- 1 Dussaud 1927, p. 335 ; Mouterde 1925, p. 215 ; Schumacher 1897, p. 153 ; id., 1899, p. 183-184 ; Fo (...)
- 2 Virolleaud 1924, p. 44-52.
- 3 Il s’agit de la partie sud de l’église : on y voit des motifs géométriques qu’entourait l’inscripti (...)
1Le village de Hit est connu depuis le xixe s. grâce à la découverte de plusieurs inscriptions 1 parmi lesquelles, en 1923, un sol mosaïqué inscrit 2 dont on a perdu la trace. Ce site a été négligé par les chercheurs malgré la mise au jour, en 1993, de nouveaux fragments de pavements qui ont été déposés 3. Cet oubli s’est prolongé jusqu’à la découverte fortuite, en 2001, des mosaïques d’une nouvelle église située au nord du site, sur le plateau en bordure de la vallée.
- 4 Il est probable que ces pavements ont été signalés aux autorités à la suite d’une querelle.
- 5 Le tableau a été découpé avec une grande précision et emporté sans laisser de tesselles sur place.
2La présence de ces pavements a été signalée par D. Masri, propriétaire des lieux où se trouvait l’église 4. Le travail a été rendu difficile en raison des dégâts engendrés, dans les années soixante, par la construction de l’école qui occupe le côté oriental de ce plateau rocheux. Des blocs de pierre avaient alors été prélevés dans les éboulis de l’église, et les machines utilisées pour les terrassements provoquèrent la destruction du reste des structures et créèrent un remblai compact. Il fallut enlever une centaine de mètres cubes de gros éclats de rocher et de blocs de pierre pour mettre au jour l’ensemble des pavements mosaïqués inscrits et les autres structures. Toutefois, il manque un panneau situé dans le cadre carré de l’angle nord-est de l’église 5. C’est à partir de ce point que les fouilles systématiques ont pu être menées et s’étendre aux espaces environnants. Le tout forme un complexe architectural indiquant un monastère auquel appartient l’église qui fait l’objet de cette étude.
- 6 Donceel-Voûte 1988, p. 14.
- 7 Les études réunies dans les volumes Hauran I et Hauran II mentionnent très peu cette région. Voir B (...)
- 8 Donceel-Voûte 1988, p. 122-123. La découverte, en juin 2005, de pavements à al-Chajara dégagés par (...)
3Cette découverte est importante, car c’est la première église à pavements bien conservés qui ait été dégagée dans cette région 6 peu explorée 7 du Hauran, entre Der‘a et le lac de Tibériade : les sols en mosaïque, à quelques exceptions près, y sont presque inconnus 8.
- 9 Les céramiques trouvées sur le site dans deux dépotoirs feront l’objet d’une publication séparée en (...)
4Les premiers dégagements ont été faits par M. Rifai, alors directeur des Antiquités de Der‘a, et l’architecte M. Khassawné, du même service, a effectué les premiers relevés. Une mission syrienne, à laquelle l’auteur apporta sa collaboration scientifique, y a mené des fouilles systématiques dont les résultats sont présentés ici 9.
5Le site de Hit se situe dans le sud-ouest du Hauran, un peu au nord du Yarmouk, sur la rive gauche du nahr Allan, en bordure du plateau à quelques kilomètres en amont du confluent des deux rivières (fig. 1).
Figure 1.
Carte indiquant le site de Hit au nord du Yarmouk
D’après Dussaud 1927
- 10 Dentzer 1986, p. 387-420.
6Cette région, moins explorée que d’autres par les archéologues, devait connaître dans l’Antiquité la même situation que le Léja, la plaine de Der‘a ou le Golan qui se couvrirent de constructions publiques, religieuses et privées aux époques impériale et byzantine 10.
7Une partie des constructions antiques et du centre historique surplombe directement la pente raide d’où jaillissent plusieurs sources. Celle de ‘Ain Salma, située au sud à 300 m en contrebas du site, est flanquée d’un mur en ruine ; de même on y repère des plaques de pierre brisées et des blocs de pierre remployés à la fabrication des canalisations modernes. Plus à l’ouest et plus bas, celle de ‘Ain al-Tahta est dotée d’un abri en pierres taillées. La source s’est tarie à cet endroit mais resurgit un peu plus loin, vers la vallée. Une troisième source, appelée ‘Ain al-Jabiyé, située à quelques mètres encore plus au sud, est protégée par une construction de pierres. De nombreux vestiges (tronçons de colonnes, pans de murs, conduites d’eau et une abondante céramique de surface) se trouvent entre les deux premières sources. Celles-ci ont irrigué le village jusqu’au début du xxe s. Quelques traces confirment l’exploitation de ces sources dès l’époque romaine. Une quatrième source est située en contrebas du site, près du fond de la vallée. Des agencements modernes empêchent de discerner tout dispositif antique à cet endroit.
- 11 Il subsiste cinq lettres, IOVIM, à la 1re ligne et une lettre ronde à la fin de la 2e ligne ; cf. I (...)
8L’agglomération antique, qui occupe la surface d’un tell, développée autour d’un monument romain aujourd’hui disparu, se trouve au sud. Des pierres de cet édifice ont été remployées dans les structures d’une mosquée désaffectée. Certaines portent des inscriptions éparses et fragmentées, en grec ou en latin. L’une d’entre elles porte le nom de Jupiter 11. Le village rassemble d’importants vestiges d’habitations qui se sont succédé sans interruption de l’époque romaine aux temps byzantins. Les structures de la phase byzantine sont formées d’éléments, en place ou en remploi, appartenant à la période précédente. On citera, en particulier, le quartier à l’est de la mosquée où les pièces en étage de maisons bien conservées reposent souvent sur des niveaux romains.
- 12 Signalée par Virolleaud 1925, p. 52, et publiée par Mouterde 1925, p. 360, no 41.
- 13 Donceel-Voûte 1988, p. 122.
