Jean-Paul Thalmann (1946-2017, Saint-Paul-Trois-Châteaux)
Texte intégral
1Jean-Paul nous a quittés le 8 juillet 2017 entouré de sa famille, en sa maison de Saint-Paul-Trois-Châteaux, dans la Drôme. Nous sommes très nombreux à regretter vivement ce départ prématuré, survenu après de longs mois de maladie.
2Les lecteurs de Syria savent quel rôle majeur il a joué dans le domaine de l’archéologie du Levant à l’âge du Bronze, particulièrement au Liban et plus spécialement sur le site de Tell ʿArqa, si cher à son cœur. Il avait reçu la responsabilité de cette exploration en 1978 et y consacra ensuite tous ses efforts, ses recherches, ses vacances, son repos, même quand le site était inaccessible en raison de la situation géopolitique locale. C’est comme spécialiste reconnu de l’archéologie du Levant à l’âge du Bronze qu’il avait été recruté par l’Université de Paris 1 Panthéon-Sorbonne comme assistant en 1986, puis maître de conférences à partir de 1995 jusqu’à sa retraite en 2010. Nous nous sommes ainsi complétés l’un l’autre, tant sur le plan de l’enseignement que sur celui de la recherche.
3Né au sein d’une famille d’origine protestante suisse allemande (son grand-père était suisse), il avait passé, après ses études secondaires, un baccalauréat « maths-élém » comme on disait alors et intégré ensuite une classe préparatoire au lycée Louis-le-Grand. Élève à l’École Normale Supérieure de 1968 à 1972, il fut reçu à l’agrégation de Lettres Classiques en 1970. C’était la voie royale pour l’École française d’Athènes, où il séjourna comme élève de 1974 à 1978. Il participa alors aux chantiers de l’École à Argos et Amathonte. Mais il délaissa bientôt le domaine classique (qui lui valut des jours agités et de solides inimitiés lors d’une affaire sigillographique qui troubla beaucoup ce petit monde) au bénéfice des périodes plus anciennes de l’âge du Bronze. Après Athènes, il fut recruté comme pensionnaire scientifique à l’Institut français d’archéologie de Beyrouth, de 1978 à 1981. C’est alors qu’on lui confia la responsabilité des fouilles de ʿArqa. Sa formation scientifique (à Larsa, quand d’autres conversaient sans fin le soir, il préférait souvent s’isoler et se délasser dans sa chambre en résolvant quelque problème d’algèbre ou de géométrie) lui permettait d’exceller dans les domaines du relevé, du dessin ou de toutes les sciences dures appliquées à l’archéologie, tout en restant un helléniste distingué. Sa prédilection était l’analyse stratigraphique fine, l’interprétation de l’évolution des couches archéologiques ou la céramique de précision. Il sut d’ailleurs former à ces exigences nombre de jeunes Libanais qui le suivaient avec enthousiasme dans ces champs difficiles.
4Resté seul rue Michelet après le décès de Jean Deshayes en 1979, et bientôt son successeur, je sentais le poids de l’enseignement d’une archéologie orientale que je souhaitais le plus vaste possible en termes chronologiques et géographiques. Le Levant méditerranéen risquait de devenir le parent pauvre d’une telle ambition. Jean-Paul, qui n’a jamais été carriériste, avait réussi, après des années d’École Normale Supérieure, d’École d’Athènes et de pensionnariat à Beyrouth, à se faire nommer professeur de lettres dans un collège de Bonneville (Haute-Savoie). Par amour du monde méditerranéen, son épouse Christine et lui avaient fait l’acquisition d’une très belle maison à Saint-Paul-Trois-Châteaux, dans la Drôme encore tellement méridionale. Il avait sans doute oublié que l’académie locale englobait aussi les Alpes. Recruté rue Michelet comme assistant, puis maître de conférences dès qu’il eut soutenu sa thèse de doctorat en 1994, il exerça cette fonction jusqu’à sa retraite en 2010. Il m’avait rejoint rue Michelet avec enthousiasme. Ce sont ses anciens étudiants qui devraient témoigner ici du rôle qu’il y joua. Entre deux TGV (« je peux très bien travailler, j’ai la garantie d’une place assise et d’une table devant moi », répondait-il quand je lui reprochais une résidence administrative un peu éloignée, à mon goût, du Quartier Latin), il plantait sa tente dans mon bureau ou ailleurs, recevait, guidait, enseignait. Les