1Kafr ʿAqab est un village situé à l’extrémité nord du Gebel Wastani, le chaînon le plus occidental du Massif Calcaire de la Syrie du Nord (fig. 1).
Figure 1.
Partie septentrionale du Gebel Wastani
D’après Peña et al. 1999
- 1 La partie septentrionale du Gebel Wastani se trouve sur le tracé de l’Itinéraire Antonin qui mentio (...)
- 2 L’Oronte était en effet navigable. L’importance de la batellerie est attestée à Derkouch par l’épig (...)
- 3 Riba 2012, thèse inédite, Université de Paris iv.
- 4 À peine effleuré par l’expédition américaine au début du siècle, le Gebel Wastani est sommairement (...)
- 5 J.-P. Sodini et J.-L. Biscop ont montré l’influence de l’architecture de Qal‘at Sem‘an dans le Gebe (...)
- 6 Peña et al. 1999.
2Établie sur un itinéraire reliant Apamée à Antioche 1, à proximité de la vallée de l’Oronte et de l’ancien port fluvial de Derkouch 2, la localité bénéficiait d’une situation privilégiée. L’étude monographique des ruines, engagée depuis 2007 dans le cadre d’une thèse de doctorat qui s’achève actuellement 3, permet aujourd’hui de considérer l’évolution d’une communauté villageoise localisée dans un secteur encore peu connu de l’Antiochène. L’intérêt pour le patrimoine archéologique du Gebel Wastani est en effet assez récent 4. Les premières études, principalement axées sur l’architecture ecclésiastique 5, ont débuté à partir des années 1980 mais l’ensemble du chaînon est véritablement révélé par la publication des travaux des pères franciscains Peña, Castellana et Fernandez fondée sur l’exploration de tous les sites antiques 6.
- 7 Butler et al. 1930, p. 77 ; Mouterde 1929, p. 126 ; Froment 1930, p. 289.
- 8 Peña et al. 1999, p. 91-92.
- 9 Peña et al. 1999, p. 184-185.
- 10 Peña et al. 1999, p. 91.
- 11 Les pères franciscains avaient déjà relevé la présence en surface de tesselles polychromes dans le (...)
- 12 La couche de terre peu épaisse a été profondément perturbée par le labour du champ qui couvre l’édi (...)
3Le village proprement dit a suscité très peu d’intérêt. Il n’a fait l’objet que de brèves mentions 7 avant que les pères franciscains n’en livrent une description globale accompagnée des plans des principaux édifices. C’est à ces explorateurs que l’on doit la première mention du complexe ecclésial 8 établi à la périphérie sud-est du village, sur un terrain peu accidenté, au débouché d’un chemin qui le relie au site de Khirbet el-Cherg autrefois occupé par un stylite 9. Lors de leur visite à la fin du siècle dernier, les pères franciscains identifièrent l’emplacement d’un bâtiment monastique, construit sur un grand réservoir d’eau, et celui d’une église attenante dont il ne subsiste « plus rien en dehors d’une partie du mur sud » 10. La lisibilité réduite du terrain et l’état de délabrement fort avancé des constructions ne leur donnèrent guère l’occasion de pousser plus loin l’analyse. Ils relevèrent toutefois l’importance et la qualité de l’ensemble suggérées par les dimensions des édifices, la capacité du réservoir d’eau et la présence de certains blocs d’architecture monumentale. Au cours de l’année 2008, le matériel découvert en surface lors des prospections effectuées dans ce secteur permit de confirmer l’existence d’un monument particulièrement soigné dont témoignent notamment les tesselles polychromes de mosaïques 11, parfois en pâte de verre et recouvertes de feuille d’or, les éléments d’un pavement en opus sectile et les fragments de placage de marbre. Les murs de l’église, réduits à une ou deux assises seulement, sont enfouis sous une couche de terre dépourvue de niveaux archéologiques 12. Leur dégagement fut alors entrepris pour mettre au jour le plan. L’intervention permise par la Direction Générale des Antiquités et des Musées de Syrie a été réalisée au cours de l’été 2010 et s’est étendue sur une période de deux semaines. Compte tenu de la situation actuelle de l’édifice sous une plantation privée, ces travaux n’ont pu s’effectuer que de façon partielle. Les efforts se sont essentiellement concentrés sur le dégagement des murs principaux. Dans la nef, les supports, les espaces qui les séparent et certaines zones ont été dégagés afin de déterminer la présence de piliers ou de colonnes et pour identifier le type de pavement. Ces travaux ont révélé un édifice important qui se distingue par un chevet particulièrement intéressant puisqu’il est constitué de trois absides saillantes, deuxième monument connu de ce type en Syrie du Nord après celui de la basilique orientale du sanctuaire de Qal‘at Sem‘an.
4Les pages qui suivent rapportent les résultats de ces travaux. La basilique et les vestiges qui l’entourent feront l’objet d’une description détaillée. Des parallèles seront ensuite établis afin de déterminer dans quelle mesure le monument s’intègre dans le développement architectural des églises d’Antiochène au vie s. L’appendice, par D. Feissel, est l’occasion de présenter six inscriptions grecques inédites localisées sur l’ensemble du site. L’une d’elles est gravée sur une borne d’asylie retrouvée en périphérie du site, non loin d’un chemin permettant d’accéder à la grande église de l’Est.