- 14 Ibid., p. 309.
9Un pavement provenant d’une église de monastère, située à l’extrémité sud du village, a été déposé au musée de Der‘a en 1993 par le Service des Antiquités. Charles Virolleaud, visitant les lieux en 1922-1923, avait relevé une inscription contenant une dédicace remontant à la seconde moitié du vie s. 12. Le pavement déposé semble provenir du même ensemble de mosaïques que l’inscription. Les couleurs et la technique de pose, décrites par les voyageurs, ainsi que les données observées sur la dédicace et la bordure correspondent à celles du pavement déposé. Cette inscription est reprise dans l’inventaire des pavements de P. Donceel-Voûte 13. D’après elle, les écailles se trouvant à l’intérieur de la bordure formaient un motif de base unique qui se trouvait sur toute la surface de l’édifice, comme dans la grande église de Souweida 14.
- 15 L’existence d’une autre église, sans doute paroissiale, paraît établie par la découverte sous la sa (...)
10En avançant vers le nord les vestiges se raréfient et quelques sarcophages semblent border le tracé du chemin qui donnait accès à la sortie nord de l’agglomération. À une centaine de mètres, au sud-ouest de cette sortie nord, s’élevait une seconde église qu’on appellera l’église Nord (fig. 2) 15.
Figure 2.
L’ensemble de l’église Nord de Hit et ses annexes
© Photo cerf-volant Y. Guichard
11L’édifice étudié est en mauvais état, seules quelques assises du mur nord sont conservées sur une hauteur de 1,50 m environ. En revanche, les dégagements effectués lors des trois dernières campagnes ont permis de mettre au jour le plan de la dernière phase de l’édifice. Plusieurs parties et surtout le chevet oriental sont taillés à même le rocher (fig. 3) qui a servi de carrière pour l’ensemble des pierres de taille et des blocs utilisés pour la construction des murs nord, ouest et sud de l’édifice. Des traces d’outillage antique y sont repérables.
Figure 3.
Le synthronon ajouté à l’intérieur du chevet droit de l’abside
© Widad Khoury
12De plan rectangulaire (fig. 4a et b), elle est divisée en deux espaces juxtaposés.
Figure 4a.
Plan d’ensemble de l’église Nord de Hit
© Widad Khoury
Figure 4b.
Coupes a, b, c et d : coupes sur la longueur de l’église et coupe transversale
© Widad Khoury
13La partie rectangulaire du chevet, surélevée de 30 cm environ, marque l’espace du sanctuaire, accessible par deux marches axiales. Sa forme initiale s’adaptait à la configuration du rocher, puis, dans un second temps, l’espace a été restreint par la pose du synthronon sur trois côtés, constitué de blocs de pierre posés les uns sur les autres.
14Il a été recouvert plus tard d’un enduit fin qui s’étalait sur les murs. On s’est servi de cet enduit pour fixer un petit reliquaire contre le mur (fig. 5), pour en recouvrir les parois externes et en tapisser toutes les niches.
Figure 5.
Petit reliquaire fixé à l’intérieur du mur et de l’abside
© Widad Khoury
15On relève des traces de peintures murales sur les parois ainsi que sur des fragments retrouvés parmi les débris. Un premier groupe de ces derniers comportaient des lignes blanches sur fond bleu-gris et un second des surfaces et des motifs rouges ainsi que des motifs végétaux verts (fig. 6).
Figure 6.
Restes de fresques de couleur brique ; on observe aussi un fragment vert
© Widad Khoury
16L’église est flanquée d’une série d’annexes sur les côtés nord, ouest et sud. La mise en place de ces annexes correspond aux diverses phases de construction de l’édifice, attestées par la superposition de différents niveaux de sol.
17Les murs présentent des aspects divers selon leur emplacement. Ainsi on peut observer que les parois de remplissage, qui prolongent et complètent les bases rocheuses de l’abside et qui étaient destinées à recevoir le plafond, sont peu solides. Elles sont couvertes de couches épaisses d’enduit, posées avec soin, protégeant des eaux qui devaient s’infiltrer abondamment par le rocher naturel qui les surplombe.
18L’ensemble du mur du côté sud qui accueillait les piliers où reposaient les arcs de la voûte montre plusieurs variantes de construction. Le pan oriental posé sur une base rocheuse semble plus massif et fait en partie de blocs taillés. Quant au pan occidental, il a subi diverses modifications. En dernier lieu furent ajoutés à l’ouest des murs épais, irréguliers, formés de moellons et de blocs disparates, couverts à l’intérieur de plusieurs couches d’enduit.
19Deux séries de marches sur le côté sud, permettant de descendre dans l’église, encadraient une tombe aménagée au milieu du mur au moment des derniers travaux de remise en valeur des lieux (fig. 7).
Figure 7.
Widad Khoury
20Elle s’adapte au rocher, la partie externe était couverte de trois dalles fixées par du mortier, formant un parapet. L’intérieur était recouvert d’un enduit mélangé à de la poudre de céramique rouge qui assurait l’étanchéité des parois faites de petits moellons noyés dans le même mortier. Ceci donne au dispositif le caractère de tombeau reliquaire surmonté d’un arcosolium. De part et d’autre des dalles, sur le rocher naturel de la paroi, se trouvent des traces qui correspondent aux appuis d’un arc.
21Les annexes correspondent aux diverses phases de construction attestées par la superposition de différents niveaux de sol. L’identification de ces lieux comme ensemble monastique nous est tout d’abord indiquée par son emplacement, à l’écart de l’agglomération, perché au bord de la vallée. La mise en place de ces annexes se fait parallèlement à l’importance qu’acquiert le sanctuaire. Cette identification sera confirmée par les inscriptions et aussi par l’étude de ses vestiges.
22Quelques salles du monastère sont rassemblées autour d’une cour au sud de l’église accessible par une porte dont le seuil est encore en place à l’angle sud-est. Son niveau est plus élevé que le sol de la cour auquel on accédait par plusieurs séries de petites marches.
