commencé à paraître ; cependant, c’est en 1955 seulement qu’est paru par les soins de C. Preusser un rapport définitif, assez peu développé, intitulé Die Paläste in Assur (Gebr. Mann Berlin), abrégé ci-dessous Die Paläste.
2Par la suite l’Institut Archéologique allemand (Deutsche Orient-Gesellschaft) et le Musée de Berlin (Vordersiatisches Museum der Staatlichen Museen zu Berlin) se sont réunis pour lancer divers programmes de recherche, portant sur les grandes fouilles conduites au début du XXe s. en Mésopotamie par des missions allemandes, dont l’un intitulé « Assur Projekt » piloté par un comité sous la responsabilité du professeur J. Renger. Les objectifs étaient de reprendre l’étude du matériel mis au jour dans les fouilles et souvent conservé en Allemagne, tout comme l’étaient les archives de la Mission. Il s’agissait aussi de compléter les publications réalisées à ce jour et de réfléchir — à la lumière des nouvelles données provenant de recherches parallèles et à l’aide de ce matériel ainsi que des notes ou remarques restées inédites dans les archives — à des perspectives complémentaires. Enfin, il s’agissait de réexposer l’ensemble de la documentation de base à la lumière de toutes ces études. Ces nouvelles publications commencent à voir le jour, comme le montre l’ouvrage de Fr. Pedde et de St. Lundström, Der Alte Palast in Assur, Architektur und Baugeschichte (abrégé ci-dessous Der alte Palast). Il s’agit, à l’évidence, d’une entreprise de grand intérêt et que l’on peut qualifier d’innovante, sur laquelle je reviendrai ci-dessous.
3L’une des originalités de cette publication est d’avoir voulu réunir dans un même volume l’ensemble de la documentation concernant le palais ancien, tant les données architecturales, que les objets et les sources écrites. L’organisation de la publication est dominée par cet objectif.
4Le volume principal comprend 204 p. et 34 pl. ; en annexe, une pochette réunit 5 plans d’architecture.
5Voyons d’abord la documentation graphique. Les planches, outre l’habituel plan du site, sont consacrées, pour 7 d’entre elles, à divers plans schématiques des édifices retrouvés ; 2 donnent une restitution en 3D de ce qui reste du palais néo-assyrien ; une planche et demie rassemblent quelques objets et tessons ; 22 planches fournissent une illustration photographique (une soixantaine de clichés) des fouilles du chantier qui complète fort heureusement, malgré quelques doublons, la douzaine de photos donnée dans Die Paläste, ce qui était bien peu. Il faut souligner une heureuse initiative : les plans h. t. 1 et 5, par une flèche noire ou rouge indiquant la direction de la prise de vue, permettent de cerner exactement le rapport entre le plan de fouille et la photo présentée : c’est une excellente démarche trop rarement mise en œuvre.
6Un regret concernant la documentation planimétrique : les tracés des coupes A-B (nord-sud) et C-D (ouest-est) qui apparaissent sur les plan h. t. 1, 2, 3, 4 et 5 et qui se trouvaient aussi aux planches 1 (mais seulement partiellement), 3 et 6 de la documentation graphique publiée par C. Preusser, n’ont pas donné lieu à une republication de ces coupes parues dans Die Paläste. C’est très dommage, car sans parler de la possibilité de s’y référer lorsqu’on utilise Der alte Palast sans avoir à recourir à la première publication — Die Paläste —, une analyse de la crédibilité à accorder à ces coupes aurait été la bienvenue.
7Les plans h. t. ne sont pas ceux de la publication de Die Paläste. En recourant aux originaux, en particulier des plans au crayon sur support cartonné, relevés par les fouilleurs, et en les complétant à l’aide des recherches que P. Miglus a conduites dans le fonds d’archives (déjà publiées dans MDOG, 118 et 121), l’auteur fournit une nouvelle documentation qui permet sur bien des questions une approche nouvelle. Ainsi en est-il, par exemple, de la fouille dans la grande cour centrale (Schotterhofbau) reportée sur le plan 1 ou de l’annexe du palais médio-assyrien sur le plan 5 et que l’on retrouve aussi sur les plans schématiques ; on notera aussi l’adjonction d’un très grand nombre de cotes d’altitude, ce qui ne peut être que bénéfique aux recherches et à une bonne analyse de la situation.