5L’essentiel des ruines s’étend sur un promontoire rocheux faiblement accidenté dont les contours sont définis, au nord, au sud et à l’ouest par des wadis aux versants escarpés (fig. 2).
Figure 2.
Vue générale du village depuis l’est (le cercle localise l’emplacement de l’église de l’Est)
B. Riba
- 13 G. Tchalenko a constaté une évolution semblable dans les villages du Massif Calcaire, notamment à t (...)
6À l’est, le village est dominé par le chaînon voisin, le Gebel Doueili, dont le sommet culmine à plus de 800 m d’altitude. L’étude détaillée de l’architecture et du décor de l’ensemble des constructions a permis de déterminer les principales phases d’expansion du village. Le site, occupé dès le iie/iiie s. par une population majoritairement pauvre, se distingue par de petites maisons précaires construites en double parement de moellons. Les premiers signes de prospérité apparaissent à partir du milieu du ive s. avec l’emploi de techniques de construction plus élaborées, la diffusion du portique devant les façades des maisons et un décor sculpté plus fréquent. Au cours du ve s., le nombre des habitations double quasiment par rapport à la période précédente, l’adoption du grand appareil s’étend à tous les bâtiments et le décor, plus riche, est désormais systématique 13. Cette croissance à la fois économique et démographique se poursuit jusqu’au milieu du siècle suivant, période à laquelle le village atteint son extension maximale. Les 70 maisons recensées sur le promontoire rocheux couvrent alors une surface de 10 ha. Au-delà de cette zone, un petit quartier d’habitations excentré est établi à une centaine de mètres plus au nord, de l’autre côté du wadi septentrional. Parallèlement à l’architecture domestique largement dominante, le village comprend deux ensembles ecclésiaux (fig. 3).
Figure 3.
Les ensembles ecclésiastiques du Sud et de l’Est
B. R.
7Le premier, qui occupe la frange méridionale de la zone habitée, se compose d’une basilique à trois nefs et à chevet rectiligne, d’une chapelle à nef unique et abside saillante, d’un bâtiment annexe et d’un grand réservoir d’eau. Le second, présenté ici, comprend les mêmes éléments à l’exception de la chapelle ; il s’inscrit dans l’axe du précédent à environ 75 m plus à l’est. Le secteur situé à 300 m au sud du village est occupé par un ensemble de petits bâtiments monastiques. La totalité de la surface construite de Kafr ʿAqab atteint alors 40 ha. La périphérie du village est ponctuée d’aménagements funéraires relativement variés en nombre équivalent à celui des maisons.
- 14 Un nombre important de ces blocs a été localisé dans les murs d’un fortin d’époque médiévale constr (...)
8Les bâtiments s’étagent sur les terrasses formées par les premières pentes du Gebel Doueili : le grand édifice associé au réservoir d’eau est dominé par la basilique établie en hauteur. Construit sur un terrain aisément accessible, cet ensemble excentré par rapport au village était propice à l’accueil des fidèles. L’église, seulement préservée à la hauteur des seuils de porte, est entièrement recouverte de terre. Aucun bloc effondré n’est resté sur son point de chute : la plupart ont été réutilisés dans diverses constructions au cours de la période médiévale 14 ; ceux qui n’ont pas fait l’objet de remploi ont été repoussés ou entassés aux alentours de l’édifice lors de la mise en valeur des terres par la paysannerie locale, installée dans la région essentiellement à partir de la seconde moitié du xxe s. Du bâtiment construit en contrebas n’apparaît plus qu’un long tronçon du gouttereau occidental ; celui-ci s’élève sur quatre assises régulières de blocs bien taillés. Le réservoir qui lui est associé demeure l’aménagement le plus complet ; seules quelques dalles de couverture ont été arrachées, laissant visibles les arcades qui les soutiennent et la partie inférieure rupestre sur laquelle les structures s’appuient.
Figure 4.
Plan de la basilique de l’Est (en gris, parties restituées ; en hachuré, zones dégagées
B. R.
- 15 En Antiochène, à l’image des maisons, les églises les plus anciennes (ive s.) étaient essentielleme (...)
9L’église présente un plan au sol de 32,80 m d’est en ouest sur 19,07 m du nord au sud. C’est une basilique à trois nefs séparées par deux rangées de quatre piliers : deux au centre et un pilier engagé à chaque extrémité. Le chevet se caractérise par trois absides saillantes. L’abside centrale est précédée d’un vaste espace rectiligne flanqué de part et d’autre des deux annexes. L’annexe méridionale ne communique pas avec le sanctuaire. L’église possède plusieurs portes : trois d’entre elles, pratiquées dans la façade sud, font face à chaque travée ; trois autres, aménagées dans la façade ouest, répondent chacune à une nef ; quant à la façade nord, seul l’accès correspondant à la travée occidentale a été dégagé. Toutes les portes possédaient deux battants. Les dimensions de l’entrée axiale de la façade ouest témoignent de son importance particulière 15. Le nombre des accès suggère la fonction de pèlerinage de l’église.
