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1Le colloque international sur La géographie historique de la moyenne vallée de l’Oronte de l’époque d’Ebla à l’époque médiévale s’est déroulé les 13 et 14 décembre 2012 à la Maison de l’Archéologie et de l’Ethnologie (MAE) de Nanterre puis à l’Institut National d’Histoire de l’Art (INHA) à Paris.
2Avant d’être une manifestation scientifique, ce colloque fut d’abord et avant tout un hommage à nos collègues et amis syriens, qui traversent une période terrible de leur histoire et de leur vie, et à qui nous devons tant depuis des décennies quand ils nous accueillaient pour nos travaux en terre syrienne. Ils ont été représentés par Michel Al-Maqdissi, directeur des Fouilles et des Études scientifiques à la Direction Générale des Antiquités et Musées (DGAM) de Syrie, Mohamed Al-Dbiyat, géographe à l’Institut Français du Proche-Orient (Ifpo) à Damas, et Ibrahim Shaddoud (DGAM), co-directeur de la fouille de Tell al-Nasriyah et docteur en archéologie de l’Université d’Aix-en-Provence. Par le biais de la vallée de l’Oronte c’est la Syrie tout entière que nous avons voulu honorer.
3En particulier, la DGAM a œuvré depuis des années au développement de l’archéologie et de la protection du patrimoine dans cette belle région de la Syrie occidentale intérieure qu’est la vallée du « fleuve rebelle », et c’était pour nous une évidence qu’il fallait mettre en valeur cet immense travail. De plus, le terrain étant inaccessible sine die en Syrie comme dans la haute Beqaʿa libanaise, une synthèse s’imposait sur les travaux récents, si nombreux et si fructueux.
4Ce colloque offrait aussi l’opportunité de rendre hommage aux pionniers des recherches dans cette région, et nous avons été très heureux d’accueillir Jean-Charles Balty (professeur émérite de l’Université Paris-Sorbonne [Paris IV], professeur honoraire de l’Université libre de Bruxelles [ULB], membre de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres) et Janine Balty (chercheur HDR, honoraire au Centre belge de recherches archéologiques à Apamée de Syrie, Bruxelles) pour leurs remarquables travaux à Apamée, ainsi que David Hawkins (professeur honoraire, professor of Ancient Anatolian Languages, School of Oriental and African Studies [SOAS], University of London).
Remerciements
5Nous tenons à remercier vivement les membres de notre équipe « du Village à l’État au Proche- et au Moyen-Orient » (Vepmo) de l’Unité Mixte de Recherche (UMR) 7041 « Archéologie et Sciences de l’Antiquité » (ArScAn) pour le soutien et l’aide qu’ils ont apportés pendant plus d’un an à l’organisation et au bon déroulement de ces deux journées, notamment Régis Vallet et Victoria de Casteja (CNRS), respectivement responsable et gestionnaire de l’équipe, Pascal Butterlin et Guillaume Gernez (Université Paris 1), archéologue à Tell al-Nasriyah en 2009-2010. Nous remercions également trois autres membres de la « Mission archéologique syro-française de l’Oronte » que nous co-dirigeons : Aline Tenu et Xavier Faivre (CNRS), de l’équipe « Histoire et Archéologie de l’Orient Cunéiforme » (Haroc) d’ArScAn, et Martin Sauvage (CNRS), de l’Unité de Service de Recherche 3225 de la MAE à Nanterre, à qui nous devons les nombreuses et belles cartes de cette publication qui constituent un magnifique outil de travail.
6Nous ne saurions oublier ceux de nos collègues qui ont œuvré en amont à la réussite de ce colloque, en particulier Cécile Michel (CNRS), responsable de l’équipe Haroc d’ArScAn jusqu’en décembre 2011, avec qui j’ai pu avoir des échanges très fructueux, et François Villeneuve, responsable de l’équipe « Archéologie du Proche-Orient Hellénistique et Romain » (Apohr) d’ArScAn, qui m’a donné de nombreuses pistes pour les époques classiques et a toujours soutenu ce projet dans sa démarche scientifique.