8Le texte est présenté en trois parties d’importance inégale. La première, sous la responsabilité de Fr. Pedde, traite, en 132 p., des questions architecturales ou des découvertes que l’on peut relier à la mise au jour de l’architecture. Après une large introduction qui explique l’ensemble du travail, 7 chapitres traitent successivement des questions suivantes : les différentes phases (p. 27-42) ; description des pièces (p. 43-58) ; les tombes et tombeaux (p. 59-62) ; récapitulation (p. 63-65) — citations tirées des journaux de fouille de R. Koldewey, W. Andrae et J. Jordan, (p. 67-75) — catalogue des trouvailles (p. 77-116) rangées au premier degré sous la rubrique matière, à quelques exceptions près : d’abord des matières organiques (ivoire, os travaillés ou non, coquillages, bois, bitume), puis les matières non organiques (plomb, cuivre, bronze, fer, or, argent, monnaie, pierre, fritte, verre, briques et briques estampillées, parure, argile, tablettes) ; au second degré, c’est-à-dire à l’intérieur de chacune des rubriques « matières », ont été données les catégories d’objets. Au total 1 122 items ont été ainsi répertoriés avec de courtes notices identificatrices, mais pratiquement sans illustration — tableaux des concordances des numéros de fouilles et de musées (p. 117-132).
9La seconde partie, de 67 p., est due à St. Lundström qui rend compte en 4 chapitres, après une brève introduction, de la documentation écrite ayant trait aux palais : définition des sources (p. 137-139) et des constructeurs du palais ancien. Sont connus 26 souverains qui ont laissé des traces écrites plus ou moins importantes de leurs interventions qui sont rapportées ici, (p. 141-188) — une synthèse termine cette présentation (p. 189-190), des index facilitent les recherches dans cette partie (p. 191-199).
10La troisième partie, très courte, concerne la présentation par E. Frahm du récit de construction du prisme d’argile de Sennachérib VA 5634 (p. 201-204).
11Une ample bibliographie (p. 13-19) accompagne cet ensemble.
12Malgré l’intérêt de cette entreprise, plusieurs remarques doivent accompagner cette présentation. J’en retiendrai trois touchant aux questions architecturales et qui limitent un peu l’intérêt de cet apport nouveau.
13À ce que j’ai dit plus haut sur la curieuse non-reproduction des coupes au travers du palais ancien, d’ailleurs plutôt stratigraphiques qu’architecturales, publiées dans Die Paläste, il convient d’ajouter que n’a pas été donnée non plus, alors que certains éléments planimétriques apparaissent, la coupe élaborée par P. Miglus sur la fouille de la cour centrale (Schotterhofbau). Il faut aller chercher dans le h. t. 3 de MDOG, 121. Une fois de plus, on constate l’absence de compréhension de la nature de la documentation architecturale qui exige d’être représentée, tant par les plans que par les coupes, car aussi bien l’architecture que la couche archéologique elle-même sont des volumes, c’est-à-dire des éléments tridimensionnels. La façon minimale de tenir compte de ces volumes est de les représenter à la fois par le ou les plan(s) et par une ou des coupe(s).
14La seconde remarque touche au fait que l’effort des auteurs a été particulièrement mis sur un approfondissement de la documentation pour les palais de la fin du IIe et de la première moitié du Ier millénaire. C’est un peu dommage que l’effort de réflexion n’ait pas été plus poussé sur la phase originelle car c’est, à mon avis, la plus importante des trois.
15La troisième remarque touche au bâtiment annexe rajouté au palais médio-assyrien et dont P. Miglus a parlé pour la première fois, à ma connaissance, dans MDOG, 118, après une analyse de l’espace qui s’étend entre le palais ancien et la Ziggurat. Ce bâtiment a été accroché à la face orientale du palais comme s’il en était partie constituante. Cependant il faut insister, pour bien le comprendre, sur quatre caractéristiques essentielles. Tout d’abord, il n’est absolument pas relié, même par un petit morceau de fondation, au palais tel qu’il est habituellement représenté ; cette absence de liaison ne laisse pas d’être étonnante étant donné que chacun des bâtiments est pourvu de fondations qui se jouxtent presque, mais sans se rencontrer ; à noter qu’aucune relation au niveau du sol n’apparaît. Ensuite il existe une parfaite opposition dans la nature des deux parties. Autant la partie primitivement publiée est conçue selon une organisation strictement orthogonale (si l’on en croit la restitution proposée déjà dans Die Paläste et reprise ici sans modification), autant la partie rajoutée est totalement de guingois avec une absence totale de parallélisme entre les murs (usage du trapèze presque systématique), mur courbe et dont la logique de raccordement avec la façade nord ne se perçoit nullement. Une telle distorsion conceptuelle entre ces portions d’édifice ne peut s’expliquer, même par un agrandissement tardif, et il ne peut s’agir que de deux bâtiments différents. En outre, l’absence de cote d’altitude pour ce bâtiment et l’impossibilité où nous sommes de les raccorder en altimétrie, tant dans les planches que dans les plans — alors qu’un grand nombre d’entre elles ont été ajoutés à celles existant dans les plans de Die Paläste — conduisent tout simplement à penser que le « Anbau » (annexe) n’appartient pas au niveau du palais médio-assyrien et qu’il s’agit d’un élément subsistant d’une phase architecturale qui a disparu ailleurs. Enfin il faudrait mettre ces observations en relation avec la constatation que je présentais dans Palais Mésopotamiens…(p. 459-460 et fig. 130) et dont il n’a pas été tenu compte, sur la quasi-impossibilité de raisonner sur les pauvres restes de ce palais et surtout de proposer une restitution qui n’offre aucune certitude ni aucun terme de comparaison ; ce n’est pas avec de telles hypothèses que l’on connaîtra mieux l’architecture de cette période.