10Les bases des deux piliers nord, conservées in situ, diffèrent par leurs dimensions : celle de l’est est plus large que son homologue à l’ouest. Les bases des piliers méridionaux apparaissent moins nettement : la base orientale est partiellement conservée tandis que l’emplacement de celle de l’ouest n’est visible que par son négatif laissé dans le pavement. Ces supports très massifs devaient conférer une grande amplitude à l’espace intérieur de l’église par le biais des grands arcs qu’ils supportaient. Ce procédé permet d’atteindre un espace de 5,50 m entre les piliers. La nef principale est large de 8,25 m ; le bas-côté sud atteint 4,10 m, soit vingt centimètres de plus que son symétrique au nord. Les travaux effectués entre les piliers sud ont permis de mettre au jour les restes d’un pavement de mosaïque : à l’ouest et au centre les surfaces étaient recouvertes de motifs géométriques ; celle de l’est se différenciait par des rinceaux de vignes qui bordaient (ou couvraient ?) le bas-côté méridional.
- 16 Ces blocs disposés en boutisses sur l’assise inférieure à double parement mesurent 1 m d’épaisseur (...)
11Le sanctuaire occupe une place importante puisqu’il s’étend sur 11,60 m de long, soit un peu plus du tiers de la longueur totale de l’édifice. L’abside présente un diamètre de 8 m. Les extrémités de l’hémicycle se prolongent de façon rectiligne sur 1,5 m avant de rejoindre à angle droit, au niveau de l’emplacement des pilastres de l’arc triomphal, les murs latéraux du large espace quadrangulaire qui précède l’abside. Les deux assises conservées de la conque absidiale témoignent d’une technique de construction parfaitement maîtrisée (fig. 5) : l’appareil révèle une assise à double parement de blocs soigneusement taillés alternée avec une seconde formée d’une seule rangée de blocs disposés en boutisses 16.
Figure 5.
Vestiges de l’abside principale
B. R.
- 17 L’absence de synthronon invite à envisager l’existence d’un bèma syrien dans la nef comme le suggèr (...)
12Le parement des murs a bénéficié d’un ravalement minutieux. Un amoncellement de blocs au pied du mur extérieur de l’abside ne permet pas de contrôler la présence d’une éventuelle base moulurée. Aussi les vestiges, insuffisants ou inaccessibles à cet endroit, ne livrent aucune information sur le décor du chevet. L’état actuel de la surface intérieure n’apporte pas d’indications d’ordre liturgique excepté celle de l’absence de synthronon 17.
13Le sanctuaire est séparé de la nef par un type de clôture peu commun en Syrie du Nord. À l’emplacement des piliers et des plaques de chancel traditionnels se substitue un alignement irrégulier de petites encoches de section carrée (4 cm de côté) situé en bordure occidentale de la clôture. Plutôt qu’un placage de marbre, ce type d’aménagement évoque la mise en place d’une grille. L’ouverture centrée, large d’1,30 m, forme une avancée dans la nef (fig. 6).
Figure 6.
Ouverture de la clôture
B. R.
- 18 Le système d’ouverture devait être semblable à un petit portillon. Après l’avoir ouvert, les clercs (...)
14Elle se présente sous l’aspect de deux blocs insérés dans l’appareil, perpendiculaires à la clôture. Chacun porte à son extrémité la trace du logement d’un pilier qui permettait le maintien d’un panneau de bois amovible 18.
- 19 Larges de 4,10 m et longues de 7,90 m.
15Les annexes établies de part et d’autre de l’abside centrale sont identiques par leurs dimensions 19 et leur morphologie. Leurs absidioles (fig. 7), profondes de 2,40 m, ne s’alignent pas sur l’extrémité de l’abside principale ; celles-ci marquent un retrait de 3,50 m par rapport à cette dernière.
Figure 7.
Absidiole de l’annexe nord
B. R.
- 20 Cette observation est permise grâce à la présence d’un bloc de corniche moulurée retrouvé à proximi (...)
- 21 Ces linteaux ont été découverts dans la maison M. 37. Le premier présente une corniche à quart-de-r (...)
16Du côté extérieur, chacune était pourvue d’une corniche moulurée 20. Les deux annexes s’ouvrent de plain-pied sur les collatéraux correspondants. Ces accès à deux vantaux, larges de 1,36 m, étaient mis en valeur par un riche décor sculpté 21. La partie centrale de l’annexe sud (la seule ayant bénéficié d’un dégagement partiel) est séparée de son absidiole par une clôture dont la fermeture est indiquée par une entaille visible sur la base au sol. Cette annexe était entièrement pavée de mosaïques.
- 22 Les annexes de l’église évoquent notamment la chapelle située immédiatement à l’est de l’église mér (...)
- 23 Khoury 2005, p. 244, pl. 7 et 19.