7Nous adressons également nos remerciements les plus vifs aux institutions qui ont participé financièrement à l’organisation de ces deux journées : l’équipe Vepmo de l’UMR 7041 ArScAn, sous la responsabilité de Régis Vallet, le ministère des Affaires étrangères et européennes et du développement international (MAEDI) par le biais de l’allocation de recherche pour la “Mission archéologique syro-française de l’Oronte”, et l’Ifpo-Beyrouth, sans la générosité duquel ce volume n’aurait pu être publié : que Marc Griesheimer, puis Frédéric Alpi (CNRS) qui a pris le relais du DAHA (Département d’Archéologie et d’Histoire ancienne), trouvent ici l’expression de notre gratitude, ainsi qu’Anne-Sibylle Loiseau (CNRS), Nadine Méouchy (CNRS) et Antoine Eid (Ifpo) pour la qualité de leur travail éditorial et leur attention permanente.
8Nous associons à ces institutions la Fondation Aïdi, son président, le Dr.Osmane Mounif Aïdi et Rawa Batbouta, pour l’aide très précieuse qu’ils ont apportée à l’impression du présent volume. Ainsi que des particuliers pour leur générosité, Ishtar Méjanès et Michel Allard-Couluon, et Pierre Parayre pour son soutien permanent à cette entreprise.
9Que soient enfin remerciées les institutions qui ont mis à disposition leurs locaux, la MAE à Nanterre pour ses deux salles du rez-de-jardin et l’INHA pour la salle Vasari à Paris.
Ambitions initiales
10C’est le terrain qui nous a donné l’idée de ce colloque. Il s’appuie en effet sur les travaux réalisés par la « Mission archéologique syro-française de l’Oronte » dans le mohafazat de Hama en Syrie occidentale, mission que je co-dirige avec Michel Al-Maqdissi et Ibrahim Shaddoud.
- 1 Bartl & Al-Maqdissi 2014.
- 2 Turri 2015.
11Notre mission a travaillé entre 2006 et avril 2011 dans le cadre d’une micro-région de 9 x 13 km située à 15 km en aval de Hama, en rive droite, et caractérisée par la proximité exceptionnelle de deux sites quadrangulaires : Tell al-Nasriyah, au bord même du fleuve à la confluence du Sarout, et Tell Massin à 10 km au nord-est sur le plateau karstique. Au terme de cinq années de recherches intensives, il était temps d’intégrer notre micro-région à un environnement beaucoup plus large pour prendre le recul nécessaire, et ce d’autant plus que le Deutsche Archäologische Institut (DAI) a publié un bilan des prospections faites en Syrie centrale 1 et que des travaux de synthèse viennent de paraître, tel le PhD de Luigi Turri 2, réalisé sous la direction des professeurs Mario Fales et Daniele Morandi Bonacossi (Université d’Udine).
- 3 Gaborit 2015.
12Ce colloque s’inscrit dans la thématique très actuelle sur le territoire et le rôle des fleuves. Au sein de notre équipe Vepmo, Pascal Butterlin travaille sur l’Euphrate et Régis Vallet dans le triangle du Khabur. Parallèlement, Justine Gaborit (ancienne pensionnaire à l’Ifpo Beyrouth) vient de publier sa thèse de doctorat, sous la direction de Pierre Leriche (CNRS), et intitulée La vallée engloutie. Géographie historique du Moyen-Euphrate (du ive s. av. J.-C. au viie s. après J.-C.) 3. Il y avait donc là une vaste convergence scientifique dans laquelle les journées de l’Oronte s’inscrivent et constituent un premier jalon, et visiblement la dynamique que notre initiative a impulsée en décembre 2012 a été suivie.