23Deux petites salles au sol enduit occupaient la partie la plus élevée, à l’est de la cour. Celle accolée à l’église s’ouvrait par un petit passage à l’ouest. Deux autres salles, plus spacieuses, occupaient le côté nord de la cour surplombant le sarcophage-reliquaire. Un passage qui contournait la pièce occidentale aboutissait à la porte sud-ouest. Ces deux salles avaient peut-être une fonction cultuelle, mais elles ne semblent posséder aucun accès direct à l’église. La pièce occidentale a livré de nombreux débris de verre provenant de lampes gisant sur les restes de la mosaïque de pavement décorée d’un filet de tesselles noires et de quelques motifs d’écailles en cubes blancs. La salle orientale portait aussi une mosaïque presque entièrement détruite. La construction moderne d’un mur de pierres sèches servant d’enclos empêche d’établir les dimensions de la cour.
24À l’ouest, l’église était flanquée de deux salles. Celle du sud est décorée d’une mosaïque à motif unique où alternent des semis de fleurs et des écailles tournés dans la même direction ou vers l’est. Son sol est plus bas de 15 cm par rapport à celui de l’église avec laquelle elle communique par une petite porte. La salle nord, dont le sol en terre battue situé à un niveau bien inférieur à celui de l’église correspondait initialement au sol extérieur, permettait l’accès à cette dernière grâce à un escalier de quatre marches. À une époque postérieure, l’angle nord-ouest de l’église s’est déversé vers l’ouest. Un mur d’étai fut adossé au sud du mur nord et deux contreforts furent dressés contre le mur ouest des deux salles. Le sol extérieur fut rehaussé pour prévenir le déchaussement de cette façade occidentale.
25Trois autres espaces sont alignés contre le mur nord de l’édifice (fig. 8).
Figure 8.
Les annexes nord de l’église
© Widad Khoury
26On y accédait par l’ouest ou par la nef. Le premier est aménagé dans une paroi rocheuse à l’angle nord-est. Il faisait partie de la grotte qui a servi de point de départ à la construction de l’église. Il formait le chevet du tout premier lieu de culte : c’est du moins ce que suggère la présence de trois croix qui y sont gravées. La plus grande est celle du milieu encadrée d’un alpha et d’un omega, flanquée à sa droite par un petit rectangle surmonté d’un appendice lui-même rectangulaire (fig. 9).
Figure 9.
Chevet oriental de l’annexe nord. Détails des graffiti
© Widad Khoury
27Le sens de ce motif n’est pas clair : peut-être s’agit-il de la représentation schématique de l’église ? Ce peut aussi être le symbole du Golgotha. Le second espace, celui du milieu, en appareillage régulier, abrite quatre bassins de stockage de différentes dimensions. Le troisième espace à l’ouest, apparemment le réfectoire, se trouve en contrebas dans le prolongement des deux premiers. Son sol est couvert d’un enduit contenant de gros grains de basalte.
28Une banquette, formée d’une assise de gros blocs de pierre équarris, occupe l’angle nord-est. L’angle nord-ouest de la pièce est occupé par un tannour qui a été ménagé en perçant un sol de chaux antérieur visible en coupe.
29À l’extérieur, au nord de ces annexes, se trouve un deuxième four datant de la même période, bâti au pied du rocher. D’innombrables tessons de vaisselle et différents objets de céramique étaient entassés. Des aménagements rudimentaires dans ce même rocher et quelques graffitis confirment que cet endroit a servi de lieu d’accueil aux pèlerins.
30Plusieurs états successifs d’occupation et de destruction s’observent à partir des différences d’appareil entre murs, des superpositions d’enduits, des réfections et des ajouts de mosaïques. Nous avons donc soigneusement relevé les types d’appareil, la composition et l’emplacement des enduits (fig. 10).
Figure 10.
Structures, parois et enduits
© Widad Khoury
31Ces informations ont permis de comprendre les phases chronologiques principales.
32La première occupation doit être associée à la présence d’un ermite dont la grotte, devenue chapelle par la suite, aurait servi de point d’ancrage aux constructions successives. La nouvelle nef de l’église occupa l’espace au sud de la chapelle, son chevet se logeant dans les contours de ce rocher au sud. L’édifice a connu trois étapes principales de rénovation. Dans la première étape, le sol de l’église est couvert d’un enduit dont les traces, à l’angle nord-est de la nef, sont apparues lors du dégagement des éboulis de l’angle nord-ouest de l’abside actuelle.
33Dans une seconde étape, le sol de la nef a reçu un pavement mosaïqué. Plus tard suivront simultanément ceux de l’abside et de l’annexe sud-ouest. Dans un troisième temps, l’édifice subit d’importantes détériorations : l’angle nord-ouest de l’édifice s’effondre et une grande partie du pourtour de la mosaïque centrale est endommagée. Des travaux de restauration sont entrepris. Le mur occidental, refait, empiète légèrement sur la mosaïque, des contreforts sont construits à l’extérieur. De nouveaux motifs sont introduits dans les parties détruites de la mosaïque. Le pavement de l’abside est aussi consolidé par une rangée de blocs portant un nouveau chancel. Une restauration de l’église a lieu : un synthronon est posé à même la mosaïque de l’abside et un sarcophage reliquaire est mis en place sur le côté méridional. Les accès de ce côté ainsi que le dispositif de la porte ouest sont refaits probablement au même moment. Il en est de même pour l’agencement de la partie nord qui faisait partie du monastère.
34L’état actuel du sol montre trois tapis distincts, dans l’abside, la nef (fig. 11) et l’annexe sud-ouest (fig. 12).
Figure 11.
Photo générale du pavement mosaïqué de la nef
© Widad Khoury
Figure 12.