17Les deux annexes sont semblables aux chapelles à nef unique et abside saillante connues dans la région 22. L’intégration de ce type de construction au chevet d’une basilique est très peu répandu en Syrie du Nord. L’exemple le plus proche, d’un point de vue à la fois morphologique et géographique, est celui de l’église méridionale de Banassara 23 qui comprend un martyrion aux caractéristiques analogues. Ce dernier demeure cependant l’œuvre d’un remaniement postérieur et reste le seul à présenter une absidiole. Par conséquent, la conception architecturale est différente de celle de l’église de l’Est où les annexes symétriques paraissent contemporaines de l’ensemble de la construction. C’est vers le sanctuaire de Qal‘at Sem‘an qu’il faut se tourner pour situer l’origine de ce type de plan. Pourtant, le parallèle n’est pas complet puisque les deux annexes sont précédées d’un espace fermé doté d’une porte, contrairement aux absides latérales de la basilique orientale de Saint-Syméon qui donnent directement sur la première travée orientale surélevée dans les trois nefs.
- 24 Les martyria dotés d’une abside sont connus dans les églises du Massif Calcaire. Les principaux exe (...)
- 25 En Antiochène le collatéral correspondant au martyrion est parfois plus large que celui axé sur le (...)
- 26 La communication entre l’abside centrale et le martyrion est un usage peu répandu en Syrie du Nord.
- 27 L’ouverture du martyrion par un arc se généralise à partir du deuxième quart du ve s. (Sodini 1989, (...)
18Aucun aménagement liturgique ne permet d’identifier avec précision la fonction des deux annexes. Selon les usages répandus en Antiochène, celle du sud pourrait être dédiée au culte d’un martyr 24 ; le collatéral méridional, légèrement plus large que celui du nord 25, et l’absence de communication entre la chapelle et le sanctuaire 26 en constituent des indices. Toutefois, l’absence d’arc surprend dans une région où ce type d’aménagement est devenu canonique à l’entrée des martyria 27. L’annexe nord, selon la tradition locale, a pu revêtir le rôle de diaconicon.
19Le pèlerin accédait au sanctuaire par le sud. L’un des chemins menant à Kafr ʿAqab aboutissait au sanctuaire avant même d’accéder au village proprement dit. Il débouchait sur une aire très vaste, prévue pour accueillir de nombreux visiteurs. La fonction d’accueil de cet espace est attestée par une concentration massive de petits aménagements pratiqués à même la roche qui affleure sporadiquement le sol sur l’ensemble de la surface (fig. 8).
Figure 8.
Encoches dans la zone d’accueil
B. R.
20La plupart de ces installations se présentent sous la forme de mortaises carrées, d’une quinzaine de centimètres de côté et de dix centimètres de profondeur ; un des côtés est percé d’un trou, formant ainsi un anneau dans lequel pouvait être glissée une longe afin d’y attacher une bête de somme. Des petits abreuvoirs rupestres sont disséminés çà et là. Parallèlement aux petits logements carrés, certains blocs isolés, de forme cylindrique, comportent un type d’aménagement similaire. Ceux-ci étaient facilement maniables et suffisamment lourds pour immobiliser un âne ou un mulet. D’autres anneaux grossièrement taillés dans le rocher avaient la même fonction. Les cavités carrées peuvent également avoir servi à loger un poteau de bois auquel il était possible d’attacher plusieurs bêtes à la fois lorsqu’il y avait foule, ou bien à tendre des toiles faisant office d’abris durant les périodes de grande chaleur. De petits escaliers rupestres étaient aménagés dans le but d’atteindre certains logements situés légèrement en hauteur. Cet espace, à l’entrée du village, sur un lieu de passage fréquenté, était sans doute aussi le théâtre de grands rassemblements et de diverses activités commerciales, notamment les jours de foire.
- 28 Notons que l’église méridionale du village est associée à un bâtiment comparable également placé à (...)
21En contrebas de la façade occidentale de la basilique apparaissent les vestiges d’un édifice annexe. Le plan partiellement dessiné au sol révèle une vaste construction rectangulaire qui semble avoir recouvert une surface de 728 m2. Le réservoir souterrain occupe l’angle sud-est de l’ensemble. Un tel bâtiment associé à l’église pourrait évoquer, comme les pères franciscains l’ont suggéré, un monastère semblable aux grands ensembles conventuels connus en Antiochène. Néanmoins, l’absence d’éléments essentiels de ce type de couvent, comme le portique enveloppant ou le tombeau collectif, ne milite pas en faveur d’un ensemble monastique. La construction annexe évoque plutôt les bâtiments d’habitation intégrés à l’intérieur de la plupart des complexes ecclésiastiques de la région 28.
22Le réservoir de grande capacité pouvait contenir environ 355 m3 d’eau. La partie inférieure, avec ses pilastres, est essentiellement rupestre. Une série de sept arcades soigneusement appareillées porte la couverture formée de larges dalles calcaires dont les extrémités reposent sur les parois latérales. Certains éléments de remploi (un fragment de fût de colonne et un pilier de chancel), pouvant provenir d’un édifice ecclésiastique, sont intégrés dans l’appareil, sous les dalles de couverture. Excepté ces réfections, l’ensemble de l’ouvrage témoigne d’un travail très soigné. L’intrados du claveau central de la quatrième arcade est marqué d’une croix gravée dont les deux branches verticales sont bifides.