Perspectives de recherche et méthodologie
13Le visage de la géographie historique a beaucoup changé en un peu moins d’un siècle. La route est longue entre la remarquable Topographie historique de la Syrie antique et médiévale de René Dussaud en 1927, fondée sur les sources écrites et les cartes imprimées et où il s’agissait d’abord de fixer le nom et l’emplacement des localités, et les approches globales actuelles qui privilégient les prospections et leur expression cartographique sur support numérique pour appréhender l’environnement et l’installation humaine. En passant par la perspective géopolitique où l’on étudiait le territoire des royaumes en macro-histoire et le déroulement des batailles en micro-histoire, telle la bataille de Qadesh.
14Le comte du Mesnil du Buisson fut aussi à sa façon un pionnier de la prospection par ses travaux dans la région autour de Qaṭna, et M. Al-Maqdissi a le mérite de publier dans ce recueil les inédits conservés depuis des décennies au département des Antiquités orientales du musée du Louvre. Ainsi ces travaux anciens ont-ils eux aussi nourri notre recherche.
Le cadre spatio-temporel
- 4 Fortin 2007c.
- 5 Weulersse 1940a, p. 34-35.
15La vallée de l’Oronte constitue « une entité géographique unique au Proche Orient » 4. Le territoire délimité s’étend de la frontière libanaise, au sud, jusqu’au Ghab, au nord, en privilégiant la zone située entre Homs et Qarqur, soit le moyen Oronte 5. Naturellement les interventions ont débordé vers le nord, en Turquie, et vers le sud, au Liban.
- 6 Horden & Purcell 2000.
- 7 Genz 2009.
16Cette vallée jouxte les espaces méditerranéens dont elle partage les caractéristiques : une infinité de micro-régions compartimentées mais en réseau les unes avec les autres et constamment en train de s’adapter, leurs habitants ayant toujours répondu par des stratégies de survie aux mutations d’un milieu naturel et humain instable et dangereux. Cette notion d’« interconnection » (connectivity) a été magistralement mise en évidence dans l’ouvrage de P. Horden et N. Purcell consacré à la Méditerranée 6, et elle nous paraît s’appliquer parfaitement aux territoires parcellaires que nous nous proposions d’étudier. Plusieurs publications récentes privilégient aussi cette perspective, par exemple celle des fouilles allemandes de Tell Fadous 7 au Liban : elle est au cœur de la problématique de ce colloque.
17L’introduction de M. Al-Dbiyat éclaire les deux caractéristiques majeures de la vallée de l’Oronte. D’une part, elle souligne la diversité des faciès successifs du fleuve, mise en évidence par l’étude pionnière de J. Weulersse. Si cette vallée a attiré les hommes dès le Paléolithique, elle leur offrit en effet des zones aux potentiels très divers et elle fut loin d’être partout un havre idéal. Ainsi l’un des intérêts majeurs de ce colloque fut-il d’essayer de définir des faciès régionaux différents, prédéterminés par la variété des milieux, et de tenter d’évaluer comment ces spécificités ont joué un rôle au cours de l’histoire. Cela en longitude : l’enquête s’efforce de mettre en lumière les divisions régionales entre le Nord et le Sud, et de vérifier le rôle éventuel des paliers naturels du fleuve dans ces lignes de partage. Mais aussi en latitude : l’espace que nous avons défini inclut la vallée elle-même avec le chenal du fleuve et le bord du plateau, car les sites installés dans ces deux contextes différents n’ont pas connu la même destinée.
18D’autre part, cette introduction montre combien la vallée de l’Oronte a une position exceptionnelle, à la jonction des trois grandes zones du Proche-Orient, le domaine bioclimatique méditerranéen, la ceinture steppique et, en profondeur, les « marges arides », et combien cette situation en fait un espace privilégié aux potentialités complémentaires.