heures ne comptaient pas. Il s’intégra plus ou moins bien dans une maison où les rivalités et les chapelles post-soixante-huitardes ne manquaient malheureusement pas, mais le Levant et l’enseignement de l’archéologie furent ses seuls guides. J’ai connu des étudiants rebelles (« je l’aurais étranglé », me dit un jour l’un d’eux), et des étudiants enthousiastes. Il ne laissait en effet personne indifférent ! Je le croisai un jour à l’angle du bâtiment, sur le trottoir, avec un théodolite et deux mires. Suivi d’un petit groupe de fidèles, il faisait le tour des immeubles du coin pour voir si, à l’arrivée, les étudiants arrivaient à la même altitude qu’au départ… Devant un autre qui avait cru bon de mettre en exergue de son mémoire de maîtrise une belle citation latine, malheureusement gravement écorchée, il s’indignait : « Monsieur, quand on prétend avoir des lettres, il faut avoir les bonnes... ». Bref, ambiance… Mais des vocations naissaient, un enseignement vivait, et je savais le Levant en de bonnes mains. Il soutint pendant des années, avec Pierre de Miroschedji et moi-même, les conférences mensuelles d’information sur les recherches en cours, qui existaient depuis 1974, mais qui prirent alors un bel essor avec l’appui d’une association estudiantine aujourd’hui disparue, Orient-Express. Si nous étions trois à recruter des conférenciers, ce qui n’était pas toujours facile, il fut bien tout seul, pendant une dizaine d’années, à « faire les courses », avant l’heure, pour préparer ensuite, avec les étudiants, le buffet qui clôturait les rencontres. Je dois ajouter qu’il assura à lui seul l’enseignement du premier cycle dès son arrivée en 1986, me soulageant ainsi d’une charge que j’avais portée depuis 1969.
- 1 On trouvera les traces de cette interrogation dans son article « Ex Oriente Lux, l’invention de la (...)
5Au pire moment de la crise libanaise, le sachant en déshérence de terrain, je lui proposai de me rejoindre, pour un temps, en la lointaine Mésopotamie. Il y découvrit, je crois, les joies de la brique crue. Il abordait, à quarante ans, un domaine inconnu de lui : « Il n’y a pas de tessons de lampe à huile ! », s’étonnait-il 1. Je n’hésitai pas à lui confier l’exploration d’un beau bâtiment sumérien où il fit merveille, une exploration malencontreusement interrompue par la crise du Koweit en 1990. Je connaissais ses difficultés à achever un rapport. Sur le terrain, il voulait tout faire lui-même, la fouille, le relevé, le dessin, le tri des tessons, les photographies, les restitutions… C’était le même problème pour la rédaction d’un rapport, pour lequel il réalisait tout, texte, dessins, mise en page… Il eut fallu plusieurs vies. Aussi, ses publications sont-elles relativement peu nombreuses. Je ne suis, je crois, indirectement responsable que de deux ou trois d’entre elles, obtenues à force de supplications et de menaces alternées. D’abord son gros article sur l’époque sumérienne à Larsa, J.-P. Thalmann, « Larsa 1987/1989, le bâtiment B 33 », J.-L. Huot (dir.), Larsa travaux de 1987 et 1989 (BAH 165), Beyrouth, Ifapo, 2003, p. 35-139, où tout — ou à peu près — est de sa plume ou de son crayon, qui restera longtemps le dernier mot sur cette époque du site ; et surtout J.-P. Thalmann, Tell Arqa I, les niveaux de l’âge du Bronze (BAH 177), Beyrouth, Ifpo, 2006, trois volumes obtenus de haute lutte malgré son souci de perfection croissant. Je voudrais aussi mentionner, antérieurement, sa contribution à notre volume collectif Naissance des Cités, Nathan, Paris, 1990. Les deux collaborateurs prévus ayant fait défaut, je lui commandai, en catastrophe, la partie levantine. Il s’en acquitta avec rapidité et compétence, et sa contribution « Les villes de l’âge du Bronze levantin », p. 77-178, est un modèle du genre. Mais, on le sait, l’essentiel de la bibliographie de Jean-Paul concerne ʿArqa, le Liban et le Levant, domaines où les articles sont abondants.
- 2 On verra à ce sujet Célébration du cinquantenaire de l’Institut français d’archéologie du Proche-O (...)
- 3 Voir J. Starcky « Arca du Liban », Les cahiers de l’Oronte 10, 1971-1972, p. 103-117.