- 29 Les pavements en opus sectile, très prisés durant le vie s., couvrent à cette période les sols des (...)
- 30 L’église appartient à la série des grandes basiliques à piliers de Syrie du Nord (Tchalenko 1953-19 (...)
23La situation de l’église en périphérie de l’agglomération, l’usage des piliers comme supports des arcs de la nef, la répartition des accès, le répertoire ornemental, l’alternance de la mosaïque et de l’opus sectile 29 conduisent à placer la construction de l’édifice au cours de la première moitié du vie s. L’élément le plus remarquable est à l’évidence le chevet à trois absides saillantes qui place le monument sous l’influence directe de Qal‘at Sem‘an. Ce dernier trait inscrit définitivement l’édifice dans la lignée des églises de pèlerinage 30 postérieures à la construction du grand sanctuaire.
- 31 Tchalenko 1979, p. 256-260 ; 1990, p. 163.
- 32 Tchalenko 1979, p. 289-293 ; 1990, p. 189.
24L’édifice présente en particulier certaines affinités avec deux d’entre elles : la basilique de Qalbloze 31 et celle de Bizzos à Ruweiha 32. En dehors de l’emploi des piliers comme supports des arcs de la nef, ces édifices présentent des analogies susceptibles d’éclairer le développement du sanctuaire dans les églises du vie s. (fig. 9).
Figure 9.
Évolution du sanctuaire des églises de pèlerinage : a. Église de Qalbloze ; b. Église de Kafr ʿAqab ; c. Église de Bizzos à Ruweiha. (a. D’après Tchalenko 1979, p. 260, fig. 423 ; b. B. R. ; c. D’après Tchalenko 1979, p. 289, fig. 472).
- 33 G. Tchalenko nomme ainsi l’espace qui précède l’abside de cette basilique (Tchalenko 1990, p. 163).
- 34 Cet espace évoque la « spacieuse plate-forme » observée par G. Tchalenko au même endroit dans l’égl (...)
25À Qalbloze, l’abside est pour la première fois précédée d’un « profond vestibule » 33 flanqué des deux annexes. Celui-ci, rattaché à la nef, est séparé du sanctuaire par un chancel aménagé sur la marche supérieure devant l’arc triomphal de l’abside. L’église de Kafr ʿAqab présente une organisation semblable mais l’abside est cette fois approfondie aux dépens du vestibule par l’avancée de la clôture qui se place désormais dans l’alignement des piliers engagés des arcades. L’espace quadrangulaire qui précède l’abside 34, couvert par le toit à double pente de la nef, n’est pas encore intégré à celle-ci comme il le sera plus tard à Ruweiha. Dans l’église de Bizzos en effet, l’unité de l’espace consacré au sanctuaire est désormais complète : la clôture repoussée vers la nef est accompagnée de l’arc triomphal qui marque le départ d’une grande voûte en berceau reliée au cul-de-four de l’abside. Les indices chronologiques observés dans l’église de l’Est et l’organisation de son sanctuaire situent celle-ci entre l’église de Qalbloze, de peu postérieure à Saint-Syméon, et celle de Ruweiha qui date de la période justinienne.
- 35 Ces églises sont celles de Turmanin, de Qalbloze et de Ruweiha dans le Massif Calcaire. Il faut ajo (...)
26Les vestiges de la basilique de Kafr ʿAqab sont trop insuffisants pour confirmer, à l’ouest de l’édifice, la présence d’un porche monumental pareil à ceux des grandes églises de pèlerinage de la Syrie du Nord 35. Cependant, parmi les éléments d’architecture qui délimitent actuellement la parcelle cultivée, se trouvent des blocs monumentaux de consoles et de piliers cruciformes qui suggèrent l’existence d’un tel dispositif. En revanche, aucun élément de portique n’a été relevé. La découverte, non loin de la basilique, d’un élément appartenant à un auvent laisse supposer que les accès, au nord et au sud, étaient précédés de ce type d’aménagement. Un dégagement sommaire effectué devant le seuil de la porte sud-ouest a aussi révélé l’existence d’un dallage. Celui-ci appartient certainement à une cour méridionale dont les contours restent à définir.
27Aucune trace d’un mur d’enceinte délimitant l’ensemble ecclésial n’a été localisée. Comme la plupart des constructions du sanctuaire, il est possible que celui-ci n’apparaisse pas en surface. Les éléments d’architecture alignés qui dessinent aujourd’hui les contours des surfaces cultivées pourraient en reprendre le tracé. Cette pratique est effectivement courante sur le site où les cultivateurs repoussent les éléments encombrants jusqu’au niveau des murs anciens qui définissent les limites du terrain exploité. Par ailleurs, l’emplacement de ces alignements de blocs, au nord et au sud de la basilique, correspond assez bien à l’espace attendu dans ce type de sanctuaire (fig. 3). La limite orientale est imposée par un front de taille élevé qui témoigne de l’emplacement d’une ancienne carrière localisée à une trentaine de mètres à l’est de la basilique. La limite occidentale se situerait aux environs du mur ouest du bâtiment annexe.