Pavement de l’annexe ouest
© Widad Khoury
35Il faut y ajouter les restes du panneau déjà mentionné à semis de fleurs et écailles au centre de l’espace qui surplombe le côté sud-est de l’église. Les tesselles des mosaïques, au moins en partie, ont été débitées sur place, car on retrouvé à l’ouest une aire de débitage comprenant des dizaines de cubes de différentes couleurs, de 10 cm de côté, au milieu d’éclats provenant de leur taille. Ces cubes proviennent de quelque 50 m au fond de la vallée et sont extraits de la couche calcaire située au-dessous de la coulée volcanique. Plusieurs foyers répartis autour de cet espace avaient servi à la fabrication du mortier en chaux.
36La description de ces pavements permettra de rendre compte de leur datation respective. En effet, leur mise en place semble suivre un ordre chronologique qui correspond aux phases de développement observées dans les différentes parties de l’édifice. L’étude épigraphique confirmera l’hypothèse d’au moins deux phases successives pour la pose des mosaïques. Cette description sera donnée selon l’ordre de leur disposition dans l’ensemble, d’est en ouest.
37Les bandes de raccord sont larges et décorées (fig. 13).
Figure 13.
Pavement de l’abside
© Widad Khoury
38Sur un fond de tesselles blanches d’un centimètre environ ressortent plusieurs motifs de remplissage dont le plus évident est celui d’une fleurette à quatre pompons rouges. Dans le raccord ouest, on distingue deux d’entre elles, un losange de 40 x 20 cm occupe l’angle sud noirci par le feu. Dans le raccord nord se trouve une inscription grecque de trois mots mentionnant saint Élie (fig. 14).
Figure 14.
Bande de raccord de l’abside, raccord nord
© Widad Khoury
39La bordure de cet espace est double, formée d’une bande à dominante rouge et d’une ligne de dents de scie rouges et tournées vers l’extérieur. Cet encadrement s’interrompt au milieu du côté occidental pour céder la place à la bordure d’une tabula ansata contenant une inscription grecque de quatre lignes dont la dernière a disparu (fig. 15).
Figure 15.
Raccords de la nef et de l’abside avec les inscriptions centrales
© Widad Khoury
40Le champ rectangulaire est recouvert d’une composition couvrante, de rinceaux de vigne jaillissant d’un vase. Ces rinceaux s’organisent de façon symétrique dans la surface impartie. Le vase a des proportions importantes par rapport à l’ensemble du tapis. La panse sphérique ventrue, à godrons tracés en rouge brique et à remplissage ocre et blanc, écrase la base formée d’un petit trépied bleu, triangulaire, surmonté d’un petit renflement rouge. Le col resserré s’évase pour l’embouchure. Il présente des stries plus claires horizontales et une verticale centrale claire figure un effet de relief sur une surface métallique d’orfèvrerie ou recouverte de vernis. L’embouchure, moins éclairée, est rendue par des tesselles plus sombres. Le raccord entre le col et la panse est décoré de trois bandes horizontales comprenant, de haut en bas, des redans, des lignes de T et des cabochons sombres sur fond blanc. Les anses déroulent leurs volutes habituelles, mais leur enroulement vers l’intérieur est inversé par rapport à la forme ordinaire (fig. 16).
Figure 16.
Le motif du vase au centre du pavement de l’abside
© Widad Khoury
41Deux tiges simplifiées jaillissent du vase. Elles se déploient de part et d’autre en rinceaux de vigne décrivant deux séries symétriques de six enroulements sur trois registres. Sans être identiques, les vrilles, les feuilles de vigne et les grappes de raisin stylisées font alterner deux couleurs, le bleu-gris et le rouge brique. Les feuilles sont très simplifiées, à trois pointes, bleues avec des nuances plus claires. Elles ressemblent plus à des feuilles de lierre. Les grappes sont peu importantes (de trois à six grains) et les grains sont dans les nuances de rouge, cernés de noir avec une tesselle blanche au centre (fig. 17 ).
Figure 17.
Bordure en dents de scie entourant les rinceaux de l’abside
© Widad Khoury
42Les rinceaux étaient habités par des figures qui ont été volontairement supprimées au viiie s. lors du mouvement iconophobe. Il est cependant possible d’identifier au centre de chaque rinceau des animaux. Les enroulements seront décrits de bas en haut et de gauche à droite : oiseaux en bas, le plus visible est une huppe à l’extrémité gauche (fig. 17) ; suit un oiseau à gauche du vase dont on voit les pattes ; à droite le premier enroulement contient un oiseau reconnaissable à ses pattes, tandis que le motif de remplissage du second est à nouveau une huppe qui fait pendant à la première au début de la rangée. Les motifs des registres médians sont inconnus pour le premier, le second contient un chien tourné vers la droite attrapant du raisin ; de l’autre côté du vase, un lapin tourné vers la gauche également mangeant du raisin, et à droite un oiseau. Deux oiseaux, le deuxième et le quatrième (pintade), sont conservés dans le troisième et dernier registre (fig. 18 ).
Figure 18.
Motif de rinceau de la vigne dans l’abside
© Widad Khoury
43Les couleurs dominantes du tapis sont le rouge brique pour les bordures, le vase et les rinceaux, le gris-bleu pour les feuilles. Dans le vase dominent les dégradés d’ocre et de rouge. La qualité du travail des mosaïques de l’abside diffère de celles de la nef, elles comportent des couleurs moins variées, des cubes de plus grand format (10 cm de côté, ce qui est rare) et de marbre moins fin. En outre, les tesselles de l’abside sont fixées sur une couche de 15 cm d’épaisseur constituée d’un mortier de chaux mélangé à du sable basaltique et consolidé par des fragments de céramique. Cette couche a été étalée sur des éclats de basalte et des matériaux de remplissage, posée sur un sol antérieur, situé à 30 cm en dessous de la surface de la mosaïque et constitué d’un mortier fin, lisse et très solide.