16Concluons sur le palais ancien tel qu’il apparaît maintenant. Au regard des objectifs des fouilleurs, on peut estimer que ceux-ci ont été seulement partiellement atteints et au prix de quelques sacrifices.
17Si l’on a bien rassemblé ici la liste du matériel retrouvé dans les fouilles, celui-ci n’est pas pour autant publié ou republié puisque le catalogue n’est accompagné que de courtes notices, pratiquement sans illustration, et sans présentation typologique (avec toutefois les références à une précédente publication). Certes, tout cet aspect de l’entreprise est annoncé pour de futures publications consacrées aux différentes catégories du matériel recueilli. Ce catalogue ne deviendra alors réellement intéressant que lorsque ces études à venir auront été réalisées car, dans l’immédiat, l’absence de la documentation graphique et photographique qui doit accompagner toute étude du matériel, des indispensables cartes de répartition et de position stratigraphique (ou altimétrique) ne permettent aucune approche de la relation qui a pu exister entre les phases définies et les espaces architecturaux.
18Quant à la connaissance du dossier architectural, si elle est sortie un peu renforcée de cette entreprise, il faut reconnaître que c’est essentiellement dans le commentaire descriptif de la période médio-assyrienne, car il n’y a pas de grandes nouveautés concernant le palais originel ou le palais néo-assyrien. Les informations concernant la fouille de la cour centrale n’apportent guère de données sur ce qui a pu précéder la fondation du palais de l’époque des dynasties amorites. Quant aux deux phases architecturales terminales, elles suscitent, malgré le complément d’information, des interrogations : on a vu que le bâtiment annexe ajouté au palais médio-assyrien risque fort d’appartenir à une autre phase architecturale ; quant au palais néo-assyrien, s’il est plaisant d’en avoir une restitution 3D en couleurs, on ne peut pas réellement parler d’une grande nouveauté sur le plan documentaire.
19En revanche, le rassemblement des textes concernant les palais est une très belle opération qui rendra de grands services et permettra de mieux définir, dans de futures études, les liens possibles entre une documentation architecturale de nature archéologique — incomplète mais neutre par nature — et les textes qui expriment ce que les anciens ont cherché à dire.
20Concluons maintenant sur l’intérêt de ces reprises d’anciennes publications à l’aide des fonds d’archives.
21L’apport de nouvelles informations restées inédites est évidemment d’un très grand intérêt. Cependant ne conviendrait-il pas de tenir compte aussi des études qui ont pu être conduites sur le sujet depuis les premières publications en apportant des vues nouvelles, et qui pourraient autoriser un véritable ajustement des différentes informations ? Ne pas en tenir compte, comme si elles n’avaient jamais existé, c’est, dans une certaine mesure, considérer qu’elles sont sans intérêt et donc en rester à un niveau antérieur de la recherche. Et, si l’on pense que c’est une opinion à ne pas retenir, en particulier à la lumière des nouveaux documents, alors il faut le démontrer et ne pas simplement l’ignorer.
22Au total, une entreprise très intéressante, qui doit susciter commentaires et études nouvelles.
Pour citer cet article
Référence papier
Jean-Claude Margueron, « Friedhelm Pedde & Steven Lundström, Der Alte Palast in Assur, Architektur und Baugeschichte (Baudenkmäler aus assyrischer, 11, WVDOG, 120). », Syria, 87 | 2010, 409-412.
Référence électronique
Jean-Claude Margueron, « Friedhelm Pedde & Steven Lundström, Der Alte Palast in Assur, Architektur und Baugeschichte (Baudenkmäler aus assyrischer, 11, WVDOG, 120). », Syria [En ligne], 87 | 2010, mis en ligne le 01 juillet 2016, consulté le 17 mars 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/syria/799 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/syria.799
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