28La datation proposée pour la basilique s’accorde avec la découverte d’une borne d’asylie (fig. 10) située à environ 800 m au sud du sanctuaire.
Figure 10.
Borne d’asylie
B. R.
- 36 Voir appendice p. 233.
- 37 Théodoret de Cyr xxviii, p. 225-231 ; BHG 1709, p. 266.
- 38 BHG 1707, 1708, 1708 d.
- 39 Alpi 2010, p. 168.
- 40 HC 110, Brière, PO, t. 25, p. 782.
- 41 HC 110, Brière, PO, t. 25, p. 782 ; voir aussi Maraval 1985, p. 384.
- 42 On sait notamment que le patriarche s’apprête, en automne 514, à « visiter les saintes églises des (...)
29L’inscription qui la recouvre mentionne un droit d’asile octroyé sous l’empereur Anastase (491-518). Le nom du patriarche est illisible. L’asylie concerne les possessions de ce qui semble être deux ensembles ecclésiastiques 36. Il s’agit très certainement des deux complexes ecclésiaux proches l’un de l’autre, qui occupent la zone la plus accessible à la périphérie du village (fig. 3). La première église est probablement celle du sud, la seconde, placée sous le vocable de Saint-Thalélaios, est la grande église de l’Est. Le saint mentionné sur la borne n’est vraisemblablement pas l’ermite rencontré par Théodoret de Cyr dans les environs de Gabala, en Syrie Première 37. Un saint cilicien répondant au même nom 38 paraît mieux correspondre au contexte dans lequel la basilique de l’Est fut édifiée. On sait en effet qu’en 517 Sévère d’Antioche entreprit un voyage jusqu’à la ville portuaire d’Aigéai, dans la province de Cilicie IIe, afin de rencontrer le maître des milices Hypatios, neveu d’Anastase. Parallèlement à l’aspect politique du voyage se dégage le souci pastoral qui caractérise le patriarche 39. C’est ce dont témoignent deux homélies cathédrales prononcées à l’adresse des fidèles ciliciens. Celle qui nous intéresse célèbre le saint martyr local Thalélaios 40 ; Sévère fait l’éloge du saint thaumaturge et mentionne son tombeau « couronné tous les jours de nombreux miracles de guérison » 41. De telles vertus ne manquaient certainement pas de rassembler de nombreux pèlerins autour du martyrion dédié au saint. Aussi la grande dévotion qu’inspirait ce type de reliques, l’implication de Sévère envers ses ouailles et l’intérêt qu’il portait aux villages 42 pourraient être à l’origine de l’établissement d’un centre de pèlerinage voué au culte de saint Thalélaios dans le Gebel Wastani. Ce n’est là qu’une hypothèse mais le nom illisible sur la borne d’asylie pourrait bien être celui de Sévère puisque le patriarche est le seul, parmi ceux qui assurent cette fonction sous Anastase, à entretenir un rapport avec le saint martyr Thalélaios mentionné sur la borne. La construction d’un monument qui reprend le plan du chevet de Qal‘at Sem‘an pourrait également être perçue comme une façon d’asseoir, dans l’arrière-pays d’Antioche, ville plus ouverte à l’influence chalcédonienne, le courant monophysite qui gagne l’Antiochène à partir de l’accession au siège épiscopal de Sévère.
30Le sanctuaire de la basilique orientale de Kafr ʿAqab ajoute un nouveau grand centre de pèlerinage dans le Massif Calcaire de la Syrie du Nord. L’ensemble répond en effet aux critères attendus : l’emplacement du complexe ecclésial sur un site fréquenté, sa situation excentrée par rapport au village, la présence d’une vaste aire d’accueil et l’église proprement dite qui se distingue par sa position dominante, sa monumentalité, un décor de qualité et la singularité de son chevet.
- 43 Sodini 2010.
- 44 Biscop & Sodini 1987, p. 126, fig. 43.
- 45 Deux établissements de stylite sont connus dans ce secteur du Massif Calcaire : le premier se situe (...)
- 46 Biscop & Sodini 1987, p. 107-129 ; Sodini 2010, p. 317-318.
- 47 Khoury 2005.
- 48 Jusqu’à présent, les églises inspirées du modèle du chevet à colonne de la basilique orientale de Q (...)