6Pour de nombreux collègues, Jean-Paul restera le fouilleur de Tell ʿArqa. J’ai préféré demander à Guillaume Gernez de compléter ces lignes sur ce point particulier. Je voudrais cependant en dire quelques mots au préalable. Ce site, à mon sens, était béni des dieux, mais aussi, maudit d’une certaine façon. L’entreprise soulevait, dès l’origine, un vieux problème. Les « Instituts de recherche » français, comme celui fondé par Henri Seyrig à Beyrouth en septembre 1946 2, devaient-ils eux-mêmes entreprendre des travaux de terrain ? Vieille querelle ! H. Seyrig y était opposé (après la Seconde Guerre mondiale, il préférait laisser le terrain, au Liban, à Maurice Dunand). Il précisait d’ailleurs aux jeunes pensionnaires « qu’il y avait déjà bien assez à trouver dans les bibliothèques et les réserves des musées ». L’Institut devait aider, héberger lors de leurs passages et soutenir les missions archéologiques françaises œuvrant au Proche-Orient, chacune travaillant dans son domaine. De là à se lancer lui-même dans cette sorte d’entreprise, ç’aurait été au détriment d’autres tâches tout aussi importantes en favorisant une fouille par rapport aux autres. Ce n’était pas l’avis de tout le monde, loin de là ! On le vit bien dès 1971, quand la politique de l’Institut fut modifiée. Sous la direction de Daniel Schlumberger, « grâce à l’appui des Services Culturels de l’ambassade de France à Beyrouth et au libéralisme du Service des Antiquités libanais » (M. Gélin, dans Syria 82, 2005, p. 296), l’Institut de Beyrouth obtint une concession de fouilles pour le Tell ʿArqa (Césarée du Liban). C’était la première mission archéologique française dans le pays depuis la fin du mandat. Site classique (ʿArqa est la ville natale de l’empereur Alexandre Sévère) en grande partie mais aussi et peut-être surtout, grand site de l’âge du Bronze, malgré les difficultés d’accès à ces couches plus anciennes. Dès le début de l’entreprise, l’ambiguïté des objectifs était évidente et les « directeurs » se succédèrent rapidement. Jean Starcky, qui remplaçait alors D. Schlumberger, gravement malade, à la direction de l’Institut, réunit le dossier historique disponible 3. Dans sa conclusion, il écrivait : « Espérons que des fouilles prochaines ressusciteront la splendeur d’Arca… ». Le tell fut bientôt acquis par l’État libanais et les fouilles furent confiées, avec l’appui de l’émir Maurice Chéhab, à Ernest Will, alors professeur à l’Université de Paris I, car il devait succéder à D. Schlumberger à la tête de l’Institut français d’archéologie de Beyrouth. Il délégua rapidement l’affaire à J.-M. Dentzer, aidé par deux pensionnaires de l’Institut, Denis Canal et Pierre Leriche (1973-1974). Mais, dès 1975, les troubles du Liban entravèrent la mission. Il fallut attendre 1977-1978 et la nomination puis l’arrivée de J.-P. Thalmann comme pensionnaire à Beyrouth pour envisager une timide reprise. À cette date, Jean-Paul reçut la responsabilité réelle de l’opération et y conduisit quatre campagnes, jusqu’en 1981, profitant d’une relative et trompeuse accalmie du conflit libanais. ʿArqa ne devait plus, dès lors, cesser d’occuper ses esprits et ses efforts, jusqu’à son décès. On verra, sous la plume de G. Gernez, que ʿArca romaine céda rapidement la place aux niveaux de l’âge du Bronze. Je laisse aussi à G. Gernez le soin de rappeler le rôle que joua Jean-Paul dans les débuts de l’exploration du centre-ville de Beyrouth, après la guerre civile, comme consultant auprès l’Unesco, de 1993 à 2000.
7Jean-Paul fut d’abord, à mes yeux, un enseignant hors pair. Sa présence rue Michelet, de 1986 à 2010, a marqué la vie archéologique de notre établissement. C’est une activité qui laisse peu de traces, sauf dans la mémoire des étudiants et des collègues de cette période et ils sont nombreux à pouvoir en témoigner. Il était bon enseignant parce qu’il était excellent archéologue. Il savait tout faire sur le terrain et après le terrain. En quarante ans d’activité au Liban, il aura marqué l’archéologie de ce pays qui fut si cher à ses yeux et qu’il aimait profondément, en en connaissant admirablement les qualités et les défauts. Ce polyglotte humaniste, fin lettré, grand lecteur, nous manquera longtemps.
Jean-Paul Thalmann à Tell ʿArqa et au Liban 4
- 4 Par Guillaume Gernez.