44La différence de qualité des mosaïques peut être due au fait que celles de l’abside ont été exécutées par des artisans différents ou que leur réalisation a eu lieu à une époque plus tardive, hypothèse qui semble plus probable. Pour ne pas mettre en danger la conservation de la mosaïque que l’on vient de décrire, nous n’avons pas cherché s’il y avait une mosaïque plus ancienne au-dessous, qui pourrait être contemporaine de celle de la nef.
45Le pavement a été percé à l’emplacement des quatre pieds de l’autel. Lors des premiers dégagements, quatre fragments de table d’autel en marbre et quatre de pieds d’autel, en forme de colonnettes sur socles carrés, en marbre également, ont été trouvés au centre du panneau. Une de ces bases était restée enfoncée dans la mosaïque et trois trous dans le sol devaient accueillir les autres. Leur disposition suggère la présence d’une table d’autel rectangulaire (fig. 13).
46On distinguera dans l’ensemble des tapis de la nef deux parties : le tapis principal et les panneaux périphériques.
47Le tapis principal, rectangulaire, légèrement déporté à gauche par rapport à la nef, mesure 11 x 6 m. Il est entouré d’une large bordure contenant une chaînette dans laquelle se combinent deux motifs, des cercles et des nœuds de Salomon à double brin (fig. 19).
Figure 19.
Détails de la bordure du tableau principal de la nef
© Widad Khoury
48Ces motifs sont en entrelacs, entre eux et avec les bandes qui cernent la bordure. Les brins sont alternativement colorés en rouge et rose, ocre et jaune, bleu et gris, ou mauve.
49Le champ présente une composition géométrique orthogonale de carrés et de grands carrés sur la pointe de dimensions différentes sur un fond brique, avec des petits carrés d’intersection sur fond rouge. Les huit carrés droits sont numérotés de 1 à 8 (de l’est vers l’ouest). Ils sont disposés en trois rangées et contiennent : 1. l’empenne d’une flèche orientée vers le nord ; 2. l’empenne d’une flèche orientée vers le sud ; 3. un masque avec casque dont seul le casque subsiste (fig. 20) ; 4. un panier de raisin (fig. 21) ; 5. un chien sautant pour saisir une grappe de raisins dans un panier (fig. 22 ) ; 6. un masque avec casque entièrement préservé (fig. 23) ; 7. un lapin courant (fig. 24 ) ; 8. motif perdu.
Figure 20.
Tapis principal de la nef, carré 3
© Widad Khoury
Figure 21.
Tapis principal de la nef, carré 4
© Widad Khoury
Figure 22.
Tapis principal de la nef, carré 5
© Widad Khoury
Figure 23.
Tapis principal de la nef, carré 6
© Widad Khoury
Figure 24.
Tapis principal de la nef, carré 7
© Widad Khoury
50Parmi ces représentations, celle qui attire l’attention est celle du carré 6. Il s’agit d’un visage de face stylisé, figé, qui rappelle un masque. Il comporte deux immenses yeux dominant les autres traits pourtant nettement dessinés. Le contour de ces derniers est défini par des lignes de tesselles colorées et les surfaces intérieures sont formées de tesselles multicolores aux tons pastel, qui souvent se réduisent en tesselles triangulaires aux extrémités. Le casque porte un décor frontal de quatre cabochons carrés figurant des pierres précieuses et est flanqué de feuillage enveloppant le visage. Le casque du carré 3 est semblable à celui du carré 6, mais plusieurs détails varient dans l’exécution de la présentation. Nous pensons à une main-d’œuvre et à une mise en place locales d’un schéma d’importation ou d’inspiration plus lointaine.
51Les grands carrés sur la pointe, au nombre de sept, disposés sur trois rangées, sont numérotés de A à G. Ils sont plus grands que les précédents carrés et sont animés par des scènes champêtres. Les losanges E et G sont les mieux préservés. Le carré E représente un jeune garçon (pâtre) tenant un bâton sur son épaule, au bout duquel est nouée une écharpe ; dans l’autre main, il tient un rameau qui, pour donner un effet de relief, passe derrière le bâton. Il porte une tunique courte, fixée au niveau des épaules par deux nœuds, le relief du drapé est rendu par des tesselles marron et des tesselles blanches, les contours et les plis sont tracés en noir. Dans l’ensemble, le mouvement est plus naïf que naturaliste (fig. 25).
Figure 25.
Garçon portant un bâton, carré E
© Widad Khoury
52Il en est de même pour le carré G, partiellement conservé, où l’on reconnaît une femme portant un panier de fruits sur l’épaule. Son visage et une grande partie de son corps ont été mutilés. Elle porte une robe ou un manteau aux nuances jaunes et aux plis tracés en rouge. Elle est entourée de deux rameaux dont un se termine en bouton de rose rouge et blanc (fig. 26).
Figure 26.
Femme portant un panier de fruits, carré G
© Widad Khoury
53Le carré D révèle un bout d’écharpe. Les autres ont été complètement détruits par des iconophobes.
54Les vingt petits carrés d’intersection contiennent chacun un petit solide en perspective. Les côtés du solide sont de couleurs souvent alternées, entre les nuances de bleu-gris et d’ocre-jaune. Leur face carrée est décorée d’un motif de croisette en sautoir. Les motifs triangulaires résultant dans les angles sont remplis par un décor de chevrons en dégradé, des mêmes couleurs que la bordure (fig. 27).
Figure 27.
Motif d’intersection
© Widad Khoury
- 16 Balty 1977, p. 90 ; Balty 1995, p. 61.
- 17 Piccirillo 1993, p. 288.
55Cette composition apparaît dès le ive s. : le panneau géométrique de la mosaïque de Socrate d’Apamée en est un exemple 16. Cependant, au vie s., c’est plus au sud que nous observons la plus importante diffusion de ce modèle. Jérash et Madaba offrent des exemples des plus complets de ce type de composition à base de carrés. L’église des Saints-Cosme-et-Damien, datée de 533, en présente un magnifique programme 17.