19Sur le plan chronologique, nous avons choisi de travailler en diachronie depuis l’époque d’Ebla jusqu’à l’époque médiévale, ce qui était le seul moyen de saisir les mutations géographiques et historiques autant que les éventuelles continuités. Ainsi étions-nous à même de mieux comprendre des phénomènes inscrits dans la longue durée tels les changements climatiques, les grandes mutations géopolitiques, les mouvements de peuples et leur impact, les phases d’urbanisation, les phases d’habitat groupé et d’habitat dispersé… sur une durée de plus de 3 500 ans. Il nous paraissait essentiel de mettre en lumière les pics d’occupation et les périodes de régression, les permanences et les ruptures (par exemple dans la toponymie), les glissements de pouvoir, ainsi de Qaṭna à Aréthuse puis à Emèse. De même, le rôle de l’Oronte a certainement varié au cours des temps.
Les sources
20Dans le cadre spatio-temporel ainsi défini, le fil conducteur de cette première réunion a été la documentation écrite, au demeurant fort inégalement répartie entre les périodes. Mais ces sources ne prennent sens que confrontées aux autres documents : l’interdisciplinarité est évidemment indispensable à ce type de recherche, comme l’a souligné il y a déjà trente ans la table ronde organisée à Valbonne en 1985 et publiée en 1990 sous le titre Géographie historique au Proche-Orient. À condition de respecter les principes et les méthodes de chaque discipline scientifique pour ne pas surinterpréter les données ni fausser les perspectives. La grande disparité des sources textuelles et documentaires nous a imposé de les présenter à chaque fois dans leur spécificité de façon très rigoureuse.
21Ainsi les archéologues qui travaillent dans la région ont-ils pu croiser les résultats de leurs prospections avec les informations textuelles : grands types de milieux éco-géographiques et paysages anciens, distribution des sites et ses variations, ponts ou gués, murs ou points fortifiés, tertres ou monuments funéraires… d’un côté ; textes divers et onomastique de l’autre, soit tous les apports de la toponymie, de l’anthroponymie et de la théonymie.
22Pour que ces échanges soient les plus pertinents possible, nous avons préparé le travail en amont. D’une part en réalisant des cartes par époque, harmonisées par M. Sauvage à partir des documents que chaque participant nous a adressés ; d’autre part en envoyant aux épigraphistes les cartes de prospection faites par les archéologues (K. Bartl, M. Fortin, M. Al-Maqdissi et G. Philip), qui d’ailleurs sont intervenus systématiquement après les spécialistes des textes période par période, même si la présente publication regroupe leurs contributions en seconde partie pour des raisons de commodité éditoriale.
Problématiques retenues
23Dans le cadre spatio-temporel et méthodologique ainsi précisé, nous avons retenu cinq thématiques :
- Le territoire au sens d’espace habité par des communautés humaines (notions de peuplement et d’occupation territoriale) : les schèmes d’établissement humain d’une part, les groupes ethnolinguistiques en présence d’autre part ;
- Le territoire au sens d’espace mis en valeur : stratégies de subsistance et gestion des ressources naturelles (notion d’environnement) ;
- Le territoire au sens politique du terme : le politique, l’administratif et le militaire ;
- Le territoire des dieux ou du dieu : les paysages religieux ;
- Le territoire des morts : les tombes visibles et les monuments funéraires.
24Nous avons été particulièrement attentifs à deux notions qui s’imposaient vu le thème choisi : celle de frontière et celle d’itinéraire. Le problème crucial de la navigabilité du fleuve et de son franchissement a évidemment été posé.
Notes
1 Bartl & Al-Maqdissi 2014.
2 Turri 2015.
3 Gaborit 2015.
4 Fortin 2007c.
5 Weulersse 1940a, p. 34-35.
6 Horden & Purcell 2000.
7 Genz 2009.
Haut de pagePour citer cet article
Référence papier
Dominique Parayre, « Introduction », Syria, HS IV | 2016, 5-8.
Référence électronique
Dominique Parayre, « Introduction », Syria [En ligne], HS IV | 2016, mis en ligne le 01 décembre 2016, consulté le 14 février 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/syria/4751
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