8Le nom de Jean-Paul Thalmann est indissociable de celui de Tell ʿArqa. Ce site clé de l’archéologie française au Levant n’aurait probablement jamais livré ses secrets sans la persévérance de son fouilleur, qui sut d’une part attendre dix longues années pour retourner sur le terrain de ses recherches au moment de la guerre civile, et d’autre part traverser dix épais mètres de niveaux stratigraphiques médiévaux, byzantins, hellénistiques et de l’âge du Fer afin d’atteindre ceux de l’âge du Bronze et d’en révéler la richesse, contribuant ainsi à dévoiler une page de l’histoire du Liban.
9De 2001 à 2011, j’ai eu la chance de partager avec Jean-Paul neuf campagnes de fouilles, chacune d’une durée de six à huit semaines (avec un record mémorable de dix semaines en 2009), et Jean-Paul fut pour moi successivement un professeur, un mentor, un ami. Nous logions dans la maison de fouilles, sur le tell, à deux pas du chantier, ce qui rendait possible l’idéal recherché par Jean-Paul : les conditions de travail parfaites pour des archéologues. Le chantier et tout le matériel étaient disponibles à tout moment du jour (et de la nuit), et le cadre de vie était si apaisant que toutes les tâches devenaient un plaisir pour l’équipe. L’enthousiasme communicatif du moudir, couplé à son exigence, permettait à la magie d’opérer : l’équipe, souvent fort réduite au cours des quinze dernières années (au fil des ans, les centaines de pots de l’âge du Bronze ont d’ailleurs largement remplacé les espaces de couchage !), put accomplir un travail d’une variété, d’une qualité et d’une quantité phénoménales. Jean-Paul et Christine Thalmann, ainsi que trois ou quatre étudiants et jeunes chercheurs, constituaient le cœur de l’équipe, tandis que Nabih Melhem s’occupait de l’intendance et du gardiennage après avoir succédé à son père, Abu Amer, historique gardien du site ayant courageusement sauvé la documentation et le matériel archéologique pendant la guerre.
10Tous ceux qui visitèrent ʿArqa se souviennent de l’atmosphère unique de cette maison et du site, qui devait autant à la géographie du lieu qu’au charisme du maître des lieux, figure locale pendant quarante ans, surnommé Abu Skender (père d’Alexandre) par les habitants des alentours.
11Jean-Paul fut en effet l’archéologue d’un site. En effet, même si sa formation, ses recherches et les conditions politiques le conduisirent occasionnellement dans d’autres lieux, comme l’a déjà évoqué Jean-Louis Huot précédemment, Jean-Paul concentra sa passion d’archéologue sur le Liban, et sur un site, Tell ʿArqa. Rien n’échappait à sa connaissance du patrimoine et de l’histoire ancienne ou récente du pays, et il se plaisait encore parfois à le parcourir, même s’il regrettait fort que le Liban ne fût pas resté l’endroit merveilleux qu’il avait connu au début des années 1970, avant que la guerre et l’urbanisation galopante n’en dénaturassent les traits et le parfum.
- 5 Liban, l’autre rive (Vieux Fonds Art), Paris, Flammarion, 1998. Cat. expo., Institut du monde arabe (...)
12Dire que Jean-Paul Thalmann était un personnage incontournable de l’archéologie au Liban relève de l’évidence. Il était fréquemment consulté par divers acteurs de l’archéologie libanaise pour son expertise des cultures, de la céramique et de l’architecture de l’âge du Bronze, à l’occasion d’expositions au Liban (au Musée National) ou en France (par exemple Liban, l’autre rive, à l’Institut du monde arabe 5), lors de découvertes fortuites, voire par des collectionneurs privés, et fut régulièrement invité formellement ou informellement sur la plupart des missions archéologiques et des grands sites de la côte : Tell Burak, Sidon, Byblos, Tell Fadous, Enfeh pour ne citer qu’eux. Tell ʿArqa fut aussi le cadre de réceptions nombreuses de collègues et amis libanais et internationaux, y compris dans le cadre de réunions liées au programme ARCANE.
13La notoriété de Jean-Paul au Liban reposait tant sur ses qualités humaines et académiques que sur son incomparable sens du terrain. Sur un site aussi complexe du point de vue architectural et stratigraphique, l’une des clés reposait sur la polyvalence qu’il prônait et pratiquait. Que ce soit pour déchiffrer les indices du sol et du matériel, ou pour mener une équipe d’ouvriers, il considérait comme primordial d’être capable d’effectuer lui-même l’ensemble des tâches — et d’y exceller — avant de prétendre déléguer et diriger. Il fut pour ses collaborateurs et assistants un exemple à suivre, et son perfectionnisme fut bien rarement égalé. Au cours d’une même journée, s’étirant souvent de 6 h du matin à minuit passé, il n’était pas rare de voir Jean-Paul effectuer lui-même le relevé d’un mur puis sa mise au net sur ordinateur, redresser une coupe, descendre au fond d’un sondage pour guider la fouille, mesurer les altitudes assisté de son équipe, faire visiter le site à un collègue, assembler les tessons en vue d’un remontage céramique, finir le remontage de quelques vases en cours de restauration, préparer le rapport, dessiner, donner des consignes pour l’avancée du travail, saisir les éléments dans la considérable base de données, sans oublier — bien sûr — les travaux de comptabilité et de gestion de la mission, le tout avec une disponibilité de chaque instant et en instaurant une ambiance aussi agréable que studieuse.