56Les panneaux périphériques sont variés dans leur sujet et s’organisent autour du tapis central. Ils seront décrits suivant leur emplacement à partir de l’ouest de la nef et dans le sens des aiguilles d’une montre. On verra dans cette diversité des décors la volonté d’enrichir l’ensemble du répertoire et un choix de motifs indiquant de nombreux emprunts à des modèles plus complets dans des églises de la région. Ces motifs sont géométriques, surtout sur les longs côtés, et animaliers sur les côtés courts, ils sont traités avec un certain souci de symétrie. La description de ces motifs ne tient pas compte des éventuelles différentes phases de pose, l’état lacunaire du pavement ne permettant pas, pour l’instant, d’apporter plus de précisions à ce sujet.
57Côté ouest, devant la porte centrale, deux coqs aux plumes bleues situés de part et d’autre de l’axe de la porte se faisaient face ; ils donnaient l’impression de se mouvoir. Les pattes et le bec étaient de couleur rouge brique. Par les queues en mouvement, l’artiste a voulu donner une allure naturelle aux volatiles. Leurs dimensions sont à l’échelle réelle. De part et d’autre des coqs, on trouve un alignement de losanges dentelés en dégradé.
58Le côté nord comprend trois panneaux géométriques (fig. 28).
Figure 28.
Nef. Côté nord, deuxième panneau périphérique
© Widad Khoury
59Le premier consiste en un damier de grands carrés, cernés de noir, le remplissage des cases est constitué par une alternance de carrés sur la pointe inscrits et de damiers de 16 carrés polychromes en arc-en-ciel. Les couleurs des premières cases conservées sont le noir et le blanc. Les damiers sont blancs et brique. L’angle nord-ouest, très détruit, devait être orné d’un autre décor géométrique évoquant un triangle dentelé, dessiné par des filets doubles, bleus et blancs. Cette partie, située dans l’angle où l’affaissement de l’église est le plus important, est dans un état fragmentaire. Ceci nous empêche de voir si ce panneau appartient à la phase primitive de la mosaïque.
60Le deuxième, occupant la moyenne partie de cet espace nord, est constitué d’un quadrillage de bandes avec cercles tangents circonscrits aux cases et petits carrés d’intersection. Douze cercles tangents sont visibles, tous sont ornés en leur centre d’un carré inscrit renfermant un motif différent. On y trouve un motif de vagues (filets de chevrons superposés) en arc-en-ciel brique, jaune et bleu ; un motif réunissant quatre petits carrés aux couleurs alternées et contenant des carrés ou cercles inclus ; un motif formé d’un carré sur la pointe inscrit dans un carré. Les petits carrés d’intersection entre les cercles sont en partie remplis par un carré de tesselles de plus petite taille, entourés par des écoinçons brique et bleus. Enfin, la bordure de filets qui entoure ce tapis détermine des portions de cercles blancs. De cet assemblage et de la répartition des couleurs se dégage une certaine harmonie avec le tableau principal (fonds en à-plats colorés), suggérant qu’ils sont contemporains.
61Le troisième panneau, à l’angle nord-est de la nef, renferme une composition orthogonale d’octogones irréguliers sécants, déterminant des hexagones oblongs et des carrés. Les six carrés sont parés de motifs variables, toujours géométriques et avec des jeux de dégradés de couleurs. On y trouve des lignes de chevrons superposées, des damiers en arc-en-ciel, des zigzags, des redans et des carrés remplis de paires de chevrons opposés. Les hexagones contiennent chacun un losange dentelé en son centre.
62Côté est, au pied de l’abside, se trouvent des figures faites pour être vues de la nef. On observera au nord de la marche centrale qui mène à l’abside un couple d’oiseaux qui se font face, séparés par un élément végétal central. Ces oiseaux échassiers sont de style naturaliste avec un plumage bleu et des longues pattes couleur brique. Le module est rendu par les couleurs blanche et grise (fig. 29).
Figure 29.
Motif d’oiseau bleu dans le raccord nord-est du panneau de la nef
© Widad Khoury
63Un ou plusieurs autres rameaux se trouvent entre l’oiseau de droite et la marche.
64Du côté sud, une composition similaire place face à face deux poissons, dont la queue est relevée, séparés par un buisson végétal. Malheureusement, seule une partie de la queue d’un des poissons au contour noir et au centre brique est conservée ; l’autre se devine à travers la forme et les dimensions de l’arrachement (fig. 30).
Figure 30.
Motif de poisson dans le raccord sud-est du panneau de la nef
© Widad Khoury
65C’est à proximité, juste devant la marche, que se trouvent les deux inscriptions de la nef. La première, de deux lignes, est tracée en caractères noirs, sans cadre, et est suivie par une croisette en sautoir. La seconde, au-dessous, est en caractères blancs sur fond brique, inscrite dans un cartouche entouré d’une bande tricolore dont les côtés courts présentaient des redans. L’ensemble semble à l’origine avoir été porté par deux personnages, probablement des donateurs, dont l’identification est possible grâce à la silhouette que dessinent les arrachements mais surtout grâce à un fragment du coude d’un manteau figurant au bord de la lacune nord. Entre les deux personnages, sous l’inscription, se trouve un calice dont le pied arrondi est posé sur la bordure du tapis principal de la nef. Sa panse godronnée, avec un remplissage ocre, s’ouvre en festons lui donnant une forme de fleur, mais évoque aussi l’ondulation du liquide qu’elle contient.
66Les motifs végétaux qui séparent les oiseaux et les poissons sont tous formés de tesselles noires, en ligne simple ou double, où apparaît toujours une branche principale accompagnée d’un feuillage fuselé simple.