31Le monument appartient à une période particulièrement dynamique au cours de laquelle de nombreux villages, alors en pleine croissance économique et démographique, sont dotés d’édifices ecclésiastiques d’une qualité remarquable. La ferveur religieuse qui règne dans les campagnes du Massif Calcaire est en grande partie stimulée par le succès du stylitisme. Cette pratique ascétique spectaculaire, à l’origine du prestigieux sanctuaire de Qal‘at Sem‘an, a largement favorisé les circuits de pèlerinage et contribué, dans une certaine mesure, à l’essor de l’Antiochène 43. Le Gebel Wastani ne fait pas exception. Un élan religieux intense anime en effet ce secteur où les communautés villageoises sont également les héritières du rayonnement spirituel de Syméon l’Ancien. La représentation d’un stylite sur une stèle découverte à Tourin 44 et l’établissement de deux stylites sur les hauteurs des crêtes orientales, dans le Gebel Wastani et à proximité immédiate 45, montrent que ce mode d’ascèse original était bien établi dans cette partie des campagnes. Aussi, les localités s’enrichissent de nouvelles églises inspirées des procédés architecturaux et ornementaux de Qal‘at Sem‘an, tandis que les basiliques plus anciennes, adaptées aux nécessités du moment, sont souvent remaniées par l’emploi de procédés analogues. La basilique de l’Est constitue un nouveau témoignage de l’impact du sanctuaire de Qal‘at Sem‘an dans le Gebel Wastani. Cette influence mise en évidence dans les églises de Tourin, de Fassouq 46 et de Banassara 47 s’étend au village de Kafr ʿAqab d’une manière plus inattendue puisque celle-ci se traduit par la réplique de la forme tri-absidiale du chevet 48. Ce plan ne fait plus du chevet de la basilique orientale de Qal‘at Sem‘an un cas isolé en Syrie du Nord 51.
32En conclusion, le sanctuaire de Kafr ʿAqab, directement relié à l’établissement du stylite de Khirbet el-Cherg, représentait une étape importante dans le circuit de pèlerinage du Gebel Wastani septentrional. La référence architecturale au sanctuaire dédié à Syméon l’Ancien, véritable symbole spirituel des campagnes du Massif Calcaire, est en accord avec la situation de l’ensemble ecclésial dans un secteur particulièrement propice à l’affluence des fidèles.
Figure 11a.
Inscription 1 : vue générale
B. R.
Figure 11b.
Inscription 1 : détail
B. R.
33Texte gravé sur le buste d’un homme stylisé. Sculpture rupestre attenante à un hypogée. H. 290 ; l. 106 ; lettres 9 à 12 cm.
Ἴσεις Μα-
καρωσα
ἄλυπε
χαῖρε.
Iseis fils de Makarôsas (?), toi qui n’as pas causé de peine, salut !
34Le nom Iseis (masculin d’après le relief funéraire) entre dans la série des théophores d’Isis, fréquents à Antioche (cf. D. Feissel, Syria 62, 1985, p. 97-98 et n. 66). Je n’accentue pas le patronyme, dont la formation est peu claire.
Figure 12.
Inscription 2
B. R.
35Linteau de porte d’une maison. L’élément, à terre, se trouve sur son point de chute. L’inscription en occupe la partie inférieure. Calcaire. H. 59 ; l. 217 ; ép. 52 ; lettres 4 cm.
Εἷς Θεὸς καὶ ὁ Χριστὸς αὐτοῦ ὁ βοηθῶν Εὐσεβίῳ καὶ Ἀντι-
οχ̣[ί]ας σὺμ τέκνοις ἔτους γνυ´ μηνὸς Πανέμ(ου) γ´.
L. 2 σὺμ au lieu de σὺν. Le premier chiffre de la date paraît bien être un gamma plutôt qu’un epsilon.
Un seul Dieu et son Christ, secourant Eusébios et Antiochia avec leurs enfants, l’an 453, le 3 du mois de Panémos.
Figure 13.
Inscription 3
B. R.
- 49 Ce type de chevet est plus répandu dans le patriarcat de Jérusalem et à Chypre. Jusqu’à cette décou (...)
36Linteau de porte en place, tourné vers le Nord, à l’entrée principale d’une maison appartenant au quartier ancien du village. L’inscription est gravée sur la bande biseautée de la moulure qui orne le linteau. Calcaire. H. 55 ; l. 198 ; ép. 49 ; lettres 4 cm.
Εἷς Θεὸς ὁ βοηθῶν. Ὦ Φθονέ, ἄπανξε.
L. 1 lire ἄπαγξαι. À la fin une feuille de lierre dont la tige est en forme de S.
Un seul Dieu qui secourt. Toi, l’Envie, va te pendre !
37Cette formule originale de protection contre l’Envie (Phthonos) est comparable à d’autres types d’imprécation : « que l’envieux soit mis en pièces ! » ou « que l’envieux crève ! » (en Syrie, en Palestine et en Égypte, voir D. Feissel, Chroniques d’épigraphie byzantine, Paris, 2006, p. 253, § 807). L’invitation à se pendre, allusion probable à la mort de Judas, se retrouve dans des inscriptions de Grèce sous la forme : « si tu es ami, salut ! si tu es ennemi, va te pendre ! » (à Athènes et à Élis, voir D. Feissel, op. cit., p. 6, § 16).
Figure 14.
Inscription 4
B. R.
38Linteau de porte en place, tourné vers l’ouest, à l’entrée d’une maison. Calcaire. H. 106 ; l. 272 ; ép. 45 ; lettres 2 cm.