14En cela, la formation reçue à Tell ʿArqa valait tous les cours théoriques au monde : les visiteurs du site, dans les années 2000, s’étonnaient d’une équipe dépourvue de topographe, d’architecte, de céramologue, de dessinateur, de restaurateur. Nul doute que leur étonnement s’accrut à chaque article publié, en découvrant les plans parfaits, les nombreux pots complets mis au net, les coupes stratigraphiques claires et un exposé argumenté et limpide des découvertes. Ceux qui ont assisté Jean-Paul à Tell ʿArqa, pour un temps plus ou moins long, ont tous appris quelque chose, et souvent beaucoup, sur l’art d’être archéologue, qui relève tout autant de la technique et du savoir-faire que de la science et de l’érudition, du devoir et de la passion. Comme il le répétait souvent : « Un archéologue est avant tout quelqu’un qui démontre ce qu’il avance ». Chaque élément du terrain devait être compris et expliqué avec méthode, rigueur, clarté et raison.
15Enfin, Jean-Paul aimait les histoires, et les racontait avec un humour inimitable lors des moments de convivialité, le midi ou le soir sous la treille de la maison de fouille, et c’est heureux, car ainsi était-ce l’occasion d’en apprendre beaucoup sur des thèmes très variés, parmi lesquels figurait en bonne place tout ce qu’il avait vécu au Liban. Les mésaventures, situations et autres « choses vues » étaient les plus significatives et, de très loin, celles que Jean-Paul préférait, avec nostalgie souvent, avec amusement parfois, et bienveillance toujours. S’il nous a quittés aujourd’hui, ce n’est qu’une page de cette histoire qui s’est tournée, car tout ce qu’il a su transmettre ne quittera pas nos mémoires ni les actions de ceux qui, comme l’auteur de ces lignes, eurent la chance d’être au nombre de ses disciples, et qui poursuivront à la fois l’œuvre archéologique à Tell ʿArqa et au Liban, et même plus loin au Proche-Orient. Nous aurons aussi le devoir de continuer à former les générations prochaines comme Jean-Paul le fit pour nous, sans espérer l’égaler, mais en nous inspirant de son exigence, de sa bienveillance et de son humanité.
Notes
1 On trouvera les traces de cette interrogation dans son article « Ex Oriente Lux, l’invention de la lampe au Proche-Orient », J. Giraud & G. Gernez (éd.), Aux marges de l’archéologie. Hommage à Serge Cleuziou, Paris, de Boccard, 2012, p. 175-185, et plus particulièrement p. 176).
2 On verra à ce sujet Célébration du cinquantenaire de l’Institut français d’archéologie du Proche-Orient : séance du vendredi 18 octobre 1996, Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, Paris, Institut de France, 1996.
3 Voir J. Starcky « Arca du Liban », Les cahiers de l’Oronte 10, 1971-1972, p. 103-117.
4 Par Guillaume Gernez.
5 Liban, l’autre rive (Vieux Fonds Art), Paris, Flammarion, 1998. Cat. expo., Institut du monde arabe, du 27/10/1998 au 02/05/1999.
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Légende | Jean-Paul Thalmann à la maison de fouilles de Tell ʿArqa (Liban) en octobre 2002 |
Crédits | © Guillaume Gernez |
URL | http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/syria/docannexe/image/5586/img-1.jpg |
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Pour citer cet article
Référence papier
Jean-Louis Huot et Guillaume Gernez, « Jean-Paul Thalmann (1946-2017, Saint-Paul-Trois-Châteaux) », Syria, 94 | 2017, 381-385.
Référence électronique
Jean-Louis Huot et Guillaume Gernez, « Jean-Paul Thalmann (1946-2017, Saint-Paul-Trois-Châteaux) », Syria [En ligne], 94 | 2017, mis en ligne le 15 décembre 2017, consulté le 24 mars 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/syria/5586 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/syria.5586
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