67Côté sud (tapis de l’angle sud-est de la nef), une représentation animalière très lacunaire, du côté de l’abside, est inscrite dans un rectangle noir où figuraient deux moutons sur fond blanc, reconnaissables aux pattes de l’un et à la queue de l’autre. Ils semblent avoir eu une position antithétique similaire à celles des poissons et des échassiers. Sur le reste du côté méridional, tout le long du tapis central, se trouve une composition orthogonale d’octogones irréguliers adjacents déterminant des carrés sur la pointe. Ce champ contient deux rangées d’octogones dont chacun contient un motif central carré ocre, bordé de tesselles de couleur brique, avec des petites tesselles soulignant l’extérieur des angles. Tous les carrés sur la pointe sont remplis par un dégradé en arc-en-ciel.
68Annexe sud-est : la présence de tesselles de mosaïque dans l’annexe nord atteste ce type de sol. On a retrouvé quelques fragments de tesselles blanches de diverses dimensions, dont certaines encore in situ ; annexe ouest : la mosaïque qui couvrait cette pièce est détruite sur plus de la moitié de sa surface. Le tapis est cerné d’une bordure formée d’une bande blanche, cernée de filets noirs et décorée d’un filet de T non contigus noirs. Le champ est orné d’un décor de semis de boutons de roses sur un fond blanc dont les cubes sont disposés pour dessiner des écailles blanches. Chaque écaille contient un bouton de rose dans des nuances de brique en dégradé, la base constituée d’un chevron au-dessus d’une tesselle noire (fig. 12).
69Plusieurs objets en marbre ont été trouvés, ils ont presque tous été récupérés in situ, dans l’abside, et sont liés aux rites observés dans les lieux.
70Ainsi, comme il a déjà été mentionné, quatre fragments de pieds d’autel en forme de colonnettes sur socles carrés, dont l’un était enfoncé dans la mosaïque, et quatre fragments de table d’autel ont été mis au jour lors des dégagements. Les socles en marbre blanc ont 15 cm de côté et environ 16,5 cm de haut. Les colonnettes présentent 11 cm de diamètre aux extrémités et couvrent pratiquement la totalité de la surface des socles ; nous ne pouvons avoir aucune indication sur leur hauteur d’origine. Elles ont été taillées dans un beau marbre blanc, lisse ; cependant leur facture manque de précision quant aux dimensions et à la finition.
71La table d’autel a été taillée dans le même marbre que celui des colonnettes. La restitution des quatre fragments portant des inscriptions en grec, en cours d’étude, indique qu’elle était rectangulaire, mais il n’est pas possible d’en établir les dimensions exactes (fig. 31).
Figure 31.
Fragment de la table d’autel portant une inscription grecque
© Widad Khoury
72Elle est d’une exécution plus fine que les pieds. Elle a 2,5 cm d’épaisseur et présente sur sa face supérieure un bandeau de 7,5 cm de largeur, bordé par un filet incisé de 6 mm de profondeur, suivi d’un second bandeau de 9,5 cm de largeur qui s’incurve pour se raccorder.
73Une plaque carrée de 35 cm de côté et de 6 cm d’épaisseur, taillée dans du marbre blanc, a été découverte à l’angle sud-ouest de l’abside. Elle présente, en son centre, une cavité en entonnoir de 3,5 cm de diamètre, entourée de moulures soignées. La face interne porte une rainure circulaire de 30 cm de diamètre légèrement en saillie. Il s’agirait donc d’un couvercle de boîte ou de reliquaire (fig. 32).
Figure 32.
Couvercle
© Widad Khoury
74Une pièce en marbre de forme triangulaire provenant d’un décor mural en opus sectile a été découverte hors contexte. Toutefois aucun autre indice ne permet de localiser un tel décor.
75Les témoignages rapportent l’existence, à l’intérieur de la cour de l’école, d’une grande cuve (al-jern) qui, par la suite, a servi de base à un poteau électrique. Elle aurait pu provenir de là et avoir été utilisée comme cuve baptismale, par exemple, compte tenu de sa forme circulaire.
- 18 Gatier 2007-2009, p. 68.
76La description du plan de l’ensemble exposée plus haut ainsi que la disposition de ses espaces extérieurs invitent à identifier une église appartenant à un monastère 18. La petite chapelle rupestre lui aurait servi de point d’ancrage. L’occupation probable du lieu par un ermite lui conféra une valeur spirituelle qui entraîna d’abord l’agrandissement de la chapelle puis la mise en place de l’église.
- 19 Piccirillo 1993, p. 340 (Qam), p. 296 (Jérash) ; FitzGerald 1939 (Beth Shan) ; Donceel-Voûte 1988, (...)
77Il faut reconnaître que les monastères dans la région sont peu connus et très peu de pavements d’église ont été mis au jour. On aura comme points de référence les ermitages et les églises les plus proches, au sud du Yarmouk ou sur le bord oriental du lac de Tibériade : Qam, Jérash, Beth Shan et al-Koursi 19.
- 20 Donceel-Voûte 1988, p. 45-54.
- 21 Archives du Musée de Damas : pavement inédit dont quelques fragments comportent des rinceaux de vig (...)
- 22 Piccirillo 1993, p. 340-341.
78Ces pavements présentent un programme de décor peu connu jusqu’à présent dans la région, exception faite pour les mosaïques tardives de Deir al-Adas 20 (722 apr. J.-C.) et de la petite église de Souweida 21. Faute de connaître dans leur ensemble les programmes répandus dans le sud de la Syrie, il ne nous est pas possible d’identifier définitivement les ateliers et les mosaïstes qui ont contribué à l’exécution des pavements de l’église Nord de Hit. Des parallèles peuvent toutefois être établis avec les pavements d’églises se trouvant dans le voisinage immédiat de Hit, de l’autre côté de la vallée du Yarmouk 22 : ceux des églises de Nu’aymah, de Qam et de Yassilah. Ces tapis, en dépit de leur état lacunaire, offrent un contexte cohérent où pourraient s’inscrire les pavements de Hit.
- 23 Balty 1977 ; Balty 1995, p. 118-121.
- 24 FitzGerald 1939.
- 25 Piccirillo 1993, p. 296.