[Χάρις ? Θ]ε[οῦ] καὶ τοῦ Χριστοῦ αὐτοῦ·
καὶ ὡ Θεὼς δώσι εἱμῖν πρωκρησία,
δώσι εἱμῖν ἀ-
να vacat
Aux l. 2-4, très mal orthographiées, lire : ὁ Θεὸς δώσῃ ἡμῖν προκρισίαν (au lieu de πρόκρισιν), δώσῃ ἡμῖν ἀνά(στασιν). On croit lire plus bas et plus à droite deux sigmas carrés (?), qui ne se rattachent pas au texte qui précède.
(La grâce ?) de Dieu et de son Christ ; et que Dieu nous donne la préférence, qu’il nous donne la ré(surrection) !
Figure 15.
Inscription 5
B. R.
39Linteau d’une porte de maison, tombé à terre et déplacé. Calcaire. H. 48 ; l. 209 ; ép. 80 ; lettres 7 cm.
Τούτῳ νίκα.
Par ce (signe), sois victorieux !
40Cette acclamation, inscrite ici au-dessus d’un grand christogramme sculpté au centre du linteau, se réfère au signe apparu à Constantin en même temps qu’une voix prononçait les mots inscrits (Eusèbe de Césarée, Vie de Constantin, I, 28). La variante τοῦτο νικᾷ (« ce signe est victorieux ») est plus commune : voir IGLS III, 365 ; 583 ; IV, 1404 ; 1437 ; 1907.
41Borne isolée en périphérie du village, environ 800 m au sud-est de la basilique de l’Est, non loin d’une voie menant au sanctuaire. Calcaire. H. 137 ; l. 48 ; ép. 42 ; lettres 5 à 6 cm.
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[.].ρια.[..] κ(αὶ) ὅροι τῆς [πα]ναγίας ἐκλησ(ίας) κ(αὶ) τ̣̣ọ [ῦ] [ἁ]γ(ίου) Θαλελέ- [ο]υ παρασχε- θέντα ..Κ Γ̣..ΑΓΙ ΧΟCΛ̣ΗΓ̣Α.Χ.C δεσπ(ότου) ἡμ̣[ῶ]ν Φ<λ>(αουίου) Ἀνασ̣τασ̣ίου Α[ὐγ](ούστου) ἐπὶ [τ]οῦ ἀρχιεπ[ι]σκό(που) ἡμ̣ [ῶν - - - - - - - - - - -] vacat †
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Lire l. 4 ἐκκλησίας, l. 5-6 Θαλλελαίου ou Θαλελαίου, l. 6-7 παρασχεθέντες. L. 9 ΦΑ au lieu de ΦΛ. L. 11 les lettres σκό ont été rajoutées plus haut, à la fin de la l. 10.
… et bornes de la toute-sainte Église et de Saint-Thalélaios, octroyées … de notre maître Flavius Anastase Auguste, sous notre archevêque …
42Ce bornage délimitait, semble-t-il, les possessions de deux établissements ecclésiastiques : « la toute-sainte Église », église du village à proprement parler, et l’église de pèlerinage décrite plus haut, placée sous le vocable de Saint-Thalélaios. Sur le culte de ce saint martyr de Cilicie et l’homélie de Sévère d’Antioche en son honneur, voir ci-dessus, p. 224-225. Il est vrai que la plupart des bornes d’asylie, comme on en connaît une douzaine au Proche-Orient et un peu plus en Asie Mineure, concernent un seul établissement. La seule délimitation comparable à la nôtre serait une inscription d’Épiphaneia-Hama (IGLS V, 2002, ma traduction) : « Bornes d’asile (des églises) de Notre-Dame Mère de Dieu et des saints Côme et Damien, délimitées… » (la suite est perdue). Bien que les éditeurs attribuent à la cathédrale d’Épiphaneia le double vocable de Notre-Dame et des deux martyrs de Cyrrhestique, l’emploi du verbe διορίζω, de lecture probable, invite au contraire à distinguer deux églises.
43La délimitation de Kafr ʿAqab est due à l’empereur Anastase (492-518), sous lequel d’autres bornes ont été ainsi « octroyées » (voir dans le Pont, SEG 47, 1691 ; à Cyr, IGLS I, 160). Après l’empereur était mentionné l’archevêque, à savoir le patriarche d’Antioche, dont le nom n’est pas conservé (de même la borne IGLS II, 618, datée de 554 sous Justinien, mentionne-t-elle le patriarche Domninos). Sous Anastase, le nom disparu doit être soit Pallade (490-498), soit Flavien (498-512), soit Sévère (512‑518).
Je remercie M. Al Maqdissi d’avoir permis et encouragé cette collaboration ainsi que W. Khoury pour son appui bienveillant. J’adresse également mes remerciements à J.-P. Sodini et Fr. Briquel-Chatonnet qui se sont chargés de la lecture du manuscrit. L’auteur remercie W. Khoury pour la traduction en arabe du résumé du présent article. D. Feissel est l’auteur de l’étude épigraphique de six inscriptions. Sa description des pierres repose sur les indications de B. Riba et sa lecture se fonde sur les photographies et, pour le texte no 6, sur un calque réalisés par B. Riba.