79Les rinceaux de vigne couvrant l’abside représentent aux ve et vie s. un motif très apprécié qui se diffuse dans l’ensemble du Proche-Orient. Il connaît cependant des variantes qui touchent les trois aspects principaux du programme : la structure des rinceaux (acanthe ou vigne), leur point de départ (culots, canthare, emplacement au centre, au milieu d’une bordure ou dans les angles) et les sujets qu’ils abritent 23. On en dénombre douze à Hit. Deux groupes de six sont disposés de part et d’autre du vase central. Cette disposition nous renvoie à celle des rinceaux, de style plus réaliste et plus riche, de l’église du monastère de Dame-Marie à Beth Shan 24. On pense aussi à la chapelle d’Élie-Marie-et-Soreg à Jérash 25.
- 26 Balty 1995, p. 60-63.
- 27 Piccirillo 1993, p. 338.
80Le décor géométrique de la nef, présentant une composition à base de carrés et de losanges de dimensions variables, s’est répandu dès le ive s. Il se trouve également dans le registre à droite de la mosaïque de Socrate et dans la mosaïque de la synagogue, découvertes toutes deux sous la cathédrale d’Apamée 26. Mais, au vie s., le modèle apparaît comme un répertoire dont on se sert pour les églises, surtout celles du sud : l’église Saints-Cosme-et-Damien (fig. 33), l’église de l’évêque Isaïe et l’église-synagogue de Jérash (530-531), l’église Farah-al-Hashimiyah dans le Jebel Ajloun 27.
Figure 33.
Pavement de l’église Saints-Cosme-et-Damien à Jérash
Widad Khoury
- 28 Piccirillo 1993, p. 341.
81Les représentations hors-cadre sont très évocatrices car elles reproduisent une diversité de motifs riches, pleins de fantaisies et en vogue à cette époque. De fait, il s’agit souvent de transpositions locales de modèles originaux développés dans les grands centres. Leur exécution laisse transparaître, selon la qualité, la dextérité des artisans mais aussi les déformations et les innovations qu’ils subissent. Ils peuvent être mis en parallèle avec ceux de l’église de Yassilah datée avec précision de 518 28. La confrontation des motifs des cercles tangents qui se trouvent dans les deux églises est très importante. Il en ressort que les fines mosaïques de Yassilah semblent avoir fait école et que des mosaïstes itinérants ayant travaillé dans ses ateliers ont reproduit à Hit les mêmes modèles.
- 29 Balty 1995, p. 126-127.
- 30 Donceel-Voûte 1988, p. 45-54.
- 31 Bujard, Haldimann & Bonnet 1988, p. 101-113 ; Bujard, Picirillo & Poiatti-Haldimann 1992, p. 291-30 (...)
- 32 Piccirillo 1993, p. 38-47.
- 33 Piccirillo 1993, p. 164-165.
- 34 Piccirillo 1993, p. 186-187.
- 35 Donceel-Voûte 1988, p. 411-414
- 36 FitzGerald 1939.
82Les motifs à écailles sont difficilement classables du fait qu’ils se sont répandus en profusion dans le temps, au-delà des frontières territoriales 29. Il faut cependant exclure, en ce qui concerne la datation des pavements, des influences stylistiques tardives de l’époque omeyyade que l’on retrouve dans les représentations de Deir al-Adas 30. Ces dernières, ainsi que celles d’Umm al-Walid et d’Umm al-Rassas 31, sont les références du viie s. tardif et du viiie s. dans la région. Elles sont toutes datables et s’échelonnent du milieu du vie s. jusqu’à la réforme de l’époque omeyyade en 745 32. En effet, les pavements de l’église Nord de Hit se rapprochent plus des exemples provenant d’églises de régions différentes : essentiellement de Saints-Cosme-et-Damien (520-530) à Jérash 33, de Saints-Lot-et-Procope (557) au mont Nébo et de Wadi Ayun Moussa (617) 34, ainsi que de Saint-Christophe (575) à Qabr Hiram en Phénicie 35, sans oublier l’abside de l’église de Dame-Marie à Beth Shan 36 qui semble avoir servi de référence à l’abside de l’église Nord de Hit. Toutefois, vu la documentation lacunaire que nous avons sur les pavements du sud de la Syrie, il est trop tôt pour parler d’un modèle de base qui se serait propagé dans la région.
83Par son emplacement géographique, par le contenu de ses inscriptions, et par certains de ses motifs, l’église Nord de Hit se rattache à la première église trouvée au sud du site. Ses pavements reflètent certains aspects de ceux trouvés dans des églises plus ou moins proches en Syrie. Ils relèvent aussi de répertoires et de modèles exécutés dans les églises qui se trouvent de l’autre côté de la vallée, au sud du Yarmouk. Ceci s’explique par la situation du site, au croisement des provinces de Palestina Prima, de la Palestina Secunda, et de la Provincia Arabia.
84Ces pavements sont situés dans une région de contacts. Ils peuvent nous aider à définir les axes de circulation des différents ateliers connus et à comprendre la prospérité relative de certains ateliers du sud, liée au développement du réseau routier existant avant l’arrivée des Arabes. En effet, la prospection de la région indique que la route reliant Beth Shan-Scythopolis à Nawa, en passant par Gadara et Beit Ras, passait probablement non loin de là, sinon par le même site de Hit. Si, comme nous le croyons, cette église appartient à un monastère fondé sur un lieu sanctifié par un ermite, elle a pu justifier que des voyageurs fassent le détour pour y faire pèlerinage. Le lieu est certes modeste, mais néanmoins richement décoré selon les canons de l’époque. Bien que l’on ne puisse pas fixer avec précision la date des divers tapis mosaïqués, il est clair qu’ils appartiennent aux deux derniers siècles précédant la conquête islamique, alors que le site a livré de la céramique datée jusqu’à la fin du viie s., prouvant ainsi la poursuite de son occupation au-delà de cette conquête.